Entretien de Pierre Duquesne, Ambassadeur chargé des questions

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Entretien de Pierre Duquesne, Ambassadeur chargé des questions
Consulat Général de France à Jérusalem
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Service de Presse
Entretien de Pierre Duquesne,
Ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement,
au quotidien Al-Ayyam (26 décembre 2009)
Al Ayyam
(Les jours)
- Une -
L’Union européenne soutient le plan de l’Autorité palestinienne
Le conseiller de Sarkozy : la Palestine est dotée de plusieurs
éléments constitutifs d’un Etat,
mais l’occupation perdure
Abdel Raouf Arnaout - Pierre Duquesne, Ambassadeur français chargé du suivi des
questions économiques, de reconstruction et de développement et de la Conférence de Paris
des donateurs pour l’Etat palestinien, a affirmé que la France traitait, dans une certaine
mesure, avec la Palestine en tant qu’Etat : « nous considérons qu’il existe effectivement de
nombreux éléments constitutifs d’un Etat, même si nous savons que l’occupation demeure. Il
ne peut y avoir d’Etat entièrement sous occupation, mais cela ne signifie pas que nous ne
devons pas accomplir ce que nous sommes en train d’accomplir sans attendre la fin du
processus. Nous voulons traiter avec l’ensemble des Territoires palestiniens, avec la
Cisjordanie et la bande de Gaza et pas seulement avec la Cisjordanie. Rappelons-nous que
lorsque la communauté internationale a décidé de soutenir le budget de l’Autorité
palestinienne, il ne s’agissait pas d’une aide destinée à la Cisjordanie seulement, mais à la
Cisjordanie et à la bande de Gaza ».
Deux ans après la Conférence de Paris des donateurs pour l’Etat palestinien, Pierre
Duquesne a qualifié d’ « exceptionnel » ce qui a été accompli, notamment s’agissant des
engagements pris à cette occasion par les Etats participants : « deux ans après la Conférence
de Paris, nous ne considérons pas que nous sommes au bout du chemin, puisqu’il reste une
troisième année. Mais très certainement, ce qui a été réalisé est sans précédent, nous ne
pouvons le constater nulle part ailleurs dans le monde. Pour 2009, l’aide de la communauté
internationale s’élève à environ deux milliards et demi de dollars, dont près d’un milliard trois
cents mille dollars d’aide budgétaire directe. Ces chiffres sont exceptionnels, mais nous
constatons que l’engagement des pays de la région n’est pas à la hauteur des attentes et nous
leur demandons de se joindre à nous pour que nous puissions, tous ensemble, aider le peuple
palestinien et renforcer les progrès qui ont été réalisés sur le terrain afin de construire l’Etat
palestinien ».
Pierre Duquesne a poursuivi : « nous voulons tous la libération de Gilad Shalit et nous
croyons fermement que cette libération doit signifier la levée du blocus politique et
économique imposé à Gaza. Dans un premier temps, cela devrait commencer au moins par un
allégement du système de restrictions existant ».
A l’occasion du deuxième anniversaire de la conférence internationale de Paris qui s’est
tenue en décembre 2007, Pierre Duquesne, l’organisateur de cette conférence, nous rappelle
que « l’intitulé de la conférence de Paris - ‘Conférence des donateurs pour l’Etat palestinien’ a été choisi par le ministre des Affaires étrangères et européennes Bernard Kouchner et que
cette conférence s’étale sur une durée de trois ans. L’intitulé de cette conférence comporte
plusieurs éléments importants. Il s’agit d’abord d’une conférence classique de donateurs, et
sur ce plan les donateurs ont donné bien plus qu’ils n’avaient promis durant la conférence.
Ensuite, il est clairement exprimé dans l’intitulé de la conférence que son objectif est d’aider à
construire un Etat palestinien entièrement souverain. Il s’agit d’un objectif que nous, en
France, souhaitons voir réalisé le plus tôt possible. Par conséquent, nous avons contribué à
l’établissement des institutions de l’Etat, au niveau de la sécurité des citoyens, de la bonne
gouvernance institutionnelle, de la capacité à collecter les impôts.
