coalition

Transcription

coalition
MONDIALE
CONTRE LA PEINE DE MORT
10 OCTOBRE 2005
JOURNÉE MONDIALE
CONTRE LA PEINE DE MORT
[
[
COALITION
www.worldcoalition.org
Créée à Rome en mai 2002,
la Coalition mondiale contre la peine
de mort regroupe des ONG, des
associations de juristes, des syndicats,
des collectivités locales et toutes
organisations attachées à coordonner
leurs efforts internationaux dans
la lutte contre la peine de mort.
Comité de pilotage :
• Amnesty International
• Barreau de Paris / Conférence
Internationale des Barreaux
• Comunità di Sant'Egidio /
Forum 90 Japan
• Ensemble contre la peine de mort /
National Association of Criminal
Defence Lawyers
• Fédération Internationale des Ligues
des droits de l’homme
• Fédération Internationale de l’Action
des Chrétiens contre la Torture
• Fédération Syndicale unitaire
• National Coalition to Abolish the
Death Penalty / Murders Families
Victims for Reconciliation
• Penal Reform International
• Regione Toscana
• Restorative Justice USA / American
Friends Service Committee
Portraits d'abolitionnistes
L'ensemble de ces
portraits réalisés
par les journalistes
Christelle Pangrazzi,
Nadège Monschau
et Olivia Marsaud,
sont libres de droits.
Ils peuvent être repris
et publiés sous réserve
de citer et d'informer les
auteurs ainsi que la
Coalition mondiale contre
la peine de mort à
l'adresse redaction@
abolition-ecpm.org.
Afrique du Sud
Nelson Mandela
Desmond Tutu
Kenya
Kiraitu Murungi
Vera Chirwa
Nigeria
Hauwa Ibrahim
TUNISIE
Autres membres :
• Center for Prisonner’s Rights
• Coalition for Truth and Justice
• Comitato 3 Luglio 1849
• Comitato Paul Rougeau
• Conseil Général de l’Isère &
Mairie de Grenoble
• CURE - Missouri & Journey of Hope
• Death Penalty Focus California
• Droits et Démocratie
• Italian Coalition to Abolish
the Death Penalty
• Lifespark
• Ligue des Droits de l’Homme
• Mothers Against Death Penalty
• Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples
• Mouvement pour les droits humains
• Murders Victims’ Families for Human
Rights
• Observatoire Marocain des Prisons
• Organisation Mondiale
contre la Torture
• Rocco Barnabei Foundation
• Texas Coalition to abolish
the death penalty
• Ville de Matera
• Ville de Reggio Emilia
• Ville de Venise
• Ville de Braine l’Alleud
MAROC
ALGÉRIE
LIBYE
EGYPTE
MAURITANIE
CAP VERT
MALI
SENEGAL
NIGER
TCHAD
ERYTHREE
SOUDAN
DJIBOUTI
GAMBIE
NIGERIA
GUINÉE BISAU
ETHIOPIE
GUINÉE
SIERRA LEONE
LIBERIA
COTE
D’IVOIRE
BENIN
GHANA TOGO
SAO TOMÉ
ET PRINCIPE
BURKINA
FASO
REP.
DEM. DU
CONGO
SEYCHELLES
KENYA
CAMEROUN
TANZANIE
GUINÉE EQ.
GABON
ANGOLA
OUGANDA
RWANDA
BURUNDI
COMORES
MALAWI
ZAMBIE
ABOLIE
ILE
MAURICE
CONGO
MOZAMBIQUE
ZIMBABWE
REP.
CENTRAFICAINE
MORATOIRE*
MADAGASCAR
BOTSWANA
NAMIBIE
MAINTENUE
SOMALIE
SWAZILAND
AFRIQUE
DU SUD
LESOTHO
Secrétariat exécutif :
ECPM
5, rue primatice
F - 75013 Paris
Tél. : 00 33 +1 47 07 61 60
Fax : 00 33 +1 47 07 65 10
[email protected]
www.worldcoalition.org
WORLD
COALITION
AGAINST THE DEATH PENALTY
* « Moratoire » fait référence aux pays qui maintiennent la peine de mort dans les textes
mais ne procèdent pas à des exécutions actuellement.
