Méfiez-vous des pilules amaigrissantes - Eki-Lib

Transcription

Méfiez-vous des pilules amaigrissantes - Eki-Lib
Sélection
du Reader’s Digest
Octobre 1966
C’est bien tentant, un petit comprimé pour chasser l’obésité.
Malheureusement, c’est un traitement dangereux pour la
santé—et l’embonpoint revient souvent de toute
façon.
Méfiez-vous des pilules
amaigrissantes
DANS
la vie de
ces malheureux qui
s’astreignent à des régimes sans
fin, il vient un moment qui leur
remonte le moral : c’est lorsqu’ils
entendent parler de « ce docteur
extraordinaire qui donne des
pilules pour couper l’appétit » .
Comme c’est simple, et comme c’est
tentant ! Plus de calculs. Adieu la
table de calories ! Les pilules se
chargent de tout.
Bien entendu, d’aussi bonnes
nouvelles vont vite. Et du même
coup on voit fleurir le commerce
des pilules amaigrissantes et
prospérer de soi-disant médecins
diététiciens qui les dispensent.
L’Association
médicale
américaine a découvert des
« cliniques » pour obèses dans
des localités diverses.
Un
« spécialiste »
a
même
obligeamment
ouvert
19
succursales de banlieue pour
répondre à la demande de sa
nombreuse clientèle. Pour Olivier
Field, directeur du Service de
recherches
de
l’Association
médicale américaine, « ces gens-là
exploitent les obèses et de plus les
mettent en danger en leur
administrant
inutilement
des
drogues d’une grande puissance ».
Dans un beau quartier de la
banlieue d’une grande ville, un
médecin, que nous appellerons le Dr
Smith, a installé une sorte de
succursale. Le salon d’attente est
aussi douillet qu’un salon de
coiffure pour dames.
Tous les
gens qui sont là souffrent de la
même maladie, l’excès
d’embonpoint.
Au mur
s’étale toute une panoplie
de diplômes avec, au beau
milieu, celui du Dr Smith.
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”
Sélection
du Reader’s Digest
Octobre 1966
—Est-ce que je pourrai voir le
C’est que cela devait arriver de
toute façon.
docteur ce matin ? Demandez-vous
à l’infirmière.
Vous voilà rassuré.
Vient
—Hélas ! non, vous répond-elle.
ensuite le tableau des beaux jours
qui vous attendent :
Le docteur vient d’avoir un
—Vous prendrez le premier
accident assez grave, il restera
comprimé en vous levant, vous
indisponible pendant un certain
n’aurez donc pas besoin de petit
temps.
déjeuner. A
midi,
vous
Cette excuse semble faire
n’aurez pas
fureur
chez
les
médecins
diététiciens qui, chose curieuse,
faim
non
plus,
vous
semblent être la plupart du temps
pourrez
invisibles à leur cabinet.
donc sauter
le déjeuner.
Vous
aurez,
en
revanche,
r
A dîner, vous
l’avantage d’entendre le D Smith.
aurez
L’infirmière vous conduit à une
l’estomac
salle d’audition, branche
creux. Mettez-vous à table. Si,
un magnétophone. Le
r
après le premier plat, vous n’avez
D Smith va parler. Il se
plus faim, cessez de manger. En
présente, vous dit qu’il
principe, vous pouvez vous passer
exerce depuis de longues
de manger pendant un mois. Vous
années puis en vient tout
vivrez de votre propre graisse, à
de suite à ce qui manifestement le
raison de neuf calories pas
tourmente : que vous entendiez
gramme.
dire du mal de ses drogues et de
ses pilules.
Il ajoute que vous risquez
d’avoir quelques difficultés à
—Il n’y a rien dans le traitement
dormir et de vous sentir un peu
qui
puisse
provoquer
de
nerveux. Mais le Dr Smith a pensé
l’accoutumance. Il n’y a rien non
plus qui puisse vous donner aucun
à tout.
trouble, ni maintenant ni dans dix
ans.
Si, par malchance, vous
—On vous donnera une demitombiez malade, dites-vous bien
douzaine de comprimés. Si vous ne
que les pilules n’y sont pour rien.
