Compte rendu de lecture : Manifeste du parti communiste -

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Compte rendu de lecture : Manifeste du parti communiste -
BIDEAULT
Michaël
TC04
PH05
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Compte rendu de lecture : Manifeste du parti communiste
-- Karl Marx, Friedrich Engels
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I) Introduction
1° Biographie de Marx et Engels
Biographie de Karl Marx (1818-1883)
Karl Marx, philosophe, économiste, historien et sociologue allemand consacre
sa vie et son œuvre à la mise en pratique de ses analyses théoriques. Il fonde, avec
Friedrich Engels le socialisme scientifique et est initiateur du mouvement ouvrier
international. Sa théorie a pour conséquence l’établissement de régimes politiques
communistes dans de nombreux pays.
Marx, après avoir été sommé par les autorité prussiennes de fermer le journal
dont il est rédacteur en chef, ses opinions politiques et sociales ne plaisant guerre,
s’installe à Paris où il adopte l’idéologie communiste.
Inspiré par la philosophie hégélienne, il passe rapidement de la lutte
philosophique à la lutte sociale. Il considère que l’Etat, pour incarner un absolu, doit
être situé au dessus des classes et que dès lors qu’il ne l’est plus, celui ci ne
conserve aucune légitimité. Ainsi, afin que l’essence de l’Homme trouve un plein
épanouissement, la philosophie doit permettre d’ « allier » l’humanité souffrante qui
pense et l’humanité pensante qui est opprimée.
Peu après la parution du Manifeste, accusé d’avoir incité à l’insurrection des
armées, Marx travaille à la construction d’un mouvement communiste international.
L’influence de Karl Marx sur ses contemporains n’est pas très grande de son
vivant mais elle s’accroît considérablement après sa mort avec l’importance que prit
le mouvement ouvrier. Il faut cependant prendre garde à ne pas résumer la pensée
de Marx à ses seuls slogans. Ses théories constituent aujourd’hui l’un des principaux
courant de pensée politique contemporaine, cependant parfois malmené et craint.
Biographie d’ Engels (1820-1895)
Il est le fils d’industriels textiles. Il se passionne rapidement pour Hegel et Feuerbach.
Puis il rencontre Karl Marx et très vite les deux hommes se rendent compte qu’ils
étaient arrivés à la même conclusion sur la nature des problèmes révolutionnaires et
le communisme leur apparaît comme une nécessité pour un futur prochain.
Plus tard, il est rappelé pour reprendre l’entreprise familiale et c’est là qu’il initie une
philosophie matérialiste basée sur les classes sociales et la prédominance de
l’économie dans l’histoire. Il participe à la révolution allemande et retrouve Marx à
Londres où il s’attache à définir le matérialisme historique.
Après la mort de Marx, il se chargera de terminer son œuvre.
La rencontre
Marx et Engels ont organisé la philosophie communiste, pensée riche et
aboutie dans la mesure où elle peut englober toute une dimension humaine et dont
le Manifeste constitue le meilleur exposé. Il est le premier écrit systématique de la
doctrine socialiste moderne et fut rédigé par Marx en parti à partir des brouillons de
Engels.
Tous deux têtes pensantes de la Ligue des justes, ils présentent pour
avantage de prendre en considération à la fois le métier, les luttes et la politique
contemporaine ainsi que le point de vue historique
Tous deux engagés dans les luttes sociales dès 1840, ils observent le Paris de
l’époque avec le recul de l’après révolution de 1789 qui met en scène une
contestation radicale d’une domination bourgeoise s’étant accaparé les faveurs de
l’Etat.
En s’attachant aux théories communistes et en se définissant comme tels, les
deux auteurs cherchent à marquer leurs liens dominants avec les révolutionnaires,
refusant de se lier à toute idéologie ne proposant qu’un simple pansement comme
solution.
2° Le contexte d’écriture du manifeste, et ses motivations générales
Pour résumer le contexte de l’écriture du manifeste, on peut dire qu’il s’agit d’un texte
fondateur, né pendant la révolution industrielle.
Concernant la démarche de ses auteurs, et donc les motivations générales de
l’ouvrage, elle consiste d’abord à montrer qu’il y a une force sociale transnationale
qui naît, se développe, s’organise et qui s’appelle le prolétariat, et ensuite à affirmer
l’émergence d’une force politique nouvelle et embryonnaire qui veut se faire
connaître, les communistes.
