Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez
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Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez
Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes itinérantes et toxicomanes vivant avec le VIH Rédigé par Kim Brière-Charest, chargée de projet. Supervisé par Yvon Couillard, directeur général. Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI) Article développé dans le cadre du Programme d’action communautaire sur le sida 2012-2014 Mise en contexte – Les impacts de la toxicomanie et les conditions de vie précaires liées à l’itinérance fragilisent la capacité des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) à prendre en charge leur santé mentale, physique, sexuelle et sociale. La consommation de substances a d’ailleurs été identifiée comme moyen d’atténuer l’intensité des douleurs physiques ou psychoaffectives qui reflète non seulement la complexité de leur réalité actuelle, mais découle souvent d’expériences difficiles vécues dans le passé (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). Le terme « itinérance » évoque d’ailleurs ce parcours, cet itinéraire qui s’inscrit dans leur cheminement de vie (Bousquet, 2012) et marque une dynamique qui se distingue clairement d’autres types de populations vivant avec le VIH. PORTRAIT D’UNE RÉALITÉ À PART ENTIÈRE Alors que l’itinérance est socialement perçue comme une problématique qui excède notre capacité à la prendre en charge, nombre d’auteurs soutiennent qu’elle devrait être traitée en tant qu’enjeu majeur de santé publique. Effectivement, des études ont mis à l’avant-plan l’association entre l’itinérance et une diversité de comportements à risque susceptibles d’augmenter la propension des individus à contracter ou transmettre le VIH. La prévalence des infections transmissibles sexuellement ou par le sang (ITSS), autres infections somatiques et maladies chroniques, problèmes de consommation de substances illicites et licites, violence, relations sexuelles non protégées et troubles mentaux n’en sont que quelques exemples (Stein, Nyamathi et Zane, 2009; Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). Dans cette même visée, la toxicomanie occupe un rôle de premier ordre. Comme la consommation de substances altère la capacité de jugement, elle augmente la prise de risque lors des relations sexuelles et de la consommation de drogues – notamment sur le plan du partage de matériel non stérile (par voie intraveineuse ou par inhalation). Les utilisateurs de drogues par injection (UDI) représentent environ 20% des nouveaux cas d’infection au VIH, le taux de prévalence moyen de l’infection étant 47 fois plus élevé que chez le reste de la population adulte au Canada (CATIE, 2010). Pour plusieurs, la consommation de substances constitue leur besoin prioritaire et prime sur leurs besoins de base1. Conséquemment, leur système immunitaire s’affaiblit; l’adhérence aux traitements antirétroviraux et la prise en charge du VIH sont nettement affectées, voire négligées au détriment de la consommation qui est au cœur de leurs préoccupations (Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). L’itinérance, qui est intimement liée à la pauvreté, entraîne des conditions de vie ayant des impacts majeurs sur la prise en charge du VIH. La charge virale est généralement plus élevée chez les personnes sans domicile fixe, ce qui augmente d’autant plus le risque de transmission lors de comportements sexuels à risque ou du partage de matériel de consommation de drogues (Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). Passer d’un contexte d’itinérance à un hébergement stable permet non seulement de réduire la prise de risques, mais également d’améliorer l’état de santé globale et le recours aux soins médicaux lorsque nécessaire (Stein, Nyamathi et Zane, 2009; Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). Actuellement, le financement attribué aux logements sociaux est nettement insuffisant 1 Se nourrir, dormir, se loger, se vêtir (AITQ, 2006). © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 1 (RAPSIM, 2012) alors que se loger est à la fois un besoin de base et un droit fondamental. Certains chercheurs soulignent d’ailleurs qu’investir dans la prévention, l’accès à un logement et le soutien psychosocial des PVVIH contribue de façon substantielle à réduire les frais médicaux. Une étude probante menée aux États-Unis permet d’entrevoir que les coûts associés à 1 mois d’hospitalisation équivalent à 20 mois de soutien financier dans les logements sociaux et reviennent à 49 fois plus cher qu’investir dans ces ressources d’hébergement (Bring L.A. Home, 