Le nouveau paysage du financement du développement : le point
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Le nouveau paysage du financement du développement : le point
Le nouveau paysage du financement du développement : le point de vue des pays en développement Résumé Exécutif Des changements majeurs dans le paysage international de financement du développement ont ouvert de nouvelles possibilités et de nouvelles opportunités pour les pays en développement dans l’accès aux financements extérieurs au service de leurs objectifs de développement. Ces changements ont également créé de nouveaux défis et de nouveaux risques de gestion de ces flux. En prévision d'un nouveau cadre de financement du développement post-2015, la réunion de Haut Niveau (HLM) du Comité d'Aide au Développement (CAD) a chargé le Secrétariat du CAD de mieux définir ce nouveau paysage, du point de vue des pays en développement, en en y incluant tous les flux soutenus par des apports publics. Dans un premier temps, le Secrétariat du CAD a entrepris des études de cas au Ghana, au Sénégal et au Timor-Leste. Les études de cas ont été conçues pour explorer ce que signifie le nouveau paysage du financement du développement dans la perspective des pays partenaires, avec quatre objectifs principaux: Évaluer dans quelle mesure les pays partenaires ont accès aux financements du développement au-delà de l'APD, quels sont ces types de flux, et leur évolution au cours de la dernière décennie. Comprendre les priorités et les préférences des gouvernements en ce qui concerne le type de financements du développement qu’ils aimeraient recevoir, s’ils parviennent à atteindre leurs objectifs, et examiner dans quels cas un prêt est considéré comme concessionnel du point de vue du pays bénéficiaire. Déterminer si les gouvernements sont satisfaits de cette plus grande variété de choix et s’ils trouvent la gestion de ce nouveau paysage difficile. Étudier comment les gouvernements dialoguent avec les fournisseurs non traditionnels de financement du développement, et étudier l'efficacité et le caractère inclusif ou non des mécanismes de coordination de l’aide au niveau des pays. Une analyse d’économie politique a été appliquée pour répondre à ces questions. La démarche adoptée voit le processus d'engagement entre les gouvernements et les bailleurs de fonds ou d'autres fournisseurs comme une négociation, à la différence de la plupart des ouvrages sur l'économie politique de l'aide. Il met fortement l'accent sur l'importance du contexte économique et politique dans le pouvoir de négociation respectif des gouvernements et des pays donateurs et, donc, des résultats de ces négociations. L’Overseas Development Institute (ODI) et l’équipe de l'OCDE a interrogé des représentants gouvernementaux, des partenaires au développement et des représentants d'organisations de la société civile (OSC) au cours de missions de deux semaines dans chacun des pays. Les résultats des études de cas sont destinés à éclairer le débat entre les différents acteurs du développement sur les approches possibles dans la fourniture de financements du développement. Cela pourrait aider les pays en développement à élaborer des stratégies pour attirer et gérer les flux de ressources au-delà des financements concessionnels. Le point de vue des "bénéficiaires" pourrait 1 également alimenter la pensée conceptuelle en cours concernant une nouvelle mesure de suivi des flux entrants de ressources, ce qui permettrait d'améliorer le suivi au niveau des pays et la transparence des financements extérieurs dans le cadre de la stratégie de financement post-2015 en cours de définition. Bien que les études de cas menées sont simplement illustratives et ne sont pas nécessairement applicables aux différents contextes économiques, politiques et de gouvernance, les principales conclusions peuvent néanmoins être regroupées comme suit: Au cours des dix dernières années, les pays ont eu plus d'options de financement et plus d'espace de dialogue politique. Ce choix plus large est le bienvenu, et il semble que les avantages de disposer de plus d'options de financement l'emportent sur la complexité de la gestion de ces nouvelles ressources. La recherche de fonds additionnels sur la base de l’éventail de sources disponibles est une priorité pour les gouvernements, en particulier lorsque le développement des infrastructures (qui nécessitent des ressources importantes) est un pilier