Une supercherie : l`invention du Célérifère

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Une supercherie : l`invention du Célérifère
Une supercherie : l’invention du Célérifère
La liberté, le bonheur et la santé
Ça tient en un mot, oui c’est le vélo !
Il y a longtemps déjà
Bien avant ma grand’mère
Monsieur Sivrac inventa
Le célérifère.
Un guidon sur un bout’d’bois
Et deux p’tit’s roues en fer
Il avançait toujours droit
Les deux pieds par ter’
………
Ainsi commence la chanson enfantine de Gérard Dalton.
L’ancêtre du vélo serait-elle donc une invention française
comme on peut parfois encore le lire dans certains ouvrages ?
En réalité, le premier vélocipède est inventé par un jeune
baron allemand, Karl Drais, qui dépose en France un brevet
d’importation pour une machine qu’il appelle draisienne.
Karl Drais
Alors d’où vient la supercherie ?
En 1890, un certain Louis Baudry
de Saunier se passionne pour ce
nouveau mode de déplacement
qu’est le vélo.
Mais la guerre de 1870 est passée
par là et l’humiliation de la défaite
est présente dans tous les esprits.
Alors, Louis Baudry de Saunier, dans une
« Histoire générale de la vélocipédie » parue en
1891, trouve plus valorisant pour la nation de faire
remonter l’invention en 1790 et de l’attribuer à un
Français.
C’est facile. Il suffit de créer un inventeur fictif : le
comte de Sivrac.
Il ne reste plus qu’à dessiner les plans de l’engin
qui va devenir l’ancêtre de la draisienne et de
l’appeler célérifère (du latin « celer », rapide, et
« ferre », porté) que l’on peut traduire par
« porteur rapide ».
Les plans de Louis Baudry de Saunier montrent un
engin qui ressemble beaucoup à la draisienne.
Comme la draisienne, c’est une « machine à courir »
en bois, sans pédales et sans freins, dotée de deux
roues mais qui ne permet pas, en revanche, de faire
pivoter la roue avant comme la draisienne, ce qui la
rend pratiquement inutilisable.
Les musées nationaux ne possédant pas cette machine
(et pour cause !) en fabriquèrent alors d’après les plans
de Louis Baudry de Saunier. C’est ce qui explique
qu’on peut admirer de nos jours des copies de ce
fameux célérifère dans certains musées.
Louis Baudry de Saunier a pensé peutêtre que l’imposture ne serait jamais
découverte en s’inspirant d’un brevet
d’invention de 1817 pour une « voiture
publique dite célérifère ». L’inventeur,
réel celui-là, s’appelait Jean-Henri
Siévrac mais ce célérifère, comme on
peut le voir sur le document d’époque cicontre, ne ressemblait en rien à un
« deux-roues » puisque c’est une voiture
à cheval.
La supercherie n’est découverte que dans
la deuxième moitié du XXe siècle et
n’est apparemment pas arrivée aux
oreilles de Gérard Dalton qui, par
ailleurs, a fait une très belle chanson
enfantine accompagnée de façon
entraînante par l’accordéon et que je vous
conseille d’écouter sur Internet :
http://www.musicme.com/GerardDalton/titres/Le-Velo-t345837.html
Il était aussi très tentant de faire remonter
l’invention de l’ancêtre de la bicyclette
encore plus loin, par exemple pourquoi
pas en donner la paternité au génial
Léonard de Vinci ?
Ce dernier aurait même pu inventer d’un
coup, d’un seul, le vélo avec une
transmission par chaîne avec pédalier,
pignon et même manivelles et pédales
pour faire bon poids !...
Le vélo de Léonard ?
Et ce dessin figure bien sur ses feuillets mais il ne date
pas de 1493 mais de la fin du 19ème siècle ou du début du
20ème.
Etant de nature assez sceptique, je pense qu’à cette
époque Léonard était trop raide pour pouvoir encore
dessiner. Mais cela n’engage que moi.
J.C.Lagache