Il s’agit donc dans le manifeste d’expliquer de manière synthétique la lutte des
classes en s’appuyant sur une certaine lecture de l’histoire, Les idées qui y sont
mises en avant restent cependant de l’ordre de l’affichage et ne seront plus
rigoureusement démontrées que dans l’œuvre postérieure de Marx-Engels et par les
actions du prolétariat en lutte.
Il s’agit donc principalement de slogans, d’axes d’un programme, et qui appelle à une
direction de l’histoire en devenir particulière.
Enfin, il est intéressant d’introduire la présentation du texte par la question de sa
diffusion. En effet, il eut écho très faible en 1848, et resta un moment peu connu et
peu utilisé. On peut illustrer cet constat par le fait qu’il n’est traduit en France qu’à la
fin du 19e et doit quasiment attendre la révolution russe avant d’être réellement
étudié. Cependant, on ne peut nier qu’avec les nombreuses luttes sociales qui se
sont développées depuis une centaine d’années, le manifeste a connu au final une
formidable diffusion et un grand nombre de traductions : ceci était pourtant
difficilement prévisible à l’origine, au vu de la manière dont le texte avait été perçu !
II) Résumé
PREMIER CHAPITRE
Il semble être le plus essentiel, car il pose l’analyse de l’histoire dont découlent les
thèses communistes. Il explique et critique la division entre prolétaires et bourgeois
La première idée exprimée est que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est
l’histoire de luttes de classes »
Cette expression qui est à la base de la démonstration du manifeste, révèle deux
points essentiels :
Premièrement, le constat est fait que des classes sociales différentes se dessinent et
s’opposent à travers l’histoire : homme libre/Esclave, baron/serf, ou plus
généralement oppresseur/opprimé.
Il s’agira donc de définir les classes existantes, contemporaines au manifeste, en
expliquant (dans le but de démontrer) leur naissance et leur réalité.
Le second point est de prendre en compte la thématique de la « lutte ». Ainsi, dans
la suite, on voit que lorsque deux classes s’opposent, une lutte continue se met en
place sous diverses formes. Son issue est la « transformation révolutionnaire ou la
disparition des deux classes »
En analysant les rapports humains dans une société sous cet angle d’observation,
on considère que la société bourgeoise moderne, en comparaison avec la société
féodale à laquelle elle succède, a opéré une transformation révolutionnaire sur la
forme (conditions d’oppressions différentes, lutte différente, classes différentes) mais
pas sur le fond : les antagonismes des classes existent toujours.
La nouveauté semble être la simplification de cette opposition, car seules deux
classes émergent : la bourgeoisie et le prolétariat. Précisons que par la suite,
l’antagonisme des classes n’apparaît pas comme purement manichéen, puisque
entre petit-bourgeois et prolétaires contraints à adopter la logique de la concurrence,
des couches intermédiaires existent.
Le manifeste montre alors comment au cours d’une longue histoire le capitalisme
s’est développé au sein de l’ancienne société féodale (qui elle-même avait remplacé
des manières antérieures de produire les biens utiles à la reproduction des sociétés),
et comment à travers ce développement se sont situés prolétaires et bourgeois.
Emergence de la bourgeoisie :
Par l’internationalisation du commerce et les développements techniques intensifiant
les échanges marchands, le constat est fait que le mode d’exploitation et de
production féodal ne suffit plus aux besoins.
En même temps, le pouvoir des bourgeois (classe moyenne industrielle) prend plus
de poids par l’importance que prend la manufacture. Puis, par la révolution
industrielle, la manufacture est elle même remplacée par la grande industrie (les
millionnaires de l’industrie étant les bourgeois modernes).
On observe donc plusieurs facteurs qui interagissent : développement des
techniques => élargissement du commerce => accélération du développement des
moyens d’échanges (transport, communication), qui contribuent au développement
de la bourgeoisie et de sa puissance.
On peut alors repérer la thèse matérialiste suivante : les révolutions en terme de
production et d’échange révolutionnent l’organisation politique (c’est à dire la
manière de vivre ensemble, mais aussi la répartition des pouvoirs).
On nous explique alors les principales caractéristiques de la classe bourgeoise dans
la société capitaliste :
D’une part, il est important de constater que contrairement à la classe opprimante du
féodalisme qui masquait l’exploitation et la misère par la légende de la chevalerie ou
la religion, la bourgeoisie dit ce qu’elle fait, elle exploite explicitement : l’individu
devient une valeur d’échange, dont la force de travail est une donnée quantifiable,
avec la liberté de commerce comme valeur fondamentale. Cela entraîne une perte
de symbolique par rapport à l’activité humaine, quel que soit le métier (« médecin,
juriste, poète, homme de science »), l’individu est avant tout un salarié.