A ce jour, 11 pays africains ont aboli la peine de mort
et 21 la maintiennent. Entre les deux, 20 Etats africains n'ont plus
exécuté de condamnés à mort depuis plus de 10 ans. La Coalition
mondiale contre la peine de mort a décidé de consacrer la Journée
mondiale 2005 à une campagne pour encourager ces Etats à abolir
définitivement la peine capitale.
Soutenez l'abolition en Afrique : pétition, portraits, initiatives locales...
www.worldcoalition.org
COALITION
MONDIALE
Nelson Mandela
Premier président noir d’Afrique du Sud
Desmond Tutu
Archevêque de l’église anglicane.
CONTRE LA PEINE DE MORT
www.worldcoalition.org
Créée à Rome en mai 2002,
la Coalition mondiale contre la peine
de mort regroupe des ONG, des
associations de juristes, des syndicats,
des collectivités locales et toutes
organisations attachées à coordonner
leurs efforts internationaux dans
la lutte contre la peine de mort.
Comité de pilotage :
• Amnesty International
• Barreau de Paris / Conférence
Internationale des Barreaux
• Comunità di Sant'Egidio /
Forum 90 Japan
• Ensemble contre la peine de mort /
National Association of Criminal
Defence Lawyers
• Fédération Internationale des Ligues
des droits de l’homme
• Fédération Internationale de l’Action
des Chrétiens contre la Torture
• Fédération Syndicale unitaire
• National Coalition to Abolish the
Death Penalty / Murders Families
Victims for Reconciliation
• Penal Reform International
• Regione Toscana
• Restorative Justice USA / American
Friends Service Committee
Autres membres :
• Center for Prisonner’s Rights
• Coalition for Truth and Justice
• Comitato 3 Luglio 1849
• Comitato Paul Rougeau
• Conseil Général de l’Isère &
Mairie de Grenoble
• CURE - Missouri & Journey of Hope
• Death Penalty Focus California
• Droits et Démocratie
• Italian Coalition to Abolish
the Death Penalty
• Lifespark
• Ligue des Droits de l’Homme
• Mothers Against Death Penalty
• Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples
• Mouvement pour les droits humains
• Murders Victims’ Families for Human
Rights
• Observatoire Marocain des Prisons
• Organisation Mondiale
contre la Torture
• Rocco Barnabei Foundation
• Texas Coalition to abolish
the death penalty
• Ville de Matera
• Ville de Reggio Emilia
• Ville de Venise
• Ville de Braine l’Alleud
Secrétariat exécutif :
ECPM
5, rue primatice
F - 75013 Paris
Tél. : 00 33 +1 47 07 61 60
Fax : 00 33 +1 47 07 65 10
[email protected]
www.worldcoalition.org
WORLD
COALITION
AGAINST THE DEATH PENALTY
« Un moratoire sur la peine
de mort ne suffit pas,
il faut l’abolition »
Afrique du Sud
Envers et contre tout !
À peine l’apartheid enterré, Nelson Mandela et Monseigneur Desmond Tutu
engagent leur force dans la lutte abolitionniste. 6 Juin 1995 : l’Afrique du Sud
vivra désormais sans peine de mort.
Le temps a passé. Les chaînes se sont envolées. Et la parole a retrouvé ses droits. Pour des
millions de noirs d’Afrique du Sud, Nelson Mandela et Desmond Tutu ont ouvert la voie. Celle
de la liberté et de l’affirmation de soi. Ensemble, ils ont mis fin à la discrimination raciale et à
son instrument privilégié : la peine de mort. Le combat a duré plusieurs décennies et s’est
souvent révélé d’une violence inouïe : vingt-sept années de prison pour Mandela qui ne
souhaitait qu’une « société plus juste et plus égalitaire ». Un militantisme acharné pour Desmond
Tutu, ordonné pasteur en 1961 et nommé archevêque de l’Église anglicane du Cap en 1986.
À la libération de Mandela en 1990, les destins de ces frères de couleur se rejoignent. Grâce
à leur rayonnement et leur force de persuasion, leur cause prend une amplitude inespérée. En
1994, première grande victoire : Nelson Mandela devient le premier président noir du pays. Très
vite, il impulse une série de mesures destinées à mettre l’Afrique du Sud sur les rails de la
démocratie. Le premier chantier est piloté par Desmond Tutu qui, à la tête de la commission
« Vérité et Réconciliation », confronte les bourreaux et les victimes de l’Apartheid, pour qu’enfin
arrive le temps du pardon. Dans la foulée, le 6 juin 1995, les deux hommes forcent une opinion
publique hostile à accepter l’abolition de la peine de mort.
