Le challenge du numérique

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Le challenge du numérique
L’ E S T R É P U B L I C A I N | V E N D R E D I 6 D É C E M B R E 2 0 1 3
REGION
Education Les instituteurs en grève
Pacte Lorraine
Rythmes scolaires :
moindre mobilisation
Nancy. La mobilisation a été
un peu moins importante
que lors de la première jour­
née d’appel à la grève. Hier,
selon les estimations livrées
en fin de matinée par le rec­
torat, 16 % des enseignants
du premier degré ont une
nouvelle fois dans l’acadé­
mie de Nancy­Metz, marqué
leur opposition à la réforme
des rythmes scolaires, con­
tre 22 % le 14 novembre der­
nier. Des pourcentages qui
se situent légèrement en
dessous du niveau national :
18,89 % hier contre 23 % le
14 novembre dernier.
Toujours selon les données
du rectorat, les enseignants
lorrains du 1er degré étaient
près de 17 % à ne pas faire
classe hier en Moselle, 19 %
dans la Meuse, 13,5 % dans
les Vosges et 14,7 % en
Meurthe­et­Moselle. Au ni­
veau national, le premier
syndicat dans le primaire, le
SNUipp, estimait que 40 %
des instituteurs feraient grè­
ve, comme l’affirmait égale­
ment son représentant en
Meurthe­et­Moselle Emma­
nuel Degritot. Le SNUipp
réclame « la suspension de
la réforme », rappelle­t­il,
« qui ne doit pas se faire à
n’importe quel prix. Nous
sommes face à une réforme
précipitée dont les ajuste­
ments ou la résolution des
dysfonctionnements se font
localement selon les bonnes
volontés des uns et des
autres ».
« Une confusion entre
scolaire et périscolaire »
Pour le SNUipp, poursuit­
il, « la réforme doit se réflé­
chir sur une année » et « ne
peut se réduire au seul réa­
ménagement des horaires ».
Elle doit, ajoute le SNUipp,
« amener à une réflexion
globale, qui prenne réelle­
ment en compte les besoins
des élèves et les conditions
de travail des enseignants ».
SUD Éducation qui de­
mande l’abrogation du dé­
cret sur les rythmes scolai­
res, notait par ailleurs dans
son tract d’appel à la grève
qu’en « faisant glisser les
missions d’enseignement de
l’Éducation nationale vers
les communes », la réforme
« crée de graves inégalités
de traitement sur le territoi­
re, et une confusion entre
scolaire et périscolaire (lo­
caux, activités…) ».
Mise en œuvre à la derniè­
re rentrée dans 4.000 com­
munes, la réforme des ryth­
mes scolaires doit être
généralisée à la rentrée
2014. Elle vise à répartir dif­
féremment les heures d’en­
seignement, en allégeant la
journée des élèves et en re­
venant à la semaine des qua­
tre jours et demi.
M.­H. V.
Le challenge du numérique
Nancy. S’il fallait encore con­
vaincre la ministre de l’En­
seignement supérieur et de
la Recherche du potentiel
d’innovation lorrain, les
multiples présentations de
laboratoires, qui ont nourri
la visite de Geneviève Fiora­
so, rejointe en fin de matinée
par Louis Gallois, tant à
Nancy qu’à Metz, ont consti­
tué un plateau qui pourrait
faire beaucoup d’envieux (cf
ER de jeudi).
Unique au monde, le futur
tube de 40 mètres, sous ul­
travide de l’Institut Jean­La­
mour (matériaux, nano par­
ticules, plasmas, surfaces,
électronique) qui sera ins­
tallé d’ici à fin 2015 sur le
site Artem. Une installation
qui permettra de travailler à
l’abri de la moindre poussiè­
re ­ 10.000 fois plus grosse
que la matière traitée par les
chercheurs ­ en partenariat
avec plusieurs universités
étrangères et des entrepri­
ses, dont la société mosella­
ne Wiessman, qui a déjà pris
rendez­vous.
