Financement des ecoquartiers
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Financement des ecoquartiers
Ministère de l'Egalité des territoires et du logement Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Service Energie, Climat, Logement, Aménagement Club Ecoquartier Alsace Le financement des écoquartiers fiche de synthèse séance du Club du 21 février 2012, organisée et animée par Alice Lejeune (DREAL Alsace) et Denis Crozier (CETE Est) ; présentation des conclusions de l’étude sur le financement des EcoQuartiers par Florence Menez (CETE Lyon) L'une des difficultés ressentie aujourd'hui pour la mise en œuvre des écoquartiers est le coût induit par une hausse des ambitions en terme de qualité et performance des constructions, une nouvelle exigence en matière d’aménagement, un changement des pratiques de projet. Ceci se traduit par exemple par la nécessité de privilégier le foncier disponible en cœur de ville afin de limiter l'étalement urbain. Or il est plus coûteux de faire dépolluer une friche industrielle en cœur de ville, ou de rénover des terrains déjà bâtis que d'artificialiser du terrain agricole. C'est pourquoi pendant des décennies on a privilégié cette solution, et la production standardisée du modèle pavillonnaire en extension, soit sous forme de lotissement soit de manière diffuse. Ce modèle urbain et financier offrait l’avantage de ne pas peser sur les finances publiques en terme d’investissement tout en assurant une vitalité économique au secteur de l'aménagement et de la construction de maisons individuelles. Mais ce modèle idéal connaît ses limites, de plus en plus perceptibles : - une augmentation du coût d’entretien des réseaux et voiries pour les collectivités, - un usage toujours croissant de la voiture individuelle, qui contribue à la dégradation du climat, - une fragilisation prévisible des ménages les plus modestes par l’endettement et l’éloignement des lieux de travail ou de loisir, - une érosion alarmante des surfaces de terres agricoles et naturelles, soumises à une pression foncière accrue lorsqu'il devient plus rentable pour un exploitant agricole de vendre du terrain que de produire. Pour parvenir à faire émerger des quartiers correspondant à un urbanisme plus équitable et plus écologique, les collectivités doivent pouvoir développer de nouveaux montages financiers. Les écoquartiers demandent une plus grande maîtrise des leviers financiers et économiques par la puissance publique. Il s'agit aussi de maîtriser l'ensemble du processus de conception et de réalisation. La création d'un écoquartier n'est pas une opération immobilière entièrement remise à des acteurs privés, c'est la mise en œuvre d'un ensemble de politiques publiques (performance écologique, réalisation de logements sociaux, offre d'équipement publics, etc..). Produire du logement à un prix de sortie abordable tout en intégrant un niveau d'exigence élevé sur d'autres composantes qui constituent l'intérêt général n'est pas une question simple qui trouve des réponses immédiates. D'où l'importance pour les collectivités de bien se positionner pour maîtriser le dialogue avec les acteurs privés, et de monter en compétence dans la maîtrise du processus du projet. Connaître son marché et adapter sa programmation Si on prend à rebours la construction du prix de vente on trouve le coût de commercialisation qui dépend de la marge du constructeur, des frais de publicité et des délais de commercialisation. En d’autres termes, il faut connaître le marché immobilier afin de construire une programmation au plus juste (prix et typologie). Au-delà du prix de vente au m², même si les acheteurs y restent attentifs, raisonner à partir du prix unitaire par typologie de logement peut permettre d’aborder la problématique financière sous un angle nouveau. Cela nécessite un travail architectural fin pour pouvoir réduire la surface du logement sans perdre en qualité d’usage (fonctionnalités, mutualisation de locaux, capacité d’extension future, etc.). De cette manière il est possible de réduire le prix de sortie sans toucher au prix de construction par m² habitable. Cela permet de sécuriser le projet immobilier et donc de pouvoir négocier au mieux avec les promoteurs, constructeurs ou bailleurs sociaux. Maîtriser le coût des constructions Si on revient plus en arrière encore, on trouve le coût de construction qui tend à augmenter compte tenu des niveaux de performances exigés. Pour jouer sur ce facteur il existe deux leviers de rationalisation des coûts, par une approche industrielle ou par la mutualisation. Pour le premier, il s’agit de mettre en œuvre des procédés de préfabrication ou travailler sur le calepinage (agencement avec précision des éléments constructifs) afin de faciliter le travail sur le chantier et limiter les déchets. Interroger les coûts d'aménagement et de viabilisation Si beaucoup d’efforts sont faits sur les coûts de construction à proprement parlé, l’aménagement et la viabilisation des terrains représentent une part substantielle dans le prix de sortie des logements par l’intermédiaire du calcul de la charge foncière (prix du foncier + coût de la viabilisation). Au delà de la question du coût des politiques publiques et de leur affectation dans le bilan d’aménagement, le coût d’aménagement est un levier d’action à ne pas négliger. D’un projet à un autre le prix des espaces publics peut aller du simple au septuple. Il y a donc un enjeu à rester modeste dans les aménagements sans soustraire à la qualité d’usage et à réutiliser le plus possible l’existant notamment dans le cas de friches. La composition spatiale du projet permet parfois de mutualiser des équipements (stationnement, chaufferie, etc.), de les rationaliser (gestion des eaux, entretiens des espaces verts, linéaire de voirie, etc.) et de favoriser des projets immobiliers innovants (approche