La mesure est essentielle, car entre 1980 et 1989 (date de la dernière pendaison), l’Afrique du
Sud connaît l’un des taux les plus élevés au monde en matière d’exécutions judiciaires : 1217
prisonniers tués, soit une moyenne de 100 personnes par an. Et à la veille de l’abolition, plus
de 400 condamnés, majoritairement des Noirs, attendent encore d’être fixés sur leur sort.
Malgré ces tristes records, nombre de politiques et même des membres de l’African National
Congress (ANC) que dirige Mandela, demandent le rétablissement de la peine capitale. Ils ont
le soutien de l’opinion publique. En 1996, une enquête du Johannesburg Star révèle que 93 %
de la population souhaite la réintroduction de la peine de mort. Mais Mandela ne vacille pas :
« Il n’y aura pas de retour en arrière. Mes concitoyens manquent d’informations et notre tâche
est d’aller sur le terrain pour les convaincre. » Pour appuyer leur cause, les deux compagnons
mettent en avant un argument implacable : la peine de mort est « un acte barbare » et d’ajouter
que « dans les pays où la peine capitale est encore en vigueur, la criminalité n’a pas baissé. »
Avec les années, le message de ces prix Nobel de la Paix (1984 pour Desmond Tutu, 1993
pour Mandela), tout comme leur aura, ont dépassé les frontières du pays. Les deux hommes
soutiennent les mouvements abolitionnistes de par le monde et ne relâchent pas leur pression
sur les États-Unis. Desmond Tutu est de tous les combats : le 4 novembre 1998, il appelle le
Texas a faire preuve de clémence à l’égard de Napoleon Beazley. Le 25 juin 2000, deux jours
après l’exécution à Huntsville de Gary Graham, dont la culpabilité n’a pas été prouvée,
l’archevêque demande fermement aux États-Unis d’abolir la peine de mort. « Trop d’innocents
ont été envoyés dans les couloirs de la mort. Et d’autres erreurs risquent d’être encore faites.
Un moratoire sur la peine de mort ne suffit pas, il faut l’abolition. Je ne comprends pas pourquoi
un pays si enclin à défendre les Droits de l’homme ne réalise pas que la peine de mort est une
obscénité. » Dans l’univers policé de la bienséance politique, les propos détonnent. Et bien
évidemment restent sans réponse. Mais peu importe, les deux hommes continuent
d’encourager les initiatives. En janvier 2003, lorsque George Ryan décide de suspendre les
exécutions dans son État de l’Illinois, Mandela, 85 ans, décroche son téléphone et Tutu, 72
printemps, prend sa plume. Nelson lui rappelle que « les États-Unis sont une référence pour
le reste du monde » et Desmond insiste : « Prendre une vie lorsqu’une vie a été perdue, c’est
de la vengeance, pas de la justice. » Inlassables défenseurs des droits de l’homme, les deux
hommes affichent aujourd’hui des cheveux blancs, quelques rides au coin des yeux. Le temps
passe. Mais sur leur énergie et leur volonté, il glisse.
Christelle Pangrazzi,
Olivia Marsaud
COALITION
MONDIALE
CONTRE LA PEINE DE MORT
www.worldcoalition.org
Créée à Rome en mai 2002,
la Coalition mondiale contre la peine
de mort regroupe des ONG, des
associations de juristes, des syndicats,
des collectivités locales et toutes
organisations attachées à coordonner
leurs efforts internationaux dans
la lutte contre la peine de mort.
