RDI 2015 p.251 Hugues Périnet-Marquet, Professeur à l

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RDI 2015 p.251 Hugues Périnet-Marquet, Professeur à l
RDI
RDI 2015 p.251
L'impact de la réforme du droit des contrats sur le droit de la construction
(1)
Hugues Périnet-Marquet, Professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris 2)
L'essentiel
La réforme du droit des contrats va inévitablement impacter le droit de la construction. Même si elle n'entraînerait pas de
bouleversements profonds, elle devrait, sur un certain nombre de points, apporter des inflexions significatives.
Le projet de loi de simplification présenté par le gouvernement le 27 novembre 2013 a mis plus d'un an pour aboutir à la
loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures alors que, pourtant, la procédure accélérée avait été choisie.
Manifestement, d'une part, ce projet de loi n'apparaissait pas comme une priorité absolue et, d'autre part, des
désaccords récurrents entre l'Assemblée nationale et le Sénat ont retardé sa mise en oeuvre. L'un des points de conflit
portait sur son article 3 et sur la réforme du droit des obligations. Les deux assemblées se rejoignaient pour dire que
cette réforme était nécessaire, mais le Sénat considérait qu'elle ne pouvait être conduite que dans le cadre d'un véritable
processus législatif complet permettant aux parlementaires d'y prendre toute leur place. Ce point de vue était partagé
par un certain nombre de députés, mais, à la demande du garde des Sceaux, la majorité de l'Assemblée nationale se
prononça en faveur de la procédure par ordonnance. Ce fut finalement ce point de vue qui l'emporta. La loi de
simplification permettant l'habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions réformant le droit des
obligations fut donc adoptée et promulguée après une tentative vaine de contestation du recours à l'ordonnance devant
le Conseil constitutionnel (2).
Le débat n'est pas, pour autant, clos, car les sénateurs et certains députés ont d'ores et déjà annoncé qu'ils seraient
très vigilants lors de la ratification de l'ordonnance.
L'ampleur du travail préparatoire réalisé par les commissions Catala et Terré, la mise en débat d'un premier projet
présenté par la Chancellerie, puis d'un second en octobre 2013, ont conduit à la présentation, début mars, d'un projet
d'ordonnance que l'on peut imaginer très proche du texte définitif et qui est soumis à concertation publique jusqu'à fin
avril 2015.
L'intérêt et la nécessité de cette réforme des obligations ne faisaient, à vrai dire, pas de doute. Nombre de dispositions
n'avaient pas été modifiées depuis 1804 et ne correspondaient plus ni à l'arrière-plan du droit ni à celui des évolutions
contractuelles (3).
Même si l'expression, désuète, a été supprimée, le bon père de famille avait été considéré par les rédacteurs du code
comme l'archétype du cocontractant moyen. Prudent, diligent, réfléchi, il était doté d'un patrimoine suffisant pour faire
contrepoids à son cocontractant. Le code civil n'avait donc pris en compte, ni l'ouvrier du XIXe siècle, ni le prolétaire de
l'entre-deux guerres, ni bien sûr le consommateur apparu il y a moins de 50 ans. Il ignorait également la concentration
des moyens de production, la consommation de masse, tout comme la mondialisation. Cela ne signifie pas que le droit
n'avait pas pris en compte ces différents éléments, mais la modernisation du droit des contrats s'était faite, pour
l'essentiel, en dehors du code civil. Les codes de commerce, de la consommation, de la construction, des assurances
avaient créé de nouveaux contrats spéciaux qui, souvent, mettaient à mal certains des principes fondateurs du code civil.
La jurisprudence elle-même avait très légitimement interprété de manière constructive et dynamique les dispositions du
code civil. Le droit des contrats et des conventions est donc aujourd'hui adapté à la modernité mais il n'est plus contenu
dans le code civil et cette distorsion, de plus en plus flagrante, entre le contenu et le contenant de ce code emblématique
devenait insupportable.
La réforme est donc bienvenue d'autant que, à lire le projet présenté, elle est à la fois bien écrite et raisonnable dans ses
objectifs. À une époque où les remises en cause et les abrogations sont à la mode, le législateur se contente d'améliorer,
de peaufiner, de clarifier, sans remettre en cause les fondamentaux du droit français des obligations (sauf la cause !),
peaufinés par l'histoire et qui ont fait leurs preuves avec le temps. Sans qu'il ne s'agisse d'une réécriture à droit constant,
loin de là, l'avant-projet ne bouleverse donc pas la matière. Cela ne l'empêche pas de comporter un certain nombre
d'innovations non négligeables, dont certaines font déjà couler beaucoup d'encre, et cela tant dans le domaine du droit
des contrats au sens strict que dans celui du droit des obligations.
Cette réforme ne se préoccupe pas directement des contrats spéciaux. Mais elle les affecte tous et aura donc des effets
variables sur les différents secteurs économiques. Celui de la construction n'échappe pas à la règle.
L'objet de cette étude se cantonnera au seul droit des contrats (art. 1101 à 1237-1). Ne seront donc pas étudiés les
effets de la réforme du régime des obligations. De plus, il ne saurait s'agir que d'un premier regard, nécessairement
partiel et sommaire au regard du volume et de la richesse des textes proposés.
Dans ces limites, seront distinguées classiquement les conséquences des règles contenues dans le projet d'ordonnance
sur la conclusion et sur l'exécution des contrats relatifs à la construction.
L'impact du projet de réforme sur la conclusion des contrats de construction
La nouveauté qui fait le plus réagir est certainement la suppression de la cause comme condition de formation du contrat
(4). Cependant le législateur a estimé que cette notion, trop vague, pouvait être source d'insécurité et qu'elle n'était
plus nécessaire à partir du moment où ses effets étaient repris dans d'autres dispositions. Et, effectivement, un certain
nombre de nouveautés en matière de protection du consentement ou de caducité permettent de pallier les effets de la
disparition de la cause. Il en va de même, d'ailleurs, de la prise en compte des comportements unilatéraux abusifs.
L'impact du renforcement de la protection du consentement
La jurisprudence classique faisait déjà peser une obligation de renseignement et de conseil sur les deux cocontractants,
considérant même parfois le profane comme débiteur d'informations à l'égard d'un professionnel (5). Les dispositions du
projet présenté consacrent ce devoir d'information bilatéral qui transcende largement les rapports consommateurs-
professionnels (6). Même si la solution n'est pas nouvelle, sa généralisation constitue une nouveauté au regard de la
présentation, souvent consumériste, qui est faite du devoir d'information et de conseil. Elle ne devrait pas avoir d'impact
significatif en droit de la construction. Certes, la jurisprudence met légitimement l'accent sur l'obligation d'information et
de conseil du professionnel (7). Mais elle n'exonère pas le maître d'ouvrage de toute obligation en la matière dans la
mesure où ce dernier doit mettre à la disposition du professionnel les informations importantes qui sont en sa possession
(8). Seule peut être source d'incertitude la notion de « confiance mise dans le cocontractant » qui apparaît assez
subjective comme base de l'obligation d'information.
L'article 1132 du projet bilatéralise expressément l'erreur en indiquant que celle-ci « est une cause de nullité relative,
qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie ». Il reprend une jurisprudence ancienne car, dès 1930, la Cour
de cassation avait admis que l'erreur puisse s'appliquer à la prestation de chacune des parties (9). Cette consécration
est-elle de nature à réduire la portée de l'article 1793 ? Autrement dit, l'entrepreneur ayant contracté à forfait pourrait-il
se prévaloir des erreurs qu'il a pu commettre sur l'appréciation de sa propre prestation ? On peut en douter fortement.
D'une part, toute erreur sur la valeur est exclue par le futur article 1135. D'autre part, l'erreur, même sur sa propre
prestation, doit être excusable selon l'article 1131 et a priori, l'entrepreneur professionnel ne sera pas considéré comme
excusable s'il a mal calculé ses coûts, notamment à cause de difficultés liées au sol, qu'il aurait dû découvrir (10).
