droit à l`oubli

Transcription

droit à l`oubli
THENetworker
#17 - Octobre 2014
Enjeux et cultures numériques
Notre dossier thématique
droit à l’oubli
des contre-vérités qui verrouillent le débat
Daniel Bertrand
Saisie de justice des biens de M. Daniel Bertrand
www.sitedunjournal.com
Suite à la saisie des biens de M. Daniel Bertrand en raison d’un recouvrement de dettes, la
maison est mise en vente aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Mise aux enchères - propriété immobilière de M. Bertrand
www.sitedunautrejournal.com
La maison de M. Daniel Bertrand située au 6 rue de Madrid à San Sebastian sera mise en vente
aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Daniel Bertrand - Linkedin
DEMANDE
DE PRÊT
11
17
Interview de Richard
Malka,
Nous avons testé
l’Oculus Rift
avocat spécialiste en droit
de la presse et des médias
é
Le légitime et
di nécessaire débat
sur
le
droit
à
l’oubli
to
Par Albéric Guigou
Co-fondateur de Reputation Squad
The Networker est un magazine
bimestriel édité par la société
Reputation Squad.
Pour vous abonner
gratuitement, rendez-vous sur
http://www.the-networker.fr
« Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle,
par quelque procédé que ce soit
des pages ou images publiées
dans la présente publication,
faite sans l’autorisation écrite
de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. »
(Loi du 11 mars 1957, articles
40 et 41 du Code pénal art. 425.)
Dépôt légal à parution, issn
2263-486X
Directeur de la publication :
Albéric Guigou.
Rédacteurs :
Max Chouzier,
Jérémie Noël,
Jean Chérin,
Laura Dorstter,
Edouard Rouzé,
Mathieu Préau,
Julien Tissandier,
Junquiang Yu,
Fabrice Ivara,
Albéric Guigou.
Enfin ! La décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, avec
toutes ses imperfections, a permis d’ouvrir un débat que nous appelions
de nos voeux depuis la création de Reputation Squad.
Internet a atteint une maturité suffisante pour que l’ensemble des
acteurs se posent la question des risques que peur représenter la
mémoire sans fin de ses serveurs. Nous allons jouer notre rôle dans
ce débat et ce numéro de The Networker est une première étape, avec
notre dossier et une interview de l’avocat Richard Malka.
Au-delà de ce sujet majeur, nous nous penchons également sur trois
tendances qui ne cessent de nous fasciner et que nous explorons avec
passion :
- le web chinois et ses usages si particuliers,
- les objets connectés avec un focus sur l’Oculus Rift,
- et l’émergence de médias qui bouleversent radicalement le paysage
comme Vice News.
Excellente lecture à vous !
A.G.
Direction artistique :
Céline Rouquié.
Crédits photographiques :
Couverture :
Mathieu Préau
Céline Rouquié
© 2013 oculus VR, Inc.
Intérieur :
© Jérôme Dubois, Mathieu
Stern et Jean Vergé pour la
Maïf
© Google
© Mstylav Chernov
© Netflix
© Dasemarcalvarez
© Hans
© D.S.X
© Facebook
© TheAngryTeddy
© Jim Benton
© 2013 oculus VR, Inc.
© Editions Nouveaux Débats
© Café des abattoirs
Mathieu Préau
Céline Rouquié
The Networker | Numéro 17 |
0 3
The Networker - nouvelle édition
17
14
Daniel Bertrand
Saisie de justice des biens de M. Daniel Bertrand
www.sitedunjournal.com
Suite à la saisie des biens de M. Daniel Bertrand en raison d’un recouvrement de dettes, la
maison est mise en vente aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Mise aux enchères - propriété immobilière de M. Bertrand
www.sitedunautrejournal.com
La maison de M. Daniel Bertrand située au 6 rue de Madrid à San Sebastian sera mise en vente
aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Daniel Bertrand - Linkedin
07
13
Numéro 17 - Octobre 2014
03/
ÉDITO
05/
BILLET
D’HUMEUR
07/
DOSSIER
11/
Interview
12/
CAS PRATIQUE
13/
LE COIN DU
JURISTE
14/
Société
16/
CULTURE
CLASH
17/
L’APPLI DU
MOMENT
07/
DEMANDE
DE PRÊT
Droit à l’oubli : des
contre-vérités qui vérouillent le débat
Ces quelques mots ont suscité bien des
réactions depuis quelques mois. Qu’on
adhère ou non à la solution du juge
européen, une chose est sure : le sujet ne
laisse pas indifférent.
14/
Vice, l’avenir de l’info ?
Les médias traditionnels vont de plans
économiques en plans sociaux et pendant
ce temps, le groupe Vice Media atteint la
valorisation de 2,5 milliards de dollars et
compte 4 000 salariés dans le monde.
12/
16/
Depuis mai 2014, le droit à l’oubli accordé
par Google à l’Union européenne est un
moyen de protéger ses données personnelles.
Ce qui est loin d’être encore le cas en Chine.
So earlier this summer, Facebook
announced that they were trying out a
system that would flag satire articles in
our news feed to let us know that said
articles are not, in fact, real news.
Google vous oubliera
peut-être, mais pas Baidu
13/
Facebook contre ses
utilisateurs
La guerre est déclarée entre Facebook et ses
utilisateurs européens. Une action collective
internationale est en cours pour que le géant
américain cesse ses atteintes à la vie privée
et respecte la réglementation européenne.
Facebook News
Satire Attire
17/
L’Oculus Rift
Le projet Kickstarter qui a lancé l’Oculus
a été racheté 2 milliards de dollars par
Facebook et les termes « révolution »
ou encore « immersion » sont monnaie
courante pour décrire le dispositif.
Le billet d’humeur
Internet, ou la dénonciation
décomplexée
E
n France, on a toujours été plutôt
réfractaire à la dénonciation. Marqué
aussi bien par son penchant latin pour une
gentille anarchie que par le traumatisme
collectif de la collaboration, le Français moyen
n’était plus trop porté sur la délation ces dernières
décennies.
Or, récemment, un certain nombre d’initiatives
souvent menées au titre de grands concepts plus
ou moins inattaquables comme la transparence ou
le droit d’information du public ont laissé un petit
arrière-goût discutable.
Ici, lemonde.fr met en ligne un formulaire invitant
les internautes à dénoncer les clients de l’agence
Bygmalion (compilés ensuite sur une carte de
France), là Rue89 relaie la création d’un compte
Twitter qui recense les modifications faites sur
Wikipedia à partir d’ordinateurs de l’Assemblée
Nationale, plus loin, ce sont les médias ou des
sites spécialisés qui exposent publiquement les
particuliers ayant bénéficié du droit à l’oubli de
Google.
Selon André Comte-Sponville, il faut savoir
distinguer la dénonciation, un acte potentiellement
civique et dont l’objectif est de défendre des
victimes ou l’intérêt public, de la délation, qui est
motivée par la haine, l’intérêt ou l’amour-propre et
donc ontologiquement immoral.