2006; cité dans Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Un fardeau qui se perpétue : la stigmatisation Aujourd’hui, 30 ans après la découverte du VIH/sida et malgré le déploiement de nombreux efforts de sensibilisation, plusieurs personnes continuent à blâmer les séropositifs non seulement pour leur condition, mais également pour la persistance de la pandémie (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). Dans son livre remarquable Entre itinérance et fin de vie : Sociologie de la vie moindre (2012), Dahlia Namian résume avec justesse ce qui pourrait également être appliqué aux enjeux des PVVIH itinérantes et toxicomanes : « Dans les deux cas [l’itinérance et la fin de vie], les personnes concernées sont dans une situation de vie confondante, voire d’indistinction, celle de la survie biologique et de la survie sociale. » D’ailleurs, certains médecins contribuent à la discrimination en ne prescrivant soit aucun traitement, soit des doses d’antirétroviraux inférieures aux besoins du patient, par doute de leur assiduité. Pourtant, des recherches ont prouvé que les traitements pouvaient être hautement bénéfiques même lorsque l’adhérence n’était pas parfaite (Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). Qui plus est, le sevrage est rarement pris en considération lors de visites à l’urgence et occasionne souvent un départ hâtif ou un refus de traitement lorsque la personne doit être hospitalisée. Par crainte d’être associées à une identité sociale négative en lien avec le VIH, les personnes tendent à éviter ou à retarder le dépistage et les suivis médicaux. Elles deviennent plus réticentes à dévoiler leur statut sérologique, adhèrent moins bien aux traitements, consomment plus de drogues et ont une moins bonne santé globale. Cette stigmatisation, qu’elle soit réelle ou perçue, brime la capacité qu’ont les PVVIH à s’adapter au stress et à adopter des comportements sains dans le but de se protéger et de protéger les autres. Lorsqu’elle est intériorisée, elle peut entraîner des atteintes psychoaffectives importantes, notamment une culpabilisation excessive, une image de soi négative, un sentiment de honte ou de dégoût et un isolement social (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). Étant donné que le VIH est hautement stigmatisé, l’impact du diagnostic est également enclin à être plus intense comparé à d’autres, notamment puisqu’il est encore associé à la mort dans nos représentations sociales (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Il tend à intensifier toute préoccupation ou difficulté d’ordre physiologique, psychoaffectif, social ou financier (Bouis, Reif, Whetten, Scovil, Murray et Swartz, 2007). D’ailleurs, près de 1 personne sur 5 présente des symptômes de stress post-traumatique suivant le diagnostic. Cette période « postdiagnostic », qui s’apparente d’ailleurs à un processus de deuil, peut entraîner une détresse psychoaffective importante, tout comme il en est le cas lors de changements dans la progression du VIH. Ces situations peuvent ainsi augmenter le stress et déclencher, précipiter ou aggraver un trouble mental ou des comportements perturbateurs tels la toxicomanie et l’autodestruction chez une personne déjà vulnérable (RAND Health, 2007; Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). La consommation de substances peut également être un moyen utilisé afin de compenser les sentiments négatifs liés à la stigmatisation du VIH (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). Dans le même ordre d’esprit, l’évitement est considéré comme une stratégie visant à se préserver de faire face à une réalité qui dépasse sa propre capacité à en absorber les impacts ou qui met en jeu son équilibre mental ou émotionnel. Le problème est qu’à long terme, toute forme de fuite peut facilement devenir autodestructrice (Chabrol et Callahan, 2004). © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 2 Le profilage social, lieu de discrimination Les itinérants et les toxicomanes sont plus susceptibles de subir plusieurs formes de stigmatisation et de discrimination en lien avec leurs caractéristiques personnelles et conditions sociales : apparence physique, consommation de substances, statut de logement précaire, orientation sexuelle et plus encore (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). Les deux fusillades ayant eu lieu en 2011 et 2012 à Montréal et ayant entraîné le décès de deux itinérants en état de crise, Farshard Mohammadi et Mario Hamel, ont d’ailleurs soulevé une polémique au Québec devant la prégnance du profilage social. Des données probantes publiées par le RAPSIM (2012) illustrent bien cette