des stratégies de développement nationales. Les pays ont exprimé les mêmes opinions concernant les caractéristiques les plus appréciables des financements extérieurs du développement, en particulier les dons et les prêts. Ils apprécient la flexibilité de l’aide, l'utilisation des systèmes nationaux, la rapidité de fourniture de l’aide, et l'alignement sur leurs stratégies nationales. Lors de l'examen des conditions financières de la dette, un élément de don minimum de 35% de la valeur nominale de l'emprunt (la référence du FMI pour les pays à faible revenu) serait le critère dominant pour les ministères des Finances du Ghana et du Sénégal, lors de la recherche de financements de type projet. Toutefois, ces deux pays ont choisi de payer beaucoup plus cher pour des émissions d’euro-obligations et des prêts régionaux syndiqués offrant beaucoup plus de volume et de flexibilité. Timor-Leste utilise le rendement de ses réserves offshore comme un plafond pour ses taux d'emprunt. La gestion stratégique de ces choix fait encore défaut : les acteurs gouvernementaux sont confrontés à faire des arbitrages. Alors que le Timor-Leste est relativement déterminé dans ces choix parmi les différentes sources de financement disponibles, le Ghana et le Sénégal sont moins sélectifs, compte tenu de leur situation fiscale plus difficile. En outre, le renforcement des mécanismes de coordination et / ou l’implication des partenaires au développement nonmembres du CAD dans ces mécanismes, ne sont pas des priorités pour ces trois gouvernements, qui préfèrent généralement les canaux bilatéraux de dialogue et de négociations. Au niveau des pays, on sait peu de choses sur l'aide philanthropique, et le financement international du changement climatique semble être limité du fait d’une faible demande. Alors qu'il n'est pas surprenant que la plupart de l’aide fournie par les organisations philanthropiques ne transite pas par les systèmes gouvernementaux, les acteurs gouvernementaux, eux, ne se considèrent pas non plus comme engagés vis-à-vis de ces acteurs, et ont une information limitée, rare et anecdotique vis-à-vis de ce type de soutien. Les volumes de financement liés au climat sont principalement fournis via l'APD et sont considérés comme modestes. Il y a une demande importante de renforcement des capacités locales pour préparer et mettre en œuvre des propositions de financement. Bien que ces résultats ne peuvent être généralisés à tous les pays partenaires, ils fournissent des informations utiles à prendre en compte dans la définition d'une possible mesure statistique des flux entrants de ressources pour le développement. Cette mesure devrait: 2 Permettre aux pays partenaires d'avoir une approche plus stratégique dans la définition de leurs priorités de développement, par exemple en identifiant les secteurs sous-financés. Créer des incitations pour les donateurs à augmenter leur flux entrant de ressources au développement. Former un socle pour une meilleure évaluation de l'impact et de l'efficacité des différentes sources et instruments de financement du développement. Apporter une contribution positive aux discussions à venir sur la façon dont un système de mesure post-2015 peut fournir des informations plus complètes et transparentes sur les flux de ressources extérieures du point de vue des pays en développement. Figure n°1 : Les flux entrants de ressources pour le développement : Taxonomie émergente pour une mesure statistique du financement du développement de la perspective des pays en développement Instruments Concessionalité Financements Concessionnels Fournisseurs Dons (incluant l’assistance technique) Prêts concessionnels (valeur nominale) Prêts non-concessionnels (valeur nominale) Tous les acteurs identifiés dans la cartographie, à l’exception du secteur privé à but lucratif Prises de participations et autres instruments non-concessionnels (valeur nominale) Financements non-concessionnels Fonds privés mobilisés par l’intervention du secteur public au travers par exemple d’instruments d’atténuation du risque (valeur de l’instrument) Secteur privé à but lucratif Poste pour mémoire : IDE et autres flux privés Source: Secrétariat du CAD / OCDE. Une proposition est représentée dans la figure n°1, sur la base des principes suivants (et des résultats de l'étude de cas) : 1 Seuls les flux transfrontaliers seraient pertinents. Les coûts internes des donateurs (par exemple les dépenses administratives, le