Dans les cas de Bygmalion et Wikipedia, la
question se pose effectivement. Les procédés ne
sont pas très élégants et ressemblent plutôt à
des chasses aux sorcières bêtes et méchantes,
mais on peut tout de même arguer que ces outils
de dénonciation procèdent d’un souci de défense
de l’intérêt général. En brocardant publiquement
des comportements négligents ou maladroits (plus
que foncièrement malhonnêtes), on inciterait les
personnalités publiques à être plus vertueuses.
Soit.
Illustration :
Céline Rouquié
Liens :
 Le formu-
laire «hidden
from Google»
http://hiddenfromgoogle.com
 Le for-
mulaire de
dénonciation
du Monde sur
les clients de
Bygmalion.
http://bit.
ly/1v48LJ6
 Le robot
qui «grille» les
modifications
Wikipedia des
députés
http://bit.
ly/1u2cpmB
Dans le cas du droit à l’oubli toutefois, il s’agit
sans contestation possible de délation. Un exemple
concret, c’est ce site, hiddenfromgoogle.com, qui
demande aux internautes de dénoncer les gens qui
ont bénéficié du droit à l’oubli de Google. Certains
titres de presse ont décidé d’en faire autant. Ceux
qui avaient obtenu d’être oubliés sont donc à
nouveau exposés, par un autre moyen, sur décision
unilatérale d’un organe sans la moindre légitimité
morale ou juridique.
Ces quelques exemples sont symptomatiques d’un
état d’esprit contemporain, encouragé par des outils
(l’appel à témoin n’a jamais été aussi facile) et une
certaine idéologie du web : la liberté d’expression
avant tout, la vindicte perpétuelle contre les
politiques, les entreprises, les restaurants ou son
voisin, la relative impunité offerte par l’anonymat
ou encore l’illusion que toutes les opinions se
valent.
Mais plus qu’un symptôme, ce recours à la
dénonciation populaire par des acteurs faisant
autorité devient un moteur (ou à tout le moins
un garant) du retour à cet instinct moyennement
plaisant de la nature humaine.
Par Jérémie Noël
The Networker | Numéro 17 |
0 5
Brèves
http://ereputation.paris.fr/webserie/
Websérie (Z)héros Sociaux
Les vidéos (Z)héros Sociaux empruntent un ton drôle et décalé avec pour
objectif d’évoquer les principaux risques rencontrés sur le Web grâce aux
mésaventures de super héros, eux aussi bien vulnérables quand il s’agit de
protéger leur image en ligne !
Cette Websérie à l’initiative de la Maif vient compléter le dispositif de
prévention e-réputation « Net sur le Net » mis en place par l’assureur en
partenariat avec la Mairie de Paris et avec le concours de Reputation Squad.
Copie d’écran de la vidéo « Botman et le voleur d’identité » - © Jérôme Dubois, Mathieu Stern et Jean Vergé pour la Maif
http://on.wsj.com/Y0d1fz
La France championne du
droit à l’oubli
Sur les 91 000 demandes reçues par Google
depuis la mise en ligne des formulaires
du droit à l’oubli, pour toute l’Union
européenne, 17 500 viennent d’internautes
français (chiffres du 18 juillet 2014).
L’Allemagne et le Royaume-Uni, avec
respectivement 16 500 et 12 000 demandes,
complètent le podium.
Copie d’écran du formulaire Google.
http://bit.ly/1yqrP8t
Des utilisateurs de Twitter
jugés en Turquie
Au moment même où le 9ème forum de
l’ONU sur la gouvernance d’Internet
se tient à Istanbul, en Turquie, 29
utilisateurs de Twitter sont poursuivis
en justice pour avoir posté des messages
critiques à l’encontre des autorités turques
sur le réseau social, lors du mouvement de
protestation de la place Taksim, en 2013.
Marche vers la place Taksim en 2013
© Mstyslav Chernov - Wikimédia Commons
http://bit.ly/1v9xWZT
logo Netflix
Protestation sur le projet
d’un Internet à deux vitesses
Une centaine d’acteurs du Web, parmi lesquels
Netflix, Microsoft, Google, Amazon, Twitter
ou Facebook, ont lancé une vaste campagne
de protestation pour défendre la neutralité
d’Internet. La cause de ce mécontentement :
la proposition du régulateur américain des
télécoms d’autoriser les opérateurs à faire
payer l’accès à une vitesse de connexion
optimale aux sites Web.
0 6 The Networker | Numéro 17 |
Les chiffres
C’est le nombre de requêtes reçues par
Google (au 18/07/14) pour des demandes de
désindexation depuis la décision de CJUE
du 13/05/14, dans le cadre de la procédure du
droit à l’oubli. Au total, 53% de ces demandes
ont été accueillis favorablement.
http://on.wsj.com/Y0d1fz
MILLIONS
C’est le nombre d’abonnés qui ont opté
pour la 4G, un an après son lancement
à grande échelle en France.
http://bit.ly/1qtd4rf
MILLIONS
Dans la nuit du 8 au 9 septembre,
le site français Blablacar, leader
européen du covoiturage, a franchi
la barre des 10 millions de membres.
http://bit.ly/1xBMRk4
D’après certaines rumeurs, relayées
dans les grands médias, Apple aurait
demandé aux opérateurs américains
d’augmenter le prix de l’iPhone 6 de
100 dollars par rapport à l’iPhone 5s.
http://read.bi/1jEf000
C’est le nombre de « gouvernements
étrangers, factions étrangères et
organisations politiques » que la NSA
a espionné avec l’autorisation des
autorités américaines, notamment via
internet, selon Amnesty International.
http://bit.ly/1lw2XGs
C’est l’augmentation du taux d’infection
(présence de logiciels malveillants) des
téléphones mobiles au cours du premier
semestre 2014 selon Alcatel-Lucent. Un
chiffre qui a doublé par rapport à 2013.
http://bit.ly/1ohtTWt
Dossier : droit à l’oubli
En
qu
ête
Daniel Bertrand
Saisie de justice des biens de M. Daniel Bertrand
www.sitedunjournal.com
Suite à la saisie des biens de M. Daniel Bertrand en raison d’un recouvrement de dettes, la
maison est mise en vente aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Mise aux enchères - propriété immobilière de M. Bertrand
Droit à l’oubli :
www.sitedunautrejournal.com
La maison de M. Daniel Bertrand située au 6 rue de Madrid à San Sebastian sera mise en vente
aux enchères ce mardi 12 juin 2008.
Daniel Bertrand - Linkedin
DEMANDE
DE PRÊT
Illustration par
Céline Rouquié
des contre-vérités
qui verrouillent le
débat
Droit à l’oubli. Ces quelques mots ont suscité bien des
réactions depuis quelques mois. Qu’on adhère ou non à
la solution du juge européen une chose est sûre : le sujet
ne laisse pas indifférent.
