DEVOIR N°1 : ANALYSE DE DOCUMENTS Consignes
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DEVOIR N°1 : ANALYSE DE DOCUMENTS Consignes
DEVOIR N°1 : ANALYSE DE DOCUMENTS Consignes : Après avoir présenté le document n°2, vous analyserez les documents pour montrer que le rôle de Pétain dans le sort des Juifs est l’objet de lectures mémorielles différentes. Vous distinguerez à l’aide de ces documents la différence entre la façon de procéder du polémiste et de l’historien. Document n°1 « Quand Éric Zemmour défend Vichy » L'ambiance était tendue, hier soir, dans l'émission On n'est pas couché sur France 2. Éric Zemmour s'est opposé à la chroniqueuse Léa Salamé, son ancienne acolyte dans Ça se dispute sur i>Télé. Alors qu'Éric Zemmour était venu présenter son livre intitulé Un suicide français, la journaliste s'est attaquée à un passage de son ouvrage. Dans ce chapitre, le polémiste critique Robert Paxton, l'un des premiers historiens à évoquer la responsabilité de Pétain et de l'État français dans la collaboration avec l'Allemagne nazie. Un passage qui a visiblement choqué Léa Salamé qui reproche alors à son invité de faire une "réévaluation, voire une réhabilitation du régime de Vichy". "L'air de rien, vous faites une réhabilitation de Pétain en disant : Finalement Vichy, c'était pas si terrible. (...) Où voulez-vous en venir ? (...) Qu'est-ce qui se passe ?" a demandé Léa Salamé. En réponse à la journaliste, l'invité évoque la "complexité de l'histoire". Mais la chroniqueuse persiste : "Éric, ce n'est pas Pétain qui a sauvé les juifs. C'est la zone libre, c'est les justes, c'est la société civile, c'est l'Église qui a sauvé les juifs. C'est pas Pétain !" "Ça, c'est la doxa dominante" a tout simplement répondu Éric Zemmour. "C'est Pétain qui a sauvé les juifs ?! Répondez-moi, oui ou non ?" a demandé Léa Salamé. "Il a sauvé des juifs français, oui" a alors affirmé Éric Zemmour qui a indiqué qu'il ne réhabilitait "rien". Site LePoint.fr - Publié le 05/10/2014 à 16:12 - Modifié le 05/10/2014 à 18:25 Document n°2 Le statut des juifs du 3 octobre 1940 a pour caractéristique de définir, en son premier article, les personnes juives comme ayant trois grandsparents de « race juive » - ou deux si leur conjoint est lui-même de « race juive ». […] A ce premier article, Pétain n’apporte aucune modification. On peut admettre qu’il n’a pas les connaissances juridiques pour percevoir les difficultés pratiques d’une telle définition. Mais on constate qu’il n’a eu ni assez de bon sens, ni assez de cœur pour voir ce qu’une définition, plus sévère que celle des Allemands, traduisait de précipitation en même temps que de haine. Cette définition a d’abord pour but de permettre des interdictions à des emplois publics et à des fonctions électives, et d’est l’objet de l’article 2. A la fin du premier paragraphe, où sont énumérées les fonctions de chef de l’Etat et de ministres, Pétain ajoute de sa main « toutes assemblées relevant de l’élection ». Puis à la liste des fonctions publiques interdites, il pense à joindre l’inspection des Colonies, montrant un grand souci de détail dans la brimade. De même, il complète l’énumération des postes de l’Education nationale interdits aux juifs par une généralisation « tout membre du corps enseignant ». A l’article 3, le maréchal supprime l’une des conditions qui permettaient aux Juifs d’accéder à des postes secondaires dans la fonction publique : « être descendant de Juifs nés Français ou naturalisés avant 1860 ». […] L’idée d’un troisième statut des juifs est déjà à l’ordre du jour au début de 1942. […] « On ne me comprend pas, déclare-t-il [Pétain] au général Héring venu lui parler du sort des réfugiés alsaciens et juifs. Je ne veux pas d’un Etat dans l’Etat d’aucune