Comité de pilotage :
• Amnesty International
• Barreau de Paris / Conférence
Internationale des Barreaux
• Comunità di Sant'Egidio /
Forum 90 Japan
• Ensemble contre la peine de mort /
National Association of Criminal
Defence Lawyers
• Fédération Internationale des Ligues
des droits de l’homme
• Fédération Internationale de l’Action
des Chrétiens contre la Torture
• Fédération Syndicale unitaire
• National Coalition to Abolish the
Death Penalty / Murders Families
Victims for Reconciliation
• Penal Reform International
• Regione Toscana
• Restorative Justice USA / American
Friends Service Committee
Autres membres :
• Center for Prisonner’s Rights
• Coalition for Truth and Justice
• Comitato 3 Luglio 1849
• Comitato Paul Rougeau
• Conseil Général de l’Isère &
Mairie de Grenoble
• CURE - Missouri & Journey of Hope
• Death Penalty Focus California
• Droits et Démocratie
• Italian Coalition to Abolish
the Death Penalty
• Lifespark
• Ligue des Droits de l’Homme
• Mothers Against Death Penalty
• Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples
• Mouvement pour les droits humains
• Murders Victims’ Families for Human
Rights
• Observatoire Marocain des Prisons
• Organisation Mondiale
contre la Torture
• Rocco Barnabei Foundation
• Texas Coalition to abolish
the death penalty
• Ville de Matera
• Ville de Reggio Emilia
• Ville de Venise
• Ville de Braine l’Alleud
Secrétariat exécutif :
ECPM
5, rue primatice
F - 75013 Paris
Tél. : 00 33 +1 47 07 61 60
Fax : 00 33 +1 47 07 65 10
[email protected]
www.worldcoalition.org
WORLD
COALITION
AGAINST THE DEATH PENALTY
Kiraitu Murungi
Ministre de la Justice kenyan
« Aucun être humain
ne devrait avoir l’autorité
de prendre la vie
d’un autre »
Kenya
Abattre la potence
Le ministre de la Justice kenyan, Kiraitu Murungi, s'est donné six mois
pour rayer la peine capitale de la législation nationale. Mais la loi du talion reste
profondément ancrée dans les consciences.
Le dernier bourreau qu’ait connu le Kenya s’appelait Wanjuki Kirugumi. Il est parti à la retraite
il y a 20 ans et depuis, personne ne l’a remplacé. Ce pays d’Afrique de l’Est n’a pas connu
d’exécution depuis 1984 mais la peine de mort est toujours inscrite dans sa Constitution. Un
homme devrait faire changer les choses dans les mois à venir : Kiraitu Murungi, nommé ministre
de la Justice du nouveau gouvernement mis en place en décembre 2002. À peine installé, il
déclare vouloir abolir la peine de mort « dans les six mois ». « Nous pensons que le droit
fondamental de tout homme à la vie doit être respecté. Aucun être humain ne devrait avoir
l’autorité de prendre la vie d’un autre. La peine de mort est un acte barbare », argue ce fervent
catholique, père de quatre enfants.
Kiraitu Murungi, avocat à la Haute Cour de Nairobi et spécialisé dans les droits de l’homme,
n’en est pas à sa première tentative d’abolition. Alors qu’il passe un diplôme de droit à Harvard,
en 1991, il travaille en étroite collaboration avec les militants anti-peine de mort aux États-Unis.
De retour au pays, il est membre du Parlement de 1992 à 2002, militant dans l’opposition et
pour l’abolition de la peine de mort. Il essaie alors par deux fois de faire passer un projet de
loi. En 1995, sa proposition soulève un tollé chez les parlementaires, certains lui reprochant
de vouloir « légaliser le meurtre ». « La peine de mort est un acte cruel qui n’empêche pas le
crime et qui n’a pas été exécutée depuis plus de dix ans », plaide Murungi sans succès. En
1999, nouvelle tentative, nouvel échec.
Aujourd’hui, à 51 ans, il est plus que jamais décidé à enterrer définitivement la potence au
Kenya. « La peine de mort n’a pas été abolie par l’ancien gouvernement car les ministres étaient
divisés sur la question. Ils n’ont pas été capables de prendre une décision même s’ils savaient
que la peine capitale était amorale. Ils n’ont pas eu le courage de l’abolir. » Sous-entendu : le
gouvernement dont il fait partie saura trancher la question. Il lui faudra pourtant toute sa force
de dissuasion et les phrases dont il a le secret – qui appuient là où ça fait mal – pour que
l’électrochoc se produise chez les autorités kenyanes mais aussi au sein de la population. Il
n’y a pas de lobby anti-peine de mort puissant au Kenya qui puisse relayer ses idées. Plus
grave, lapidations et immolations en public sont légion. Murungi est conscient que dans son
pays, où le crime a fortement progressé ces dernières années, les Kenyans se prononcent
toujours en faveur de la peine capitale.