L
e 13 mai dernier, la Cour de Justice de
l’Union Européenne (CJUE) rendait une
décision importante sur la responsabilité
des moteurs de recherche.
Improprement qualifiée de « décision droit à
l’oubli », puisqu’il ne s’agit légalement pas tant de
« droit à l’oubli » que de protection des données à
caractère personnel, l’arrêt de la CJUE ouvrait
de fait une nouvelle procédure pour qui souhaite
voir disparaître certaines informations basées
sur des données inadéquates, obsolètes ou nonpertinentes.
On a déjà beaucoup parlé de l’affaire elle-même,
aussi nous ne l’aborderons ici qu’en quelques
mots. Un Espagnol souhaitait faire disparaître des
résultats Google deux articles de presse portant
sur une saisie-vente dont il avait fait l’objet 10 ans
auparavant.
The Networker | Numéro 17 |
0 7
Dossier : droit à l’oubli
Cerise Lambert
Cerise Escort Paris
www.siteescortegirl.com
A l'aise en toutes circonstances, je suis une personne sensuelle, douce et passionnée, qui se
nourrit de son appétit pour la tendresse et la chaleur humaine.
Cerise Lambert on Twitter - escort girl
www.twitter.com/CeriseLambert
The latest from @CeriseLambert manager dans un groupe spécialisé dans l’industrie
agro-alimentaire français.
Images correspondant à Cerise Lambert
Signaler des images inappropriées
DROIT À L’OUBLI
constatation que la question est extrêmement
complexe, mais permettra peut-être d’esquisser
une solution qui soit meilleure pour concilier des
libertés et des droits qui s’opposent. Une solution
qui, pour paraphraser Churchill, serait la pire des
solutions, à l’exception de toutes les autres qui
auraient pu être testées jusque-là.
Saisie par la justice espagnole, la CJUE analyse
le cadre européen de la protection des données
personnelles et conclut qu’un moteur de recherche
est tenu d’étudier la demande d’un particulier qui
estime que ses droits sont lésés. En pratique, le–dit
moteur de recherche doit faire la balance entre le
droit au respect de la vie privée de l’individu d’une
part et le droit du public à accéder à l’information
d’autre part. Si le premier semble devoir l’emporter,
le moteur de recherche intervient et empêche en
partie l’affichage du contenu litigieux.
LA SOLUTION EST CRITIQUABLE, MAIS
LE DÉBAT EST SAIN
La décision et ses conséquences ont fait couler
beaucoup d’encre. Dans notre infographie sur
le sujet, nous constations que le mot clé « droit à
l’oubli » était passé de 80 à 2 000 mentions sur
internet du jour au lendemain, entre le 13 et le 14
mai. Si la plupart des premiers articles de presse se
bornaient à une explication de texte plus ou moins
rigoureuse, les discussions se sont rapidement
muées en un débat clivant entre ceux qui se
félicitent d’une meilleure protection accordée aux
individus et ceux qui s’alarment des potentielles
dérives d’un tel système.
Il est certain que cette nouvelle façon d’appréhender
le droit européen introduit un bouleversement
considérable des usages, et impacte certains des
droits les plus fondamentaux de nos démocraties
modernes. Un débat construit est dès lors à la
fois bienvenu et nécessaire. Il débouchera sur la
0 8 The Networker | Numéro 17 |
Illustration :
© Reputation Squad
Liens utiles
 Décision du
13 mai 2014 de
la Cour de Justice de l’Union
Européenne :
http://bit.
ly/1roZJVV
 Infographie
pour tout savoir
sur le droit à
l’oubli : http://
bit.ly/1zZAKuW
 Reputation
Squad a lancé
une plateforme
pour répondre
à vos questions
sur le sujet :
http://droit-oubli.eu
Débattre est une bonne chose. Mais pour bien
débattre, il faut pouvoir s’affranchir de certaines
idées reçues ou trompeuses qui grèvent la
discussion et empêchent parfois totalement une
réflexion saine et salutaire.
4 IDÉES FAUSSES SUR LE « DROIT À
L’OUBLI »
Google supprime ou déréférence des contenus.
Il est faux de dire que saisi d’une requête « droit à
l’oubli », Google ou tout autre moteur de recherche
supprime les contenus sur internet. Il est aussi
inapproprié de dire qu’il les déréférence ou les
désindexe.
Il est évident que Google n’a pas la main sur les
contenus qu’il indexe. Un contenu retiré de son
index est donc toujours accessible sur internet, sans
que l’entreprise n’y puisse rien. Mais en matière de
« droit à l’oubli », les contenus sur lesquels Google
intervient ne sont pas non plus à proprement
parler désindexés. Ils continuent de s’afficher dans
les résultats de recherche, sauf lorsque l’on tape le
nom de la personne qui a adressé la requête sur le
fondement du « droit à l’oubli ».
Dossier : droit à l’oubli
La différence est fondamentale. Aucun site internet
ni aucun média n’est censuré dans cette affaire. Il
n’existe pas d’article qui deviennent soudainement
introuvable sur Google à cause du « droit à l’oubli »,
et ceux qui disent l’inverse se trompent ou cultivent
volontairement l’ambiguïté. Il suffit, pour s’en
convaincre, de faire quelques tests sur des articles
prétendument déréférencés sur ce fondement. On
les retrouve tous, sans exception, sur Google, en
tapant quelques-uns des mots-clés principaux de
ces contenus.
Google est laxiste sur le traitement des
demandes.
Il est des voix pour s’inquiéter du traitement que
Google ou ses concurrents réservent aux demandes
reçues sur le fondement du « droit à l’oubli ». Qu’on
se rassure, ces sociétés ne sont pas favorables à cette
nouvelle conception dégagée par la CJUE, elles ne
sont pas non plus facilement impressionnables et
elles sont viscéralement opposées à toute intrusion
de quiconque dans leurs affaires.
Supposer que Google accède un peu trop facilement
aux requêtes relève de l’absurde. Aujourd’hui,
les équipes de Google rejettent peu ou prou, à de
rares exceptions près, tous les cas qui font débat
d’une manière ou d’une autre. Si le contenu visé
concerne une affaire judiciaire ou une procédure
administrative (même ancienne), un comportement
dans le cadre d’une activité professionnelle
ou institutionnelle ou encore des accusations
publiques même peu étayées, il est probable que
la requête soit refusée. Il en va généralement de
même pour toute personne dotée d’une dimension
publique.
Il reste un important volume de requêtes qui sont
acceptées. Les erreurs manifestes ou les données
personnelles reproduites à tort d’une part, mais
également nombre de situations auxquelles on ne
pense pas avant qu’elle ne nous tombent dessus ;
on n’imagine généralement pas combien de traces
gênantes et totalement inintéressantes de notre
vie peuvent tôt ou tard surgir des limbes d’Internet
pour nous pourrir la vie.