bioclimatique, travaux de terrain limités). Cela demande des ajustements successifs entre le projet politique et le programme, entre le programme et la composition spatiale, entre la composition spatiale et les projets architecturaux. Penser le contenu du bilan d'aménagement Un bilan d’aménagement est presque toujours déséquilibré du fait des politiques sectorielles (logements sociaux), de la construction d’équipements publics (école, transport en commun, parc, etc.) ou d’un déséquilibre structurel (correction des effets du marché, dé pollution, etc.). Cette situation nécessite donc de s’interroger sur à qui fait-on payer ses investissements ? Est-ce que cela reste dans le bilan d’aménagement ou est-ce que cela en sort ? Est-ce compensé par des subventions publiques ou est-ce impacté sur la charge foncière ? Dans ce dernier cas, cela se traduira par une augmentation du prix de sortie ce qui risque de compromettre toute l’opération ou de se faire au détriment des ménages modestes ou intermédiaires. Cela demande de dépasser l’échelle spatiale de l’opération pour raisonner en terme de levier sur le territoire et l’échelle temporelle pour anticiper les coûts de gestion pour la collectivité. Maîtriser le foncier Au final, le premier élément, et donc le premier levier, qui impacte le prix de sortie est le coût du foncier au moment de son acquisition par le porteur de l’opération. Cela commence donc par l’estimation de la valeur du terrain. Il n’existe pas de prix fixe, le foncier se négocie en fonction de ses caractéristiques à un instant « t ». Le prix d’un terrain évolue donc dans le temps, notamment et en premier lieu en fonction de son zonage : terrains agricoles (N), terrains susceptibles d’être constructibles si modification ou révision du PLU (AU stricte), terrains ouverts à l’urbanisation sans révision du PLU (AU indicée) et les terrains urbanisés (U). Le prix peut dépendre également des contraintes qui pèsent sur le terrain : terrain inondable dont la constructibilité est limitée, terrain pollué qui nécessite un travail de dépollution, etc. Enfin, le fait de déclarer le lancement d’une opération d’aménagement fait immédiatement grimper la valeur foncière potentielle. Maîtriser la valeur foncière au plus juste demande donc une anticipation en amont de l’opération, ce qui peut se faire par l’intermédiaire d’acteurs fonciers (en particulier les Etablissements Publics Fonciers) ou par la collectivité elle-même. Par ailleurs, dans le calcul financier et économique qui doit être fait, au-delà de la valeur intrinsèque du projet il faut prendre en compte les coûts additionnels de dépollution ou d’investissement en terme de réseaux. Il paraît donc indispensable de s’interroger sur le recyclage foncier et sur la remobilisation du parc de logements vacants avant de privilégier l’extension. Conclusion : une réflexion en prix de sortie Produire du logement à un prix abordable pour les ménages modestes ou intermédiaires est un enjeu fondamental de tout projet d’écoquartier. Cela nécessite de penser le prix de sortie comme la somme des coûts à toutes les étapes du projet, depuis l’acquisition du terrain jusqu’à la commercialisation voire même en intégrant les coûts de gestion future du projet qui pèseront sur les ménages par l’intermédiaire des impôts locaux. Ce n’est ni une fatalité, ni un problème simple qui se résoud par une solution toute faite reproductible d’un projet à un autre. Cela demande de s'investir dans toutes les étapes du projet urbain et territorial : - Mettre en place une politique en anticipation des projets d’aménagements (PLU, politique foncière, etc...) - Arbitrer politiquement entre les coûts inhérents au projet lui-même et ceux issus de rééquilibrages du marché, de la politique sociale, qui peuvent conduire à réinterroger le périmètre de l’opération, à extraire certains coûts du bilan d’aménagement ou encore à les compenser par des subventions. - Coordonner les projets spatiaux et programmatiques pour optimiser et sécuriser le projet d’aménagement et les opérations immobilières. - Minimiser les coûts d’aménagements des espaces publics par des aménagements qualitatifs et modestes. - Accompagner les constructeurs (promoteurs, bailleurs sociaux, particuliers) pour leur permettre d’optimiser les coûts de construction (matériaux, techniques constructives, ajustement aux besoins, etc.). La question financière dans les écoquartiers fait ressortir avec encore plus de force la nécessité de repenser les pratiques opérationnelles ainsi que les échelles de temps et d’espace avec lesquelles nous envisageons l'aménagement du territoire. Encore une fois la maîtrise des processus, l’anticipation des besoins et attentes des différents acteurs (aménageurs, promoteurs, particuliers) et la cohérence de l’ensemble des choix sont au cœur de la réussite du projet. Du Club Ecoquartier Alsace au Club National Ecoquartier : faire avancer la réflexion La question financière est au cœur des débats qui animent aussi bien le Club National que Régional. Les enjeux de recyclage foncier conduisent à une hausse des prix du foncier qui représente une part de plus en plus prépondérante dans les bilans d’aménagement. S'y ajoutent l'ensemble des exigences de qualité des constructions (performance énergétique et utilisation de matériaux écologiques). Le Club EcoQuartier National a engagé plusieurs chantiers sur cette question. Le groupe de travail « financement » mène une réflexion pour produire un outil d’aide à la décision qui s’appuierait sur une approche renouvelée du bilan d’aménagement en intégrant notamment la notion de coût global. Une étude est également en cours sur l’auto-promotion, mode de production de logements alternatif à la promotion privée. Enfin, une base de données est envisagée pour permettre de favoriser la diffusion de l’information et l’échange entre collectivités.