réalité : « Il y a nécessité d’agir : on affirmait récemment que 2 % de la population, les personnes itinérantes, reçoivent le quart des contraventions émises en vertu des infractions qui leur sont le plus reprochées» (p.23). Au-delà des questionnements éthiques, l’ensemble de ces situations requiert que l’on porte une attention particulière aux besoins en santé mentale des personnes sans domicile fixe et à l’intervention policière en situation de crise. À l’inverse de la discrimination, le soutien social joue quant à lui un rôle positif à plusieurs niveaux : la qualité du logement est meilleure, la détresse émotionnelle s’atténue, l’état de santé globale s’améliore et l’itinérance est moins sévère et dure moins longtemps (Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Ce dernier point est d’autant plus pertinent puisqu’un contexte d’itinérance de longue durée a été associé à un risque plus élevé de s’engager dans des comportements sexuels non protégés, de contracter le VIH (le cas échéant, une seconde souche pouvant compliquer les traitements), de vivre des expériences traumatiques ou violentes, de se désorganiser et d’avoir un suivi médical moins régulier (Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Proescholdbell, Arno, Ang, Uldall et Ettner, 2009). L’état de santé mentale influence non seulement l’adhérence aux traitements et les comportements2 à risque, mais également la santé physique (RAND Health, 2007). À un point 3tel, qu’il a une incidence sur les taux de morbidité et de mortalité (Bouis, Reif, Whetten, Scovil, Murray et Swartz, 2007). La prise en charge précoce des troubles mentaux et des difficultés connexes réduirait considérablement l’ensemble des coûts investis, en plus d’améliorer l’état de santé (RAND Health, 2007). Certains auteurs affirment même que négliger la prise en charge efficace des troubles mentaux contribue à perpétuer l’épidémie du VIH (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). L’annonce du diagnostic de VIH incite souvent les PVVIH à adopter un mode de vie plus sain et propulser un passage à l’action qui était demeuré latent jusque-là. Cependant, les PVVIH ayant des troubles de santé mentale ou un vécu lié à l’itinérance et à la toxicomanie demeurent les groupes les plus vulnérables et éprouvent le plus de difficulté à adhérer aux traitements. Par conséquent, cette réalité implique une modification de leurs habitudes de vie – un travail de longue haleine qui requiert une motivation minimale de la part des participants (RAND Health, 2007). Un système mésadapté à la population itinérante Pour certaines personnes, l’itinérance est une phase transitoire dans leurs vies (Wolitski, Kidder et Fenton, 2007). Néanmoins, chez plusieurs, cette situation entraîne une instabilité qui, bien souvent, se généralise progressivement aux autres sphères de leur vie. En plus de ne pas avoir d’adresse permanente, le taux élevé d’analphabétisme fonctionnel limite d’autant plus l’accès aux ressources. Tout imprévu est alors susceptible d’intensifier leur niveau de stress, la grande majorité d’entre eux vivant déjà dans un contexte extrêmement précaire. Ces conditions peuvent prédisposer l’individu à développer une anxiété SANTÉ MENTALE généralisée ou des troubles mentaux en réponse à Les personnes aux prises avec un triple diagnostic l’instabilité à laquelle il fait face au quotidien. de VIH, trouble mental et toxicomanie sont plus susceptibles d'être hospitalisées pour des 2 Notamment observable par une augmentation des CD4 (globules complications psychiatriques ou médicales que blancs liés au système immunitaire) et une baisse des infections associées aux taux de mortalité et de morbidité les PVVIH seulement (Weaver, Conover, opportunistes 3 Taux mesurant l'incidence et la prévalence de maladies © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 3 Par ailleurs, près d’un tiers des personnes sans domicile fixe au Québec ont déjà été hospitalisées en psychiatrie en moyenne 4 fois en l’espace de 4 à 6 mois (Centre de santé et des services sociaux Jeanne-Mance, 2008). La prévalence de troubles de l’humeur (dépression, dysthymie, bipolarité), de troubles anxieux et cognitifs, de stress posttraumatique, de schizophrénie et de troubles de la personnalité est également beaucoup plus élevée (Centre de santé et des services sociaux JeanneMance, 2008; RAND Health, 2007; Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Pourtant, peu d’itinérants bénéficient d’un suivi psychologiqueme (University of California San Francisco, 2005). M Lison Gagné souligne des lacunes importantes au niveau des ressources en santé mentale dans son article Itinérance et