Le capitalisme a progressivement unifié le monde comme un grand marché et réalisé
partout la soumission du travail au capital accumulé, en transformant en
marchandises les objets de l’usage humain, indépendamment de leur nature
(fonction noble ou triviale).
Le second point caractéristique de la bourgeoisie est que, contrairement aux autres
classes dominantes historiques, elle n’est pas une classe stable, elle bouleverse
en permanence les rapports sociaux.
A l’origine, elle a déjà liquidé de nombreuses idéologies et remis en cause les
valeurs de l’ancien régime, mais elle ne peut être établie de manière fixe pour
subsister.
En effet, elle révolutionne constamment la production par ses instruments mais
aussi et surtout ses rapports et donc l’ensemble des rapports sociaux.
En tant que classe sociale, la bourgeoisie possède la maîtrise (historique) du capital ;
elle a produit des idées neuves, inspiré de nouvelles pratiques sociales, contribué à
changer les mentalités, ce qui fut à proprement parler révolutionnaire.
Ainsi, cette révolution des rapports de production a engendré la globalisation des
échanges, et a par conséquent agrandi l’influence du modèle capitaliste à l’échelle
mondiale. Par là même se dessine une interdépendance entre Etats qui met fin à leur
autonomie économique, mais cette dépendance se tisse également au sein même
des états, notamment par la soumission des campagnes à la ville, et surtout par la
concentration de la propriété des moyens de production pour un petit nombre de
personnes.
En résumé, les moyens de production et d’échanges sont la base sur laquelle est
née et a grandi la bourgeoisie. Ce sont des insuffisances du système féodal pour
répondre aux nouveaux besoins du marché, notamment les rapports de propriété,
qui entravaient le développement des sociétés et la production. C’est ainsi que Marx
explique la nécessité à cette époque de révolutionner le système politique. C’est en
remplaçant les anciens moyens de production par la libre concurrence qu’une
constitution sociale et politique nouvelle est apparue, avec pour conséquence la
suprématie de la classe bourgeoise.
Emergence du prolétariat :
Selon Marx, une crise analogue frappe la société bourgeoise moderne qui ne peut
contrôler les nouveaux et puissants moyens d’échange et de propriété qu’elle a
largement contribué à développer. Les preuves données sont les nombreuses et
régulières crises commerciales, et le problème nouveau de la surproduction.
Le développement des forces productives se retourne contre elle, car leur puissance
grandissante ne favorise plus les rapports bourgeois de propriété.
Ainsi, en réformant, elle a formé les ouvriers modernes, les prolétaires, qui se sont
développés à mesure que se sont développés la bourgeoisie et le capital.
Si les bourgeois modernes sont principalement définis par le fait qu’ils détiennent les
moyens de production et pèsent majoritairement sur les échanges, le prolétaire se
définit principalement par le fait qu’il ne possède que sa propre force de travail : « ils
ne vivent qu’à condition de trouver du travail, et n’en trouvent que si leur travail
accroît le capital ».
La bourgeoisie a donc multiplié et unifié, à travers le salariat, la condition de ceux qui
subissent l’exploitation de leur travail, même si ceux qui sont de la sorte exploités
restent dans leur inévitable résistance des agents potentiels de l’ordre capitaliste.
Ainsi, le constat est fait d’une tendance à l’unité du prolétariat qui « s’accroît en
nombre » et se concentre en « masses plus importantes » : il devient plus fort et
prend conscience de l’existence collective du prolétariat.
Mais la condition du prolétaire est décrite dans le manifeste comme une
marchandisation de l’humain qui est, au même titre que des produits, soumis à la
concurrence et au marché.
On apprend donc que la forte tendance à l’unité de la classe ouvrière se heurte aux
effets de la concurrence interne entre travailleurs et à toutes les rivalités et
compétitions (nationales, sexuelles, d’âge et de profession), qui sont l’effet de la
dépendance au capital de masses entières de demandeurs d’emploi ou de petits
producteurs.
Ainsi, les luttes sociales (émeutes, révoltes) restent isolées et leur portée demeure
éphémère lorsqu’elles aboutissent.
De plus, elles s’attaquent souvent aux instruments de productions eux-mêmes
(marchandises étrangères qui font concurrence, par exemple) au lieu de porter leurs
revendications sur le rapport bourgeois de production en tant que tel.
