Sorcellerie et pendaisons au Passoré : 35 - Infos

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Sorcellerie et pendaisons au Passoré : 35 - Infos
Sorcellerie et pendaisons au Passoré :
35 suicides sur 102 tentatives
L’Afrique a ses mythes et ses mystères. La pratique supposée ou vraie de la sorcellerie donne lieu à
des pendaisons multiples dans la région du Nord du Burkina Faso. Dans la province du Passoré, le
phénomène est entier. Le silence des uns rend atroce la souffrance des autres.
Au Burkina Faso, la sorcellerie a arbitrairement un visage féminin bien observable au centre
“Delwendé” de Tanghin au secteur n°23 de Ouagadougou où une centaine de pauvres vieilles
femmes rejetées à tort par la société y survivent, grâce aux religieuses catholiques dans une sorte de
“ prison de la liberté ”. Bien que cette injustice soit l’apanage du Plateau mossi, elle est plus
manifeste et pernicieuse dans la région Nord du pays. Le phénomène des mangeuses d’âmes crée
une psychose dans la province du Passoré en général et dans son chef-lieu Yako en particulier. Tel
un serpent de mer et sur fond de mysticisme, la sorcellerie réelle ou imaginaire a un impact
considérable sur le vécu des populations de cette partie du Burkina Faso. Pendaisons et exclusions
sociales, sont autant de graves conséquences qu’elle engendre. Les accusées de mangeuses d’âmes
sont publiquement violentées et subissent les sévices les plus inhumains. Lynchage, déchéance et
bannissement de l’accusé conduisent à une mort sociale certaine de l’individu transformé en un
zombi, voire un “animal” condamné à l’errance et à la mort.
“Lorsqu’on m’a accusée de sorcellerie et procédé à mon exclusion, j’ai vécu huit jours dans la
brousse, dans la faim et la soif. Ma seule compagnie était les chants des oiseaux. N’ayant plus envie
de vivre, j’ai tenté de mettre fin à ma vie en consommant les raticides. J’ai vomi durant trois jours ”,
témoigne Sibidou Bassyam, la cinquantaine dépassée. Chassées de chez elles, les femmes accusées
de sorcellerie sont interdites de séjour aussi bien dans leurs foyers que dans leurs familles.
Considérées comme des pestiférées, il leur est réfusé la moindre assistance et le moindre geste de
solidarité. “N’eut été l’existence de nos centres d’accueil, ces personnes seraient vouées à une mort
certaine”, a confié la sœur Rita Tankoano, responsable du centre accueillant les femmes accusées de
sorcellerie à Tema Bokin, une commune rurale du Passoré.
“ Pour me faire partir, instruction a été donnée à tous les habitants du village de ne plus m’adresser
la parole. Ainsi, j’ai été privée de nourriture et d’eau”, confie Jacqueline Yili. Veuve depuis dix ans,
elle a été contrainte d’abandonner ses trois fillettes et de quitter la ville “ dix jours avant que la
sentence ne soit prononcée ”. Les femmes accusées de sorcellerie dans le Passoré partagent le même
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lot de souffrances. Entre autres, le veuvage, la polygamie avec ou sans enfants. Les champs de
certaines femmes ont été détruits. D’autres ont vu leurs enfants interdits de fréquenter ou d’apporter
une assistance à leurs parents, sous peine de se voir également exclus. Les pensionnaires accusent
certains responsables coutumiers d’inciter les supposées mangeuses d’âmes au suicide.
“Un vieux du village a même poussé l’outrecuidance en me
signifiant d’aller me suicider si je connais la honte ”, se
souvient Marceline Konkobo, âgée de 68 ans. Quant à
Suzanne Bamogo, les larmes aux yeux, elle se remémore les
conditions dans lesquelles elle a été expulsée. Sous le poids
d’un demi-siècle de vie, elle jure qu’elle quittera ce monde
sans oublier ce qu’elle a subi comme brutalités et brimades.
“Ils m’ont passée à tabac avec ce qu’ils avaient comme
objets sous la main. J’ai reçu des coups en plein visage et j’ai
beaucoup saigné ”, raconte-elle en sanglots. Avant de
conclure à l’endroit de ses tortionnaires : “C’est Dieu qui
jugera les actes de chacun.” Abandonnées par les siens dans leurs familles d’origine et rejetées par
leurs beaux-parents, les femmes accusées de sorcellerie sont mises à l’index comme des esclaves
traînant des chaînes, des malades sous quarantaine ou des êtres très répugnants. Elles ne peuvent
espérer une inhumation dans le cimetière commun au village. “Nous sommes obligés de les enterrer
dans les cimetières chrétiens car même mortes, elles sont rejetées ”, révèle la sœur Rita Tankoano.