santé mentale : Québec promet un mirage publié dans Le Devoir (30 mai 2012) : « Globalement, au Québec, 6,5 % des fonds en santé sont alloués à la santé mentale, alors que les troubles mentaux expliquent 15 % du fardeau des maladies au Canada. Au cours de la résidence en psychiatrie, faute de parité, on apprend à offrir le maximum de services avec le minimum de moyens. » Ce manque de ressources en santé mentale est d’ailleurs également une position partagée par les PVVIH âgées (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Entre facteurs de risque et facteurs de protection L’itinérance et la toxicomanie peuvent découler de traumatismes, d’antécédents ou d’événements marquants dans l’histoire personnelle de l’individu. Ceux-ci peuvent alors le placer dans une situation de vulnérabilité et affecter son développement, qui aurait originellement pu être sain. À titre d’exemple, citons les agressions sexuelles durant l’enfance, la violence familiale, les contextes de crise et les ruptures conjugales difficiles. D’ailleurs, 25 à 50 % des personnes qui consultent des services psychiatriques en raison de dépendance à des substances ont un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Parallèlement, des problèmes d’adaptation majeurs, de troubles mentaux, de dépendance, de compulsivité4 ou 4 Comportements obsessionnels excessifs ou répétitifs d’impulsivité5 peuvent prédisposer l’individu à développer des problèmes comportementaux (RSIQ, 2008). Avoir souffert d’un trouble mental dans le passé constitue également l’un des principaux facteurs de risque quant à l’apparition d’une récidive (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Les antécédents d’incarcération, présents chez plusieurs PVVIH itinérantes et toxicomanes, ont aussi été associés à un état de santé globale plus faible (Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Vlassova, Angelino et Treisman (2009) mettent en relief le rôle du tempérament6, qui se manifeste sur deux axes : l’extraversion et l’introversion, ainsi que la stabilité et l’instabilité. Selon ces auteurs, une personne extravertie réagit spontanément avec excitation, aime l’expérimentation, est axée sur ses émotions et sur le moment présent. Elle démontre d’ailleurs une moins bonne adhérence aux traitements en raison de sa difficulté à suivre une routine et à tolérer les effets négatifs des antirétroviraux. Ceci dit, il ne faut pas écarter que dans un contexte où vivre avec le VIH représente un réel combat pour plusieurs (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013), la prise (ou non) de médicaments demeure parfois un des seuls gestes où la personne prend le pouvoir sur le VIH (Namian, 2012). En temps de crise, il est néanmoins possible de lui suggérer de prendre du recul pour se concentrer davantage sur ses pensées que sur ses émotions (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). À l’opposé, une personne peut aussi être7 introvertie : elle répond aux stimuli avec inhibition , est davantage orientée vers le passé que vers l’avenir, est portée à réfléchir et tente d’éviter les conflits et les impacts négatifs, en dépit des émotions positives du moment. La plupart des intervenants ont un tempérament introverti, ce qui expliquerait que certains puissent trouver plus difficile d’agir auprès de personnes extraverties (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). 5 Réactions spontanées et irréfléchies d’ordre affectif, comportemental (jeu compulsif, ou liées à une substance 6 Manière dont la personne répond de façon innée aux stimuli provenant de son environnement, à nuancer avec la personnalité qui réfère au comportement attendu caractérisant une personne en fonction de l’ensemble de ses traits 7 Contrôle de ses réactions et de l’expression de ses processus psychologiques (opinions, perception, pensées, etc.) © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 4 Parallèlement, un individu ayant un tempérament stable sera stimulé lentement et progressivement, contrairement à quelqu’un au tempérament instable, où la réponse est rapide. Cet individu sera donc plus enclin à éprouver des émotions intenses rapidement à partir d’un stimulus plus modéré (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Les personnes extraverties instables sont donc celles qui démontrent la plus grande propension à s’engager dans des comportements à risque, le plaisir prenant une place plus importante que la sécurité. C’est le cas du recours aux drogues et à l’alcool, ces substances procurant une sensation immédiate de lâcher-prise et de bien-être. Il en va de même pour l’utilisation du condom, puisqu’il diminue le plaisir et