Les prolétaires ne se constituent donc pas spontanément en classe révolutionnaire
internationale : il leur faut encore prendre conscience de leur nombre et de la
communauté de leurs aspirations, accroître leur savoir et surmonter les divisions
objectives qui se multiplient sans cesse tandis que progresse l’espace géographique
et social occupé et transformé par l’action de l’argent accumulé et investi sous la
forme du capital.
Le manifeste prône donc en réponse à la logique de concurrence, une union
révolutionnaire par l’association, qui ne peut se faire que par une prise de
conscience éclairée d’appartenance à une même classe et donc à une force politique
potentielle. Par cette action, la victoire du prolétariat sur les rapports de production
bourgeois peut alors être rendue inévitable.
CHAPITRE 2
Le deuxième chapitre du Manifeste analyse la position des communistes dans cette
lutte de classes et observe ce que doit être leur engagement historique et presque
moral.
Tout d’abord, on situe le parti communiste par rapport aux autres partis ouvriers :
Les deux seules différences sont d’une part que la lutte pour le prolétariat du parti
communiste se fait indépendamment des intérêts nationaux, et d’autre part, le parti
communiste revendique une vue d’ensemble éclairée de la lutte entre prolétaires et
bourgeois. Malgré ces différences, le manifeste prête aux communistes une vocation
de soutien et même de moteur vis-à-vis de ces autres partis ouvriers.
Ensuite, le manifeste défend les idées communistes faces aux arguments de la
bourgeoisie. Cela passe dans un premier temps par ce qu’ils entendent par
« abolition de la propriété privée ». Ainsi, ils expliquent d’abord que les rapports de
propriétés ont subi de nombreux changements dans l’histoire : ils sont donc
contingents et questionnables. De plus, ils précisent qu’il ne s’agit pas de l’abolition
de la propriété en général mais de la propriété bourgeoise, qui repose sur
l’exploitation d’une classe par une autre.
La thèse selon laquelle priver quelqu’un du fruit de son travail signifie l’absence de
liberté et d’indépendance personnelle est examinée : le manifeste répond que le
travail salarié du prolétaire ne crée pour lui aucune propriété, seulement la possibilité
de subsister pour continuer à travailler : il ne vit ainsi que pour servir le capital, tant
que les intérêts de la classe dominante l’exigent.
Le capital est décrit comme étant une puissance sociale, issue de l’activité de
nombreuses personnes : ce n’est pas une puissance personnelle, et les
communistes trouvent donc légitime que le capital soit transformé en propriété
commune, permettant alors l’abolition de l’antagonisme des classes.
Il ne s’agit donc pas d’enlever le pouvoir de s’approprier des produits sociaux mais
d’enlever le pouvoir d’utiliser autrui comme un moyen, par son travail : la propriété ne
permet plus d’asservir.
Sur le même mode de raisonnement du type ‘abolir la propriété déterminée par les
rapports de production bourgeois ne signifie pas abolir la propriété dans l’absolu’, (en
critiquant au passage le paradoxe de la compréhension des bourgeois des
problématiques des rapports de propriétés du passé, alors qu’ils refusent de
comprendre ceux du présent), le manifeste justifie l’abolition de la famille bourgeoise,
de l’éducation familiale, ou encore de la nationalité. En effet, de même que la
propriété privée n’est une réalité que pour 1/10e de la population, les prolétaires n’ont
pas de famille basée sur le profit individuel, ne peuvent recevoir d’éducation que par
l’action de la société, et n’ont pas de patrie à proprement parler, si ce n’est
l’appartenance à une classe à l’échelle mondiale.
Par ces moyens, les communistes désirent abolir l’exploitation de l’homme par
l’homme et de la femme par l’homme, en luttant contre ces flagrantes inégalités de
fait, et affirment que le succès de cette entreprise permettra l’abolition de
l’exploitation d’une nation par une autre.
Leur tâche est donc d’aider à la prise de conscience de ce que les prolétaires sont,
c’est à dire leur conscience de classe, et de soutenir le combat libérateur du
communisme qui a pour fin « d’ôter au capital le pouvoir d’asservir le travail d’autrui à
l’aide de cette appropriation ». Pour y accéder, il faut que la classe ouvrière et ses
alliés établissent leur « suprématie politique », c’est à dire, dans l’ordre politique, leur
capacité à exercer une influence déterminante sur les structures du pouvoir d’Etat.