Quant au laboratoire Hau­
te Sécurité du Loria (Labo­
ratoire lorraine de recher­
che en informatique et ses
applications, qui a succédé
au CRIN), dont l’équivalent
n’existe qu’à Paris et Ren­
nes, il constitue LA référen­
ce en matière de cybersécu­
rité civile. « Les modèles
mathématiques permettent
de détecter des menaces jus­
K Didier Festor (à droite), directeur de l’école d’ingénieurs Telecom Nancy, et chercheur au LORIA, vante
le potentiel scientifique lorrain à Geniève Fioraso.
qu’alors inconnues », expli­
que Jean­Yves Marion, di­
recteur du Loria,
transcendant le débat récur­
rent sur recherche fonda­
mentale ou appliquée.
L’Atilf, autrement dit le
Trésor de la Langue françai­
se, n’est­il pas lui aussi une
autre référence de niveau
mondial, qui a su marier in­
formatique et linguistique ?
« Un écosystème existe en
Lorraine, c’est pour cela que
nous avons choisi de nous
installer à Épinal », témoi­
gne Eric Mathieu, le patron
de Xilopix, start­up née à
Paris, qui fait partie mainte­
nant du paysage high tech
régional. Tout comme Tra­
cip, 20 ans d’expérience en
cyberdonnées à Messein, au
sud de Nancy. Ou bien enco­
re Harmonic Pharma, start­
up tout juste sortie de l’incu­
Photo Patrice SAUCOURT
bateur lorrain qui donne
une deuxième vie aux molé­
cules de médicaments.
L’avertissement
de Masseret
Et pourtant : la Lorraine
reste classée avant­dernière
région pour la valorisation
de la recherche. Cherchez
l’erreur. « Vous disposez de
tous les fondamentaux, vous
disposez de niches d’excel­
lence, de la masse critique
de compétences, le numéri­
que est un outil de coopéra­
tion formidable, vendez­
vous, faites une campagne
de communication sur l’ave­
nir lorrain, misez sur l’inter­
national », a exhorté Gene­
viève Fioraso, hier matin,
lors de la table ronde tenue
au Loria avec politiques,
chercheurs, chefs d’entre­
prise. « La période de tran­
sition de la Lorraine est fi­
nie, le tournant est amorcé
vers le redressement », a­t­
elle insisté, vantant les mé­
rites du Pacte Lorraine, et
des investissements d’ave­
nir, dont devait se faire l’am­
bassadeur Louis Gallois,
commissaire à l’investisse­
ment. Selon ses services,
plus de 300 M€ ont été déjà
engagés au titre des inves­
tissements d’avenir.
Il reste à connaître les mo­
dalités exactes de finance­
ment du Pacte (300 M€ dont
150 de l’État). « Le redresse­
ment industriel à venir pas­
se par la prise en compte du
potentiel de tous les territoi­
res », a lancé à la ministre
Jean­Pierre Masseret, prési­
dent de la Région, en forme
d’avertissement. « Le chal­
lenge de l’innovation numé­
rique », c’est oui, mais avec
un gros coup de pouce (bre­
ton ?) pour enclencher la
dynamique.
Philippe RIVET
Société
Une affaire de bizutage prend des proportions sérieuses à Nancy. Le ministère s’en mêle,
les sanctions tombent
Bizutage dénoncé à ICN
ArcelorMittal :
blocage express
Florange. Un an après la fin
d’un conflit social histori­
que, les militants d’Arcelor­
Mittal à Florange ont gardé
leurs « bonnes » habitudes
pour se faire entendre de la
direction. À la veille d’une
dernière réunion de négo­
ciation annuelle, mercredi
soir, une vingtaine de syndi­
calistes CFDT rejoints au
petit matin par les militants
FO, ont ressorti les drapeaux
et bloqué la gare de triage
d’Éblange, au cœur du site
sidérurgique florangeois.
Histoire de bien faire en­
tendre au patron les reven­
« Le tournant est amorcé vers le redressement pour la Lorraine », a assuré hier à Nancy
Geniève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
dications salariales. « Le
groupe va mieux, il a les
moyens d’investir un peu
plus dans son meilleur capi­
tal, le capital humain », mar­
tèle Édouard Martin.
« Après une année blanche
les salariés sont en droit
d’espérer mieux », renchérit
Jean Mangin (FO).
Les dernières propositions
de la direction actant une
hausse généralisée de 1,2 %
des salaires ainsi que des
hausses et primes indivi­
duelles devraient finale­
ment être approuvées par
les syndicats.