la spontanéité. Les personnes extraverties stables sont également plus portées à prendre des risques puisque bien qu’elles ne soient pas propulsées par l’impulsivité, elles recherchent le plaisir avec une considération moindre des conséquences. Les personnes introverties, quant à elles, sont naturellement mieux protégées par leur type de personnalité. Elle peuvent néanmoins opter pour des comportements à risque qui leur procurent un soulagement pour compenser leurs émotions négatives ou leur état dépressif (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Prévalence des troubles mentaux problème de dépendance à des substances, un trouble cognitif, un état de stress post-traumatique ou une personnalité borderline (« état limite ») ou évitante sont plus à risque de poser des gestes suicidaires. Et cette réalité s’accentue particulièrement chez celles qui présentent des comorbidités8, des relations instables, un faible réseau social, un degré élevé de désespoir et de détresse psychoaffective, des comportements suicidaires dans leur historique familial et des antécédents d’utilisation de drogues par injection. L’état de santé joue aussi un rôle important puisque le diagnostic de séropositivité ou l’évolution dans l’infection peuvent contribuer aux tendances suicidaires (Haller et Miles, 2003). À l’inverse, celles qui présentent des traits de personnalité narcissique sont moins enclines à avoir des comportements ou des pensées suicidaires. Néanmoins, chez les toxicomanes séropositifs atteints de difficultés psychologiques, la prévalence des tendances suicidaires touche jusqu’à 1 personne sur 4 (Haller et Miles, 2003). Parallèlement, les PVVIH en général rapportent un niveau de bien-être global moins élevé en comparaison aux personnes vivant avec d’autres maladies chroniques. Pour l’ensemble de ces raisons, il est d’autant plus difficile d’intervenir auprès de cette clientèle et de s’attendre à des changements positifs majeurs à court ou moyen terme (Weaver, Conover, Proescholdbell, Arno, Ang, Uldall et Ettner, 2009). La plupart du temps, la toxicomanie et l’itinérance découlent d’un parcours beaucoup plus profond et complexe et requièrent à la fois une volonté de changement de comportement de la part de la personne et une intervention à long terme permettant de traiter les problèmes sous-jacents et d’accompagner la personne dans ses démarches (Bouis, Reif, Whetten, Scovil, Murray et Swartz, 2007). Selon le Centre de santé et des services sociaux Jeanne-Mance (2008), près de 70 % des itinérants et 80 % des personnes sans domicile fixe sont atteints d’un trouble mental (incluant la dépendance aux substances). Respectivement 35 % et 40 % de ces personnes présentent des troubles psychiatriques sévères. Les troubles de la personnalité, en augmentation, sont présents chez 20 % des itinérants, dont 17 % sont attribuables plus spécifiquement au trouble de la personnalité VIEILLISSEMENT antisociale. Une étude américaine rapporte que la dépression majeure serait présente chez 19 % à Une réalité déjà précaire… et un avenir incertain 43 % des PVVIH. Ce trouble demeurerait cependant méconnu, sous-diagnostiqué, et sous- Tel que le met de l’avant la politique Vieillir et vivre ensemble développée par le ministère de la traité (Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). Famille et des Aînés (2012), l’état de santé des Les PVVIH ayant un trouble de l’humeur (incluant la dépression et les troubles dysthymiques), un 8 Un ou plusieurs troubles liés à un trouble primaire © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 5 personnes vieillissantes dépend grandement de leurs conditions de vie, du type de milieu dans lequel elles évoluent et des habitudes qu’elles ont intégrées au quotidien. Déjà, en 2009 et 2010, plus de la moitié des soins d’hospitalisation de courte durée étaient destinés aux personnes de plus de 65 ans, alors qu’elles représentent environ 15 % de la société québécoise. En plus de la détresse psychologique, qui est présente chez 13 % des personnes âgées, les projections prévoient une augmentation considérable des taux de suicide et de troubles cognitifs tels que l’Alzheimer. L’Institut de la statistique du Québec évalue que la moitié des revenus des personnes âgées provient de revenus privés et de leur contribution au logement. Près de la moitié d’entre eux y consacrent environ le tiers de leur revenu, implication financière qui augmente d’ailleurs considérablement avec l’avancée en âge (Ministère de la Famille et des Aînés, 2012). Cependant, il est peu probable que les PVVIH itinérantes et toxicomanes aient investi dans des régimes d’épargne-retraite et de protection