« C’est vrai qu’à cause des vols, de l’insécurité et du taux important de criminalité, certains
de nos concitoyens souhaitent le maintien de la peine de mort. Mais je crois que la raison
principale est la mauvaise information sur le sujet. » Le ministre cherche donc à simplifier pour
éclairer. L’année dernière, une de ses remarques avait marqué l’opinion : « Un violeur n’a jamais
été condamné à être violé. Alors pourquoi un assassin devrait-il être assassiné ? » Son credo :
marteler que la loi du talion, « œil pour œil et dent pour dent » risque à terme de laisser le monde
aveugle… et édenté.
Kiraitu Murungi tente de mettre en lumière les contradictions et les failles du système judiciaire
kenyan. Quiconque est reconnu coupable de meurtre ou de vol à main armée avec violence
peut être condamné à la peine de mort. Un voleur de poules risque d’être pendu s’il a utilisé
une arme à feu.
Le cas de Boniface Lukoye, 23 ans, condamné à mort en novembre 2000 pour avoir volé
600 dollars à des touristes, est encore dans les esprits… Pour tenter de pallier les injustices,
une commission chargée de revoir la Constitution de 1963 a été mise en place en octobre 2000.
Avec en projet, l’abolition de la peine de mort. La nouvelle équipe dirigeante y est largement
favorable. Pour preuve, le président fraîchement élu Mwai Kibaki a ordonné la relâche, en février
2003, de 28 condamnés à mort emprisonnés depuis 15 à 20 ans. Il a également commué 195
peines capitales en réclusion à perpétuité.
Comment ne pas y voir l’influence de Kiraitu Murungi ? Lui qui a salué avec chaleur l’initiative
de Georges Ryan, gouverneur de l’Illinois, qui a commué en janvier 2003 la peine de 167
prisonniers en peine de prison à vie. « Je suis toujours surpris que les États-Unis, qui possèdent
un système légal si civilisé, maintiennent la peine capitale dans leurs textes de loi », précisaitil alors. Murungi espère faire entrer son pays dans le club trop fermé des nations africaines
abolitionnistes. Et délivrer enfin de l’attente les quelques 1200 condamnés à mort répertoriés
dans les prisons surpeuplées du Kenya.
Olivia Marsaud
COALITION
MONDIALE
Vera Chirwa
Rapporteur spécial sur les prisons et les
conditions de détention en Afrique
pour la Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples
CONTRE LA PEINE DE MORT
www.worldcoalition.org
Créée à Rome en mai 2002,
la Coalition mondiale contre la peine
de mort regroupe des ONG, des
associations de juristes, des syndicats,
des collectivités locales et toutes
organisations attachées à coordonner
leurs efforts internationaux dans
la lutte contre la peine de mort.
Comité de pilotage :
• Amnesty International
• Barreau de Paris / Conférence
Internationale des Barreaux
• Comunità di Sant'Egidio /
Forum 90 Japan
• Ensemble contre la peine de mort /
National Association of Criminal
Defence Lawyers
• Fédération Internationale des Ligues
des droits de l’homme
• Fédération Internationale de l’Action
des Chrétiens contre la Torture
• Fédération Syndicale unitaire
• National Coalition to Abolish the
Death Penalty / Murders Families
Victims for Reconciliation
• Penal Reform International
• Regione Toscana
• Restorative Justice USA / American
Friends Service Committee
Autres membres :
• Center for Prisonner’s Rights
• Coalition for Truth and Justice
• Comitato 3 Luglio 1849
• Comitato Paul Rougeau
• Conseil Général de l’Isère &
Mairie de Grenoble
• CURE - Missouri & Journey of Hope
• Death Penalty Focus California
• Droits et Démocratie
• Italian Coalition to Abolish
the Death Penalty
• Lifespark
• Ligue des Droits de l’Homme
• Mothers Against Death Penalty
• Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples
• Mouvement pour les droits humains
• Murders Victims’ Families for Human
Rights
• Observatoire Marocain des Prisons
• Organisation Mondiale
contre la Torture
• Rocco Barnabei Foundation
• Texas Coalition to abolish
the death penalty
• Ville de Matera
• Ville de Reggio Emilia
• Ville de Venise
• Ville de Braine l’Alleud
Secrétariat exécutif :
ECPM
5, rue primatice
F - 75013 Paris
Tél. : 00 33 +1 47 07 61 60
Fax : 00 33 +1 47 07 65 10
[email protected]
www.worldcoalition.org
WORLD
COALITION
AGAINST THE DEATH PENALTY
« La peine de mort n’est
pas juste. Tous les êtres
humains font des erreurs,
même les juges »
Malawi
Femme capitale
Avocate, militante de l’indépendance malawite, Vera Chirwa a vécu 12 années
dans les couloirs de la mort. Graciée, elle se bat pour murer à jamais ces
corridors de l’horreur.
