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22e Note d'Information sur les technologies du froid Introduction La cryochirurgie, également appelée parfois cryothérapie ou cryoablation, constitue une technique chirurgicale faisant appel à la congélation afin de détruire des tissus indésirables. Bien que le préfixe « cryo » (du mot grec kryos qui veut dire très froid) se réfère habituellement à des températures en dessous de 120 K (la définition adoptée lors du 13e Congrès International du Froid de l’IIF tenu à Washington DC en 1971), la cryochirurgie fait appel à des températures en dessous de la température de congélation des tissus, c’est-à-dire environ 273 K. L’histoire de la cryochirurgie ne remonte pas très loin. Elle est intimement liée aux progrès dans les domaines de la physique des basses températures, de la cryogénie et de l’instrumentation au cours du 20 siècle.1 Elle est utilisée dans de nombreuses spécialités médicales mais reste souvent mal connue et non enseignée dans le cursus classique des études médicales. L’histoire C’est vers 1845 que James Arnott de Brighton (Angleterre) a été le premier médecin à pratiquer la congélation dans le traitement du cancer et à appliquer les basses températures en médecine. La plupart de ses travaux ont porté sur l’anesthésie par le froid. Toutefois, dans plusieurs comptes rendus publiés entre 1845 et 1851, Arnott décrit l’utilisation d’un mélange de glace pillée et de sel pour traiter des cancers avancés du sein et de la cavité utérine. Bien que cette procédure ait été jugée utile par les pairs d’Arnott d’une part et publiée dans les manuels sur le traitement du cancer d’autre part, peu de publications sur l’utilisation du froid pour détruire des tissus sont parues avant la fin du 19e siècle. Les gaz liquides (CO2, air…) étaient disponibles sur le marché à la fin du 19e siècle. Les progrès dans la production des gaz cryogéniques liquéfiés ont permis l’essor de la cryochirurgie. En 1833, Openchowski a rapporté l’utilisation d’un système à basse température pour congeler certaines parties du cortex cérébral chez le chien. En 1899, Campbell White, un médecin new-yorkais, a fait part de l’utilisation de l’air liquide pour le traitement de plusieurs maladies de la peau. Le CO2 solide a été utilisé de façon thérapeutique pour la première fois en 1907 par William Pusey. Ce traitement est rapidement devenu la méthode de congélation des tissus la plus répandue au cours de la première moitié du 20e siècle. En 1942, l’avènement des frigorigènes chlorofluorocarbures a permis de développer le premier système frigorifique utilisé en cryochirurgie en cycle fermé utilisé, mais ce système n’a pas rencontré beaucoup de succès, probablement à cause des températures atteintes qui sont bien plus élevées que celles obtenues à l’aide du CO2 solide qui est en outre moins cher. La cryochirurgie moderne La première sonde miniaturisée fonctionnant à l'azote liquide a été le fruit de la collaboration d'un neurochirurgien, Irving S. Cooper, et d'un ingénieur, Arnold Lee.2 C'est à partir de leurs prototypes que seront développées les sondes fonctionnant à l'azote liquide. Les lésions profondes deviennent accessibles mais par abord chirurgical. A partir de 1964, des cryo-sondes fonctionnant au protoxyde d'azote selon l'effet Joule Thomson permettent une utilisation large dans presque toutes les spécialités médicales. Il faudra cependant attendre les années 80 pour qu'une miniaturisation suffisante des sondes permette une introduction via le canal opérateur des endoscopes, en particulier bronchiques.3,4 Parallèlement à l'évolution de l'utilisation clinique, la recherche expérimentale élucide le processus de cryodestruction.5,6 www.france24.com/en/20100315-tissue-freezing-balloon-beats-drugs-ablation-study Les applications principales Dermatologie : verrues, angiomes, tumeurs diverses sont traités avec succès dans bon nombre de cas. La cryochirurgie peut être une alternative à la chirurgie classique, plus agressive et nécessitant parfois des greffes cutanées. La cicatrice est généralement peu apparente, ce qui place souvent la cryochirurgie en tête des meilleures options thérapeutiques. Pneumologie : l'utilisation du froid en pneumologie est relativement récente car tributaire de la miniaturisation des sondes. La place de cette technique est maintenant bien codifiée, permettant le traitement palliatif de cancers bronchiques obstructifs en dehors des situations d'urgence et de diverses tumeurs ou lésions bénignes plus rares. La cryochirurgie pourrait devenir le traitement privilégié des lésions pré-cancéreuses et des cancers in situ dépistés par les nouvelles méthodes d'autofluorescence. Elle permet aussi l'extraction de corps étrangers bronchiques par le phénomène de cryoadhérence. Urologie : la technique est surtout utilisée pour le traitement de certains cancers de la prostate. Parmi les indications en urologie, on trouve : le traitement des tumeurs superficielles de la vessie, sans risque de perforation ni d'hémorragie, à l'aide de petites sondes endo-urétrales, ainsi que des ectropions et condylomes vénériens de l'urètre. Le matériel pour cette spécialité reste assez onéreux, ce qui est probablement un facteur limitant à l'extension de la méthode. Gynécologie : la cryochirurgie permet le traitement des lésions bénignes du col utérin. L'avis est partagé pour ce qui est du traitement des lésions pré cancéreuses et des cancers in situ. Pourtant, des études randomisées n'ont pas prouvé la supériorité du laser par rapport à la cryochirurgie. Lors de cancers vulvaires avancés, la cryochirurgie palliative permet parfois des résultats spectaculaires. Il en est de même dans certaines formes avancées du