Etat qui devra se transformer lui aussi de manière que « le libre développement de
chacun » devienne la condition du « libre développement de tous ».
Précisons qu’au 19e siècle, on tenait la violence (notamment celle de l’Etat) comme
un facteur nécessaire et fécond du progrès des sociétés, et le manifeste, qui n’est
pas exempt de l’influence des idées de son époque, en admet la nécessité « …le
prolétariat (…) abolit par la violence les anciens rapports de production, il abolit en
même temps que ces rapports les conditions de l’antagonisme des classes, il abolit
les classes en général et, par là-même, sa propre domination de classe ».
CHAPITRE 3
Ce chapitre prolonge la démarche analytique et politique des deux premières parties,
en soumettant une critique des théories et propositions imaginées par d’autres partis
qui constituent un nouveau genre de philanthropes, réformateurs sociaux et
utopistes, et qui prétendent résoudre la « question sociale » sans toucher au capital
et en faisant l’impasse sur la lutte des travailleurs eux-mêmes.
Il s’agit d’exprimer les thèses et objectifs de ces partis dits socialistes, et de montrer
en quoi, malgré leurs bonnes intentions, elles conservent la structure de société
établissant l’antagonisme des classes, ou refusent d’admettre la nécessité de luttes
pour parvenir à l’abolition de cet antagonisme.
Cependant, si le texte du manifeste critique les positions de ces partis, il n’ignore rien
de ce qu’ils ont apporté et valorise par la confrontation des idées ses propres
origines intellectuelles et politiques.
Ainsi, la démarche est de reconnaître la dimension critique des idées de ces partis
vis-à-vis des fondements de la société existante, tout en précisant les lacunes dans
ces critiques ou dans le modes d’actions correspondants.
CHAPITRE 4
En terme de conclusion, les principaux slogans de l’idéologie communiste sont
rappelés dans cette dernière partie : il s’agit de résumer la motivation et les moyens
de l’action de la classe prolétaire pour son émancipation.
On constate donc que, tout en prenant en compte la complexité de chaque situation
nationale au niveau politique (alliances mais aussi critique de leurs alliés, qui sont
différents en fonction de l’Etat considéré), les communistes se veulent d’abord
comme un parti qui appuie les « mouvements révolutionnaires contre l’ordre social et
politique existant ».
Le prolétariat étant une classe qui se dessine à l’échelle mondiale, le manifeste
proclame que les communistes ont une vocation internationaliste, puisqu’ils
« travaillent partout à l’union et à l’entente des partis démocratiques de tous les
pays».
D’autre part, le manifeste indique ouvertement que les objectifs communistes ne
peuvent aboutir que par un « renversement violent de tout l’ordre social passé » par
une lutte dans laquelle les ouvriers « n’ont rien à y perdre que leurs chaînes ».
Enfin, s’agissant avant tout de la prise de conscience collective d’appartenir à une
même classe, et d’avoir des objectifs de transformation du monde communs, le mot
d’ordre reste l’union : « prolétaires de tous les pays, unissez vous ! ».
Le manifeste permet donc avant tout une réflexion sur la réalité du monde et une
aspiration politique d'égalité de fait (et de droit), par l'union consciente et productive
des plus faibles pour un vivre mieux et une vision internationaliste des rapports
(politiques et non seulement économiques) mondiaux.
III) Commentaires personnels :
1° Idées reçues sur le communisme
Trop souvent, encore aujourd’hui, le mot « communiste » fait peur et a une
connotation bien péjorative : pourtant, par la lecture du manifeste, on se rend compte
qu’il ne faut pas confondre les idées communistes de Marx et Engels (c’est à dire le
projet communiste comme idée) avec sa mise en œuvre comme expérience par des
pays qualifiés de communistes, dans des situations contingentes (c’est à dire non
nécessaires) qui ne sont pas sans influence sur cette mise en oeuvre, et dont le
cadre est parfois difficile : par exemple un niveau économique ou de respect de
l’idéal démocratique plus problématique que dans d’autres pays.
Ainsi, même si l’histoire du 20e siècle a été tragique et monstrueuse en partie en
raison des politiques de certains « partis ouvriers » (par exemple en Russie puis
ailleurs dans le monde) qui ont abouti à la mort de millions d’être humains (famines,
répressions de masses, groupes sociaux tenus pour ennemis décimés, …), il ne faut
pas pour autant croire que l’idée originelle du communisme, présentée dans le
manifeste, justifie par avance de tels massacres, et donc que ceux-ci sont
intrinsèquement liés au communisme dans l’absolu, alors qu’au contraire, on peut
constater que les génocides et les guerres liés au nazisme sont issus d’un
programme mûrement réfléchi.