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”
Sélection
du Reader’s Digest
Octobre 1966
pouvez pas dormir, prenez-en un ou
compartiments. Les trois premiers
deux.
jours, vous en prenez une série
dans l’ordre suivant : vert pâle à 7
Et il termine en vous promettant
heures, grise à 11 heures, rose à
que vous allez perdre 15 à 30 livres
2h30, violette à 6 heures, rouge à
au cours du premier mois
9 heures, plus une pilule brune de
et 10 à 15 livres les mois
vitamines chaque jour et un
suivants.
comprimé blanc le samedi matin.
Fin de l’émission
Les quatre jours suivants, vous
avez droit à un arrangement de
On vous fait passer
couleurs légèrement différentes.
alors devant un médecin
anonyme qui vous prend
Quel qu’il soit, le Dr Smith en
votre tension artérielle,
sait long sur la psychologie des
votre pouls et vous
gens
qui
veulent
maigrir.
ausculte rapidement le
L’obsession de compter et de
cœur. Il s’enquiert de
prendre les pilules se substitue
vos heures de repas, puis vous
certainement au besoin irrésistible
dresse
un
programme
de
de manger.
Ce qui est plus
traitement. Inutile d’amorcer un
important encore, c’est qu’on a
dialogue, de lui demander, par
ainsi quelque chose à se mettre
exemple, si les diurétiques que
dans l’estomac.
contiennent les pilules ne peuvent
pas à la longue devenir dangereux
Pour
finir,
l’infirmière
va
pour les reins. Il se dérobera. Ni
chercher vos somnifères dans une
vos antécédents médicaux ni votre
vitrine remplie à craquer de pilules
mode
d’alimentation
ne
de toutes couleurs et de toutes
l’intéressent. Il vous accorde cinq
tailles. « C’est dix dollars. A la
minutes et vous envoie chercher
semaine prochaine. »
vos pilules chez
l’infirmière.
Il
n’est
pas
difficile de se faire
Les pilules pour
une idée des jolis
la
première
revenus que peut se
semaine
sont
faire notre médecin
présentées
dans
grâce à ce genre de
thérapeutique. Rien
une jolie boîte en
qu’avec les pilules
plastique à deux
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”
Sélection
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Octobre 1966
d’amphétamine—la
drogue
qui
l’alcoolisme et la toxicomanie de
supprime l’appétit—le profit peut
l’Association médicale américaine,
être
considérable,
puisqu’elles
critique vigoureusement cette rage
valent, en gros,
de pilules amaigrissantes dont
moins d’un dollar le
l’abus
provoque
d’après
lui
mille. Mais quelle
l’hypertension,
palpitations,
importance
du
nervosité,
perturbations
moment que vous
émotionnelles et hallucinations.
allez
maigrir ?
Perdre
l’appétit,
Les
amphétamines
cela vaut bien dix dollars.
exercent
un
effet
spécifique sur les centres
Mais cela vaut-il qu’on risque sa
de l’appétit du cerveau,
santé morale et physique ? Car
mais elles peuvent aussi
c’est un fait, certaines pilules
devenir
un
dangereux
expédient. Celui qui en use
peuvent fort bien vous rendre
se sentira euphorique, mais il
malade.
Administrées
avec
n’acquerra pas de meilleures
précaution, les amphétamines sont
habitudes
alimentaires. Le
Dr
des médicaments d’une réelle
valeur et qui peuvent rendre de
James B. Landis, des laboratoires
grands services.
Toutefois, le
Smith, Kline & French, met en
risque
d’abus
préoccupe
garde
contre
« des
doses
sérieusement les médecins et les
quotidiennes
excessives
qui
laboratoires pharmaceutiques, sans
peuvent conduire à une psychose
r
parler des milieux officiels. Le D
médicamenteuse semblable à la
Henry Brill, psychiatre et membre
schizophrénie ».
du Comité
sur
Certains en prennent d’abord
pour réduire leur appétit, puis ils
s’y adonnent comme à une drogue
et finissent, comme tous les
toxicomanes, par ruiner leur santé.