L'impact de la conception large de la caducité
L'alinéa 1 er de l'article 1186 du projet précise qu'« un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments
constitutifs disparaît. Il en va de même lorsque vient faire défaut un élément extérieur au contrat, mais nécessaire à son
efficacité ». Ainsi, le consentement peut disparaître à l'issue de la période pour laquelle il a été donné dans une promesse
unilatérale par exemple. L'objet du contrat peut également faire défaut, faisant perdre toute possibilité d'exécution au
contrat. Mais l'un des éléments traditionnels de caducité était la perte de la cause (11). La disparition de cette notion
dans le projet permettrait-elle encore à cette jurisprudence de prospérer ? On peut le penser tant l'article 1186 semble
inspiré par la volonté de pallier la suppression de la cause. Il sera intéressant de voir, par exemple, si la disparition des
autorisations d'urbanisme peut constituer l'élément extérieur venant à faire défaut.
L'article 1186 va d'ailleurs plus loin que le droit positif en la matière. Son alinéa 2 précise qu'« il en va encore ainsi lorsque
des contrats ont été conclus en vue d'une opération d'ensemble et que la disparition de l'un d'eux rend impossible ou
sans intérêt l'exécution d'un autre. La caducité de ce dernier n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle
est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ». Il permet la prise en
compte implicite d'une cause extérieure au contrat, alors que traditionnellement celle-ci était enfermée à l'intérieur de
chaque relation contractuelle, même si la jurisprudence l'avait appliquée souplement dans les ensembles contractuels,
dès lors du moins que les contrats apparaissaient comme un ensemble contractuel indivisible (12). Cette consécration
de la caducité dans les ensembles contractuels, sans référence expresse à une exigence d'indivisibilité, pourrait avoir un
impact non négligeable en droit de la construction, dans les opérations immobilières complexes mais pas seulement. On
en prendra plusieurs exemples.
Le premier consiste dans les contrats de sous-traitance. Si le contrat de sous-traitance de premier rang est annulé pour
violation de l'article 14, c'est-à-dire pour défaut de fourniture au sous-traitant d'une garantie principale de paiement, ce
sous-traitant ne pourra-t-il pas invoquer la caducité du contrat le liant au sous-traitant de deuxième rang ? La même
remarque pourrait être faite dans les contrats de sous-traitance du contrat de construction de maison individuelle dans
l'hypothèse fréquente où un tel contrat se trouve annulé pour violation des règles de protection du maître d'ouvrage.
Dans les deux cas, les sous-traitants pourront difficilement soutenir qu'ils ne connaissaient pas l'existence du marché
annulé. De même, la nullité d'un contrat de vente d'immeuble à construire pourrait entraîner la caducité des contrats
d'entreprise nécessaires à l'édification du bâtiment vendu, tout comme celle d'un bail en l'état futur (et vice versa).
Le second tient au financement des opérations de constructions. À l'heure actuelle un lien légal entre le contrat de
construction et celui de prêt n'est créé que par la loi Scrivener II, laquelle suppose la présence d'un consommateur face à
un professionnel (13). L'article 1186, alinéa 2, permet une caducité des contrats liés, même entre professionnels, et
ouvre donc des perspectives nouvelles pour les constructeurs, même s'il plongera sans doute les banquiers dans une
certaine perplexité.
Or, l'article 1187 précise que la caducité « met fin » au contrat entre les parties, ce qui a priori exclut la rétroactivité. Elle
peut donner lieu à restitutions. Ces restitutions, toutefois, ne placeront pas les cocontractants dont le contrat est devenu
caduc par contagion, dans la situation qui aurait été la leur si le contrat s'était normalement déroulé. En effet, elle n'aura
pas pour effet de donner aux cocontractants dont le contrat s'arrête brutalement tout ou partie du bénéfice qu'ils
auraient pu en escompter, mais plutôt, à lire les articles 1353 et suivants du projet, à leur éviter des pertes.
L'impact de la réglementation des comportements unilatéraux
Le projet de réforme s'intéresse beaucoup à l'unilatéral, même dans les contrats synallagmatiques, soit pour le combattre
soit pour l'encourager.
La protection contre les comportements unilatéraux abusifs
L'article 1169 du projet précise qu'« une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur la définition de l'objet du contrat ni sur l'adéquation du prix à la
prestation ». Les clauses abusives font donc leur entrée dans les conditions de formation du contrat, ce qui à ce niveau
de généralité est une nouveauté certaine. L'abusif étant, à bien des égards, ce qui paraît sans cause, on ne peut que
constater que le projet tente de pallier, une nouvelle fois, la disparition explicite de la notion de cause.
Sont reprises ici certaines des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation sauf que, dans ce texte, le
domaine des clauses abusives est à un certain nombre d'égards plus restreint. Le texte se rapproche plutôt de l'article L.
442-6 du code de commerce, I, 3°, qui considère qu'« engage la responsabilité de son auteur le fait : 2° de soumettre ou
de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et
obligations des parties (14) ».
Se trouve ainsi généralisée une interdiction de clauses abusives qui s'appliquait déjà dans les relations entre
professionnels et consommateurs ou dans les relations des professionnels entre eux. On pourrait donc en déduire qu'elle
n'aurait d'impact réel que dans les relations entre particuliers et qu'elle serait donc extérieure à notre matière puisque les
contrats de construction et d'assurance sont rarement passés entre particuliers. Mais on peut néanmoins se demander si
l'insertion de ce principe n'aura pas un impact sur la vision judiciaire des clauses abusives.
Tout d'abord, compte tenu de l'absence, dans l'article 1169, des exceptions posées au code de la consommation, le
champ d'application des clauses abusives paraît, en la matière, plus large et, comme on ne peut admettre que le droit
spécial du consommateur soit moins protecteur que le droit général, le juge pourrait être tenté de privilégier la
formulation du code civil, même entre consommateurs et professionnels.
Mais, à l'inverse, même si l'aura du code civil pourrait pousser certains juges à plus de zèle dans l'appréciation du
caractère abusif des clauses, pour l'instant, la Cour de cassation se montre très prudente et elle privilégie ce que certains
appellent la vision économique du contrat sur sa dimension sociale. Ainsi, en droit de la construction, elle a validé dans le
secteur protégé de la vente d'immeuble à construire des clauses somme toute raisonnables quant à l'appréciation de la
force majeure (15). Elle a même admis, en matière de défaut de conformité apparent, qu'un délai de trente ans puisse
être réduit à un mois sans que cette diminution ne soit, même à l'égard d'un consommateur, considérée comme abusive
(16). L'article 1169 ne devrait donc pas bouleverser le droit de la construction.
On doit s'interroger, également, sur l'impact de l'article 1142 qui précise qu'« il y a eu violence lorsqu'une partie abuse de
l'état de nécessité ou de dépendance dans laquelle se trouve l'autre partie pour obtenir un engagement que celle-ci
n'aurait pas souscrit si elle ne s'était pas trouvée dans cette situation de faiblesse ». La sanction est ici plus sérieuse
puisque l'abus de faiblesse, étant assimilé à une violence, est une cause de nullité du contrat dans son entier qui pourrait
être mise en oeuvre dans les cinq ans suivant la fin de l'abus.
La nouveauté n'est pas totale. Là encore, le code de commerce comprend des dispositions similaires puisque l'article 4202, alinéa 2, de ce code précise qu'« est prohibée, dès lors qu'elle susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure
de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance
économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ». Mais la dépendance doit alors être
véritablement économique. Elle doit découler de la position des entreprises sur le marché (17). L'abus de faiblesse
existe également à l'article L. 122-8 du code de la consommation, lequel le soumet à des conditions précises (18).