soutien aux réfugiés et les coûts imputés des étudiants) et l'allégement de la dette (comme proposé récemment par le Secrétariat du CAD1) seraient exclus de la mesure. Cette approche est similaire à celle adoptée dans la mesure déjà bien ancrée d’aide pays programmable (APP) du CAD, qui ne couvre que les flux concessionnels2. Les trois pays étudiés accordent de la valeur à l'assistance technique qu’ils considèrent comme une ressource Voir, par exemple, Hynes and Scott (2013). L’APP est une partie de l’APD brute bilatérale. L’APP mesure la proportion d’APD sur laquelle les pays bénéficiaires ont, ou pourraient avoir, une influence significative. Elle reflète l’aide qui implique un flux transfrontalier et est sujet à une planification pluriannuelle au niveau pays ou régional. Plusieurs études ont aussi montré que l’APP est une bonne estimation de l’aide enregistrée au niveau des pays (en excluant l’aide humanitaire). L’APP des agences multilatérales est mesurée en utilisant une méthodologie similaire. 2 3 importante pour le développement. Par conséquent, l'assistance technique serait incluse même si elle ne représente pas directement un flux financier transfrontalier. Les flux seraient évalués sur une base brute. Cette approche permettrait de s'assurer que la mesure statistique capte la valeur monétaire totale du financement fourni et reçu. Les pays d'accueil pourraient alors évaluer l'importance relative des différentes sources de financement, instruments, ou canaux utilisés. Les apports publics, les flux privés mobilisés par les interventions du secteur public et les ressources de la philanthropie privée seraient inclus. Les prêts seraient enregistrés à leur valeur nominale et classés soit comme concessionnels ou comme non-concessionnels. Pour les pays à faible revenu (PFR) la concessionnalité des prêts est généralement évaluée sur la base de la définition du Fonds monétaire international (FMI) avec un élément don minimum de 35%, calculée en utilisant un taux de remise de 5%. Pour les pays à revenu intermédiaire (PRI), la concessionnalité signifie généralement des conditions plus favorables que ce qu'ils obtiendraient sur le marché. Cependant, en vue d’évaluer la soutenabilité de leur dette, les pays évoluent actuellement, sous la supervision du FMI, vers une approche consolidée consistant à évaluer leur position de façon globale plutôt qu’en évaluant de façon individuelle les différentes opérations de prêts. Dans le contexte des études de cas, les pays ont adopté une approche au cas par cas pour évaluer l’éligibilité des prêts. Cependant, pour développer un système de suivi international, il sera important de s’assurer de la comparabilité entre pays sur cette dimension. Les mesures sont basées sur les instruments et pas sur les acteurs. L’un des enjeux dans un cadre post-2015 sera d'assurer une couverture suffisante de toutes les sources de financement. Beaucoup peut être fait dans les années à venir pour aider les pays en développement à tirer le meilleur parti des options de financement qui s'offrent à eux. Accroître la disponibilité et la transparence de l'information sur les ressources externes est une étape clé à cet égard - qui exigera la participation active d'un large éventail d'acteurs : • • • Les pays partenaires devront mener les débats dans la définition d'une mesure statistique des flux de ressources au développement, de sorte que cette mesure réponde à leurs besoins d'information. La mesure présentée dans ce document est une première tentative pour définir l'ensemble des informations pertinentes. Il devra être validé ou modifié par des consultations ouvertes avec les pays partenaires. En particulier, un effort devra être fait pour inclure le point de vue des pays en développement concernant les différentes options dans le système de mesure de financement du développement post-2015. La communauté internationale du développement devrait investir pour aider les pays partenaires à améliorer leur compréhension de ce paysage en pleine évolution, à renforcer leurs capacités à arbitrer les différentes options, et à gérer les risques afférents. Les fournisseurs d’aide, souverains ou non-souverains, devraient s'engager à fournir les informations nécessaires pour combler le déficit d'information actuel. Une plus grande collaboration entre les institutions et les acteurs du système international sera nécessaire pour identifier les différentes sources de données