espèce, ni confessionnelle, ni autre. Je n’ai jamais demandé ces monstruosités, toutes ces vexations, ces brimades. » A aucun moment il ne comprendra avoir ouvert la boite de Pandore en ayant voulu les premières lois antisémites. Il est convaincu que les juifs comptent bel et bien parmi les adversaires du gouvernement – avec les francsmaçons. […] « Les Juifs apatrides qui, depuis une quinzaine d’années, se sont abattus sur notre pays ne m’intéressent pas. Mais les autres, les bons vieux Juifs de France, ont droit à toute la protection que nous pouvons leur donner ». Bénédicte Vergez-Chaignon, Pétain, Perrin, 2014, p°495 (sur le statut des juifs) et p°507-508 (sur la création du troisième statut) XXX GRILLE DE CORRECTION DEVOIR N°1 Présentation du document n°2 La nature du document et les destinataires sont identifiés [211] La date est relevée [211] Le contexte est précisé [112] Le nom de l’auteur est relevé et elle est sommairement présentée [211] La fiabilité du document est questionnée [214] Le sujet du document est mis en évidence [211] S S S S S S M+ M+ M+ M+ M+ M+ MMMMMM- I I I I I I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S S M+ M+ MM- I I S M+ M- I S M+ M- I Thème 1 : Les différentes lectures (mémoires plurielles) du rôle de Pétain dans le sort des juifs La lecture d’Eric Zemmour A relever : « le polémiste critique Robert Paxton, l'un des premiers historiens à évoquer la responsabilité de Pétain et de l'État français dans la collaboration avec l'Allemagne nazie « ; « L'air de rien, vous faites une réhabilitation de Pétain « ; « Finalement Vichy, c'était pas si terrible » ; « c'est la doxa dominante » ; « Il a sauvé des juifs, oui » A mettre en relation avec : mythe d’un Pétain bouclier (Robert Aron) ; idée que ce sont les Allemands qui ont contraint le gouvernement de Vichy à prendre des mesures antisémites ; fin du mythe résistancialiste au début des années 70 La lecture de Léa Salamé A relever : « ce n'est pas Pétain qui a sauvé les juifs. C'est la zone libre, c'est les justes, c'est la société civile, c'est l'Église qui a sauvé les juifs. » ; « la doxa dominante » A mettre en relation avec : vision totalement négative de Vichy, repère de traitres et de collaborateurs; un « passé qui ne passe pas » (H.Rousso) ; idée que la vérité est clairement établie ; discours de Jacques Chirac (1995) La lecture de Bénédicte Vergez-Chaignon A relever : « une définition plus sévère que celle des Allemands » ; « De même, il complète l’énumération des postes de l’Education nationale interdits aux juifs […] « être descendant de Juifs nés Français ou naturalisés avant 1860 ». » ; « en ayant voulu les premières lois antisémites » ; « Il est convaincu que les juifs comptent bel et bien parmi les adversaires du gouvernement » ; « les bons vieux Juifs de France, ont droit à toute la protection que nous pouvons leur donner » A mettre en relation avec : attitude de collaboration voulue par le maréchal Pétain ; antisémitisme propre de Pétain => Pétain ne considère pas tous les juifs de la même manière => il peut en protéger certains mais leur est globalement opposé Thème 2 : Le polémiste et l’historien : des approches et des méthodes différentes Les polémistes, une approche passionnée du passé A relever : « l’ambiance était tendue” ; « s’est attaqué » ; « a choqué » ; « qui reproche » ; « répondez par oui ou par non » ; « En réponse à la journaliste, l'invité évoque la "complexité de l'histoire" » ; « c’est la zone libre qui a sauvé les juifs » ; « Il a sauvé des juifs, oui » ; absence de justification de part et d’autre A mettre en relation avec : conflit des mémoires ; mémoires plurielles ; absence de nuances ; raisonnement binaire et manichéen ; attitudes de condamnation ou d’indulgence… donc