Mais son entrée dans le code civil en consacre une notion large et non conditionnée, s'appliquant quels que soient les
cocontractants et qui pourra donc être largement interprétée par le juge. Celui-ci, notamment, ne se sentira plus lié par
les conditions strictes imposées par le code de commerce. Là encore, tout dépendra de la position de la Cour de cassation
qui, jusque-là, s'était montrée pour le moins rétive à tenir compte de l'état de dépendance économique (19), lequel
d'ailleurs, n'était pas expressément mentionné aux actuels articles 1111 et 1112 sur la violence. Mais cet alignement du
droit français sur les conceptions européennes pourrait modifier en profondeur le sens de la jurisprudence.
Ces évolutions pourraient toucher certains aspects du droit de la construction. Il est vrai qu'en matière de contrat
d'assurance, ces différents types d'abus seront relativement difficiles à prouver dans la mesure où, en assurance
construction, le refus abusif de l'assureur ou sa tarification trop élevée peuvent faire l'objet d'un recours devant le Bureau
central de tarification et on imagine mal que les décisions du Bureau central de tarification puissent être considérées
comme abusives. C'est donc plutôt dans les contrats de construction eux-mêmes que l'abus pourrait se développer et l'on
pourrait donc peut-être avoir quelques surprises dans le droit de la sous-traitance qui est souvent synonyme de
dépendance économique. Le contentieux civil de l'urbanisme pourrait également être affecté. La Cour de cassation vient
d'ailleurs de reconnaître la violence en matière de transaction suite à un recours abusif contre un permis (20).
La reconnaissance de la validité de certains comportements unilatéraux
Reconnaître la force de comportements unilatéraux dans les contrats synallagmatiques pourrait paraître assez
surprenant. De ce point de vue, tout unilatéral pourrait sembler, dans un contrat synallagmatique, systématiquement
abusif et, d'ailleurs, dans la liste des clauses abusives figurant au code de la consommation, le comportement unilatéral
du professionnel tient une large place (21). Mais l'avant-projet de réforme du droit des obligations n'est pas, en la
matière, révolutionnaire en permettant une fixation unilatérale du prix.
La Cour de cassation a décidé, en effet, il y a près de 20 ans, dans quatre arrêts d'assemblée plénière du 1 er décembre
1995 (22), relatifs à des contrats de franchisage, ou à des conventions à exécution successive, que, sauf dispositions
légales spéciales contraires, le prix d'un contrat pouvait être fixé par un seul des contractants, la seule limite étant l'abus
dans la fixation du prix. Leur simultanéité montrait la volonté de créer un principe général, ressenti comme tel par la
doctrine, et la capacité de la Cour de cassation d'infléchir les principes du droit des contrats.
L'article 1163 du projet
(23)n'est donc pas une avancée, mais, à certains égards, un encadrement de cette
jurisprudence puisque cet article est inséré dans une sous-section sur le contenu du contrat et n'admet la fixation
unilatérale du prix que dans le cadre des contrats à exécution successive et si celui qui l'utilise peut justifier le montant
choisi en cas de contestation. De plus, en cas d'abus, mais ici l'abus semble bien être la fixation d'un prix économiquement
non pertinent, le juge se trouve doté des plus larges pouvoirs puisqu'il peut non seulement résoudre le contrat ou
octroyer des dommages et intérêts, mais également réviser le prix en considération des usages, des prix du marché et
des attentes légitimes des parties. Ces dispositions paraissent étrangères au droit de la construction qui ne comprend
pas de contrats à exécution successive, sauf la très rare location-vente et le bail à construction même si, en pratique, la
fixation unilatérale du prix y paraît difficilement imaginable. Elles pourraient, en revanche, régir les contrats d'assurance, y
compris construction, lesquels sont bien à exécution successive, même si le prix est rarement, au moins à l'origine, fixé
unilatéralement.
Mais il faut également faire place à l'article 1164 du projet qui précise que, « dans les contrats de prestation de services,
à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier à charge pour lui d'en justifier le
montant ». La formule se rapproche de celle de l'article 1163 mais avec un champ d'application différent puisque seuls les
contrats de prestation de services sont concernés. Cette notion n'est pas définie, mais, l'avant-projet distinguant la
fourniture de biens et la prestation de services (24), a priori tous les contrats d'entreprise doivent donc être considérés
comme des prestations de service relevant, ainsi, de l'application de ce texte.
Celui-ci n'est pas totalement clair. On ne saurait considérer que, lorsque les parties ont discuté du prix, qu'elles sont en
désaccord, l'entrepreneur pourrait néanmoins travailler en imposant son prix. On est donc obligé de considérer que le
texte ne peut s'appliquer que dans l'hypothèse où le travail est réalisé sans devis préalable, ce qui peut être le cas pour
un certain nombre de contrats d'entreprise portant, il est vrai, plus sur de simples réparations que sur de la rénovation.
Le prix, dans cette hypothèse, est donc fixé a posteriori par le prestataire de services qui doit, dans tous les cas, en
justifier le montant. Sa note doit donc être détaillée ce qui n'est pas une nouveauté révolutionnaire. Sans surprise, le
texte permet au débiteur de saisir le juge afin qu'il fixe le prix en considération notamment des usages, des prix du
marché ou des attentes légitimes des parties. Ce texte pourrait s'appliquer aux contrats d'assurance même si les
hypothèses où un assuré contracterait sans aucune référence de prix paraissent assez théoriques.
Ainsi, si le projet fait une part certaine à l'unilatéralisme, ce pouvoir donné à l'une des parties se réalise toujours sous le
regard du juge et ne devrait pas bouleverser la conclusion des contrats de construction. Il en va peut-être différemment
en ce qui concerne leur exécution.
L'impact de l'avant-projet sur l'exécution des contrats de construction
La nouveauté principale est, en la matière, celle relative à l'imprévision, même s'il ne faut pas sous-estimer l'impact de la
nouvelle situation du créancier d'une obligation inexécutée.
L'impact de l'imprévision
La prise en compte de l'imprévision dans notre droit civil, c'est-à-dire de la possibilité de prendre en compte des
modifications de fait ou de droit postérieures à la signature du contrat et qui en modifient profondément ou en
bouleversent l'exécution, est une nouveauté majeure par rapport au droit positif dont il faudra voir le mécanisme et
l'impact en droit positif.
Le droit positif
En droit français, depuis le célèbre arrêt du Canal de Craponne du 6 mars 1876 (25), la Cour de cassation refuse
obstinément de prendre en compte la survenance d'éléments imprévus. Dans cette affaire célèbre, des conventions
avaient été conclues au XVIe siècle pour la fourniture d'eau destinée à alimenter des canaux d'irrigation de la plaine
d'Arles. Trois cents ans plus tard, la redevance étant devenue dérisoire, l'entreprise d'irrigation demande son relèvement,
ce qu'admet la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Mais la Cour de cassation refuse, considérant que l'article 1134 du code
civil, selon lequel le contrat fait la loi des parties, s'oppose à ce que toute considération de temps et d'équité modifie la
convention des parties (26). Cette jurisprudence s'est appliquée dans toute sa rigueur pendant chacune des guerres
mondiales, la Cour de cassation considérant que les bouleversements causés par ces événements n'étaient pas de
nature à affecter l'exécution des contrats. Elle s'est poursuivie par la suite, un arrêt du 18 décembre 1979 reprenant,
ainsi, l'essentiel de la formule de 1876 (27).
On comprend, dès lors, que le législateur ait été obligé d'intervenir pour mettre fin à des contrats déséquilibrés ou prévoir
leur révision (28). Mais ces actions, de par leur caractère temporel ou ponctuel, ne pouvaient être de nature à résoudre
l'ensemble des difficultés.
Peut-être est-ce, d'ailleurs, la raison pour laquelle certains signes d'ouverture se sont manifestés récemment du côté de
la Cour de cassation. Cette dernière a, ainsi, considéré que l'exigence de bonne foi qui figure aussi dans l'article 1134
impose aux cocontractants de renégocier le contrat pour tenir compte de l'évolution de l'environnement contractuel (29)
et que la perte de l'équilibre économique des prestations pouvait entraîner la caducité du contrat (30). Le juge judiciaire
était, ainsi, bien conscient des difficultés soulevées par l'arrêt du Canal de Craponne, comme le montrent ces deux arrêts,
mais il n'était néanmoins pas décidé à y mettre fin car, dans le cas contraire, il l'aurait affirmé plus clairement.