En effet, l’idée principale du communisme est celle d’une libération nécessaire de
l’humanité, avec un objectif de bien commun sur la question du vivre ensemble, dont
les moyens de mise en œuvre peuvent-être discutés, en fonction des convictions
politiques de chacun, mais dont la fin en soi ne peut pas vraiment être contestée.
Par contre, et justement concernant ces moyens d’arriver au bien commun, on
pourrait reprocher au manifeste le fait qu’il admet l’hypothèse selon laquelle il est
nécessaire d’utiliser la violence pour réformer la société et lutter contre la violence
quotidienne liée à l’exploitation capitaliste.
Cependant, même si des processus de contre-pouvoir au sein de l’Etat ne sont pas
explicité dans le texte, on peut comprendre cette affirmation (surtout à l’époque où il
fut publié, en 1848) comme la nécessité de désarmer, politiquement et
économiquement, la classe dominante afin de donner une chance à
l’accomplissement d’une politique favorable à l’association des prolétaires, alors qu’il
me semble difficile d’y voir le projet de mise en place d’un Etat policier et totalitaire.
De plus, après la lecture des diverses préfaces parues postérieurement (entre autres
par Engels), on se rend compte que l’hypothèse de la voie démocratique et du
suffrage (vraiment) universel comme moyen pour les travailleurs de s’affranchir de la
domination du capital est envisagée : les moyens de mise en œuvre des objectifs
fondateurs du communisme dépendent donc d’un certain degré d’interprétation pour
chacun, et également du contexte.
Il s’agit donc selon moi, à travers la volonté d’appliquer les idéaux communistes tout
en étant conscient de l’échec démocratique de nombreux régimes communistes ou
de la violence extrême de certaines révoltes, de soumettre notre action à la question
de la distinction entre éthique de la conviction et éthique de la responsabilité mise en
valeur chez Sartre : l’éthique de la conviction a ses fins hors d’elle même, par
exemple dans le cas d’une politique partisane trop aveugle, et se dispense donc de
s’interroger sur les moyens, quitte à faire fi des conséquences des actes que l’on
commet même si elles sont contraire à nos convictions, et ce au nom de ces mêmes
convictions. A l’inverse, l’éthique de la responsabilité ne cesse de s’interroger sur les
moyens d’atteindre un idéal : la finalité du projet ne dispense pas de douter des
moyens à utiliser.
Ainsi, il me semble que la lecture du manifeste, si elle est mise en parallèle avec
cette distinction avec le recul contemporain sur l’histoire récente, montre que les
idéaux communistes ne sont pas en soi responsables des atrocités commises au
nom du communisme, et qu’il n’est pas impossible qu’une politique communiste soit
mise en œuvre dans un futur proche par des moyens plus éthiques que par le passé,
dans des conditions plus favorables au respect de la démocratie, et donc en
atteignant un vivre ensemble meilleur tel que Marx et Engels l’ont imaginé.
2° L’actualité du manifeste
Il est légitime de se demander si le manifeste reste un texte d’actualité, c’est à dire à
la fois si les constats qu’il pose concernant l’antagonisme des classes peut-être fait
aujourd’hui, et si ses aspirations et objectifs ne sont pas dépassés.
Le manifeste n’aurait-il qu’un simple intérêt historique, sans aucune application
pratique ?
Selon moi, même si de nouveaux facteurs entrent en jeu, et que le contexte mondial
est différent, ce texte est un outil précieux pour comprendre et critiquer les rapports
sociaux d’aujourd’hui, ou autrement dit, pour penser l’ordre contemporain du monde.
Le premier point à observer est la surprenante lucidité du texte quant au
développement du capitalisme : L’explication selon laquelle la compétition et la libre
concurrence aboutissent inévitablement à la concentration du capital et à la
monopolisation des forces de production se révèle être bien plus vérifiée aujourd’hui
qu’à l’époque de la rédaction du manifeste. Les OPA, les inégalités Nord/Sud et
l’incontestable inégalité de répartition des richesses au sein des Etats (où bien
souvent, moins de 10% de la population, c’est à dire des familles riches, détiennent
la majorité des actions financières, et donc des moyens économiques d’échange et
de production) sont là pour en témoigner.