Nancy. « C’est l’histoire d’un
bizutage qui n’a pas eu
lieu ». La formule est de Jé­
rôme Caby, directeur d’ICN
Business School. Le problè­
me, c’est que, deux mois
après, l’affaire de la rentrée
continue à faire des vagues,
et qu’elle aura des consé­
quences fâcheuses sur la
scolarité de quelques élèves,
marqués au fer par un pas­
sage devant le conseil de
discipline.
Le 1er octobre, jour de ren­
trée à l’ICN Bachelor, les
élèves de première année
suivent un rituel pas vrai­
ment agressif. Photo de
groupe avec les aînés de se­
conde année, puis une sorte
de parrainage s’instaure, et
pendant plusieurs jours, des
épreuves sont proposées.
« C’est pas bien méchant,
rapportent des élèves un
peu railleurs, il faut rentrer à
six dans une cabine télépho­
nique et faire une photo, ou
montrer ses fesses dans la
rue. Rien n’est imposé, il n’y
a pas d’humiliations et ceux
qui ne veulent pas ne sont
pas stigmatisés. En tous les
cas, on n’imaginait pas que
Interview
ça traumatiserait quel­
qu’un ! »
Florilège des épreuves
proposées aux « bizuts » : se
frotter à un passant dans la
rue, boire cinq shootters
d’alcool fort de suite dans un
bar, baisser les yeux quand
on croise un élève de
deuxième année…
« Il n’y a pas
de bizutage gentil »
Un des nouveaux arri­
vants, un jeune Vosgien, a
mal vécu ce rituel d’intégra­
tion, a refusé de se plier au
jeu, et s’en est ouvert sur
Facebook. « Je dénonce le
bizutage en général », affir­
me­t­il aujourd’hui, en sou­
haitant préserver l’image de
l’école qui a très bien réagi
selon lui. « Une personne
faible ne peut pas résister.
Une personne faible est
blessée. Le bizutage, ce n’est
pas si grave quand on peut
dire non. C’est un jeu où il y
a de l’intimidation, où vous
êtes asservi. Certains ne sa­
vent pas se défendre et com­
me ils veulent rester à l’éco­
le, ils se taisent pour avoir la
paix ». Cette exposition sur
le réseau social a mis le feu
aux poudres, d’autant que le
garçon se félicitait d’avoir
mis fin à un réseau de bizu­
tage.
Des messages moqueurs,
puis menaçants, ont été
échangés avec les autres
élèves. De plus en plus mal à
l’aise, et convaincu « que
toute la promo le regardait
d’un air moqueur en tentant
de le provoquer », le garçon
s’est alors confié au Comité
National Contre le Bizutage.
Pour Marie­France Henry,
sa présidente, « il n’y a pas
de bizutage gentil ». « Il avait
été ébranlé par l’expérience,
ses parents aussi. Il songeait
à quitter l’école. On a monté
le dossier et nous l’avons
transmis au ministère. ».
L’affaire, là encore, a été
prise très au sérieux par les
services de Geneviève Fio­
raso qui ont demandé des
comptes à l’école et des
sanctions ad hoc. Une en­
quête administrative est en
cours actuellement pour fai­
re toute la lumière. Sans tar­
der, un conseil de discipline
a été convoqué. Vingt élèves
ont été reçus en pré­entre­
tien, et sept ont été déférés.
Un d’entre eux a écopé
d’une suspension d’un mois.
Passer en conseil est une
sanction grave : elle interdit
à l’élève de partir en stage à
l’étranger, ou en séminaire.
Le Bureau des Élèves a été
dissous, les soirées sont in­
terdites. Le garçon qui a dé­
clenché tout cela affirme
que tout est rentré dans l’or­
dre.
Monique RAUX
« Une totale liberté d’expression »
E Interrogée sur les suites données à l’incident, la directrice
du programme ICN Bachelor, Christine Kratz, souligne qu’il
« n’y a plus de bureau des élèves (BDE) en tant que tel » au
sein de l’école. « Une association a été recréée par d’autres
étudiants, qui est là pour faire le lien entre les étudiants, mais
l’objectif d’organiser des soirées, entretenir la vie étudiante,
est complètement oublié. Toutes les manifestations le soir
sont interdites ». Concernant la prévention du bizutage, « il y
a une charte du comportement, un règlement qui est très
précis, que je venais de leur présenter d’ailleurs. Depuis juin,
j’ai averti les deuxième année qu’il ne pouvait pas y avoir de
journées d’intégration, j’avais rappelé la loi. L’année prochai­
ne, je serai encore plus vigilante, si c’est possible, car on a
essayé de tout mettre en place déjà cette année. Je pense
aussi que ce qui est arrivé là, malgré tout, a fait prendre cons­
cience. Je pense que la plupart ont compris, que ça leur a bien
servi de leçon, j’ai l’impression que beaucoup ont retenu le
message ».