Sa position s'oppose donc, encore, à celle, bien différente, du juge administratif. Dans l'arrêt du Gaz de Bordeaux du 30
mars 1916 (31), le Conseil d'État admet qu'un événement, dès lors qu'il est imprévisible et extérieur, puisse permettre
de remettre en cause un contrat et que, s'il est temporaire, il puisse être compensé par une indemnisation. Si le
bouleversement est définitif, le contrat sera simplement résilié, ce qu'indique un autre arrêt du 9 décembre 1932,
Compagnie des Tramways de Cherbourg (32). Le raisonnement du juge administratif ne consiste d'ailleurs pas à privilégier
le cocontractant de la personne publique pour lui-même. Celui-ci ne voit son point de vue pris en compte que dans la
mesure où le maintien du service public est en jeu. Ce n'est que pour assurer la sauvegarde de ce dernier que sont prises
en compte les difficultés du cocontractant de l'administration. Cela explique, d'ailleurs, que, lorsque le service public ne
peut être maintenu, la disparition du contrat soit la seule issue envisageable.
En droit comparé, les grands pays qui nous entourent ont tous fait une place à la théorie de l'imprévision à la suite soit
d'évolutions jurisprudentielles, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne ou la Suisse, soit d'une intervention du
législateur, comme l'Italie, la Grèce et le Portugal.
Il n'est donc pas étonnant que les principes du droit européen des contrats
(33) et les règles d'Unidroit
(34)
permettent au juge soit de prononcer la résolution du contrat soit de le modifier, dans l'hypothèse, toutefois, où
l'exécution est excessivement onéreuse pour l'une des parties. De même, l'article 90-7 de l'avant-projet dit de l'Académie
de Pavie admet la possibilité de demander la renégociation dès lors que se sont produits des événements extraordinaires
et imprévisibles qui rendent excessivement onéreuse l'exécution.
Beaucoup d'éléments poussaient donc le législateur français à faire une place à la théorie de l'imprévision. Cependant, il
était nécessaire de tenir compte de chacun des deux principes qui s'opposent : le respect de la parole donnée, la force
obligatoire du contrat, d'une part, l'équité, l'équilibre des prestations, d'autre part. Finalement, tous les éléments
contradictoires du débat étaient contenus dans les premier et dernier alinéas de l'article 1134 lui-même. La bonne foi
devait-elle conduire à une révision des contrats, ou la force de loi du contrat devait-elle l'emporter dans tous les cas ?
Le législateur a choisi la première branche de l'alternative tout en réaffirmant, par ailleurs, la force de loi du contrat
(35). L'imprévision va faire son entrée en droit privé mais selon un mécanisme très encadré.
Le mécanisme proposé
Le projet d'ordonnance comprend donc un article 1196, totalement identique à l'article 104 de l'avant-projet qui prévoit :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement
onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du
contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec
de la renégociation, les parties peuvent demander d'un commun accord au juge de procéder à l'adaptation du contrat. À
défaut, une partie peut demander au juge d'y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ». Ainsi donc, les conditions
d'ouverture de l'action en imprévision, puisqu'il faut l'appeler ainsi, sont au nombre de trois.
Le changement de circonstances doit être imprévisible, ce qui est une notion bien difficile à cerner dans la mesure où,
aujourd'hui, la prévisibilité économique s'avère toute relative : comme tout peut vraiment arriver, rien n'est totalement
imprévisible. Pour prendre quelques exemples concrets : peut-on dire que l'augmentation du prix de l'essence est
aujourd'hui imprévisible ? Est-il vraiment impossible d'imaginer une forte augmentation du prix des matières premières ?
Pour aller plus loin, est-ce que même une sortie de l'euro pourrait être considérée comme un élément imprévisible alors
qu'elle fait partie du programme de certaines formations politiques ? Le mot « circonstances » est également relativement
flou. Il a été manifestement choisi dans ce dessein pour pouvoir s'appliquer aussi bien en matière de droit que de fait.
Mais aujourd'hui un changement de législation peut-il vraiment être considéré comme imprévisible ?
Cette première condition laisse donc au juge une large marge d'appréciation sur l'opportunité de la révision ou non, et
cela d'autant plus qu'il s'agit d'une condition de fait sur laquelle, a priori, les juges du fond seront souverains.
Il faut, ensuite, que l'exécution du contrat soit excessivement onéreuse pour une partie. On voit, là encore, que les
termes utilisés sont volontairement vagues. Le juge sera donc amené à déterminer ce qui est excessivement onéreux et il
devra se pencher sur le critère de l'excès.
Si l'on raisonne par rapport au prix, il sera amené, implicitement au moins, à déterminer un certain pourcentage
entraînant un bouleversement de l'économie du contrat pour reprendre l'expression de la Cour de cassation dans
l'application de l'article 1793. Mais on sait que, alors, ce bouleversement de l'économie du contrat apparaît à des seuils
relativement bas de 25 à 30 % (36).
Une autre approche, plus subjective, serait de mesurer l'excès au regard de la situation économique des cocontractants
et de la capacité de chacun à supporter ou non l'augmentation du prix. Une société florissante peut absorber des excès
bien supérieurs à ceux d'une entreprise fragile. A priori, ce mode peut paraître injuste dans la mesure où l'autre
cocontractant, celui qui est n'est pas affecté par l'événement imprévisible, n'a pas, a priori, à se trouver en situation
différente en fonction de la bonne gestion ou de la santé financière de l'entreprise avec laquelle il a contracté. Mais, on
sait, au regard de la jurisprudence administrative rappelée plus haut, qu'un certain intérêt public, voire social, n'est jamais
complètement absent de la théorie de l'imprévision. Cette dernière n'est pas là uniquement pour permettre à une
entreprise de ne pas perdre trop d'argent, elle est également importante pour éviter des faillites en chaîne avec leur
cortège de licenciements. De ce point de vue, la théorie de l'imprévision peut donc également avoir un impact social.
La troisième condition est que celui qui demande l'application de la théorie de l'imprévision n'ait pas, lors de la conclusion
du contrat, accepté de prendre à sa charge le risque des circonstances imprévisibles.
Cette clause paraît relativement évidente sauf que, à certains égards, elle conduit à une sorte de renversement de la
philosophie actuelle. En effet, rien n'empêche, aujourd'hui, les parties à un contrat, au moins lorsqu'il s'agit de
professionnels, de stipuler une clause dite de « hardship » et, plus généralement, de prévoir toutes les adaptations
nécessaires à leur contrat en cas d'évolution des situations économiques. La clause d'indexation en est un excellent
exemple. Autrement dit, à l'heure actuelle, ceux qui, dans leurs contrats, ne font aucune référence à l'arrivée de
circonstances exceptionnelles et à la modification du contrat dans cette hypothèse, acceptent implicitement de prendre le
risque de tels événements. Demain, le principe sera inversé. Autrement dit, dans un contrat, l'absence de clauses de
hardship n'empêchera pas de demander la renégociation du contrat. Ce n'est que dans des hypothèses où,
expressément, l'une des parties aura accepté de prendre à sa charge le bouleversement des circonstances économiques
que son droit à déclencher la théorie de l'imprévision disparaîtra.
La clause par laquelle l'une des parties ferait son affaire personnelle et exclusive du changement de circonstances, même
s'il est imprévisible, pourrait d'ailleurs voir sa validité discutée. Compte tenu de la généralisation, par le projet, de la lutte
contre les clauses abusives, elle ne paraît pouvoir être stipulée que par une entreprise qui ne serait pas en position de
dépendance par rapport à l'autre, ce qui en réduit de manière certaine la portée.