cancer du sein. Métastases hépatiques des cancers coliques : la mise en place de cryo-sondes dans les métastases hépatiques sous contrôle échographique est une technique récente. Les sondes sont introduites sous contrôle écho guidé, soit par voie transcutanée à travers un trocart, soit plus généralement après incision abdominale et abord hépatique direct. Des réponses complètes ont été obtenues dans 25 % des cas.7 Dans cette image fixe d’une animation, la congélation est propagée depuis le bout d’une sonde cryochirurgicale insérée dans un foie. Le thermocouple sous forme d’aiguille à côté de la sonde est utilisé pour mesurer la température. Photo : Dr Boris Rubinsky L’arythmie cardiaque : sept millions de personnes dans le monde souffrent de fibrillation auriculaire, un trouble cardiaque alarmant où le cœur bat de manière désordonnée, et son incidence est en augmentation : rien qu’aux Etats-Unis, on estime que 2,2 millions de personnes souffrent de ce trouble.8 En outre, seuls environ 7 % des patients répondent de façon satisfaisante à un traitement médicamenteux. La cryoablation fait appel à la technologie de congélation et permet de cibler de façon précise les tissus à détruire sans endommager les tissus environnants.9,10 Dans cette indication, pour éliminer l’arythmie, on congèle les tissus ou les voies de conduction du cœur responsables de l’interférence dans la distribution normale des impulsions électriques du cœur. En Russie, la cryotechnologie est utilisée dans le traitement de la tachycardie auriculaire, qui constitue l’une des formes d’arythmie les plus courantes. Des centaines de milliers de Russes souffrent de ce trouble. La cryoablation réduit la durée de l’opération, réduit le risque de complications, évite le recours à un traitement antiarythmique coûteux et à vie, et permet de traiter un grand nombre de patients.11 Les cathéters ou sondes cryogéniques sont utilisés pour traiter l’arythmie cardiaque. Des systèmes Joule-Thomson employant plusieurs frigorigènes (MGJT) ont été développés afin d’obtenir des boules de glace d’un diamètre et d’une masse précis,12 et, en affinant le système MGJT, il est devenu possible de rendre optimales les propriétés thermodynamiques et les caractéristiques de transfert de chaleur des dispositifs utilisés.13 Autres indications : presque toutes les spécialités médicales ont utilisé la cryochirurgie pour des indications précises. L'utilisation est parfois large et communément admise, parfois presque confidentielle et le fait de rares spécialistes de par le monde. On citera la chirurgie maxillo-faciale, l'ophtalmologie, la neurochirurgie, le traitement des varices ou des hémorroïdes. Perspectives et défis Au cours des 20 dernières années, les progrès de la cryochirurgie sont indéniables grâce à la miniaturisation des sondes et aux meilleures possibilités de contrôle du processus de congélation in vivo par échographie. Le matériel peut sans doute être encore amélioré et les indications précisées. Les méthodes de prospection de lésions profondes, comparables au GPS (Global Positioning System) des voitures, à des fins diagnostiques, permettent d'envisager des thérapeutiques locales ciblées, dont la cryochirurgie (cancer pulmonaire profond). Plutôt que d'opposer les modes de traitement, la tendance sera de les associer afin de potentialiser leurs effets respectifs, surtout en cancérologie. Ainsi la cryochirurgie sera de plus en plus utilisée en association avec la chirurgie classique, les radiofréquences, la chimio et radiothérapie. En ce domaine, les données expérimentales récentes sur l'apoptose (mort cellulaire programmée) et l'angiogénèse, apportent des compléments d'information sur l'effet synergique de la cryochirurgie et de la chimiothérapie. La cryochirurgie pourrait avoir un effet immunologique, déjà constaté dans certains cancers de la prostate avec la disparition de métastases après traitement du cancer primitif ; ces constatations sont en corrélation avec des études expérimentales sur l'animal. Toutefois le financement de la recherche en ce domaine du froid reste très faible et le privilège de rares équipes qui disposent d'un budget ponctuel. L'enseignement de la technique reste un domaine hautement spécialisé. Une plus large information au cours des études médicales serait souhaitable. Conclusion Globalement, la cryochirurgie est une technique relativement simple, efficace, et peu onéreuse comparée à d'autres. Elle peut avoir un intérêt dans les pays en développement, à condition que ces pays puissent s’approvisionner facilement en gaz cryogénique, azote liquide et protoxyde d'azote. Recommandations de l’IIF - Renforcer l’enseignement de cette discipline dans le cursus des étudiants en médecine. Favoriser la diffusion des résultats de la recherche dans ce domaine. Technique efficace mais peu soutenue financièrement par les pouvoirs publics. Favoriser l’émergence de cette technique en augmentant le financement de la recherche. References Rubinsky B, Review of Cryosurgery, Annual Review of Biomedical Engineering, August 2000, Vol. 2, 157-187. Cooper LS, Lee A. Cryostatic congelation: a system for producing a limited controlled region of cooling or freezing of biologic tissues. J. Nerv. Ment. Dis. 1961, 133, 259-263. 3. Homasson JP, Renault P, Angebault M, Bonniot JP, Bell NJ. Bronchoscopic cryotherapy for airway strictures caused by tumors. Chest. 1986, 90,159-164. 4. Maiwand MO. Cryotherapy for advanced carcinoma of the trachea and bronchi. Brit. Med. J. 1986, 293, 181-182. 5. Mazur P. The role of intracellular freezing in the death of cells cooled at supra-optimal rates. Cryobiology. 1977, 14, 251-271. 6. Rubinsky B. 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