et les processus qui pourraient être utilisés pour informer cette mesure. Un rôle important donné aux Nations Unies sera un élément clé, parallèlement à la fourniture d'une expertise spécifique par un certain nombre d'autres organisations internationales. Les résultats des trois études de cas fournissent une série de questions pertinentes pour toute la communauté du développement post-2015 : les gouvernements des pays partenaires, les gouvernements donateurs, les institutions de développement bilatérales et multilatérales, la société civile et le secteur 4 privé. Il est important que des réponses soient trouvées à ces questions afin de façonner un cadre pérenne de financement du développement post-2015. L'OCDE a engagé un dialogue avec les pays en développement à ce sujet. L'atelier qu’il organise à Paris le 25 Juin 2014 sera une étape importante dans ce dialogue, avec des représentants de 25 pays en développement, des institutions de financement du développement (IFD), des organisations multilatérales, des donateurs souverains et d'autres. Une fois qu’une plus grande clarté et qu’un consensus seront disponibles concernant l'information pertinente du point de vue des pays partenaires, des travaux devront être menés en collaboration avec les institutions et les acteurs du système international tout entier. Ces travaux devront identifier les sources de données et les processus qui pourraient être utilisés pour informer la nouvelle mesure du financement du développement et pour assurer une gestion transparente du programme de financement du développement post-2015. Les participants aux discussions de l'atelier de l'OCDE aborderont les questions suivantes au travers de 3 sessions: Session 1: La capacité des pays à accéder, utiliser et gérer les différentes sources de financement du développement • • • Comment les pays en développement peuvent-ils mieux planifier et gérer le nombre croissant des sources de financement à leur disposition ? Dans quelle mesure les pays partenaires peuvent-ils accéder aux sources moins traditionnelles de financement du développement, et quelles sont leurs préférences ainsi que les défis et les opportunités dans la gestion de cette nouvelle complexité? Comment le système international peut-il mieux faciliter cette évolution, en termes de renforcement des capacités nationales pour optimiser les différents arbitrages et la gestion des risques, en prenant en compte une gestion durable de la dette ? Session 2 : L’architecture et la taxonomie du financement du développement du point de vue des pays partenaires - et une nouvelle mesure proposée pour les apports de ressources extérieures au développement • • • • L'architecture proposée et décrivant le financement extérieur du développement dans la perspective des pays partenaire est-elle utile? Est-ce qu'elle reflète les réalités actuelles? La taxonomie proposée - et la mesure statistique qui en serait dérivée – permettrait-elle une meilleure transparence des flux de ressources (et des conditions correspondantes) et permettrait-elle aux pays en développement de mieux gérer la diversité des acteurs et des instruments à leur disposition? Comment la communauté internationale peut-elle aider à améliorer l'information et la compréhension pour les pays partenaires du paysage de financement du développement, et à renforcer la capacité à optimiser les choix, à gérer les risques et les différents arbitrages à réaliser? Quelles sont les implications d'avoir une nouvelle mesure de la transparence et de la redevabilité, mesure dont les parties prenantes, les acteurs du développement et le leadership politique auront besoin pour le monde de l'après-2015? Session 3: Un cadre de responsabilité et de redevabilité du financement du point de vue du pays partenaires: données, informations statistiques et capacité des acteurs • 5 Comment un cadre de suivi post-2015 peut-il être conçu, et les données nécessaires collectées, pour assurer que les données couvrent toutes les sources de financement, y compris des fournisseurs non traditionnels? • • 6 Comment la communauté internationale peut-elle aider à renforcer la compréhension de ce nouveau paysage du financement du développement par les pays partenaires? Comment le système international peut-il mobiliser la volonté politique de tous les acteurs partenariat post-2015 pour colleter et fournir aux pays partenaires les informations sur les financements qui leur sont fournis ?