Le « droit à l’oubli » est une menace pour les
libertés d’expression et d’information.
Le tir de barrage est venu de la presse. D’abord
relativement factuel, le traitement de l’information
a vite dérivé vers une hostilité franche de certains
acteurs particulièrement sensibles lorsqu’est
évoqué le spectre de la censure. Plusieurs médias
sérieux se sont laissés abuser par les mots et ont
sérieusement cru que des articles avaient disparus
des moteurs de recherche. Il n’en était rien.
Chacun peut et doit pouvoir s’exprimer librement
dans une société démocratique. Personne ne dit
ni ne pense le contraire et il serait fou de croire
que les juges européens considèrent ces principes
comme accessoires. Les articles publiés restent
consultables dans leur intégralité. Ils demeurent
indexés par les moteurs de recherche, principaux
pourvoyeurs de contenus, sauf sur une recherche
précise.
Douce censure que celle qui vous laisse vous
exprimer et ne vous empêche en rien d’accéder à
une très large audience…
Le « droit à l’oubli » est une réécriture de
l’histoire.
C’est un sujet récurrent quand on parle d’introduire
un « droit à l’oubli », sujet qui n’a pas manqué de
ressurgir à l’occasion de la décision de la CJUE.
Le journaliste d’aujourd’hui se veut à la fois
l’informateur du moment et le garant de l’Histoire.
A lire certains, en acceptant qu’une demande
puisse conduire à une désindexation partielle d’un
contenu de presse, on dépossèderait le journaliste
de son rôle de décideur de ce qui doit être porté à
l’intention du public. C’est un non-sens.
Le rôle du journaliste est de relater des faits, au
moment où ils se produisent et le plus objectivement
possible. Plusieurs mois ou plusieurs années après
le déroulement des faits relatés, le journaliste n’a
aucune légitimité particulière pour juger de ce que
l’Histoire doit retenir de telle ou telle personne.
Mais au-delà de cela, cet argument révèle surtout
une confusion dramatique entre l’Histoire et le
moteur de recherche de Google. Par un glissement
intellectuel malheureux, les premiers résultats qui
apparaissent sur Google se retrouvent propulsés
au rang d’archives historiques et faire en sorte
qu’ils n’apparaissent plus sur Google, sur une
requête donnée, reviendrait donc à « réécrire
l’Histoire » alors même que le contenu lui-même
n’est pas altéré.
Photo : © Dasemarcalvarez - Wikimedia
commons
LEXIQUE :
 CJUE :
La Cour de Justice de l’Union
Européenne
veille à l’application uniforme
du droit de
l’Union dans
tous les EtatsMembres. Son
siège est situé à
Luxembourg.
 Désindexation :
suppression
d’un lien dans
les résultats
fournis par
un moteur de
recherche.
The Networker | Numéro 17 |
0 9
Dossier : droit à l’oubli
son identité numérique.
D’abord, parce que le dispositif ne concerne pas les
entreprises et que comme on l’a dit les demandes
adressées par des particuliers sont nombreuses à
être rejetées par les moteurs de recherche. Ensuite
parce que divers moyens permettent de contourner
la désindexation partielle que vous auriez pu
obtenir. Le contenu reste par exemple accessible
à partir d’une recherche associée, où encore en
utilisant une version non-européenne des moteurs
de recherche. Un résultat qui n’apparaît plus sur
Google.fr pourra ainsi très facilement être affiché
en effectuant la même recherche sur Google.com.
Une dynamique internationale
Tout le monde ou presque en est
convaincu : ces dernières années,
l’Europe a connu plusieurs
rendez-vous manqués tant il
est difficile pour ses membres,
encore aujourd’hui, de s’exprimer
à l’unisson. Le 13 mai 2014, jour
de la décision, elle fait pour une
fois très clairement entendre sa
voix sur un sujet qui lui est cher :
la protection de la vie privée.
La surprise vient de l’organe
qui a provoqué cette soudaine
apparition de la voix européenne :
un juge.
Il n’empêche, cela faisait un
certain temps qu’une prise de
position européenne n’avait pas
connu un tel retentissement.
Car si le sujet est évoqué dans
tous les médias européens dès
le jour même de la décision, il
ne lui faudra également que
quelques heures pour sortir des
frontières de l’Union et de celles
du continent.
Aux Etats-Unis, par exemple,
on ne s’amuse plus de la
propension
des
Européens
à vouloir protéger leur vie
privée. On sent au contraire
une véritable attente face aux
enjeux considérables qu’implique
une hyper connectivité toujours
plus étendue. Il suffit pour s’en
convaincre de lire les articles
des grands médias américains
ou d’étudier le droit californien,
qui prévoit déjà la mise en place
d’une législation spécifique sur le
« droit à l’oubli » des mineurs dès
2015.
En Chine les médias les plus
influents (tels que Sina ou
iFeng) ont tous évoqué le sujet.
Depuis mai, près de 700 articles
d’actualité ou des tribunes sont
référencés sur Baidu, l’équivalent
chinois de Google. L’Europe
semble ouvrir une voie qui ne se
refermera pas.
UNE RUSTINE, PAS UN REMÈDE
Le « droit à l’oubli » tel qu’il est institué par la
CJUE et réalisé par les moteurs de recherche
permet sans aucun doute de réparer certaines
situations difficiles pour des particuliers. Il serait
en revanche illusoire de croire qu’il constitue la
voie royale de l’e-réputation : la protection que l’on
peut espérer obtenir en passant par l’un de ces
formulaires n’est que très relative.
Non, nous ne pourrons pas obtenir la suppression
de tout et n’importe quoi (nous n’avons d’ailleurs
jamais accédé aux demandes les plus farfelues
ou que nous ne trouvons pas légitimes). Et non,
ce formulaire, bien qu’utile, ne constitue pas une
protection suffisante pour gérer de manière efficace
1 0 The Networker | Numéro 17 |
Ensuite parce qu’une utilisation mal réfléchie
du formulaire « droit à l’oubli » peut causer plus
de tort qu’elle n’était destinée à en réparer. En
effet, alors même que la décision de la CJUE ne
l’exigeait pas, Google a décidé de prévenir les
sites internet de la désindexation de leurs pages.
Les auteurs des contenus visés ont dès lors tout
loisir pour s’offusquer de la demande et remettre à
l’ordre du jour des contenus qui commençaient à se
faire oublier pour de bon. Des articles qui n’avaient
attirés que quelques centaines de lecteurs ont
servis d’exemple pour illustrer le débat et ont été
lus des dizaines de milliers de fois.
Certains auteurs tels que Kevin Drum, journaliste
de Mother Jones, se demandent même si Google
et certains journalistes n’ont pas été presque
complices pour créer davantage de trafic et
dissuader les internautes et si la « réaction
étonnamment rapide de Google à la décision de
l’Union Européenne n’avait pas précisément pour
objectif de causer exactement ce genre de retour
de bâton ».