De même, si le terme de ‘globalisation de l’économie’ est nouveau en soi, l’idée ne
l’est pas : on voit déjà dans le manifeste comment le capitalisme tend à se
développer en un système planétaire, l’analyse de Marx et Engels a donc là aussi
connu une confirmation pratique contemporaine,
En plus de cette étonnante réalité ‘prophétique’ du texte, on peut constater que bon
nombre des enjeux posés par le manifeste sont toujours d’actualité dans le sens où
non seulement ils posent toujours problèmes, mais sont même parfois centraux dans
les politiques actuelles (pas toujours en terme d’action mais au moins en tant que
valeurs)... et même non-communistes.
Ainsi, on peut dénombrer parmi ces thèmes l’égalité homme/femme : si
l’émancipation de la femme est une réalité, l’égalité en droit et en fait des hommes et
des femmes est loin d’être idéale dans des degrés d’intensités variant selon les
Etats ; mais également la non discrimination en général (donc aussi ethnique,
nationale et d’âge) ; ou encore la question de la nationalité et du patriotisme, dont
nous avons subi les conséquences dévastatrices de leurs excès au 20e siècle.
De même, il me semble que la notion de développement durable peut être
considérée comme issue de certains des idéaux du manifeste : bien que la notion
devenue primordiale d’écologie et les problèmes qui y sont associés soient des
éléments nouveaux, le développement durable passe avant tout par une double
solidarité, horizontale et verticale, c’est à dire internationale et trans-générationnelle,
ce qui correspond tout à fait aux aspirations du manifeste.
Abordons maintenant la question essentielle : l’antagonisme de classes, et la lutte
nécessaire qui en découle dans le manifeste, est-il observable aujourd’hui ?
Il me paraît assez évident que oui, malgré la différence flagrante de situation
(systèmes de communication, expérience des deux guerres mondiales, chute du bloc
communiste et donc uni-polarisation du monde) : on a vu que l’évolution du capital
continue de concentrer encore les richesses, les actions, les moyens de productions
et on pourrait aussi dire les pouvoirs de décision entre les mains d’une minorité, à la
fois entre les Etats, et au sein des Etats (même les cours de géographie de Lycée
traitent cette question). La néo-bourgeoisie serait donc constituée principalement des
grands actionnaires. De plus, le caractère instable de la bourgeoisie telle qu’elle est
décrite dans le manifeste, et donc le changement permanent de cette classe, rend
bien compte de son évolution au fur et à mesure que le libéralisme est devenu une
valeur économique commune à la plupart des Etats, et si l’on ajoute les goût pour la
‘mobilité’ et la ‘flexibilité’ en matière d’emploi des entreprises, l’analyse que fait le
manifeste semble bien d’actualité. Un autre exemple serait de comparer le ‘petitbourgeois’ du manifeste avec le ‘cadre moyen’ d’aujourd’hui.
Cependant, la conscience du prolétariat d’appartenir à une même classe paraît plus
difficile à observer : D’une part, car le manifeste tel qu’il est écrit peut-être dur à
assimiler pour le ‘prolétaire’ contemporain, comme la caissière de supermarché,
d’autant plus que le vocabulaire essentiel tel que le terme ‘bourgeois’ a perdu de
sons sens par rapport à l’époque du manifeste : on dirait plutôt aujourd’hui ‘patron’.
Mais il s’agit surtout du fait que, si le rapport exploiteur/exploité peut-être révélé, le
passage de l’importance du nombre d’ouvriers dans le secteur industriel à un plus
grand nombre de ‘prolétaires’ dans le milieu des services rend plus difficile le
regroupement (syndical, par exemple) et la conscience d’avoir des intérêts
communs, peut-être en raison de la concurrence entre les personnes et les secteurs.
Dans l’hypothèse où la thèse marxiste constitue un bien pour les prolétaires et où
elle peut aboutir, la nécessité d’appel à la prise de conscience est donc encore plus
nécessaire aujourd’hui.
Enfin, C’est le message d’union, cet appel confiant de lutte contre les inégalités de
genre ou de classe, qui a une portée universelle* et quasiment atemporelle : c’est à
mon avis principalement cette dimension, essentielle, du texte qui lui prête toute son
actualité, et donne l’espoir d’un vivre ensemble dans la solidarité et l’entraide
mutuelle, sans que la liberté de l’individu ne soit remise en cause.
