Sourires

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Sourires
Sourires
Le sourire, cette subtile modification du visage et du regard, est le reflet d’un bref instant de
plaisir, de satisfaction ou simplement de bien-être, tel le sourire de la Joconde attendant peut-être
un heureux événement
Mais il est des sourires simulés, galvaudés, professionnels ou hypocrites .
Le sourire étonné de Jacques Chirac serrant des mains anonymes dans la foule, voulant faire
croire au bénéficiaire de chaque poignée de main qu’il reconnaît en lui une vieille connaissance,
ce sourire qui semble dire : « comment ! vous ici ! quelle joie de vous rencontrer ! », ou son
sourire admiratif et connaisseur lorsqu’il flatte le cul d’une vache au Salon de l'Agriculture, ou
enfin son sourire consterné lorsqu’il découvre une fracture sociale et décide de s’y attaquer.
Le sourire figé ou désabusé d’Arafat commentant les pires malheurs de son peuple.
Le sourire odieux de la jeune et jolie militaire américaine posant aux côtés des corps suppliciés
et dénudés de jeunes hommes irakiens …
Le sourire ébauché, inquiet et professionnel du sommelier, attendant, pour emplir votre verre, le
verdict qui va sortir de vos lèvres lorsque vous aurez enfin dégluti la gorgée de bordeaux dont
vous êtes en train de vous gargariser pour montrer que vous ne vous en laissez pas conter
Le sourire douloureux d’Arlette Laguiller s’adressant aux travailleurs et aux travailleuses ,qui
me rappelle le triste sourire de ma vieille cousine Louise quand elle disait dans les années 30 :
« Nous les petites gens… » pour entamer une longue litanie sur la triste condition des petits
rentiers.
Le sourire engageant et forcé de tous ceux qui veulent nous faire avaler n’importe quoi : une
augmentation des impôts ou des taxes sur les cigarettes, un bon placement pour nos économies,
une météo pourrie , une crème anti-rides, une voiture d’occasion, une émission de télévision
débile….
Le sourire inopportun et grimaçant de Raymond Poincaré, ébloui par le soleil en visitant un
cimetière militaire et qui l’avait fait surnommer par ses ennemis politiques « l’homme qui rit dans
les cimetières ».
Le sourire encourageant du médecin qui dit au moribond : « il faut vous secouer un peu ! ! ! »
Il existe une maladie exceptionnelle.(le syndrome de Moebius) dont le symptôme principal est
l’impossibilité de traduire par un sourire ou une grimace les sentiments qui animent ceux qui en
sont atteints. Combien de politiques, de commerciaux, combien de communicateurs, de
gestionnaires, de PDG verraient leur carrière et leur rang social résister à une telle affection ? eux
dont la réussite ne tient souvent qu’au seul fait de savoir quand sourire et à qui sourire
Mais peut-être la vie manquerait-elle de piment sans tous ces hypocrisies souriantes qui savent si
bien nous embobiner.
Pierre, juin 2004

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