Un médecin raconte le cas d’une
malade qui s’adressa à lui après
avoir tenté plusieurs fois en vain
de perdre du poids par les
amphétamines. Comme chez tous
ceux qui les utilisent depuis
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”
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Octobre 1966
longtemps, son organisme s’y était
aussi « l’abus risque de faire du
accoutumé, si bien qu’il lui en fallait
malade
un
drogué
aux
de plus en plus pour arriver au
barbituriques »,
toxicomanie
résultat désiré.
particulièrement grave.
—Elle avait effectivement grossi
de cinq livres, malgré les drogues
qui altéraient sa santé.
Je
lui
prescrivis
quelques médicaments
moins
actifs,
en
l’avertissant
qu’ils
arriveraient à diminuer
son appétit, mais sans
lui apporter la même
euphorie. Vingt-quatre heures plus
tard, elle était hospitalisée. Elle
avait avalé tout le flacon, dans
l’espoir d’obtenir l’effet qu’elle
avait l’habitude de trouver avec les
amphétamines.
Je n’ai encore
jamais vu de malades capables de
supporter
des
amphétamines
pendant des mois. Il y a toujours
quelque chose qui lâche. Ou ils se
remettent à manger ou ils
deviennent des drogués.
Comme
les
amphétamines
peuvent
rendre
les
malades
nerveux
ou
provoquer
des
insomnies, on les associe en général
à des barbituriques dont l’effet
est calmant.
Cela ne fait
qu’aggraver les choses. Le Comité
sur l’alcoolisme et la toxicomanie
de
l’Association
médicale
américaine signale que dans ce cas
Parmi les autres drogues de
base
qu’utilisent
certaines
« cliniques » pour obèses, il y a des
digestifs, des diurétiques, des
stimulants
métaboliques,
des
laxatifs et des modificateurs
biliaires. La digitaline et l’extrait
thyroïdien sont de rigueur, bien
que la digitaline soit le plus
puissant stimulant cardiaque connu
et que l’extrait
thyroïdien, utilisé
à tort et à travers,
risque de faire
chavirer l’équilibre
endocrinien.
Bien entendu, les médecins
consciencieux eux aussi peuvent
prescrire l’une quelconque de ces
drogues.
Mais ils ne le font
qu’après avoir soumis leur patient
Un examen physique approfondi,
complété par des analyses de
laboratoires ; ils n’administrent pas
de modificateurs de l’appétit
pendent des périodes illimitées ;
enfin, ils prescrivent un régime
bien équilibré, de faible valeur
calorique.
Voici comment le Dr Philip L.
White, membre de l’Association
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”
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Octobre 1966
médicale américaine, marque la
pratique médicale fonctionne d’une
distinction entre le bon usage et
façon boiteuse.
l’abus des pilules amaigrissantes.
—Il est très possible d’y avoir
Or donc, si vous êtes de ceux qui
recours dans certains cas et à
ont besoin de maigrir, prenez bien
certains moments. Chez la plupart
garde de ne pas vous laisser duper
des patients, ce sera au début du
par des promesses faciles, car vous
régime, chez autres, au moment oÙ
risqueriez fort de vous retrouver à
ils cessent de maigrir ou bien pour
l’hôpital.
refréner l’appétit lors d’une
reprise de poids. En tout cas, je ne
suis pas du tout partisan d’utiliser
ces médicaments à jet continu.
Les
soi-disant
médecins
diététiciens évitent soigneusement
de parler de régime à leurs clients.
Ceux-ci,
par
conséquent,
conservent
leurs
habitudes
alimentaires et reprennent du
poids dès qu’ils cessent de prendre
des pilules.
Pourquoi laisse-t-on ces cliniques
prospérer alors qu’elles présentent
tant de dangers? La réponse est
qu’il est difficile de les faire
fermer.
Les
associations
médicales
professionnelles
pourraient blâmer les manquements
de ces praticiens à l’éthique
professionnelle
s’ils
étaient
membres de leur association. Mais,
généralement, ils n’en font pas
partie. Aucune association ne peut
poursuivre un non-membre et la
machine légale qui réglemente la
Par Mary Anne Guitar
Condensé du “Ladies’ Home Journal”