Vera Chirwa a plus de 70 ans. Rondeurs enveloppées dans un boubou sage, visage encadré
par un fichu, regard malicieux et rire facile, elle pourrait être une grand-mère tranquille qui a
su apprivoiser le temps. La vie en a décidé autrement. Son existence mouvementée a fait d’elle
une femme suractive et impliquée dans la défense des droits humains. Première avocate du
Malawi, elle joue, avec son mari Orton, un rôle majeur dans la campagne pour l’indépendance
du pays en 1964. Le couple s’exile en Tanzanie quelques semaines plus tard, chassé par la
politique autoritaire du docteur Hastings Kamuzu Banda, qui restera au pouvoir pendant 30 ans.
La veille de Noël 1981, Vera et Orton sont enlevés par les forces de sécurité malawites dans
l’est de la Zambie. Ramenés au Malawi, ils sont accusés de haute trahison et condamnés à
mort au terme d’un procès-simulacre de deux mois. « Avocats tous les deux, nous nous
sommes défendus et battus jusqu’au bout. En face, c’était l’Inquisition. Nous n’avons pas
bénéficié de la présomption d’innocence alors qu’il n’y avait aucune preuve de notre
culpabilité », se souvient Vera. Le jour du verdict, elle défie ses juges. Elle lève la main pour
prendre la parole, ce qui est interdit, et regarde les magistrats dans les yeux. Elle leur demande
sur quoi se fondent leurs accusations. « Sur rien mais vous êtes coupable. » En état de choc,
les époux montent dans le véhicule qui les mène à la prison centrale de Zomba, de terrible
renommée. C’est la dernière fois qu’ils voyagent ensemble. « Pendant le trajet, nous avons
pardonné aux personnes qui ont fourni de faux témoignages, nous avons pardonné aux juges
et même au président. » Puis la colère laisse la place à l’angoisse. Dans le quartier des femmes,
Vera est torturée. Elle dort à même le sol de ciment, refuse d’ingurgiter la nourriture infecte.
Elle est privée de sorties, de visites, de lettres, de nouvelles de son mari… « Lorsque vous êtes
condamné à mort, vous n’êtes plus traité comme un être humain. C’est une vraie torture. »
Vera sera sauvée par sa foi. « Pendant mes 12 ans d’emprisonnement, j’ai gardé l’espoir. Je
me levais toutes les nuits à 23h00 pour prier pendant une heure. Cela me réconfortait, je rêvais
de Dieu en essayant de dormir même si mes geôliers ne me laissaient pas en paix. Le matin,
je priais avant de faire mes exercices de gymnastique. Tout au long de mon enfermement, j’ai
entendu les cris des autres condamnés à mort. Ils hurlaient quand on les emmenait pour les
exécuter. Si je n’avais pas pensé à Dieu, j’aurais craqué. »
En 1990, Amnesty International lance une action urgente pour faire libérer les Chirwa. À
l’automne 1992, une délégation de juristes britanniques est autorisée à leur rendre visite. Orton
et Vera se revoient pour la première fois depuis 8 ans. Ce sera la dernière. Orton meurt dans
sa cellule trois semaines plus tard à 73 ans. « Il a été assassiné », soutient Vera qui ne peut
pas assister à l’enterrement. Elle est graciée par le président à vie Kamuzu Banda, pour
« raisons humanitaires », et libérée le 24 janvier 1993. Une année de renaissance pour elle et
pour le pays. Le régime dictatorial de Banda a fait son temps, les partis politiques sont légalisés.