de jugement L’historienne, une étude méthodique du passé A relever : appui sur des citations ; « Pétain ajoute de sa main » ; pas de jugement de la part de l’historienne mais des interprétations A mettre en relation avec : volonté d’établir les faits sans les juger ; recherche de l’objectivité ; appui sur des sources ; découverte récente de l’exemplaire du statut des juifs annoté de la main de Pétain (2008) ; travail de Robert Paxton à partir des archives allemandes Méthode de l’analyse documentaire Les attentes de la consigne sont respectées Des informations sont prélevées dans les documents et apparaissent dans la réponse sous forme de citations entre guillemets [212] La réponse apporte des connaissances qui explicitent le contenu des documents et permettent l’analyse [215] Le sens général des documents est compris [213] Présentation / Expression / Orthographe Le devoir est bien présenté (écriture, lignes séparant les différentes parties...) [411] Le devoir est correctement exprimé [412] Le devoir est correctement orthographié [413] S S S M+ M+ M+ MMM- Synthèse et conseils pour progresser XX / 20 I I I DEVOIR CORRIGE Pour étudier la diversité des mémoires sur Pétain et le régime de Vichy, on dispose de deux documents dont un est un extrait de la biographie du maréchal Pétain publiée en 2014 par l’historienne et spécialiste de l’époque de la Seconde Guerre mondiale Bénédicte Vergez-Chaignon. Le fait qu’il s’agisse d’une historienne de profession permet de considérer que les extraits présentés traitant de la rédaction de statuts des juifs sont fiables quand bien même l’ouvrage de Bénédicte Vergez-Chaignon paraisse plus de 70 ans après les faits évoqués. Sur la question du rôle de Pétain dans le sort des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, les documents proposés montrent que les avis sont différents et très tranchés. Eric Zemmour, au cours de l’émission On n’est pas couchés, fait scandale puisqu’il affirme que Pétain « a sauvé des juifs français ». Cette affirmation, tout comme le contenu du livre qu’il est venu présenter, suscite la réaction indignée de Léa Salamé qui l’accuse de vouloir mener une « réhabilitation » de Vichy, c’està-dire de revenir sur l’image qu’on a du régime dirigé par Pétain. Dans la réalité, l’opinion d’Eric Zemmour peut se rapprocher de la mémoire particulière de Vichy que défendait déjà Robert Aron en 1954, celle d’un Pétain bouclier défendant la France et les Français (et donc les juifs). Cependant, le fait qu’Eric Zemmour « critique Robert Paxton, l'un des premiers historiens à évoquer la responsabilité de Pétain et de l'État français dans la collaboration avec l'Allemagne nazie » peut donner à penser aussi que c’est la fin du mythe du résistancialisme qui, pour lui, est une des origines du « suicide français » puisque tel est le titre de l’ouvrage qu’il venait présenter. A la mémoire d’une France qu’il ne faut pas accabler – et notamment Pétain – Léa Salamé oppose ce qu’Eric Zemmour qualifie de « doxa dominante », l’idée d’une France dirigée par des collaborateurs actifs de l’Allemagne et ayant livré des juifs sans hésiter. Pour elle, rares ont été ceux qui ont défendu les juifs à cette époque – et Pétain n’en était pas ! : « ce n'est pas Pétain qui a sauvé les juifs. C'est la zone libre, c'est les justes, c'est la société civile, c'est l'Église qui a sauvé les juifs ». A ses yeux, il s’agit d’une vérité alors que c’est seulement la mémoire qui s’est imposée depuis les années 70 suite au film Le Chagrin et la Pitié et aux travaux de Robert Paxton ainsi qu’à l’affirmation de la mémoire de la Shoah. C’est cette lecture-là, celle du’ « un passé qui ne passe pas » (Henry Rousso) qui s’est affirmée à travers le discours de Jacques Chirac en 