Une enquête menée en 2006 sur l’exclusion sociale des personnes âgées au Burkina Faso et dans la
sous-région par le Pr Albert Ouédraogo, enseignant à l’Université de Ouagadougou, indique que
78% des personnes exclues vivent avec moins de cinq cents francs par mois. Celles qui ont toujours
la possibilité de se déplacer ramassent les excréments d’animaux, du bois de chauffe, cultivent du
mil, du sorgho, du haricot, du fonio, du sésame, des oléagineux, des légumes, du potage et du coton.
Elles écoulent difficilement leurs produits à cause des préjugés et des stigmatisations à leur égard.
Les invalides sont clouées dans des maisons délabrées car frappées par l’âge, elles ne peuvent plus
se déplacer et vivent des aides diverses. Celles-ci n’ont qu’une seule prière, “ implorer Dieu pour
être rappelées au Ciel ”.
L’exclusion sociale pour cause de sorcellerie est si forte que l'Église catholique s’est vue obliger
d’intervenir en recueillant les victimes pour leur éviter la mort par suicide. L’identification des
mangeuses d’âmes cache tout un simulacre. Le mystère est total et entier. Aucune science exacte ne
peut démontrer rationnellement la culpabilité des accusées. La preuve irréfutable n’existe pas.
L’accusation se fonde sur des suppositions, des coïncidences et cachent bien des règlements de
compte. Dans le domaine coutumier, des rites d’identification existent avec leurs insuffisances, car
dépendant des convictions des nécromanciens, détenteurs des pouvoirs mystiques pour interroger
des cadavres sur les raison de leur mort. Parmi les rites d’identification des mangeuses d’âmes,
figure le célèbre “port de cadavre”.
Une pratique à polémique
Ce rite est source de bien d’incompréhensions entre l’administration judiciaire, les services de
l’action sociale, la gendarmerie, la police, les mouvements des droits de l’Homme, les associations
féminines d’une part et les gardiens de la coutume d’autre part. “ Un individu qui a été incapable de
son vivant d’empêcher que l’on intente à sa vie peut-il animer un corps inerte au point de l’obliger à
désigner son meurtrier ?," interroge Etienne Yé, le procureur du Faso près le Tribunal de grande
instance (TGI) de Yako. Face à ce raisonnement juridique, l’un des ministres de Naba Sigri de Yako
défie le chef du ministère public : “Si le procureur ne croit pas à la véracité de notre port de cadavre
pour détecter certaines mangeuses d’âmes, nous l’invitons à tenter l’expérience, il saura que les
fétiches ne mentent pas”. Le Goungha Naaba étaye ces propos défiants en relatant l’histoire d’un
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gendarme en service à Yako qui niait aussi l’efficacité du port de cadavre : “ Ayant assisté et même
participé une fois au port de cadavre, le pandore incrédule a perdu son béret sous l’effet des forces
invisibles qui le guidaient.
Il a du coup promis en son temps, d’être le porte-parole des gardiens de coutume auprès de sa
hiérarchie ”. Le traditionnaliste et chef coutumier de Sancé dans la province du BAM, Paul
Tennoaga, recommande au Procureur de relativiser un tant soit peu ses propos. Bien qu’ émettant le
doute sur la bonne foi des porteurs de cadavre d’aujourd’hui, il confirme la possibilité d’amener un
cadavre à marcher pour désigner l’auteur de sa mort. Le chef coutumier de Sancé explique tout de
même que les maléfices qui animent le corps sans vie en l’obligeant à se diriger vers une direction
précise sont ésotériques et tendent à disparaitre de nos jours. “Seules certaines personnes initiées
maîtrisent encore ces élémentaux”, soutient Paul Tennoaga Ouédraogo. Il affirme avec foi pouvoir
particulièrement dompter ces maléfices : “Je vais avec un parent à Kaya qui meurt en court de route.
On décide de l’enterrer à Kongoussi. J’anime le corps à une certaine heure donnée, il va se lever et
marcher de Kaya à Kongoussi et mourir de nouveau à Kongoussi. Non pas qu’il ne fût pas mort
mais il a été animé par quelque chose d’autre.