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* : (en tout cas pour ceux qui ne se considèrent pas comme extérieurs à ces
inégalités, mais l’absence d’action étant un choix…)
3° Une philosophie politique, et une lecture matérialiste de l’histoire
Il me paraît en effet intéressant de montrer que le contenu du texte du manifeste de
Marx et Engels est issu d’une philosophie politique.
Tout d’abord, le terme politique, dans son sens originel, est approprié, car le
manifeste pose un projet de vivre ensemble en prenant en compte des facteurs
historiques (analyse de l’histoire des révolutions et de la lutte des classes), et
économiques (réflexion sur le capital, analyse des rapports de production).
De plus, il est clair qu’il s’agit d’une philosophie : la thématique de la ‘prise de
conscience’ comme éveil philosophique chez Platon, peut être mis en parallèle avec
l’importance de la prise de conscience au niveau de l'individu mais surtout à un
niveau collectif (prolétariat) dans le manifeste.
De même, la remise en question de valeurs (propriété privée, religion, patrie...) et
donc l’esprit critique et une argumentation précise sont autant de dimensions propres
à la philosophie.
D’autres thèmes sont traité philosophiquement : on peut prendre l’exemple de l’enjeu
de l’aliénation entre maître et esclave, qui se retrouve dans le manifeste :
Ainsi, rappelons que Marx considère que l’ouvrier est aliéné par rapport au
produit de son travail puisqu’il en est dépossédé et qu’il est en même temps
producteur d’un capital qui va permettre d’acheter sa force de travail. L’ouvrier
est également aliéné par rapport à son propre travail puisqu’il est arrivé à ne
plus contrôler le processus de production. Et finalement, l’ouvrier selon Marx
est aliéné par rapport aux autres Hommes puisque le capitaliste ne voit en lui
qu’un moyen pour augmenter sa part de profit. Cette aliénation de
« l’esclave » prolétaire est pourtant philosophiquement balancée par le fait
que le capitaliste est lui aussi aliéné puisqu’il est uniquement poussé par l’idée
de compétition et la rationalisation du travail car il n’a qu’un rapport théorique
avec le travail contrairement à l’ouvrier qui est au cœur du processus de
production. On retrouve donc bien la problématique de la double aliénation
chez le maître et l’esclave.
Enfin, cette philosophie est d’autant plus politique qu’elle pense à partir du monde
en basant sa réflexion sur une certaine approche de l’histoire, mais également en
prenant en considération les situations contextuelles de chaque état pour définir son
action concrète.
Etudions maintenant brièvement cette approche particulière de l’histoire utilisée par
Marx dans le manifeste, qu’est le Matérialisme historique, et qui mérite notre intérêt
car elle est à la racine de l’argumentation du texte.
Il s’agit de la théorie selon laquelle la production des biens matériels détermine la vie
sociale et l’apparition des idées. L’histoire ne s’explique donc pas par l’action
volontaire et concertée des Hommes.
Dans le manifeste, il est remarqué que ce qui distingue les Hommes des animaux est
leur capacité à produire des moyens de subsistance. Ainsi une modification des
moyens de production entraîne une modification des conditions de production et
donc une modification dans les rapports que les Hommes entretiennent entre eux.
Ainsi l’histoire est en perpétuelle évolution et les rapports Humains ainsi que la
société s’édifient suivant les forces productives et les rapports de production.
La production créée aussi des disparités dans le travail engendrant des oppositions
entre la ville et la campagne par exemple.
Ainsi, si cette causalité entre mode de production et évolution sociale fait ses
preuves et a un mérite de logique, de vertu scientifique (on peut considérer que c’est
cette approche qui différencie fondamentalement le socialisme utopique critiqué dans
le chapitre 3 et le socialisme scientifique de Marx), il faut garder en mémoire qu’il
s’agit d’une approche particulière de l’histoire, et que cette approche ne peut donc
être exempte d’une part de subjectivité. Ainsi, Les fruits de cette réflexion sont
importants en terme d’information et d’utilité, mais il faut garder en mémoire qu’il
serait prétentieux de conférer à l’analyse historique marxiste une objectivité pure.
Cependant, même dans le manifeste, cette conception n’apparaît pas comme une
finalité : au contraire, il est considéré que la conscience et l’idéologie ont leur rôle
dans l’évolution de l’histoire. C’est justement par des valeurs, les idées communistes
que le manifeste propose de mieux choisir ces rapports de production en fonction
d’une volonté commune, et c’est ainsi qu’est démontrée la nécessité de modifier les
consciences et de les « unifier » à travers une conscience de classe.