Enfin parce que maîtriser sa réputation, ce n’est
pas simplement cacher la poussière sous le tapis.
Celui qui est encore bloqué sur cette conception
est, hélas pour lui, très en retard sur son temps.
Photo :
© Hans - Pixabay
Par Max Chouzier et Laura Dorstter
Interview
question ! Évidemment qu’un assassin à un droit
à l’oubli. Quel droit vous avez à « savoir ce que
quelqu’un a fait » alors qu’il a accompli sa peine
et que maintenant le temps de la réinsertion est
venu ? C’est rétablir une forme de peine de mort,
mais sociale. On ne vous coupe pas la tête, mais
on vous coupe tout moyen de retrouver une vie
normale. La société de la transparence c’est un
totalitarisme ; la liberté d’expression comme un
absolu, c’est le contraire de la démocratie.
Que penser de la réaction de Google qui
alerte les sites internet concernés par une
désindexation ?
Interview
Richard Malka
Avocat spécialiste en
droit de la presse
et des médias
En quoi un avocat spécialisé en droit de la
presse peut-il s’intéresser au droit à l’oubli ?
C’est une problématique lourde qui pose problème
à tous nos clients. Elle est évidemment importante
dans la mesure où ce qui peut et doit être dit un
jour n’a pas forcément vocation à pouvoir et devoir
être dit toujours.
"
Est-ce qu’un criminel ou un assassin a droit
à l’oubli ?
On ne devrait même pas avoir à poser cette
Aujourd’hui, c’est Google qui choisit ce
qui est désindexé ou pas, globalement sans
aucune transparence...
Le premier contrôle est réalisé par l’opérateur
lui‑même, qui apprécie la légitimité de la demande
Ce qui peut et doit être dit un jour n’a pas
forcément vocation à pouvoir et devoir
être dit toujours.
Richard Malka
Est-ce que la récente décision de la cour de
justice de l’Union européenne va dans le bon
sens ?
La problématique du droit à l’oubli c’est qu’il n’y
a aucun texte qui en parle ou qui définit ce qu’est
ce droit. Jusqu’à récemment le droit à l’oubli
n’existait pas, ce n’était pas une notion juridique.
Mais lorsque vous commettez une infraction à 18
ans, si 30 ans plus tard on en parle encore, c’est
une injustice qui est colossale… Et ce sans aucune
légitimité ou justification.
Pour la première fois la Cour de Justice de l’Union
européenne s’est saisie de cette problématique
et a défini des limites de ce que pouvait faire
« Internet » et de ce qu’il ne pouvait pas faire. En
cela c’est une décision véritablement historique.
On peut le comprendre. Mais malheureusement
l’attitude de Google depuis l’origine n’est pas une
attitude digne. A chaque fois que l’on s’adresse
à Google dans des cas de dérapage manifestes
et graves, ils nous envoient balader avec une
arrogance totale. S’ils avaient été un peu plus
raisonnables depuis l’origine, on n’en serait
probablement pas là. C’est un acteur qui a une
responsabilité sociale lourde. Il n’y a aucune raison
qu’il y ait une immunité à l’égard de Google.
Photo :
Mathieu Préau
A LIRE :
 Notice
Wikipédia
de Richard
Malka : http://
bit.ly/1ok2naL
 Richard
Malka est
aussi scénariste BD.
Retrouvez
ses ouvrages
ici : http://bit.
ly/1DBHUYU
au regard des critères de la CJUE. La première
appréciation, c’est normal que ce soit eux qui
la fassent. C’est plus simple, plus rapide et s’ils
reconnaissent eux-mêmes qu’on est dans le cadre
de la jurisprudence et qu’ils l’enlèvent, tant mieux.
Le dernier mot doit toujours revenir à la justice,
mais avant d’en arriver là (ce qui concerne des
milliers et des milliers de cas) on pourrait se
demander s’il ne faudrait pas penser à une instance
internationale qui serait un peu un arbitre des
décisions de Google. Et il serait bien légitime que
l’opérateur finance la régulation, en tout cas en
partie.
Retrouvez l’interview de Richard Malka en version
longue sur notre blog :
http://blog.reputationsquad.com/
Par Albéric Guigou et Max Chouzier
The Networker | Numéro 17 |
1 1
Cas pratique
Droit à l’oubli :
Google vous oubliera peut-être, mais pas Baidu
Depuis mai 2014, au sein de l’Union européenne, le droit à l’oubli accordé
par Google est sans aucun doute un moyen supplémentaire de protéger ses
informations personnelles sur internet. Malgré les débats, la procédure a
le mérite d’exister. Ce qui est encore loin d’être le cas en Chine.
a savoir :
 En Chine,
en cas de crise
digitale ou de
bad buzz, un
mot-clé comme
le nom d’une
personne peut
être mentionné
plusieurs
centaines de
milliers fois en
24 heures.
 La législation chinoise
interdit de
payer pour faire
supprimer des
données ou des
informations en
ligne.
Yang Dacai représenté
tout sourire devant un
accident mortel. Ce
sourire a déclenché l’ire
des internautes chinois
qui ont alors scanné le
Web et trouvé son point
faible : les montres
de luxe impliquant
la corruption de ce
haut-fonctionnaire. Bad
buzz. Prison.
Illustration : © D.S.X
(http://www.weibo.
com/u/1002282395)
A
vec 800 millions d’internautes annoncés
pour 2015, le Web chinois possède pourtant
une puissance de frappe inégalée en termes
de trafic. En Chine, en cas de crise digitale
ou de bad buzz, on estime qu’un mot-clé – le nom d’un
individu ou d’une personnalité par exemple – pourrait
être mentionné plusieurs centaines de milliers fois
en 24 heures. De quoi donner un poids très important
aux informations relayées et les installer durablement
dans les premiers résultats des moteurs de recherche.
Essayer ensuite de supprimer les liens ou informations
en question paraît très compliqué : en Chine, c’est en
principe impossible.
L’e-réputation, le droit à l’oubli et la protection des
données personnelles n’ont donc pas la même résonnance
sur le Web chinois. Tout doit y être envisagé autrement.
le Web chinois (ce qui peut aller de la corruption des
fonctionnaires à la maltraitance animale). Le meilleur
exemple reste le cas de Yang Dacai, un ancien hautfonctionnaire chinois : les internautes ont repéré
qu’il possédait plusieurs montres de luxe dans des
photos partagées sur le Web. Alors que le nouveau
gouvernement chinois affiche sa volonté de combattre
la corruption, cela a aussitôt été signalé. Yang Dacai
a fini en prison. Pour le grand public chinois, c’est un
moyen légitime de surveiller les grandes personnalités.
Et malgré les tentatives de législation, ces pratiques
ne sont que rarement punies.
Droit et protection des données
personnelles : quelle réalité en Chine ?