La réunion de ces conditions ne permet pas de saisir directement le juge, ce qui montre bien que le législateur reste très
réticent à l'égard de l'imprévision. Elle n'autorise un cocontractant qu'à demander une renégociation du contrat à son
partenaire tout en continuant à exécuter normalement le contrat. À partir de là, une alternative se présente.
Soit la négociation aboutit à un nouvel accord entre les parties qui aura, dès lors, force obligatoire, sauf, éventuellement,
un nouveau bouleversement dû à des circonstances imprévisibles.
Soit un refus de négociation intervient ou les négociations initiées échouent permettant, alors, le recours au juge.
Cependant sa saisine pourra se faire à deux niveaux différents. Les parties, sans se mettre d'accord sur la renégociation,
peuvent s'entendre pour demander au juge de procéder à l'adaptation du contrat. Elles le choisissent donc comme arbitre
de leur différend et cet accord sera fondamental, car, en son absence, le juge ne pourra pas prononcer l'adaptation. Dans
le cas contraire de blocage total entre elles, le juge pourra être saisi par une seule partie, mais dans le seul but de mettre
fin au contrat, à la date et aux conditions qu'il fixe, sans pouvoir l'adapter.
Une certaine incertitude résulte de la rédaction adoptée. En effet, que peut-il juridiquement se passer si les négociations
sont entamées mais traînent en longueur de telle manière que l'exécution initiale du contrat devient de plus en plus
insupportable ? Certes, a priori, le contrat étant d'intérêt commun, souvent, les deux parties auront intérêt elles-mêmes à
trouver un terrain d'entente rapide. Cependant, si tel n'est pas le cas, le contractant en situation difficile peut-il saisir le
juge alors qu'il n'y a pas eu d'échec de la négociation, puisque celle-ci est censée continuer ? Le plus simple, sans doute,
est de provoquer l'échec pour saisir le juge. Mais alors, s'il suffit de faire capoter les négociations pour saisir le juge, à
quoi bon rentrer en négociation ? Cependant, le juge saisi pourra évidemment apprécier la bonne foi des parties qui n'est
pas mentionnée à l'article 1196 mais est érigée en principe fondamental et liminaire par l'article 1103 (37).
Dès lors, si le contractant non lésé par le changement économique n'a pas un intérêt majeur à la poursuite du contrat, il
laissera probablement son partenaire en demander la résolution alors que, dans le cas contraire, il aura évidemment tout
intérêt à renégocier son contrat.
L'impact en droit de la construction
Au regard des contrats de construction, l'impact de l'article 1191 ne devrait pas être considérable. Dans les contrats
internationaux, une clause de hardship est fréquemment stipulée et les contrats nationaux se réfèrent souvent à la norme
NFP 001 qui précise que l'entrepreneur doit prendre à sa charge les travaux normalement prévisibles, ce qui, a contrario,
lui permet de demander un supplément de prix pour ceux qui, précisément, ne l'étaient pas, et même si le surcoût n'était
pas excessivement onéreux. La norme adopte donc une conception encore plus large de l'imprévision que l'article 1191.
Deux questions se posent néanmoins quant à la combinaison de cette nouvelle disposition avec les articles 1788 et 1793
du code civil.
L'article 1788 met les risques à la charge de l'entrepreneur tant que ce dernier n'a pas mis en demeure le maître de
prendre possession de l'ouvrage. Le créancier n'a, aujourd'hui, rien à payer si l'obligation qui lui est due n'est pas
exécutée en cas de réalisation de tels risques. L'entrée de l'imprévision dans notre droit positif ne paraît pas de nature à
changer cette solution. L'entrepreneur paraît difficilement pouvoir solliciter une rémunération, même partielle, alors qu'il
est dans l'impossibilité de fournir la prestation demandée.
La question est différente au regard du marché à forfait. Le principe est, en effet, en la matière, que l'entrepreneur doit
fournir sans supplément de prix tous les travaux non prévus au contrat mais nécessaires pour aboutir au résultat
contractuellement prévu. Le marché à forfait exclut donc tout supplément de prix, même dans l'hypothèse d'un
changement de circonstances économiques (38). Sauf application de l'article 9-1-2 de la norme AFNOR, qui précise que «
le prix du marché rémunère l'entrepreneur de tous ses débours, charges et obligations normalement prévisibles » et qui
prévoit des paiements supplémentaires aux articles 11-1, 11-3 et 11-4, le marché à forfait paraît exclure toute application
de l'imprévision et, donc, toute possibilité de renégociation du contrat si la modification des circonstances économiques
rend son obligation excessivement onéreuse. La Cour de cassation devra donc déterminer, demain, si le texte spécial de
l'article 1793 exclut le texte général du droit des conventions, ou si un texte plus récent prime sur un texte plus ancien. Si
elle décidait de faire primer le texte général plus récent, l'un des effets principaux du marché à forfait disparaîtrait.
La conciliation entre les deux textes est d'ailleurs, possible, sans envisager de prééminence. A partir du moment où
l'acceptation des risques exclut le recours à l'imprévision ne devrait-on pas considérer que le recours au marché à forfait,
qui n'est pas obligatoire, est une modalité d'acceptation des risques au sens de l'article 1196.
Au regard des contrats d'assurance construction, l'application de l'imprévision suscite d'autres questions.
D'abord, les changements susceptibles d'affecter de tels contrats seront, pour l'essentiel, de nature technique, liés à une
hausse du coût de réalisation des travaux et non purement juridiques. Les dérives jurisprudentielles des années 80
n'étaient sans doute pas entrées dans les prévisions des assureurs construction de l'époque, mais elles pouvaient
difficilement être considérées comme pouvant donner lieu à imprévision. Les revirements de jurisprudence ou les
interprétations extensives ne sont nullement imprévisibles, puisque fréquentes.
Ensuite, le dommage résultant d'un élément imprévisible, aussi bien en dommages-ouvrage qu'en assurance de
responsabilité, ne sera pas couvert, puisque la cause étrangère entre dans les causes valables d'exclusion de garantie
prévues par les clauses-types (39). La théorie de l'imprévision ne pourrait donc fonctionner véritablement que pour des
déso 0rdres prévisibles, mais dont le coût de réparation se serait avéré, au moment de la signature du contrat,
imprévisible, ou, tout en étant prévisible, s'avérerait si élevé qu'il pourrait être considéré comme irrésistible. Mais, dans
cette hypothèse, pourrait-on imaginer un assureur demandant à renégocier son contrat et, au bout du compte, le juge y
mettre fin ? Cette éventualité n'est sans doute pas totalement exclue, mais s'avérera sans doute rarissime. En effet, il y a
peu de chance que le juge considère facilement que l'augmentation du coût est excessivement onéreuse surtout que, par
définition, le contrat d'assurance est un contrat aléatoire dans lequel l'assureur accepte nécessairement une part de
risque. De même, on voit mal comment des désordres sériels pourraient être considérés comme des circonstances
imprévisibles.
La consécration de l'imprévision ne déstabilisera donc pas les contrats de construction ou d'assurance construction.
L'impact de la nouvelle situation du créancier d'une obligation inexécutée
Dans le projet d'ordonnance, certaines nouveautés viennent renforcer ou affaiblir les droits du créancier d'une obligation
inexécutée.
Quant au renforcement de ses droits
L'article 1223 permet au créancier d'accepter une exécution imparfaite du contrat et de réduire proportionnellement son
prix (40). Compte tenu de la formulation du texte, le pouvoir est dévolu au seul créancier qui notifie sa décision dans les
meilleurs délais. Cet aspect n'est pas totalement nouveau en droit de la construction où le maître d'ouvrage peut
parfaitement accepter la réception de travaux inachevés (41). Cependant, pourrait apparaître une nouvelle négociation
au moment de la réception des travaux, la liste des réserves étant suivie d'une diminution du prix en contrepartie de
l'abandon, par le maître d'ouvrage, du droit de faire lever ces réserves par l'entrepreneur. Ce texte pourrait jouer dans
les contrats de construction dans la mesure où, précisément, l'exécution parfaite y est rare, le maître d'ouvrage imposant
donc sa solution aux entrepreneurs. Il pourrait même s'appliquer dans des contrats spéciaux du secteur protégé comme
la vente d'immeuble à construire ou le contrat de construction de maison individuelle, à condition, toutefois, que des
textes d'ordre public spéciaux qui régissent ces contrats ne priment pas sur des textes généraux dont la nature juridique
n'est pas précisée mais dont on peut penser qu'ils sont, eux aussi, d'ordre public.