1995 reconnaissant le rôle de l’Etat français dans la déportation des juifs. Dans le document n°2, Bénédicte Vergez-Chaignon livre une vision plus nuancée des choses – qui est peut-être la mémoire dominante de demain – en montrant un Pétain qui a été directement impliqué dans la politique antisémite de Vichy : c’est lui qui laisse adopter « une définition [ de ce qu’est un juif] plus sévère que celle des Allemands » et qui « complète l’énumération des postes de l’Education nationale interdits aux juifs ». Pétain ne semble donc rien faire en 1940 pour protéger les juifs… sauf qu’en 1942, il se montre plus protecteur en estimant que « les bons vieux Juifs de France, ont droit à toute la protection que nous pouvons leur donner » tout en laissant adopter le nouveau statut. Cela confirme que Pétain mène ouvertement une politique de collaboration avec l’Allemagne, une politique antisémite qui ne le heurte vraiment que lorsque celle-ci s’en prend à certains juifs, les anciens combattants de 1914-1918 notamment. Il faut dire que comme le dit Bénédicte Vergez-Chaignon il est persuadé que « les juifs comptent bel et bien parmi les adversaires du gouvernement » ce qui suffirait à justifier à ses yeux qu’il faille s’en méfier et les mettre hors d’état de nuire. L’analyse des deux documents montre clairement une différence de procéder et de se comporter entre les polémistes intervenant dans le premier document et l’historienne dans sa biographie de Pétain. Eric Zemmour et Léa Salamé ont une approche très passionnée de la question dont ils débattent (« l’ambiance était tendue » dit l’article du Point.fr). La manière dont ils s’affrontent est très manichéenne : « répondez par oui ou par non » demande Léa Salamé ce qui tend à supposer qu’il n’y a que deux versions possibles de l’Histoire et qu’une seule est la bonne. Cet affrontement sans nuances est aussi sans argumentation véritable ; Eric Zemmour affirme que Pétain « a sauvé des juifs, oui » mais sans apporter la moindre preuve à ce qu’il avance. On est là face à un exemple du conflit des mémoires qui s’explique par le fait qu’il existe des mémoires plurielles, des manières de se souvenir des événements du passé qui diffèrent selon les interprétations qu’on en fait, selon les éléments qu’on retient et ceux qu’on nie. Les polémistes soutiennent ou dénigrent pour donner un avis tranché à ceux qui les écoutent, ils sont en permanence dans le jugement du passé (et un jugement qui se fait à la lumière de notre façon de penser d’aujourd’hui). La manière de procéder de Bénédicte Vergez-Chaignon est bien différente comme on le voit dans le document n°2. Ce qu’elle affirme, elle le tire des différents documents sur lesquels elle s’appuie et qu’elle cite avec des extraits choisis. Sur le statut des juifs, elle peut ainsi s’appuyer sur le document originel modifié par la main même de Pétain qu’on a retrouvé seulement en 2008 et qui permet donc de mettre un terme aux querelles précédant cette découverte sur le rôle actif ou non de Pétain dans l’élaboration de ce texte. C’est grâce à cela qu’elle peut affirmer que « Pétain ajoute de sa main ». L’historien travaille donc sur des archives pour écrire l’Histoire ; ce sont ainsi les archives allemandes qui ont permis à Robert Paxton de publier en 1973 l’ouvrage qui allait bouleverser l’historiographie sur la France pendant la guerre. Ces archives sont traitées par l’historien dans le but de faire émerger sinon une vérité du moins une présentation la plus objective possible des faits. Bénédicte Vergez-Chaignon ne juge pas, elle cherche à établir à la lumière de ce qu’elle sait, de ce qu’elle a découvert, le cheminement intellectuel de Pétain qui va l’amener à rabaisser les juifs tout en voulant en protéger certains.