La législation chinoise a déjà mis en place certaines
règles en relation avec ce sujet, il est par exemple
interdit de payer pour faire supprimer des données
ou des informations en ligne. La crainte de la
désinformation a également généré des règlements
stricts pour les réseaux sociaux : en Chine par exemple,
une fausse information qui serait cliquée plus de
5000 fois ou retweetée plus de 500 fois constitue
un crime pour l’auteur. La meilleure solution reste
encore de créer des contenus, assez puissants pour
faire contrepoids aux éventuelles attaques dont on
peut faire l’objet sur Internet. Cela peut passer par
la création de présences officielles sur les réseaux
sociaux chinois avec un contenu adapté à ces publics.
Un impératif de base pour maîtriser son image et sa
réputation sur le Web chinois.
Dans les faits, il existe bien une loi visant à protéger
les données à caractère personnel en Chine. Mais
en réalité, il est souvent très difficile de définir la
responsabilité d’une personne physique et d’obtenir
une décision de justice sur le Web. En Chine, c’est
surtout un public – par nature très large – qui
s’attaque à votre e-réputation, plutôt que quelques
personnes clairement identifiables.
Sur le Web chinois par exemple, de nombreux
internautes participent à des recherches collectives
au sujet de personnes ou de personnalités dans le
but de publier leurs informations personnelles. Une
pratique courante lorsqu’un « scandale » éclate sur
1 2 The Networker | Numéro 17 |
Le droit à l’oubli sur le Web chinois,
quelles solutions ?
Par Edouard Rouzé et Junqiang Yu
La chronique du juriste
Montage photo :
Réalisé par Reputation Squad avec la copie d’écran de la page « Conditions
et règlements de Facebook ».
Le Parisien assigne The
Parisienne
Facebook contre
ses utilisateurs
L
es armées sont en place, et le champ de bataille est immense.
Rapide état des lieux : d’un côté, Facebook Irlande, entité
gérant tous les inscrits en dehors des américains et canadiens.
De l’autre, 25 000 utilisateurs du réseau social, dispersés
dans le monde entier, mais réunis dans une action en justice collective,
initiée par un citoyen autrichien, Max Schrems.
Leur revendication : que Facebook cesse ses atteintes à la vie privée
et respecte la réglementation européenne relative aux données
personnelles. Ils n’acceptent pas que Facebook s’approprie et cède leurs
données à des tiers sans leur consentement, n’apprécient pas qu’il les
espionne au travers de leur activité sur le réseau. Véritable témoin de
ces inquiétudes, cette action collective a suscité une adhésion massive
dans une centaine de pays. Une grande armée, certes, mais efficace ? On
peut se poser la question.
Car oui, la guerre juridique autour de l’utilisation de nos données
personnelles par les réseaux sociaux avait déjà été déclarée par les
associations de consommateurs, représentant naturels des utilisateurs.
Finalement, ne s’agirait-il pas d’un simple doublon des actions déjà
engagées au niveau national ? Citons par exemple l’UFC Que Choisir
qui, en mars dernier, assignait Facebook, Twitter et Google devant les
tribunaux français pour des griefs similaires.
En réalité, ce n’est pas le nombre de plaignants qui est intéressant,
mais bien le caractère international de ce nouveau mouvement. Les
données personnelles sont maintenant devenues un enjeu mondial,
ancrées dans l’économie numérique. La revendication autour de cellesci doit s’effectuer à une échelle au moins aussi conséquente, et c’est
précisément pour cela que cette action collective est si remarquable.
Notons qu’un tribunal de Vienne a enjoint Facebook le 21 août à exposer
ses contre-arguments dans un délai de 4 semaines. Affaire à suivre.
The Parisienne, un blog culturel dédié
à la ville de Paris, a révélé le 26 août
dernier s’être fait assigner en justice par
le journal Le Parisien. Ce dernier estime
que l’utilisation du nom « The Parisienne »
constitue une contrefaçon d’une marque
qu’il détient : La Parisienne. Cette affaire
a entraîné de vives réactions dans la
blogosphère, à tel point que Le Parisien a dû
se fendre d’un communiqué pour expliquer
que la blogueuse n’avait pas réagi à sa
démarche amiable préalable. Cette dernière
a néanmoins indiqué le 3 septembre que les
deux parties ont convenu de se rencontrer
afin de trouver un terrain d’entente.
Le projet de loi numérique
repoussée à 2015
Nous vous en parlions en mai dernier, le
projet de loi numérique désormais porté
par Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat
chargée du numérique, a encore une fois vu
sa présentation au Parlement repoussée à
l’année prochaine. Le 4 septembre, Manuel
Valls a annoncé à l’issue du Conseil des
Ministres que des concertations seraient
lancées par le Conseil National du
Numérique autour de ce projet. Celles-ci
devraient durer environ 3 mois. Ce projet
de loi est censé aborder de multiples
aspects juridiques sur le thème des
nouvelles technologies, tels que le rôle des
intermédiaires techniques, les données à
caractère personnel, la neutralité du net,
etc.
La justice européenne se penche
sur la notion de parodie
L’application du droit d’auteur connaît
quelques exceptions, dont celle de
parodie. Dans un arrêt très attendu du
3 septembre dernier, la Cour de Justice
de l’Union européenne estime que peut
être attentatoire aux intérêts et droits
des auteurs une parodie véhiculant un
message potentiellement discriminatoire. Il
s’agissait d’un parti politique nationaliste
qui parodiait la couverture d’une BD en lui
faisant porter un message discriminant.
Par Jean Chérin
The Networker | Numéro 17 |
1 3
Culture clash
Vice News, l’avenir
de l’info ?
Les médias traditionnels vont de plan
d’économie en plan social, il est prévu
que la presse quotidienne disparaisse
aux USA en 2017, et pendant ce
temps le groupe Vice Media atteint la
valorisation de 2,5 milliards de dollars
et compte 4 000 salariés dans le monde.
S
i Vice était un magazine au départ, c’est
le numérique qui lui vaut aujourd’hui
d’incarner une révolution dans le
paysage médiatique mondial avec 220
millions de visiteurs uniques et 500 millions de
vues par mois sur leurs vidéos.
Photo
© TheAngryTeddy Pixabay
CHIFFRES
220
millions

de visiteurs
uniques sur
le site Web
Vice :
http://www.
vice.com/
500
millions

de vidéos vues
par mois sur
Vice.com
 10 x
La valorisation de
Vice Média
est 10 fois
supérieure au
montant payé
par Jeff Bezos
pour le rachat
du Washington Post.
Si nous nous penchons aujourd’hui sur Vice
c’est en grande partie dû au lancement de Vice
News, une chaîne en ligne qui est en train de
bouleverser la grammaire journalistique et
d’obtenir des scoops retentissants que le Monde
ou le New York Times doivent se contenter de
relayer dans leurs colonnes.
L’exemple le plus impressionnant étant la
plongée terrifiante et hypnotique au sein de
l’Etat Islamique que Vice a mis en ligne cet été.
