Télécharger - Théâtre Denise

Transcription

Télécharger - Théâtre Denise
Théâtre Denise-Pelletier
DIRECTION ARTISTIQUE CL AUDE POISSANT
L es C ahiers / N um é ro 9 6
Cahier d’hiver
M U L I AT S
LE MIEL EST PLUS DOUX QUE LE SANG
LOVE IS IN THE BIRDS
F R AT R I E
L’ O R A N G E R A I E
SIMONE ET LE WHOLE SHEBANG
LES ZURBAINS 2016
S a l l e F r e d - B a r r y / 2 4 a u 2 7 f é v r i e r 2 016
LOVE IS
IN THE BIRDS
TEXTES
M AR J O LAI N E B EAU C H A M P ,
A N N IE C L O U T IER ,
S O N IA C O T T E N , C ÉLI N E DEL B E C Q ,
J ULIE G IL B ER T , G E O R G E T T E LE B LA N C ,
LO U I S PAT R I C K L E RO U X , L I S A L’ H E U R E U X ,
R O B ER T M ARI N IER , M I C H EL O UELLE T T E ,
G A B RIEL R O B I C H AUD , M YL È N E R O Y
E T A N N E - M ARIE W H I T E
M I S E E N S C È N E A N N E - M ARIE W H I T E ,
A S S I S T É E D E L I SA L’ H E U R E U X
AV E C M A R J O L A I N E B E A U C H A M P,
CÉLINE DELBECQ, NICOLAS DESFOSSÉS,
S T E F PA Q U E T T E , G A B R I E L R O B I C H A U D
ET MAXINE TURCOTTE
THÉÂTRE DU TRILLIUM
© Bizier
en savoir
La chanson L’arbre est dans ses feuilles popularisée par
Zachary Richard fait maintenant partie de notre patrimoine culturel. Mais pour combien de temps encore ?
Que nous reste-t-il de la génération précédente ?
Que léguerons-nous à la génération suivante ? Cette soirée
éloquente, au confluent des courants dramaturgiques
actuels, met en scène de nouvelles écritures issues de la
francophonie qui fouillent les éléments de cette chanson
traditionnelle, sous l’angle de la transmission. Ce cri du
cœur francophone est une sorte de performance multi-
disciplinaire, mi-spectacle, mi-lecture, où la musique et
les mots se choquent et s’entrechoquent. Love is in the
birds est récipiendaire du Prix Coup de coeur 2014 de La
Fabrique culturelle.
Fondé à Ottawa en 1975, le Théâtre du Trillium, dirigé par
Anne-Marie White depuis 2008, défend des dramaturgies
contemporaines qui, sans pudeur ni vernis de moralité,
s’acharnent à fouiller la vie : celle qui nous choque, celle
qui nous habite, celle qui nous entoure.
22
L’ARBRE QUI S’EFFEUILLE
Par Nicolas Gendron
Près de 40 ans déjà que Zachary Richard, Louisianais
aux racines acadiennes et Québécois de cœur, chante
la fameuse ritournelle de L’arbre est dans ses feuilles, un
air traditionnel depuis entré dans nos mœurs. « Mais
pour combien de temps encore ? », se demande l’équipe
du Théâtre du Trillium. Pourtant, la chanson a depuis
été reprise pour les tout-petits par Carmen Campagne
et Annie Brocoli ! J’ose ajouter ici : sera-ce suffisant,
marilon, marilé ?
P ourquoi ?
Petit texte touffu, avec extraits choisis, en hommage à la forme de Love is in the birds. Histoire
que vous n’oubliez plus jamais la chanson dont ce
spectacle s’inspire ! - N. Gendron
Compagnie franco-ontarienne qui fête ses 40 ans, le
Trillium – un nom botanique, tiens donc ! – a convié
une douzaine d’auteurs de la francophonie (Ottawa/
Gatineau, Abitibi, Belgique, Suisse, Montréal, Acadie) à
réfléchir poétiquement à la question du legs. Ainsi est né
Love is in the birds – Une soirée francophone sans boule
disco, partition festive et éclatée pour cinq comédiens et
un musicien. Depuis 2013, le succès de ce spectacle ne
se dément pas. Grâce à qui ? L’arbre ou l’amour ? Peutêtre un peu la faute à Zachary.
L’arbre
Tout petit que nous sommes devant l’Hypérion, qui
serait l’arbre le plus haut de la planète, impossible de ne
pas réfléchir aux traces de notre passage sur cette terre.