En comparaison, l'article 1226, qui prévoit une possibilité de résolution unilatérale du contrat par voie de notification,
paraît d'un impact plus limité. En effet, cette possibilité de résolution par notification suppose une inexécution persistante
du contrat appréciée par le juge à la demande du débiteur.
Quant à l'affaiblissement de ses droits
L'article 1217 laisse au créancier d'une obligation inexécutée un large choix quant aux sanctions qu'il peut demander et
qui peuvent prendre la forme d'une suspension d'exécution du contrat, d'une poursuite de cette exécution forcée en
nature, d'une réduction du prix, de la résolution du contrat ou de la réparation des conséquences de l'inexécution, un
cumul de ces sanctions étant possible. Cet article 1217 n'est pas révolutionnaire dans la mesure où, déjà, le juge se
reconnaissait en la matière un grand pouvoir avec une large palette de sanctions possibles qui ne sont pas sans évoquer
le droit de la vente, notamment en ce qui concerne la réduction du prix.
Cependant, une nouveauté pourrait avoir une incidence en matière de droit de la construction. L'exécution forcée en
nature peut, selon l'article 1221, être écartée non seulement si elle est impossible, mais également si son coût s'avère
manifestement déraisonnable
(42). Même lorsque l'imprévision ne sera pas retenue, faute de voir ses conditions
réunies, des événements rendant trop difficile l'exécution en nature du contrat permettront d'y échapper et de ne
dédommager le créancier que de manière financière.
Ce texte pourrait trouver à s'appliquer dans les contrats de construction stipulés à prix forfaitaire, qu'il s'agisse de
contrats d'entreprise, de vente d'un logement en l'état futur d'achèvement, de contrat de construction de maison
individuelle ou de contrats de promotion immobilière. La question va, en effet, se poser de savoir si le maître d'ouvrage,
professionnel ou consommateur, devra, si l'exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse pour le
constructeur, se contenter d'une exécution par équivalent. Mais cet équivalent ne sera-t-il pas, pour l'essentiel, le nonpaiement ou le remboursement du prix, assortis de dommages et intérêts dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne
satisferait alors pas le maître d'ouvrage ou l'acquéreur ?
Cet article 1221 pourrait, de ce point de vue, si la jurisprudence l'appliquait largement, s'avérer d'un impact plus fort en
droit de la construction que le texte sur l'imprévision, car ses conditions de mise en oeuvre sont beaucoup moins
contraignantes. Il pourrait conduire, demain, les constructeurs à refuser d'exécuter en nature des contrats devenus trop
onéreux et conduirait à s'interroger sur les obligations des cautions. Les garants d'achèvement et de livraison ne peuvent
en effet, aux termes de l'article 2290, être placés dans une situation moins bonne que celle du débiteur (43). Que
resterait-il, dès lors, de l'obligation de faire qui pèse sur le garant de livraison ?
En conclusion, il apparaît que ce projet d'ordonnance, qui reprend fidèlement celui qui avait déjà été présenté fin 2013, ne
bouleversera pas le droit des contrats en général ni a fortiori celui des contrats de construction. Cependant, le législateur
ne raisonne pas à droit constant. Le projet comprend un certain nombre de nouveautés non négligeables qui, pour la
plupart d'entre elles, se situent dans une ligne de prise en compte de la réalité économique. Si tant est que le contrat ait
été un absolu, il devient désormais plus relatif lorsque les contingences économiques le rattrapent. Le mécanisme de
rééquilibrage raisonnable que prévoit le projet peut être apprécié différemment selon l'optique de chacun. Il ne sera pas
sans effet en droit de la construction, loin s'en faut. Mais, d'un point de vue général, l'un des problèmes que posera sans
doute l'application de cette ordonnance est que la nouveauté d'un certain nombre de principes posés va se heurter à des
règles déjà établies dans différents contrats spéciaux, y compris dans le domaine de la construction (44), et cela alors
que le projet ne comporte aucun texte équivalent à l'actuel article 1107. Dès lors, il est probable que les cocontractants
vont vivre un temps de friction entre ce droit spécial ancien et ce droit général plus nouveau. L'avenir dira comment le
juge réagira sachant que cette ordonnance lui laisse encore, plus qu'aujourd'hui, un rôle déterminant.
Mots clés :
CONSTRUCTION * Contrat de construction * Conclusion * Exécution
(1) Cet article fait partie d'un colloque intitulé : De la « Loi ALUR » à la « Loi Macron », en passant par les lois de
simplification. Un an après, où en est-on des réformes du droit immobilier ?, dans lequel figure les articles suivants :
F. Priet, L'intercommunalité accélérée rendra-t-elle plus facile la construction ?, p. 212
.
P. Billet, Le cantonnement des démolitions, espoir pour l'illégalité ou désespoir des requérants abusifs, 221
J.-P. Meng, Les nouvelles règles du droit de préemption compliquent-elles réellement les ventes ?, p. 228
R. Noguellou, Les servitudes de lotissement vont-elles vraiment disparaître ?, p. 234
.
.
.
S. Becqué-Ickow icz, Les nouvelles règles en matière de vente : simplification après la complexification ?, p. 239
J.-M. Roux, Après les réformes de la loi de 1965 : le droit de la copropriété en difficulté ?, p. 245
P. Malinvaud, Propos conclusifs, p. 261
.
.
.
(2) Cons. const., 12 févr. 2015, n° 2015-710-DC, AJDA 2015. 312
: « 5. Considérant que, d'une part, l'article 34 de la
Constitution place les principes fondamentaux des obligations civiles dans le domaine de la loi ; que, d'autre part,
l'habilitation conférée par les dispositions précitées à réformer par ordonnance le droit commun des contrats, le régime
des obligations et le droit de la preuve est précisément définie dans son domaine et dans ses finalités ; que, par suite,
cette habilitation ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 38 de la Constitution ».
(3) V. D Mazeaud, Droit des contrats : réforme à l'horizon, D. 2014. 291
de la réforme, JCP 2015. Doctr. 199.
, n° 5 ; N. Molfessis, Droit des contrats : l'heure
(4) V. O. Tournafond, Le projet de la chancellerie de réforme du droit des contrats, Dr. et patr. 2014, n° 241 ; R. Boffa,
Juste cause (et injuste clause) - Brèves remarques sur le projet de réforme du droit des contrats, D. 2015. 335 , n° 6.
(5) Civ. 1 re , 24 nov. 1976, n° 74-12.352, Bull. civ. I, n° 370 : « Celui qui traite avec un professionnel n'est pas dispensé
de lui fournir des renseignements qui sont en sa possession et dont l'absence altère le consentement de son
cocontractant » - V. égal. Civ. 3 e , 29 nov. 2000, n° 98-21.224, Bull. civ. III, n° 382, D. 2001. 177
; AJDI 2001. 1020 ,
obs. F. Cohet-Cordey .
(6) Art. 1129 - Celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information dont l'importance est déterminante
pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait
confiance à son cocontractant. « Le manquement à ce devoir d'information engage la responsabilité extracontractuelle de
celui qui en était tenu. Lorsque ce manquement provoque un vice du consentement, le contrat peut être annulé ».