Alors que d’ignobles décapitations de journalistes
y ont eu lieu, les équipes de Vice ont réussi à
s’y rendre et à en ramener un documentaire
couvrant de nombreuses dimensions de cette
organisation sanguinaire.
Le choc est violent également pour les pure
players qui se contentent de reprendre l’air du
temps des réseaux sociaux sans consacrer à leurs
« enquêtes » le temps et les efforts nécessaires
pour produire de la véritable information. Ainsi,
il n’est pas étonnant que Rue89 par exemple
publie un papier visant à nier la qualité
journalistique ce qui a été réalisé par Vice en
Syrie et en Irak.
Sûrement de l’auto-dérision, quand on sait que
Rue89 est plus célèbre pour ses articles trouvant
leurs sources sur le Web que sur le terrain...
En effet, Vice est en train d’apporter trois
1 4 The Networker | Numéro 17 |
bouleversements majeurs aux médias :
Un ton et des formats innovants
Un reportage Vice ne peut pas être confondu avec
un autre, la liberté de ton et l’impression de prise
de risque physique sont uniques. Le journaliste
se met également en scène le plus souvent, en
n’hésitant pas à devenir acteur du docu en tirant
à la kalashnikov ou en consommant de l’alcool à
haute dose avec un oligarque russe.
La liberté de ton de l’Internet est passé par là,
le ton compassé et les précautions langagières
des anchormen ne passent plus et Vice en a tiré
toutes les conclusions.
La capacité à intéresser les jeunes à
l’actualité
Les digital natives ont massivement cessé de
suivre les médias d’actualités en comparaison
de leurs aînés qui obéissaient à des rituels (le
quotidien local, la messe du 20H, etc.).
Le New York Times reconnaissait récemment ses
difficultés à toucher ce public (celui de l’avenir !)
Culture clash
Les médias issus de la vieille économie ne
manqueront pas de pousser des cris d’orfraie
devant de telles pratiques et en attaquant la
légitimité journalistique...
On peut douter de la légitimité de telles réactions
à l’heure où l’ensemble des acteurs de la presse
se jette avec empressement sur ce qui leur
semble être la nouvelle poule aux oeufs d’or : le
Native Advertising (cf. The Networker #16). Le
modèle semble en tout cas fonctionner puisque
les estimations évoquent un chiffre d’affaires
d’un demi-milliard de dollars et de dizaines de
millions de profits annuels.
Il ne s’agit pas de dire que Vice Media est
exempt de tous reproches et dispose d’une ligne
éditoriale inattaquable, une grande partie
de leurs articles sont à la fois racoleurs et
anecdotiques, mais ceux du Figaro ou du Nouvel
Obs le sont tout autant.
Si les médias veulent survivre, ils doivent
aujourd’hui assumer ces deux dimensions, une
partie infotainment et de l’info pure et dure
sans compromis. Ceux qui y parviendront seront
comme l’a dit ambitieusement le CEO de Vice :
CNN, MTV et ESPN à la fois.
Est-ce à dire que l’ensemble des médias doivent
et vont donc converger vers le modèle unique de
l’infotainment ?
et à exister sur les réseaux sociaux. L’ADN de
Vice est en revanche totalement en adéquation
avec les goûts de la jeunesse.
Les formats de Vice ont la capacité de séduire
et d’être partagés massivement sur les réseaux
sociaux, ces derniers sont en effet la source
prioritaire de trafic que doivent viser les médias
en ligne dès aujourd’hui.
Un business model novateur et sans
complexe
Vice est également en train de donner un coup de
boutoir considérable dans l’univers poussiéreux
des médias en inventant de nouvelles sources de
revenus. Un reportage sur les sociétés militaires
privées a part exemple été financé par le jeu Call
of Duty.
Vice refuse le terme de sponsoring qu’il trouve
limité et revendique une vraie réflexion conjointe
avec son partenaire annonceur.
Heureusement non, des médias spécialisés,
pointus, en un mot sérieux vont perdurer et
probablement se développer, mais ils devront le
faire en bouleversant leurs vieilles attitudes. Il
ne s’agit pas seulement d’opérer une transition
du papier vers le digital (qui est déjà ardu
comme le montre l’exemple de Libération) mais
de repenser le rôle même du journaliste. Le
journalisme sans forte valeur-ajoutée n’a plus
de raison d’être car il est moins pertinent que
la plupart des blogs et même du brand content
fourni par les marques. Le journalisme des
années à venir demandera plus de moyens et
d’innovation que celui que nous avons connu
jusqu’à aujourd’hui.
Ce nouveau journalisme devra trouver un
équilibre, qui n’existe pas encore, entre éthique,
proximité avec le public et valeur-ajoutée dans
l’analyse.
Par Albéric Guigou
The Networker | Numéro 17 |
1 5
Culture Clash
Facebook
News
Satire
Attire
So earlier this summer Facebook announced that they were trying out a system
that would flag satire articles in our news feed to let us know that said articles
are not, in fact, real news.
T
his of course includes content from
the Onion, Dailymash and every other
medium in that vein that delight us
with headlines such as “Forced viewings
of Frozen begin” or “Horrified Subway Execs
Assumed People Were Buying Footlongs To Share
With A Friend”. As of yet, Facebook is still in the
process of testing it out and we can assume that
the “satire” tag will be applied in relation to the
source as opposed to the actual content, but that
remains to be seen.
This is causing some ruckus and although I
personally do not care all that much whether they
go through with it or not, I would instead like to
imagine a scenario where they would take the idea
one step further. What if Facebook et al. decided
to put a sticker or a rating on every piece of news
that is being shared to determine how likely the
information is to be valid or correct based on its
sources?
Think about this for a second: what if there was a
body that could verify every bit of information that
is being spread around and determine whether
they are correct or not, it would ultimately make
the media world a better place because if speed
is the currency of the modern information era,
misinformation is the increasingly high cost. Hell,
it might even make some media a reliable news
1 6 The Networker | Numéro 17 |
source (I’m looking at you Fox News).
L’équipe pluriculturelle de
Reputation Squad
vous offre un
article en anglais
dans chaque
numéro.
Illustration :
© Jim Benton
To read
 Facebook
announces
satire tags to
help distinguish
parody news in
the user’s feed :
http://cnet.
co/1DBNfj3
This is of course a “what-if” situation, but it seems
that over the past few years the investigation
component of journalism has indeed taken a bit
of a backseat, all in the name of being the first to
publish the headline.
In a perfect world we should challenge everything
we read, and everything we read should be backed
up by facts and reliable sources. I’ll be the first to
admit that we haven’t got enough time to approach
the matter in that fashion every single day, but we
shouldn’t assume that everything that’s out there
is accurate. In the meantime, the satire tag is
somewhat useful in the sense that we don’t spend
a lot of time looking at headlines and knowing
straight away that we are reading genuine news is
in some instances beneficial: believe it or not some
actual headlines seem so incongruous it’s hard to
tell them apart from a satirical piece (clickbait
era at its finest, really) though it is the exception
rather than the rule.