du revenu. Ces situations financières risquent donc d’avoir des impacts sur leurs conditions de vie et, par conséquent, sur la qualité de leur santé et de leur bien-être. Les hommes âgés hétérosexuels et (ex)UDI vivant avec les VIH sont ceux qui rapportent le plus haut taux d’affects négatifs, plusieurs étant atteints de troubles mentaux qu’ils attribuent notamment au VIH (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Au total, les personnes de 50 ans et plus représentent 12,4 % de l’ensemble des cas de VIH/sida déclarés, ayant connu une augmentation significative de 35,8 % de 1999 à 2008. Ce groupe se classe comme deuxième en importance sur cette période, le nombre de cas rapportés s’élevant à 76,5 % (Agence de la santé publique du Canada, 2010). D’emblée, les PVVIH plus âgées rapportent d’emblée un moins bon état de santé comparativement aux personnes séronégatives (Stein, Nyamathi et Zane, 2009). Qui plus est, les personnes atteintes de maladies chroniques comme le VIH/sida présentent des incapacités qui accroissent la vulnérabilité des personnes vieillissantes (Ministère de la Famille et des Aînés, 2012). Dans un contexte où l’espérance de vie continue d’augmenter et où le nombre de personnes vieillissantes croît à un rythme effréné, l’implantation de mesures adaptées à la réalité des différents groupes de populations est d’autant plus primordiale. Les enjeux sur le plan sociosexuel Plus les gens vieillissent, plus le nombre cumulatif de partenaires est élevé et, par conséquent, plus le risque d’avoir contracté ou transmis une ITSS l’est aussi. Ces risques sont d’autant plus probants lorsque les symptômes sont absents ou atypiques, comme c’est le cas pour le VIH, 25 % des personnes ignorant qu’elles sont infectées. La présence d’autres ITSS peut aussi favoriser l’acquisition et la transmission du VIH. En plus de l’immunodéficience qui augmente le risque de contracter des infections, la charge virale est plus élevée au siège de l’infection. D’une part, les cellules immunitaires, dont les CD4, combattent l’infection localement et risquent d’être infectées par le VIH. D’autre part, les protéines produites par certaines ITSS, dont l’herpès et la gonorrhée, favorisent la reproduction du VIH. Chez les personnes séronégatives, le risque de contracter le VIH quand une ITSS est déjà présente est plus élevé. En plus de faciliter la circulation du VIH dans le système sanguin lorsqu’il y a inflammation, les cellules immunitaires sont plus aisément infectées par le VIH. Qui plus est, les microlésions présentes dans certaines ITSS comme l’herpès et la syphilis agissent comme des portes d’entrée et de sortie pour les virus (CATIE, 2009). Par exemple, une9 personne vivant avec l’herpès génital de type 2 est de 2 à 8 fois plus à risque de contracter le VIH, tandis qu’une personne coinfectée par ces deux ITSS est jusqu’à 5 fois plus à risque de transmettre le VIH (CATIE, 2009). D’ailleurs, un taux élevé d’infections au VIH serait attribuable à l’herpès génital de type 2 (Freeman, EE, HA Weiss, JR Glynn, PL Cross, JA Whitworth et RJ Hayes, 2006). L’herpès de type 2 touche près de 1 personne âgée de 35 ans et plus sur 5 au Canada (Rotermann, Michelle, Kellie A. Langlois, Alberto Severini et Stephanie Totten, 9 Que l’on retrouve presque exclusivement au niveau génital © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 6 2013). Par ailleurs, 94 % des Canadiens âgés de 14 à 59 ans ayant été testés positifs ignoraient leur infection (Statistique Canada, 2013). De plus, le nombre d’UDI chez les personnes âgées est en augmentation fulgurante, passant de 5,3 % à 26,1 % (Agence de la santé publique du Canada, 2010); un taux ayant presque quintuplé. L'injection de drogues de rue est liée à une augmentation presque triple du risque de décès (CATIE, 2013). Contrairement à la population générale, où les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) est le groupe au plus haut taux de prévalence du VIH/sida au Canada, on observe un renversement graduel de cette tendance chez les personnes âgées. Non seulement le nombre de HARSAH a diminué, mais leur proportion équivaut désormais à celle que l’on retrouve chez les hétérosexuels – ce nombre étant quant à lui à la hausse (Agence de la santé publique du Canada, 2010). Parallèlement, les médecins semblent également être moins portés à échanger sur la sexualité avec les personnes âgées. Les tests de dépistage sont beaucoup moins systématiques que chez les jeunes, alors que ce groupe de population connaît une hausse de l’activité sexuelle (Agence de la santé publique du Canada, 2010). Par conséquent, les PVVIH vieillissantes continuent d’avoir