(7) « Tout entrepreneur est tenu d'un devoir de conseil qui s'étend, notamment, aux risques présentés par la réalisation
de l'ouvrage envisagé, eu égard, en particulier, à la qualité des existants sur lesquels il intervient et qui doit
éventuellement l'amener à refuser l'exécution de travaux dépassant ses capacités » (Civ. 3 e , 15 déc. 1993, n° 92-14.001,
RDI 1994. 251, obs. P. Malinvaud et B. Boubli
; ibid. 674, obs. G. Leguay et P. Dubois
; RCA 1994, n° 186) ; «
l'entrepreneur est tenu, avant d'engager les travaux, à une obligation de conseil qui l'oblige à renseigner le maître
d'ouvrage sur la faisabilité de ceux-ci et sur l'inutilité d'y procéder si les mesures, extérieures à son domaine de
compétence, nécessaires et préalables à leur exécution ne sont pas prises » (Civ. 3 e , 24 sept. 2013, n° 12-24.642, NP ;
Constr.-Urb. 2013, n° 155, obs. M.-L. Pagès de Varenne) ; l'obligation d'information et de conseil de l'entrepreneur
installateur d'un matériau lui impose d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur les inconvénients du produit choisi et
sur les précautions à prendre pour sa mise en oeuvre, compte tenu de l'usage auquel ce matériau est destiné (Civ. 1 re ,
20 juin 1995, n° 93-15.801, Bull. civ. I, n° 276, D. 1996. 12 , obs. G. Paisant
; RDI 1995. 751, obs. P. Malinvaud et B.
Boubli
; RTD civ. 1996. 177, obs. P. Jourdain
; RTD com. 1996. 104, obs. B. Bouloc , RDI 1996. 70 , obs. P.
Malinvaud et B. Boubli - Civ. 1 re , 16 févr. 2005, n° 03-19.724, RDI 2005. 219, obs. B. Boubli ).
(8) Civ. 3 e , 16 juill. 1987, n° 86-11.273, NP : « Qu'en s'abstenant d'informer l'OPAC et la SEMCODA des circonstances
particulières susceptibles de modifier l'étendue et les modalités de leur engagement, la société bailleresse avait manqué
à l'obligation de renseignement, dont les stipulations conventionnelles ne l'exonéraient pas ».
(9) Civ., 17 nov. 1930, S. 1932. 1. 17, note A. Breton - Civ. 1 re , 15 juin 1960, JCP 1961. II. 1274, note Voin ; S. 1961. 1,
note R. Savatier.
(10) Il doit d'ailleurs solliciter les études de sol qui lui paraissent nécessaires (Civ. 3 e , 4 déc. 2013, n° 12-29.533, NP ;
JCP N 2014, n° 1220, obs. K. Garcia : « Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, malgré
l'absence de mention du bassin d'orage dans la première étude de sols, la société Colas n'en avait pas moins eu
connaissance avant même la conclusion du marché le 20 nov. 2003, dès lors qu'elle avait évoqué dans un courrier du 26
nov. 2002 l'existence d'un "bassin de rétention" et s'il ne lui appartenait pas de solliciter une étude de sols
complémentaire avant l'élaboration de son offre définitive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de
ce chef ».
(11) Civ. 1 re , 30 oct. 2008, n° 07-17.646, Bull. civ. I, n° 241, D. 2008. 2937
; ibid. 2009. 747, chron. P. Chauvin et C.
Creton
; RTD civ. 2009. 111, obs. J. Hauser
; ibid. 118, obs. B. Fages
; RDC 2009. 49, obs. D. Mazeaud ; Dr. et patr.
juill.-août 2009. 88, obs. L. Aynès, qui précise que la disparition de la cause d'un engagement contractuel à exécution
successive, lors de son exécution, porte la caducité du contrat.
(12) Com., 4 avr. 1995, n° 93-18.271, NP ; CCC 1995. 105, obs. L. Leveneur ; D. 1996. 141 , note S. Piquet - Com., 3
déc 1996, n° 94-10.983, NP ; CCC 1997, n° 42, note L. Leveneur - Com., 15 juin 1999, n° 97-12.122, D. 2000. 363 ,
obs. D. Mazeaud
; CCC 1999, n° 173, note L. Leveneur ; JCP 2000. I. 215, obs. A. Constantin - Civ. 1 re , 4 avr. 2006, n°
02-18.277, D. 2006. 2656 , note R. Boffa
; ibid. 2638, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson
; RTD civ. 2007.
105, obs. J. Mestre et B. Fages , Défrénois 2006. 2651, obs. J.-L. Aubert - Com., 13 févr. 2007, n° 05-17.407, Bull. civ.
IV, n° 43, D. 2007. 654, obs. X. Delpech
; ibid. 2966, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson
; RTD civ. 2007.
567, obs. B. Fages
; JCP 2007. II. 10063, note Y.-M. Serinet ; RDC 2007. 707, obs. D. Mazeaud ; Défrénois 2007. 1042,
obs. R. Libchaber - Com., 5 juin 2007, n° 04-20.380, Bull. civ. IV, n° 156, D. 2007. 1723, obs. X. Delpech
; RTD civ. 2007.
569, obs. B. Fages
; RTD com. 2008. 173, obs. B. Bouloc
; JCP 2007. II. 10184, note Y.-M. Serinet - Com., 5 févr.
2013, n os 12-12.168 et 12-12.221, NP.
(13) C. consom., art. L. 312-12 et L. 312-16.
(14) Cette notion de déséquilibre significatif vient d'être récemment interprétée par un arrêt important (Com., 3 mars
2015, n° 13-27.525, D. 2015. 620).
(15) V. Civ. 3 e , 24 oct. 2012, n° 11-17.800, Bull. civ. III, n° 152, D. 2012. 2590
; ibid. 2013. 945, obs. H. Aubry, E.
Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud
; RDI 2013. 93, obs. O. Tournafond
; Constr.-Urb. 2012. 182, note C. Sizaire ; JCP
N 2013, n° 1093, obs. S. Laporte Leconte ; RTD imm. 2013. 40, obs. M. Sénéchal ; Defrénois 2013. 525, obs. H. PérinetMarquet).
(16) Civ. 3 e , 23 avr. 1985, RDI 1985. 388, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary.
(17) Par exemple, la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses
fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande dans des conditions techniques et
économiques favorables : Com., 3 mars 2004, n° 02-14.529, Bull. civ. IV, n° 44 ; D. 2004. 1661
, note Y. Picod
; ibid.
874, obs. E. Chevrier
; RTD com. 2004. 463, obs. E. Claudel .
(18) « Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de
visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un
emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les
circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait
ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à
une contrainte ». V. égal. l'art. L. 122-9 qui étend ce champ d'application aux transactions conclues « dans une situation
d'urgence ayant mis la victime de l'infraction dans l'impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers
au contrat ».
(19) Civ. 1 re , 18 févr. 2015, n° 13-28.278, D. 2015. 432
- Civ. 3 e , 8 oct. 2014, n° 13-18.150, RTD civ. 2014. 880, obs.
H. Barbier
- Com., 20 mai 2014, n os 12-26.970 et 12-29.281, Bull. civ. IV, n° 90.
(20) Civ. 1 re , 4 févr. 2015, n° 14-10.920, NP : « Attendu que l'arrêt constate que la menace d'exercer les recours
contentieux en annulation de permis de construire, objet de la transaction, était illégitime, dès lors que ces voies de droit
étaient dénuées de toute chance de succès comme devaient le révéler de nombreuses décisions rendues par les
juridictions administratives qui, sur des recours similaires, ont sanctionné le défaut d'intérêt à agir de deux sociétés
soeurs de la société Karous, dont elles partageaient le siège social ; qu'après avoir relevé que la société Bouygues
immobilier, quelle que soit son envergure financière, devait, pour mener à bien son projet, disposer de permis de
construire purgés de tout recours [...] ; que la cour d'appel, caractérisant ainsi la contrainte économique exploitée par la
société Karous pour amener son cocontractant à lui consentir une indemnité transactionnelle d'un montant
particulièrement élevé, a, par ces seuls motifs, justifié légalement sa décision de tenir la transaction pour nulle [...] ».