C’est pour cela que la communauté internationale, notamment l’Union européenne,
soutiennent le plan du gouvernement palestinien présenté fin août qui s’intitule ‘Palestine : la
fin de l'occupation et la création de l'Etat’. Il s’agit, dans une certaine mesure, d’un résultat de
la conférence de Paris, si je peux m’exprimer ainsi. Je pense en effet qu’il aurait été difficile
d’adopter un tel plan avant la conférence de Paris et les progrès réalisés grâce à cette
conférence. Il s’agit d’un autre aspect du succès de la conférence de Paris ».
« S’agissant de la croissance économique, le taux de croissance dans les Territoires
palestiniens en 2008 a été révisé de 2,3 à 6,8%. Cela est le résultat de deux facteurs : les
réformes de l’Autorité palestinienne et les aides des Etats donateurs. S’est ajouté cette année
l’allègement des restrictions israéliennes comme la levée de barrages, l’octroi de permis
d’entrée en Israël et l’autorisation accordée aux Arabes Israéliens de se rendre dans les villes
palestiniennes. Ceci a renforcé la croissance, mais nous n’avons pas encore connaissance du
chiffre exact ».
« Deux ans après la Conférence de Paris, nous ne considérons pas que nous sommes au
bout du chemin, puisqu’il reste une troisième année. Mais très certainement, ce qui a été
réalisé est sans précédent, nous ne pouvons le constater nulle part ailleurs dans le monde.
Cependant, cela ne remplace pas le processus politique qui doit être poursuivi. Ce qui a été
réalisé contribue à créer les conditions nécessaires à la reprise des négociations et le jour
venu, l’Etat palestinien ne sera pas seulement une idée mais disposera de plusieurs éléments
constitutifs d’un Etat ».
A une question sur la possibilité de fusionner le plan de réforme et de développement
présenté lors de la conférence de Paris et le plan « Palestine : la fin de l'occupation et la
création de l'Etat », Pierre Duquesne a répondu : « il y a une cohérence totale entre les deux
plans et donc, en quelque sorte, une fusion. Naturellement, l’Autorité palestinienne traduit le
programme politique en un programme plus spécifique, en un programme sectoriel et en
projets ».
S’agissant de ce qui était prévu une fois la période de trois ans écoulée, il a précisé que
des discussions entre l’Autorité palestinienne et les présidents de la Conférence de Paris
allaient débuter : « il est prévu, conformément au mécanisme de suivi défini durant la
conférence de Paris, qu’une réunion se tienne fin janvier ou début février 2010 ».
Le conseiller du président Sarkozy a poursuivi : « selon nous, et je crois que l’Autorité
palestinienne partage cette idée, il ne faut pas agir sans que notre action puisse s’inscrire dans
un cadre politique. La Conférence de Paris en 2007 n’était pas strictement économique mais
avait aussi une dimension politique, elle est survenue à la suite de la Conférence d’Annapolis.
Nous avons besoin, naturellement, d’une dimension politique et la France reste évidemment
disposée, s’il existe une demande, à jouer son rôle ».
Au sujet de l’accord signé il y a une semaine par le ministre Bernard Kouchner et son
homologue palestinien Riad Al-Malki, Pierre Duquesne a indiqué : « il s’agit d’un document
cadre de partenariat, c’est un accord que la France signe avec les pays auxquels elle apporte
un soutien. Nous avons signé cet accord avec l’Autorité palestinienne même si celle-ci n’est
pas encore un Etat. Cet accord a été négocié avant d’être signé et définit notre coopération sur
trois ans. Nous pouvons dire que nous sommes déjà au milieu de cette période et donc que la
signature arrive, dans une certaine mesure, avec retard. Nous avons en réalité déjà commencé
à le mettre en œuvre, ce qui confirme notre engagement à soutenir le budget de l’Autorité
palestinienne, à allouer une aide humanitaire et à appuyer des projets dans trois secteurs de
base : les infrastructures, l’eau et l’assainissement, le secteur privé et le secteur de la santé. Il
ne faut pas oublier en outre qu’à notre aide bilatérale à l’Autorité palestinienne s’ajoute l’aide
que nous fournissons par l’intermédiaire de l’Union européenne ».