Toutes ces choses ont été oubliées et sont mortes avec les personnes qui les détenaient". Le port de
cadavre dans la province du Passoré a la peau dure. Les services de l’action sociale et de la
gendarmerie en dénombrent plus de 100 ports entre 2007 et 2008.Les porteurs sont tellement
convaincus de leurs pratiques que des sages ont même franchi le Rubicond en allant demander
l’autorisation à la gendarmerie et à la police pour pouvoir pratiquer ce rite en toute liberté et se faire
justice. Le procureur du Faso, Etienne Yé suggère “ le bâton et la carotte ” – la sensibilisation avant
la répression - pour freiner cette pratique. Se voir désigner et qualifier de mangeuses d’âmes a des
conséquences graves sur la vie des présumées. La plus probable est le choix pour les accusées de se
suicider. Les chiffres sont effarants et troublants : trente-six (36) pendaisons par an. “C’est ma
première fois dans une juridiction de constater un taux aussi élevé de suicides par pendaison ou par
noyade dans un puits. C’est très fréquent. Au minimum une à deux pendaisons par mois”, indique le
procureur du Faso. Des sources proches de la gendarmerie et de la police ajoutent que la seule ville
de Yako enregistre 5 à 6 pendaisons par mois.
Des suicides en cascades
Les autres départements de Arbollé, Gomposom,Tema-Bokin et la province voisine du Kourwéogo
à travers son chef-lieu Boussé, détiennent la sinistre palme de pendaisons. “ Souvent nous sommes
obligés de faire appel aux rites coutumiers pour exorciser cette propension à se pendre. Cependant
la situation reste préoccupante et catastrophique. Le nombre de pendaisons est très élevé. Il y a des
pendus qu’on découvre 3 jours après. Il est difficile de mettre fin au phénomène de pendaison dans
ces localités”, avoue une source policière anonyme. Cette même inquiétude face à un phénomène
grandissant est ressentie chez le haut-commissaire du Passoré, Lamourdia Thiombiano :“ Le
phénomène des pendaisons est très important car les statistiques font frémir ”.
Le nombre des pendaisons a atteint un seuil critique qui échappe à la compréhension des acteurs
judiciaires. “ Je demande toujours à mes collègues si nous
n’allons pas finir nous aussi par nous pendre. Il y a beaucoup
de procès-verbaux de cas de pendaisons dans nos tiroirs”,
craint le procureur. Le haut-commissaire, déboussolé par le
phénomène, a entrepris une tournée de sensibilisation dans
les neuf départements de la province. A peine rentrés de ce
périple, les gardiens de la coutume ont chassé dix femmes
accusées de mangeuses d’âmes. La psychose s’est encore
emparée de la localité. “Il est très difficile de trouver une
formule magique pour arrêter le phénomène. C’est un
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combat de longue haleine à travers la sensibilisation et la répression. De ce fait, il ne faut pas
s’attendre à l’éradication rapide du phénomène à Yako ”, avertit le haut-commissaire.
La persistance du phénomène effraie à la fois les acteurs judiciaires et les forces de l’ordre. La
gendarmerie a même spécialement affecté un agent investi uniquement de la délicate mission
d’œuvrer à l’arrêt de ces tragédies humaines. Ce fut peine perdue. Le pandore spécial, combattant la
sorcellerie et les suicides, a vite déchanté : “ Le problème dépasse les compétences d’un seul
gendarme quelle que soit sa bonne volonté. Tous les matins, lorsque je me réveille, la première des
choses est de demander au bon Dieu d’intervenir par miracle pour que je quitte Yako”. Sans même
être accusés de sorcellerie, des individus optent pour des raisons totalement inconnues de mettre fin
à leur vie. L’une des anecdotes tristes sur les cas de pendaison est celle d’un jeune qui s’est ôté la
vie par pendaison lors de sa nuit de noces, alors qu’on l’attendait pour aller chercher la mariée.
Selon Eloi Adama Kara, attaché de santé au service de psychiatrique de l’hôpital de Yako, les
tentatives de suicide sont fréquentes. Les statistiques hospitalières montrent qu’en 2007 et 2008,
102 cas pour 900 consultations. Il présente cette dérive humaine comme un phénomène contagieux
au plan social qui pourrait devenir un problème de santé publique dans la localité . De sources
concordantes, lorsque l’on est accusé de sorcellerie, la seule alternative possible est d’aller se jeter
dans un puits tristement célèbre, situé à Songnaaba, à une dizaine de kilomètres de Yako. Les
tombes des suicidés autour du trou témoigne de toute la gravité de la situation.