Et si l’arbre était un testament. « L'arbre nous parle. Il
faut écouter l'arbre pour entendre son testament. Là
j'braquerons à écrire des mots qui poussent. » Oui, oui,
« j’braquerons ». Parce que c’est si vaste, le Canada…
La feuille
« L’urgence, c’est le futur en train de se faire présent. »
Qui disait ça, déjà ? Qu’importe, suffit de lire dans les
feuilles de thé, boules de cristal des temps anciens, pour
pressentir, non sans fébrilité, la marche du monde.
« Dans moins de trente ans, nous serons revenus à un
théâtre politique, engagé, qui a de l’esprit. Nous remplirons les déchetteries de nos Ipod, téléphones portables,
ordinateurs, et autres dépendances technologiques.
Nous reviendrons à l’essentiel. » Quoi, l’essentiel, c’est le
théâtre, non ?
La branche
© Pierre Crépô
« Tu es trop droite
Trop raide
Secoue-toi
Sinon
Avec la pesanteur du verglas de tes nombreux hivers
Tu vas casser »
Cette branche aurait-elle un visage familier ?
Et si oui, arrivera-t-on à le ou la faire danser,
à lui titiller « le point G qui débande le genou » ?
Les interprètes de Love is in the birds
Love is in the birds 23
Le nœud
Le cœur
Il y a des remords qui vous prennent au ventre,
de ces nœuds douloureux qui entrent dans le domaine public.
Un baiser raté, sa virginité. Une double vie, une révolution.
Son permis de conduire, sa couleur de cheveux.
Un fuck-you, des montagnes russes.
Mais que voulez-vous ? On ne peut pas tous
être Patti Smith.
Because the night belongs to lovers…
Et puis le cœur parle de lui-même,
il gorge et regorge encore :
« le cœur qui nous emporte depuis le début dans la tune.
dans la beat. dans le parc. dans le clôt iousqu'Evangeline
et Gabriel s'avont aimé. j'ai brûlé la bouchure. j'ai fait
tomber jusqu'à chaque barreau de fer. fait fondre la
prison. fait couler la misère. j'étais pris. j'étais folle entre
quatre murs.
Le trou
mais j'su dans le cœur asteure. j'su dans le drum. j’su
dans le fond de la beat. dans le galop de la course. les
quatre murs du cœur m'avont emmené jusqu'icitte. »
« C’est par le trou de l’oubli que j’ai trouvé
mon chemin. »
Le nid
Ou alors la chanson,
le plus doux des nids.
« Dans ton Ipod
Il y a tout ton être, toute ton essence
Ta naissance »
L’œuf
Parlant de naissance :
«Les mains de papa sont prêtes, les quatre ambulanciers
carburant à l’adrénaline crient « Pousse, pousse », les
pompiers regardent la scène, bouche ouverte. Un cherche
des croustilles. C’est du sport. La porte est grande
ouverte, il fait froid. Arrive la sage-femme, excusez-moi,
pardon, laissez-moi passer—qui sont tous ces gens ?—
refermez la porte, faites chauffer des serviettes, monter
la chaleur, ah ! La voilà, juste à temps pour m’attraper.
Plouc. 52 minutes. J’ai gagné ! »
© Automne Mott
On a tous besoin d’un refuge ou d’un endroit secret.
Ce fort bien caché là où le village prend fin et la
campagne commence, tel « l’épicentre des possibles ».
« Ce petit coin du monde » où « le chaos de la vie »
s’estompe.
L’amour l’amour l’amour
L’oiseau
Mais quel est ce drôle d’oiseau,
agrippé au sommet d’Hypérion ?
Et qui s’apprête à sauter, que dis-je,
voler de ses propres ailes…
Ou montrerait-il l’exemple ?
Alors, que retenir ?
« Ne me dites pas le ciel étoilé
Ni le toit
Ni la dentelle de la table
Ne me dites pas l'éducation
Ni le véhicule
Ni ce travail qu'on aime tant
Ne me dites pas l'amour
Ne me dites surtout pas ça… »
L’essentiel se trouverait-il donc dans l’arbre ?
(et ainsi de suite, marilon, marilé…)
« Quand t’écoutais Brel dans ton salon sans oser chanter
tout haut les paroles que tu connaissais par cœur depuis
plus longtemps que ma naissance, je ne sais pas pourquoi
mais ça me touchait. Ça me touchait que même chez toi,
dans ton salon, tu n’osais pas prendre de place... C’était
ce tiraillement entre une volonté d’être invisible et une
envie de changer le monde. »
Love is in the birds 24