Quant à l’étudiant à l’origine de cette affaire, Christine Kratz
souligne : « On l’a suivi, pour essayer d’anticiper une situation
qui était peut­être difficile pour lui, pour ne pas qu’il se trou­
ve isolé, ce qui n’est pas du tout le cas, et l’aider dans sa dé­
marche. […]. On lui laisse une totale liberté d’expression, il n’a
reçu aucune pression, c’était son choix d’en parler sans citer
l’école. »
P. T.
Jérôme Caby, directeur de l’ICN Business School, accepte de revenir sur un bizutage interdit
« Aucune école à l’abri »
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Imprimeries
L’EST RÉPUBLICAIN
Que s’est­il exactement pas­
sé ?
C’est l’histoire d’un bizuta­
ge qui n’a pas eu lieu. Nous
avions interdit toute mani­
festation d’intégration, rap­
pelé la loi qui prohibe toutes
les pratiques relevant de ce
qu’on appelle communé­
ment le bizutage. Les étu­
diants de bachelor (NDLR :
ICN Supest post bac en trois
ans), avaient été prévenus.
Certains ont décidé de pas­
ser outre, clandestinement.
Comment avez­vous eu con­
naissance du non respect de
l’interdiction édictée ?
Je l’ai appris par le cabinet
du ministre de l’Enseigne­
ment supérieur. L’étudiant,
qui s’est manifesté pour pro­
tester, s’est adressé à une as­
sociation qui a saisi directe­
ment le cabinet de
Mme Fioraso. Je suis tombé
des nues. Dans le quart
d’heure qui a suivi, je me
suis rendu en amphi où j’ai
passé une soufflante aux
étudiants, en leur rappelant
les bonnes raisons qui justi­
fiaient l’interdiction du bi­
zutage. Nous avons procédé
à 20 entretiens préalables au
conseil de discipline. Les
sanctions sont tombées, pro­
portionnées, adaptées à la
situation. Un étudiant qui a
dérapé sur les réseaux so­
ciaux a été exclu temporai­
rement. Nous ne nous éri­
geons pas en tribunal. Nous
sommes attentifs au rôle
éducatif de la sanction. Au­
delà de la sanction, nous
cherchons surtout à com­
prendre pourquoi ces pro­
blèmes surviennent. Il y a
manifestement un problème
de maturité chez les étu­
diants.
Pourquoi l’étudiant a préféré
saisir une association au lieu
de s’adresser directement à
vous ?
Je lui ai naturellement
posé la question lorsque je
l’ai rencontré. Il m’a répon­
du qu’il pensait que la direc­
K Jérôme Caby : « Les sanctions sont tombées, proportionnées,
adaptées à la situation ».
tion couvrait ce genre de
pratiques et qu’on était donc
au courant. J’ai dû le con­
vaincre du contraire. C’est
très clair : les pratiques évo­
Photo Alexandre MARCHI
quées sont inacceptables.
Nous ne cessons de le rap­
peler aux étudiants. Nous
avons mis en place un systè­
me de prévention, notam­
ment face aux addictions.
Des chartes de bonne con­
duite ont été signées par les
étudiants.
En septembre 2010, l’ICN
s’était retrouvée au cœur d’une
polémique suite à une soirée
arrosée…
Certains médias avaient
même affirmé qu’une étu­
diante avait été violée.
C’était erroné et nous avons
obtenu la condamnation
d’un titre pour diffamation.
L’enquête a été classée sans
suite. Nous avons subi une
vague médiatique. C’était
désagréable, et ça a nui à
notre image. Nous faisons le
maximum en terme de veille
pour prévenir dérapages et
pratiques inacceptables.
Mais aucune école n’est à
l’abri. Nous avons un droit
de regard sur les manifesta­
tions organisées par les as­
sociations reconnues par
l’école. Mais pas sur ce qui
relève du domaine privé.
Propos recueillis
par Philippe RIVET
RLO02