En 1994, des élections portent Elson Bakili Muluzi au pouvoir.
Douze ans de prison et de privations, additionnés aux séances de torture physique et mentale,
n’ont pas eu raison de la volonté ni de la santé de Vera. « Le médecin qui m’a examinée à ma
sortie était étonné que je ne sois pas en plus mauvais état ! » plaisante encore aujourd’hui la
septuagénaire. « La prière et les exercices, c’est ce qui me tient en forme encore aujourd’hui !
Je suis très forte maintenant ! » On veut bien la croire. Elle est, depuis 2000, Rapporteur spécial
sur les prisons et les conditions de détention en Afrique pour la Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples. Et a créé, dès sa liberté retrouvée, l’ONG Malawi Carer, un centre
d’action et de recherche sur les droits de l’homme par le biais duquel elle multiplie les actions
en faveur de l’abolition.
Car même si l’actuel président a commué toutes les peines capitales en prison à vie et a déclaré
qu’il n’y aurait pas d’exécution sous son mandat, les Malawites « croient à la peine de mort »,
regrette Vera. Citant sans relâche son propre cas et celui de son mari, elle assène que « la
peine de mort n’est pas juste. Tous les êtres humains font des erreurs, même les juges. Lorsque
j’étais avocate en Tanzanie j’ai vu des innocents être condamnés. Nous nous battons pour
qu’une loi soit adoptée mais c’est très difficile. Nous ne souhaitons pas imposer la loi. Nous
espérons qu’un jour, la majorité l’acceptera. » C’est seulement à ce moment-là que Vera pourra
enfin se reposer.
Olivia Marsaud
COALITION
MONDIALE
CONTRE LA PEINE DE MORT
www.worldcoalition.org
Créée à Rome en mai 2002,
la Coalition mondiale contre la peine
de mort regroupe des ONG, des
associations de juristes, des syndicats,
des collectivités locales et toutes
organisations attachées à coordonner
leurs efforts internationaux dans
la lutte contre la peine de mort.
Comité de pilotage :
• Amnesty International
• Barreau de Paris / Conférence
Internationale des Barreaux
• Comunità di Sant'Egidio /
Forum 90 Japan
• Ensemble contre la peine de mort /
National Association of Criminal
Defence Lawyers
• Fédération Internationale des Ligues
des droits de l’homme
• Fédération Internationale de l’Action
des Chrétiens contre la Torture
• Fédération Syndicale unitaire
• National Coalition to Abolish the
Death Penalty / Murders Families
Victims for Reconciliation
• Penal Reform International
• Regione Toscana
• Restorative Justice USA / American
Friends Service Committee
Autres membres :
• Center for Prisonner’s Rights
• Coalition for Truth and Justice
• Comitato 3 Luglio 1849
• Comitato Paul Rougeau
• Conseil Général de l’Isère &
Mairie de Grenoble
• CURE - Missouri & Journey of Hope
• Death Penalty Focus California
• Droits et Démocratie
• Italian Coalition to Abolish
the Death Penalty
• Lifespark
• Ligue des Droits de l’Homme
• Mothers Against Death Penalty
• Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples
• Mouvement pour les droits humains
• Murders Victims’ Families for Human
Rights
• Observatoire Marocain des Prisons
• Organisation Mondiale
contre la Torture
• Rocco Barnabei Foundation
• Texas Coalition to abolish
the death penalty
• Ville de Matera
• Ville de Reggio Emilia
• Ville de Venise
• Ville de Braine l’Alleud
Secrétariat exécutif :
ECPM
5, rue primatice
F - 75013 Paris
Tél. : 00 33 +1 47 07 61 60
Fax : 00 33 +1 47 07 65 10
[email protected]
www.worldcoalition.org
WORLD
COALITION
AGAINST THE DEATH PENALTY
Hauwa Ibrahim
Avocate nigériane
« Les peines prononcées
sont inhumaines : lapidation,
fouet, amputation… »
Nigeria
Le droit contre les pierres
Hauwa Ibrahim se bat contre la lapidation à mort. Avec la montée de l’Islam
intégriste, cette pratique est devenue légale dans le pays et courante pour les
femmes accusées d’adultère.