(21) Art. L. 132-1 s. et R. 132-1 s.
(22) Cass., ass. plén., 1 er déc. 1995, n os 91-15.578 et 91-15.999, Bull. ass. plén., n° 7, D. 1996. 13 , concl. M. Jeol ,
note L. Aynès
; ibid. 1998. 1, chron. A. Brunet et A. Ghozi
; RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre
; RTD com. 1996.
316, obs. B. Bouloc
; ibid. 1997. 1, étude M. Jeol ; ibid. 7, étude C. Bourgeon
; ibid. 19, étude C. Jamin
; ibid. 37,
étude T. Revet
; ibid. 49, étude D. Ferrier
; ibid. 67, étude M. Pédamon
; ibid. 75, étude P. Simler
et n os 91196.53 et 93-13.688, Bull. ass. plén., n os 8 et 9 ; Défrenois 1996. 747, obs. P. Delebecque ; JCP 1996. II. 20565, obs. J.
Ghestin.
(23) Dans les contrats-cadres et les contrats à exécution successive, il peut être convenu que le prix de la prestation
sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en justifier le montant en cas de contestation. « En
cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à voir réviser le prix en considération
notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties, ou à obtenir des dommages et intérêts
et le cas échéant la résolution du contrat ».
(24) Notamment dans son art. 1126-3.
(25) DP 1976. 1. 195.
(26) « Que dans aucun cas il n'appartient aux tribunaux, quelqu'équitable que puisse paraître leur décision, de prendre
en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses
nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ».
(27) Com., 18 déc. 1979, n° 78-10.763, Bull. civ. IV, n° 339 ; RTD civ. 1980. 780, obs. G. Cornu : « Les juges ne peuvent,
sous prétexte d'équité ou pour tout autre motif, modifier les conventions légalement formées entre les parties » - V. égal.
Civ. 3 e , 18 mars 2009, n° 07-21.260, Bull. civ. III, n° 64 ; D. 2009. 950, obs. Y. Rouquet
; ibid. 2010. 224, obs. S. Amrani
Mekki et B. Fauvarque-Cosson
; ibid. 1168, obs. N. Damas
; AJDI 2009. 611 , obs. C. Dreveau
; RTD civ. 2009.
528, obs. B. Fages
; RDC 2009. 1358, obs. D. Mazeaud.
(28) Ainsi, la loi Fayot du 21 janv. 1918 permettait l'annulation des contrats dans l'hypothèse où l'un des contractants
subissait un préjudice dépassant les prévisions raisonnables envisageables au moment du contrat, la loi du 23 avr. 1949
reprenant des dispositions identiques à la suite de la Deuxième Guerre mondiale ; de même en 1984, l'article 900-2 du
code civil autorise la révision des conditions et charges de certaines libéralités en permettant qu'elles soient révisées en
justice lorsque, par suite des circonstances, l'exécution de ces conditions et charges est devenue soit extrêmement
difficile soit sérieusement dommageable.
(29) Com., 3 nov. 1992, n° 90-18.547, Bull. civ. IV, n° 338 ; D. 1995. 85
, obs. D. Ferrier
; RTD civ. 1993. 124, obs. J.
Mestre
; CCC 1993, n° 45 ; JCP 1993. II. 22614, note G. Virassamy : « En privant en l'absence de tout cas de force
majeure, un distributeur agréé des moyens de pratiquer des prix concurrentiels, une société pétrolière n'a pas exécuté le
contrat de bonne foi et doit dédommager le contractant du préjudice subi ».
(30) Com., 29 juin 2010, n° 09-67.369, D. 2010. 2481 , note D. Mazeaud
; ibid. 2485, note T. Genicon
; ibid. 2011.
472, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson
; RTD civ. 2010. 782, obs. B. Fages
; ibid. 2011. 87, obs. P.
Deumier
: « Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'évolution des circonstances
économiques et notamment l'augmentation du coût des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur incidence
sur celui des pièces de rechange, n'avait pas eu pour effet, compte tenu du montant de la redevance payée par la société
SEC, de déséquilibrer l'économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa signature en déc. 1998 et de
priver de toute contrepartie réelle l'engagement souscrit par la société Soffimat, ce qui était de nature à rendre
sérieusement contestable l'obligation dont la société SEC sollicitait l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale ». Cet arrêt, rendu en formation restreinte, n'est cependant pas publié au Bulletin.
(31) Lebon 125.
(32) CE, ass., 9 déc. 1932, n° 89655, Cie de tramways de Cherbourg, au Lebon
.
(33) Art. 6.111.
(34) Art. 6.2.1 s.
(35) Art. 1194 - Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
(36) Ainsi, un bouleversement de l'économie du contrat n'a pas été retenu dans l'hypothèse d'un dépassement de 26,5
% (Civ. 3 e , 20 janv. 1999, n° 96-22.239, Bull. civ. III, n° 16, RDI 1999. 254, obs. B. Boubli
; Constr.-Urb. 1999, n° 120,
obs. P. Cornille ; Defrénois 2000. 1128, obs. H. Périnet-Marquet), mais l'a été pour une augmentation de 20 % de la
surface hors oeuvre et de 26,45 % du prix, alors que le permis de construire modificatif avait été accepté par le maître
d'ouvrage (Civ. 3 e , 26 juin 2002, n° 00-19.265, NP ; Constr.-Urb. 2002. 238).
(37) « Les contrats doivent être formés et exécutés de bonne foi ».
(38) Des circonstances imprévisibles ne sont pas de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat
(Civ. 3 e , 20 nov. 2002, n° 00-14.423, Bull. civ. III, n° 230, RDI 2003. 60, obs. B. Boubli
; Defrénois 2003. 318, obs. H.
Périnet-Marquet ; Constr.-Urb. 2003. 32, obs. P. Cornille.
(39) Telles que découlant de l'arrêté du 19 nov. 2009 portant actualisation des clauses-types en matière d'assuranceconstruction : « La garantie du présent contrat ne s'applique pas aux dommages résultant exclusivement :
a) du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l'assuré ;
b) des effets de l'usure normale, du défaut d'entretien ou de l'usage anormal ;
c) de la cause étrangère ».
(40) « Le créancier peut accepter une exécution imparfaite du contrat et réduire proportionnellement le prix. S'il n'a pas
encore payé, le créancier notifie sa décision dans les meilleurs délais ».
(41) Civ. 3 e , 12 juill. 1989, n° 88-10.037, Bull. III, n° 161 ; RDI 1990. 83, obs. P. Malinvaud et B. Boubli
; ibid. 84, obs.
P. Malinvaud et B. Boubli
; ibid. 105, obs. G. Leguay et P. Dubois
; Gaz. Pal., 25-26 mai 1990, somm. p. 11, note M.
Peisse - Civ. 3 e , 9 oct. 1991, n° 90-14.739, Bull. civ. III, n° 230, AJDI 1992. 367
; RDI 1992. 71, obs. P. Malinvaud et B.
Boubli - Civ. 3 e , 11 févr. 1998, n° 96-13.142, Bull. civ. III, n° 28, D. 1998. 73
; RGDA 1998. 286, obs. J.-P. Karila ; RDI
1998. 257 . Rien n'empêche, en effet, au regard de sa liberté contractuelle, un maître d'ouvrage d'accepter des travaux
partiellement terminés, même si l'ouvrage n'est pas encore apte à sa destination et, notamment, pas habitable (Civ. 3 e ,
16 janv. 2013, n° 11-19.605, NP ; Constr.-Urb. 2013. 41, obs. M.-L. Pagès de Varenne).
(42) « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette
exécution est impossible ou si son coût est manifestement déraisonnable ».
(43) « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus
onéreuses. Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses. Le
cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n'est point nul : il est
seulement réductible à la mesure de l'obligation principale ».
(44) V. N Balat, Réforme du droit des contrats : et les conflits entre droit commun et droit spécial, D. 2015. 699
propose un texte faisant primer le droit spécial.
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