des comportements sexuels à risque et à demeurer sous-diagnostiquées. Une recherche récente a d’ailleurs démontré qu’un diagnostic tardif de VIH décuplait de 11 fois le risque de décès. Selon cette étude, il aurait été responsable de 81 % des décès liés au sida et 61 % de ceux n’y étant pas liés. Dans 8 cas de décès sur 10, le diagnostic avait été posé lorsque la personne avait moins de 350 cellules CD4 (CATIE, 2013). Alors que ces données sont criantes, les croyances chez les PVVIH vieillissantes soulèvent des questionnements importants. L’Agence de la santé publique du Canada (2010) souligne d’ailleurs cet enjeu : « Plusieurs facteurs peuvent être responsables du risque accru d’infection à VIH chez les personnes âgées au Canada, notamment les connaissances limitées au sujet des modes et des risques de transmission du VIH, les taux de divorce à la hausse, l’accès à des médicaments qui améliorent la performance sexuelle, les conceptions erronées au sujet de la sexualité à un âge avancé dans le milieu des soins de santé et des politiques ainsi que les changements physiologiques liés à l’âge, comme la fragilité des tissus » (p. 1). Selon cette même source, nombre de ces personnes sont portées à croire que le VIH concerne presque exclusivement les homosexuels et les personnes issues de pays en voie de développement. Comme à travers les différents groupes de population, le niveau de stigmatisation varie en forme et en intensité et influence conséquemment la peur de contracter le VIH. Cette crainte origine d’ailleurs souvent de la méconnaissance quant à l’infection (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Il convient donc de présumer que les différences intergénérationnelles observables peuvent notamment être attribuables à l’éducation sexuelle reçue. La décision de dévoiler affecte forcément la relation à l’autre, positivement ou négativement. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’honnêteté n’est pas synonyme d’acceptation. La réaction de la personne est conditionnelle à ses valeurs et son propre cadre de référence. Selon le rapport de recherche Le VIH et le vieillissement au Québec : Une recherche qualitative sur les expériences, les difficultés et les besoins des personnes vivant avec le VIH (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013), les hommes demeurent plus enclins dévoiler leur séropositivité et, par le fait même, ils sont plus nombreux à vivre du rejet. Les considérations physiologiques Au-delà de cette réalité alarmante, les complications liées au VIH/sida requièrent une attention particulière. Cette infection a été associée à un vieillissement accéléré des organes, à une démence chez 15 % des PVVIH, à une neuroinflammation, à une dégénération neurocognitive, à des lésions cérébrales ainsi qu’à11 10 une diminution des matières blanches et grises 10 Composée de fibres qui permettent la communication entre les cellules nerveuses. 11 Comprenant les neurones impliqués dans le traitement de l’information transmise par les organes sensoriels ou d’autres zones du cerveau. © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 7 visibles lors des tests de résonnance magnétique (Citron, Brouillette et Beckett, 2005; Vlassova, Angelino et Treisman, 2009). D’ailleurs, une récente étude a permis d’établir un lien entre la cocaïne et la protéine TAT, impliquée dans la transcription des gènes du VIH et ayant des effets neurotoxiques. Non seulement elle augmenterait les effets de la substance, mais elle accentuerait la vulnérabilité aux rechutes (Grens, 2013). Qui plus est, la toxicomanie et l’itinérance ont des répercussions à long terme qui ne peuvent être écartées du portrait. Par exemple, il a été démontré que l’alcool peut stimuler la progression du virus au niveau du cerveau (RAND Health, 2007). En plus des troubles de santé mentale, la population itinérante est aux prises avec des problèmes cognitifs et une perte d’autonomie prématurée – requérant en moyenne 2,5 heures de soins quotidiennement. Bien souvent, les délais d’attente font que la personne se retrouve dans la rue durant des mois. Malgré les démarches, le montant de la prestation d’aide sociale ne permet pas de bénéficier de services adaptés (Centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance, 2008). Les habitudes de vie jouent donc un rôle primordial (Marin et al., 2009). De nos jours, grâce à l’efficacité des traitements antirétroviraux, la majorité des PVVIH ne meurent plus du sida (ou de l’immunodéficience). Leur décès est surtout attribuable aux effets de la toxicité des médicaments et aux maladies liées à l’avancée en âge, susceptibles de se manifester précocement en