Le visage féminin de l’exclusion sociale Outre la sorcellerie, les raisons des rejets sociaux
demeurent les infractions aux coutumes comme le meurtre par sorcellerie, les cas d’inceste, la
zoophilie (faire l’amour avec un animal) et l’adultère.
A Yako, l’exclusion sociale a un visage féminin. L’étude du Pr Albert Ouédraogo , sur les personnes
rejetées confirme que l’exclusion pour cause de sorcellerie concerne essentiellement les femmes,
accusées de sorcellerie. Elles représentent 98% contre 2% pour les hommes. La plus jeune femme
exclue a 55 ans et la plus âgée 100 ans, toutes pensionnaires des centres d’accueil de Tema-Bokin et
de Yako. La durée du séjour dans ces sites se situe entre 2 mois et 30 ans. Il n’est pas facile d’être
exclu(e) social(e). Face à l’ampleur de la situation, les femmes ont décidé de se défendre. Des voix
se sont élevées pour interpeller les leaders d’opinion, les autorités politiques, coutumières et
religieuses à une prise de conscience. Sont de celles-là, la coordination des associations féminines
du Passoré qui menace de marcher, si rien n’est fait, afin de montrer son ras-le-bol contre une
pratique dégradante à l’égard de milliers de femmes.
La commune rurale de Tema-Bokin à 55 Km de Yako semble détenir la flamme du port de cadavre.
La vie dans cette cité est rythmée de pendaisons, suicides, mariages forcés, incestes, tentatives
d’élimination etc. Pour attaquer ces maux, le maire Ernest Nongma Ouédraogo envisage les jours à
venir une session du conseil municipal consacrée à une réflexion en vue de dégager des pistes pour
lutter contre ces phénomènes sociaux. “ Nous sommes conscients de la situation. Ces pratiques ont
la peau dure dans notre commune.
Elles ont pris de l’ampleur ces dernières années ”, a-t-il reconnu. Pour le bourgmestre, l’existence
d’un centre d’accueil semble conforter les bourreaux dans leur élan de chasser sans scrupule les
personnes accusées de sorcellerie car ils se disent qu’il y a un logis pour les accueillir. Les centres
d’accueil et les maisons de solidarité deviennent des auspices ou un asile de retraite et constituent
alors un salut pour ces pauvres vieilles. Ces demeures communautaires et collectives sont loin
d’être un havre de paix pour ces exclues sociales traumatisées et hantées par les regards et les
sévices accusateurs. L’exclusion sociale due à la sorcellerie est si réelle que l’Eglise catholique s’est
vue obliger d’intervenir pour recueillir les victimes et leur éviter la mort par suicide. Seulement,
cette œuvre salvatrice s’étouffe sous le nombre impressionnant des pensionnaires. Du coup, les
aides à l’endroit des femmes sont devenues sporadiques, selon les résultats de l’enquête réalisée en
2006. Actuellement douze accusées vivent au centre missionnaire de Yako, 42 à Tema-Bokin.
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Christianisme et sorcellerie
Les chrétiens croient à l’existence de la sorcellerie. Dans le département de Arbollé, une localité
située à plus de 20 km, plus précisément dans le village de Bingo, un Révérend pasteur organise des
prières de guérison et libère ceux qui ont signé un pacte avec les confréries secrètes de sorciers. En
14 ans de combat spirituel, le pasteur Jérémie Zoundi aurait fait l’objet de plusieurs attaques des
mangeurs d’âmes et reconnait que sur cent sorciers, après des jeûnes et des prières, deux sorciers
arrivent à abandonner leurs mauvaises pratiques : “Certains sorciers qui ont été délivrés du mal, ont
accepté témoigner qu’ils buvaient du sang humain”. Lors des séances de prières, ceux qui ont été
dépossédés du mal témoignent sans gêne. Le Révérend pasteur a raconté l’histoire d’un sorcier qui
utilisait un instrument de musique à base de calebasse pour accompagner les fidèles dans leurs
louanges à Dieu. Dans le feu de la prière, il se serait écroulé. Les fidèles auraient aperçu des dents
humaines en grande quantité dans son instrument. L’intéressé aurait avoué que celles-ci
appartiennent à des êtres humains tués.
Compréhensions diverses de la sorcellerie
Le traitement de la sorcellerie n’est pas identique dans toutes les provinces du pays. Chez les Mossé
et apparentés comme les Gourmantché, les Bissa, les Gurunsi, la sanction est sans équivoque. Par
contre chez des Bobo, Bwaba, Senoufo, Siamu, San, les sorciers (ou sorcières) ne sont nullement
considérés comme des parias et apatrides.