Ses mots s’envolent et piquent. Justes. Droit dans le cœur. Le coup pourrait être fatal. Il se
veut, au contraire, un électrochoc. Malgré la pudeur de ces termes, malgré sa retenue, Hauwa
Ibrahim fait comprendre d’un geste, d’un regard le supplice de ces femmes nigérianes accusées
d’adultère et condamnées à une mort atroce. La lapidation.
Pour elles, l’avocate est prête à risquer sa vie. Et à déclarer la guerre à cet Islam intégriste qui étend
désormais son emprise sur le Nord du Nigeria. Depuis 1999, douze États, sur les 36 que compte
le pays à structure fédérale, ont instauré des Cours de Justice islamique (cour de Charia). Comme
au temps des Talibans en Afghanistan, des miliciens se chargent de faire appliquer la Charia (le
droit musulman) et traquent « les comportements déviants ». L’une de leurs dernières victimes se
nomme Amina Lawal. Âgée d’une trentaine d’années, la jeune femme a entretenu une liaison hors
mariage et donné naissance à un enfant. Pour les fondamentalistes, c’est un crime passible de la
peine capitale. Aujourd’hui, dans les yeux d’Hauwa, la colère a fait place à la détermination. Pour
la défendre, elle se sent prête à tout. Le dossier, elle l’a étudié jusqu’à épuisement. Elle en connaît
chaque ligne, chaque virgule par cœur. Lors de sa première comparution, Amina Lawal était seule
face à ses juges. Cette entorse à la charia, Hauwa compte bien la retourner contre les accusateurs
pour casser le jugement. Et effacer la terrible sentence : « enterrée jusqu’au cou puis lapidée ».
Pourtant, au Nigeria, Amina est loin d’être seule sur le banc des coupables. Depuis quelques années,
les dossiers s’accumulent dans le bureau de Maître Ibrahim : Safya Husseini en 2002 mais aussi
de plus en plus d’hommes et de couples. « J’ai travaillé sur 47 affaires liées à la Charia, explique
l’avocate. Les peines prononcées sont inhumaines : lapidation, fouet, amputation… Ces affaires ne
rencontrent aucun écho auprès du gouvernement alors même que la Constitution interdit de tels
traitements. Seule la mobilisation internationale peut forcer les autorités à faire cesser ces
condamnations injustes. »
Engagée auprès de l’ONG nigériane Baobab, cette mère de deux enfants milite pour l’accès
à l’éducation des plus démunis. Le vrai remède, selon elle, à l’obscurantisme religieux : « Dans
les campagnes du Nord, à peine 2 % des gens savent lire et écrire, contre 80 % dans le sud
du pays. »
Pauvreté, analphabétisme, indifférence du pouvoir central. Hauwa Ibrahim connaît bien ce
terreau dont les extrémistes font leur lit. Elle est née à Hinnah, un bourg miséreux de 2000
âmes sans eau courante, ni électricité. Comme toutes les filles de son âge son avenir semblait
tout tracé : école primaire, mariage à douze ans. Elle a refusé. Bravé les ordres de son père,
un mollah. Et financé ses cours en vendant des légumes sur les marchés. L’argent devait
constituer sa dot. Il servit à son éducation. « Je voulais faire des études, quelles qu’elles soient.
Pour briser le joug imposé aux femmes de ma région. »
À 35 ans, Hauwa est devenue une icône. Mais son charisme gêne. Elle vit au quotidien sous la
menace des extrémistes qui l’accusent d’avoir trahi sa religion. Devant les tribunaux islamiques, on
lui interdit de plaider. C’est une femme. La première Nigériane musulmane et avocate. La majorité
de ses confrères sont chrétiens et rechignent à intervenir dans les dossiers ayant trait à l’Islam.
Hauwa, elle, refuse de reculer. De se laisser intimider. À dos d’âne, elle arpente les chemins de sa
terre natale pour offrir ses services. Gratuitement. « Je ne suis pas Imam, je ne commente pas le
Coran, précise-t-elle. Mon seul but est de faire respecter les droits fondamentaux de chaque être
humain, comme le respect de la loi ou le droit de chacun à un procès équitable. » Aujourd’hui, la
cause d’Hauwa a dépassé les frontières du Nigeria. Les soutiens affluent du monde entier. Reste
le plus difficile : faire entendre sa voix dans son propre pays.
Christelle Pangrazzi