Bottom line, don’t believe everything you read on
twitter. And Facebook probably shouldn’t be your
primary news source either. But hey, they are
making it better.
Par Julien Tissandier
A ne pas manquer
L’appli du moment
Culture &
Web
Le site du mois :
www.4chan.org
Le site 4chan a favorisé la
divulgation des photos de célébrités
dénudées qui ont provoqué le
récent scandale du Celebgate, suite
à quoi il s’est désormais engagé à
respecter la loi américaine DMCA
qui protège le droit d’auteur et la
propriété intellectuelle.
Le terme du mois :
Celebgate
L’expression désigne la récente
diffusion de clichés intimes de stars
sur le Web, suite au piratage des
comptes iCloud de personnalités.
Le terme Celebgate a notamment
été popularisé par quelques grands
médias et un hashtag sur Twitter.
L’été numérique :
Les huit révolutions digitales
qui vont transformer l’entreprise
Editions nouveaux débats
publics - Thierry Jadot
L’été numérique est
pour demain, nous
annonce
Thierry
Jadot : la recherche
de la personnalisation
la plus poussée conduit
vers une nouvelle
intelligence marketing
et l’émergence du
consommateur-expert.
Cette rupture représente
à la fois la naissance
d’un nouveau monde et une
incitation à l’innovation. Les
entreprises leaders de demain seront
celles qui auront su renouveler
et adapter leur stratégie de
communication à l’enjeu du digital.
© 2013. Oculus VR, Inc.
Oculus Rift
Nous l’avons testé
L
e nom résonne dans la
communauté geek depuis
2012 mais c’est depuis
quelques mois que le grand
public en entend parler. En effet, le
projet Kickstarter a été racheté 2
milliards de dollars par Facebook
et les termes « révolution » ou
encore « immersion » sont monnaie
courante pour décrire le dispositif.
L’Oculus Rift est donc un casque de
réalité virtuelle. Grâce à un écran
LCD, deux lentilles grossissantes
et des capteurs, le casque simule les
mouvements de tête de l’utilisateur
dans un environnement en trois
dimensions. C’est l’addition de ces
technologies qui permet de donner
la sensation à l’utilisateur d’être
« ailleurs ».
Quelles applications ?
Si les joueurs l’attendent de
pied ferme pour repousser les
sensations de jeu, c’est là ou on ne
l’attend pas que le Rift montre son
potentiel, un chirurgien a ainsi
réalisé la première opération en
réalité virtuelle. Les possibilités
sont de l’ordre de l’infini : visite de
sites en construction, rencontres
virtuelles, visualisation de données
complexes…
Une révolution ?
Reputation Squad, a pu se faire
la main sur la version 2 du kit de
développement. Le produit n’est pas
sans défaut (sensation de nausée,
pixels visibles et rémanence) mais
les sensations sont bien présentes
pour un prototype.
Qu’est-ce-que Kickstarter ?
Kickstarter est une plateforme
de
financement
participatif
qui permet aux internautes de
financer des projets encore au
stade d’idées
Le sentiment d’immersion est tel
qu’on peut facilement imaginer la
réalité virtuelle comme « the next
big thing ». Samsung et Sony l’ont
bien compris et ont chacun leur
casque en projet.
Plamer Luckey, l’inventeur de
l’Oculus Rift de tout juste 22 ans,
nous assure une sortie finale d’ici
3 ans pour un prix proche de 300
euros.
Par Mathieu Préau
The Networker | Numéro 17 |
1 7
A ne pas manquer
Les expos
à ne pas
manquer
Niki de Saint Phalle
(Re)connue pour sa série de
sculptures intitulée « nanas »,
Niki de Saint Phalle était une
artiste et féministe engagée
dont les oeuvres monumentales,
puissantes
et
dominatrices
constituent une explosion de
couleurs et d’energie. Une
rétrospective à ne pas manquer !
Jusqu’au 2 février 2015.
Grand Palais,
3, avenue du Général Eisenhower,
75008 Paris.
Dessins du studio Ghibli
Ghibli, studio japonnais de
cinéma d’animation, a produit
une quirielle de films, poétiques
et oniriques. Venez découvrir
plus de 1 300 dessins originaux
issus du génie de Takahata et
Miyazaki.
Jusqu’au 1er mars 2015.
Musée Arludik, Les Docks
Cité de la Mode et du Design,
34 Quai d’Austerlitz, Paris.
Nuit Blanche Paris
Ne manquez pas la 13e édition de
la Nuit Blanche, programmation
artistique contemporaine qui
vous fera découvrir gratuitement
oeuvres et artistes dans des
installations exceptionnelles qui
vous feront voir Paris sous un
autre angle.
Du samedi 4 au dimanche 5 octobre
2014.
Dans tout Paris.
© Café des Abattoirs
Le Café des Abattoirs,
une belle viande en plein
coeur de Paris
I
l n’est pas évident de trouver
une adresse sympa vers le
Marché Saint-Honoré. Je suis
allé en chercher une pour
vous, mais vous avez intérêt à aimer
la viande. La Café des Abattoirs,
comme son nom le laisse présager,
est une adresse carnivore ouverte
depuis moins d’un an qui réussit
à se démarquer : on partage les
entrées du jour, les viandes -en plus
d’être bonnes- sont plutôt originales,
ils proposent des accompagnements
light et les desserts sont travaillés
ce qui est rare pour ce genre
d’endroits.
Que déguste-t-on là-bas ?
Des entrées digestes (tempura de
crevettes, gazpaccio maison) qui
viennent alléger la valeur calorique
globale d’un “resto à viandes”.
Ensuite, une épaule d’agneau ,
Allaiton de l’Aveyron ou une bavette
Black Angus accompagnées d’un
mix très réussi roquette/pommes
pailles. Les gros mangeurs pourront
se diriger vers la côte de boeuf
irlandaise maturée 4 semaines.
En dessert, un oeuf à la neige
aux pralines roses. Tout est bon,
les produits de grande qualité et
l’exécution parfaitement réussie.
Combien ça coûte ?
Formules entre 32 et 45 euros (entrée,
plat, dessert).
Quels blogs en ont parlé ?
Les Bonnes Tables de Jack & Walter,
Pudlowski, Les Resto …
Une anecdote ?
Le chef utilise un four très rare (le
Josper) qui est à la fois un barbecue et un
four. Cela permet d’obtenir une cuisson
barbecue sans brûler la viande.
Un conseil ?
La terrasse les jours de beau temps. C’est
ouvert tous les jours.
Adresse : 10 rue Gomboust, 75001 Paris
Téléphone : 01 76 21 77 60
Par Fabrice Ivara
The Networker | Numéro 17 |
1 8