“ La sorcellerie se présente comme l’aptitude qu’a un homme ou une femme, par des moyens et
pratiques mystiques, à provoquer la maladie, la ruine ou la mort d’un tiers en vue de tirer un profit
de l’âme de celui-ci ”, définit le Pr Albert Ouédraogo. Les sorciers et sorcières sont réputés être
dangereux et maléfiques. Ils s’attaqueraient aux autres en vue de leur dérober leurs âmes.
Autrement, il s’agit de prédateurs appartenant à des confréries secrètes qui organisent régulièrement
des orgies nocturnes au cours desquelles sont dévorées les âmes de leurs victimes transformées en
chair comestible (mouton, chèvre, bœuf, etc.). Ils auraient la faculté de capturer les âmes de leurs
victimes sous forme d’insectes ou de reptiles. Dès lors, toute atteinte à l’âme a des répercussions
fâcheuses sur le corps. Tout en admettant ces caractéristiques du sorcier, le coutumier Paul
Tennoaga Ouédraogo, refuse qu’on l’indexe un mangeur d’âmes. Il maîtrise cependant les contours
et les détours de la sorcellerie qu’il qualifie d’ailleurs d’école traditionnelle de sagesse : “Nous
vivons dans une société fermée. Nous nous reconnaissons par des signes conventionnels mais
auparavant il faut être initié”.
Des procédés mystiques
Quatre procédés sont utilisés par les coutumiers dans la province du Passoré, pour détecter un
mangeur ou une mangeuse d’âmes. Face à une maladie insensibles aux différentes thérapies ou à la
mort traumatisante d’un proche,développant une suspicion quasi morbide, les parents entreprennent
des démarches souterraines en vue de connaître la vérité. Il s’agit essentiellement des recours aux
devins, aux détecteurs de mangeurs et mangeuses d’âmes, au serment, au breuvage de "vérité", au
port du cadavre et à l’aveu de culpabilité. La méthode la plus répandue dans cette localité est le port
de cadavre. C’est une pratique qui consiste à faire transporter le cadavre ou les oripeaux d’un mort
par deux ou quatre individus. Ces derniers sont censés être habités par l’âme du défunt qui les
conduit en direction du sorcier ou de la sorcière, auteur de sa mort. Les porteurs du cadavre ne sont
pas désignés au hasard, selon certains chefs coutumiers de Yako. Ils sont préparés mystiquement à
l’exercice.
Les déplacements de l’attelage sont liés aux mouvements d’avancée et de poussée des porteurs.
Cette manière de détecter les prétendues mangeuses d’âmes détruit des milliers de vies et de
familles dans la localité. L’une des histoires qui échappent à la conscience humaine est celle d’un
fils qui a séquestré et enfermé son papa durant 11 jours en le privant de nourriture et de boisson
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jusqu’à ce que mort s’en suive à Rallo. Suite à un décès à Komseya, les vieux décident d’appliquer
le port de son cadavre pour détecter l’auteur de sa mort. Le corps du défunt a été transporté de son
village à Rallo, distant de 9 km. Et là, ceux qui transportent le cadavre ont désigné une personne
âgée de 72 ans comme étant le coupable. Pour son fils aîné, c’est une honte pour la famille et la
solution est vite trouvée : le parricide. A propos de l’acte, un homme de tenue témoigne “j’ai eu des
cauchemars”. La question de la sorcellerie divise le monde intellectuel et ceux qui croient mordicus
à son existence. Elle n’est pas reconnue par le droit pénal par manque de preuves matérielles.
“Aujourd’hui, on me dit qu’une telle personne est mangeuse d’âme. Où sont les preuves palpables ?
On ne l’a pas vue manger. Elle commence par la tête ou la cuisse, on ne le sait", s’interroge le
procureur Yé.