Pierre Duquesne a développé deux autres points que la France compte mettre en œuvre
l’année prochaine et qui doivent faire l’objet de discussions : « premièrement, relancer un
mécanisme qui était en place durant les années 90 prévoyant des subventions dans le but de
faciliter l’octroi de crédits des banques palestiniennes à des entreprises palestiniennes issues
du secteur privé en relation avec des entreprises françaises. Ce mécanisme avait bien
fonctionné pendant les années 90 et donné des résultats positifs. Deuxièmement, la France
entend relancer le système de garanties contre les risques politiques pour les investissements
français dans les Territoires palestiniens afin d’encourager les entreprises françaises à investir
dans la zone industrielle de Bethléem. Nous voulons aider le secteur privé en Palestine. Nous
disons à nos entreprises et aux entreprises du secteur privé que c’est le bon moment pour
investir en Palestine ».
A propos de la zone industrielle de Bethléem, Pierre Duquesne a rappelé les progrès
accomplis, même si « le diable est dans les détails » : « nous avançons bien et nous sommes
sur le bon chemin. Nous encourageons les sociétés françaises ainsi que les entreprises
palestiniennes à y investir. Nous avons organisé une réunion en juin dernier à Paris à cet effet.
Dernièrement, nous avons organisé une autre réunion pour encourager les entreprises
françaises à investir dans la zone industrielle, nous avons expliqué la situation actuelle et les
changements qui se sont opérés. Cette zone industrielle ne doit pas être un parc uniquement
français mais plutôt une zone de coopération bilatérale. Les entreprises palestiniennes doivent
être la partie principale à ce projet ».
Sur les réticences des hommes d’affaires à investir en Palestine dans un contexte risqué, il
a déclaré : « je ne suis pas un homme d’affaires, mais j’ai appris des hommes d’affaires qu’il
y a des risques et que l’on ne peut les nier. Nous apportons notre aide pour réduire ces risques,
nous tenons également les hommes d’affaires informés sur les changements qui se sont opérés
et travaillons en collaboration avec l’Autorité palestinienne ».
Pierre Duquesne a souligné cependant l’impératif de la paix « et pas exclusivement pour
la zone industrielle de Bethléem. Nous pensons que le processus de paix est une nécessité en
soi, car nous sommes convaincus que l’établissement d’un Etat palestinien est une nécessité ».
Interrogé sur l’alternative de s’attacher à la construction de l’Etat en travaillant
parallèlement à mettre fin à l’occupation ou d’attendre la fin de l’occupation avant de
construire les institutions de l’Etat, Pierre Duquesne a déclaré, en se référant à l’exemple
israélien où les institutions étatiques ont été fondées avant la déclaration d’indépendance de
l’Etat : « l’exemple d’Israël est pertinent. Nous avons été témoins ici et là de déclarations
d’indépendance d’Etats en théorie, sans qu’il n’y ait en réalité d’institutions dans ces pays. Ce
sont des Etats sur le papier mais comment peuvent-ils fonctionner sans institutions ? C’est
pour cela que je pense que la construction des institutions étatiques ne peut remplacer le
processus politique mais nous pouvons très bien commencer par les institutions afin qu’elles
soient prêtes le moment venu. Un exemple que je peux citer est celui de la collecte des
impôts, qui n’est pas très élevée mais qui reste bien plus élevée que dans d’autres pays qui
sont déclarés indépendants mais qui sont incapables de collecter les impôts locaux et qui
dépendent de l’aide extérieure bien davantage que la Palestine ». Il a déclaré pour
conclure : « la stratégie présentée par l’Autorité palestinienne est bonne mais elle doit
parvenir à un résultat et n’est pas une alternative aux négociations ».