Il est difficile d’avoir les preuves de la manifestation de la sorcellerie. Pour Paul Tennoaga
Ouédraogo, cela fait partie des secrets intimes des sorciers. Et d’ajouter que celui qui ne croit pas à
la sorcellerie ne doit pas croire aussi à la science. Selon lui, la sorcellerie est une connaissance
scientifique. Un rapprochement que le Pr Albert Ouédraogo, enseignant-chercheur à l’Université de
Ouagadougou, ne veut pas entendre. Il établit un rapport entre la sorcellerie et la pauvreté, la
misère, l’ignorance : “ C’est une réponse de survie de ceux qui se retrouvent dans la misère”. A
l’opposé, Paul Tennoaga Ouédraogo avance que le Pr est borné par un savoir littéraire. Et
l’universitaire de retorquer que le coutumier se campe sur la logique de la pensée traditionnelle. Il
s’inscrit en faux contre l’existence de la sorcellerie. La sorcellerie n’est pas liée à la pauvreté. Pour
M. Ouédraogo, l’enseignant-chercheur ignore beaucoup de choses car, il n’est pas un initié. Il
explique qu’il faut remplir quatre conditions avant d’être mangeurs ou mangeuses d’âmes. D’abord,
la phase d’initiation où on ouvre les yeux mystiques. Une mutation permettrait d’avancer en grade.
Ce temps précis amènerait à voir ce qu’on appelle l’“ aura ”. “ C’est cette aura que les gens
appellent communément l’âme ” , a expliqué Paul Tennoaga Ouédraogo.
La deuxième phase est celle de la préhension. En ce moment, le nouvel initié peut maîtriser la
personne mystique et l’amener chez le chef des sorciers. La troisième phase consiste à la
surveillance qui consiste à surveiller sa proie sans être vu. Enfin, la quatrième phase et, la plus
dangereuse est celle de l’attaque “lorsque les sorciers attaquent l’aura, on la décolle de l’intéressé et
la maîtrise et vous êtes mort”, indique Paul Tennoanga. Une fois que les sorciers ont maîtrisé ce
qu’on appelle communément l’âme, ils la transforment en margouillat, cancrelat, sauterelle : “on
peut la transformer en n’importe quoi pour pouvoir la porter dans la main”. Les sorciers vivent en
société fermée. Entre eux, ils se connaissent par des signes conventionnels. Dans le domaine de la
science mystique l’exhibitionnisme est interdit, la vengeance individuelle aussi. Pour Paul Tennoaga
Ouédraogo, les sorciers vivent en association hermétique composée de femmes et d’hommes. Ils se
rencontrent nuitamment et régulièrement pour débattre des sujets d’actualité. “ Nous nous
rencontrons nuitamment pour débattre d’un événement avant, pendant et après ” , a divulgué Paul
Tennoaga Ouédraogo.
Un sujet à polémique
Le procureur Etienne Yé a relaté l’histoire d’un enfant mort du VIH-Sida. Une fois de retour au
village, les parents du défunt décident de porter le cadavre pour désigner celui qui a ôté la vie à
l’enfant. Un couple a été indexé comme le coupable. Ledit couple dépose une plainte. Le dossier
passe en audience pour diffamation. A la lecture des pièces, tout est ressorti que l’enfant souffrait du
VIH/Sida qui est la cause de son décès. La justice a condamné les parents du défunt d’une peine de
prison assortie de sursis. Un responsable coutumier refuse que le procureur prenne un seul exemple
pour discréditer les pratiques. “ Nous sauvons des vies ”, affirme un des ministres du chef de
Yakoen expliquant : “tout Yako se rappelle de cette femme qui a tué un jeune homme. On a fait le
port de cadavre et cette femme a été désignée comme coupable. Elle a reconnu son forfait, mais
l’irréparable était déjà là. Quand elle a désigné un bouc comme le défunt les intestins du bouc
étaient ceux de l’être humain ”.
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Confidences d’une mangeuse d’âmes
Une sorcière raconte que les jeunes garçons et les jeunes filles sont les proies préférées des
mangeurs et mangeuses d’âmes. “Les jeunes âmes se vendent mieux au marché des sorciers ”, a
révélé S.O la sorcière. Pour devenir sorcier, selon Paul Tennoaga Ouédraogo, il y a des devoirs
physique, humain et social à remplir notamment, avoir 45 ans avant d’être accepté dans le cercle
des mangeurs d’âmes. Contrairement aux garçons, les filles peuvent être initiées à la sorcellerie à
l’âge de 10 ans. Pour combattre le phénomène, le procureur Yé préconise la relecture des textes afin
de recruter des “ juges-sorciers ” comme cela se fait en Côte d’Ivoire. La directrice du centre de
solidarité de Tema-Bokin, la sœur Rita Tankoano, qui est à sa quatrième année à la tête du centre,
déplore ce qui arrive aux femmes accusées de sorcellerie. Selon ses explications, son centre
enregistre un décès par an lié à plusieurs facteurs tels l’âge et les maladies.
Source : Lefaso.net
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