raison du vieillissement accéléré. Ainsi, plus de la moitié des causes de mortalité des PVVIH sont indépendantes du VIH/sida. Les troubles d’ordre cardiovasculaire sont les seuls ayant démontré une relation avec une charge virale élevée (Marin et al., 2009). Une étude d’envergure aux États-Unis a d’ailleurs permis de constater que le VIH augmentait de 50 % le risque de crise cardiaque. Ces résultats persistaient indépendamment de la consommation de drogues ou d’alcool, du tabagisme ou de comorbidités. Le risque est cependant plus élevé chez les PVVIH ayant un faible taux de CD4, une co-infection à l’hépatite C ou autres états de santé physique précaires (Freiberg, Matthew S. et al., 2013). ENTRE RESSOURCES ET INTERVENTION L’importance du milieu communautaire Forts de leur expérience sur le terrain, les organismes communautaires agissent de façon complémentaire avec le réseau de la santé et des services sociaux. Ils permettent de désengorger les hôpitaux, les CLSC et les cliniques qui seront forcément confrontés à une augmentation de leur clientèle avec le vieillissement de la population. Sans pour autant écarter les établissements de santé spécialisés, qui demeurent essentiels, les organismes communautaires permettent ainsi de pallier les lacunes qui subsistent au niveau institutionnel. Étant donné la médicalisation et la sectorisation grandissantes que connaissent les services de santé actuels, ces acteurs locaux constituent des ressources psychosociales substantielles. Pourtant, tandis que les besoins continuent d’augmenter, l’incertitude quant à la pérennité des subventions se perpétue. Les besoins des PVVIH âgées en terme de services sont multiples : aide pratique pour les personnes en perte d’autonomie, soutien en santé mentale, lieux de socialisation entre pairs ainsi centres d’hébergement adaptés pour intégrer les PVVIH dans un climat d’ouverture (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Et alors que le gouvernement québécois encourage la participation des proches aidants dans le soutien aux personnes âgées (Ministère de la Famille et des Aînés, 2012), les PVVIH itinérantes et toxicomanes sont malheureusement nombreux à subir une exclusion sociale de la part de leur propre entourage (Wolitski, Pals, Kidder, Courtenay-Quirk et Holtgrave, 2009). À ce titre, une étude menée dans la ville de New York révèle que 70 % des PVVIH âgées vivaient seules et que seulement 15 % d’entre elles vivaient avec un ou une partenaire (Kapiak, Shippy et Cantor, 2006). Les hommes hétérosexuels, dont particulièrement les UDI, comptent d’ailleurs parmi les personnes les plus isolées socialement au sein des PVVIH âgées. 12Compte tenu du manque de soutien informel , il est probable que les PVVIH âgées 12 Tant sur le plan matériel que psychoaffectif © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 8 recours aux ressources formelles en vue d’une aide externe. Cependant, les ressources axées à la fois le VIH et le vieillissement sont limitées, voire inexistantes, puisque ces deux enjeux demeurent traités de façon indépendante. Les services sont pour la plupart mésadaptés et ne répondent que partiellement à leurs besoins (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Une majorité de PVVIH âgées entretiennent d’ailleurs perceptions négatives à l’endroit du réseau de santé (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). Non seulement les organismes communautaires apportent un soutien à des populations spécifiques exprimant des besoins distincts, mais ils incitent également les gens à rester actifs dans leur communauté. Selon le ministère de la Famille et des Aînés (2012) : « Certaines [études] démontrent que la participation sociale améliore la santé, tant objective que subjective; qu’elle diminue les probabilités de morbidité et de mortalité [déjà plus élevés chez les PVVIH], qu’elle accroît le sentiment de bien-être, tout en atténuant les symptômes dépressifs » (p. 30). Les usagers présentent un meilleur fonctionnement social et une diminution de leur consommation lorsqu’ils fréquentent ces services (Weaver, Conover, Proescholdbell, Arno, Ang, Uldall et Ettner. 2009). Selon Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas (2013), après les structures de soins de santé spécialisés en VIH, les organismes communautaires constituent les établissements les plus fréquentés par les PVVIH de 50 ans et plus – et parfois même les seuls en dehors des cliniques. Toujours selon ces auteurs: « Ainsi, plus d’un tiers d’entre eux (dont la moitié sont des UDI) déclarent avoir eu – ou continuer à avoir – recours de façon soutenue et positive à ce type de structure. » Les organismes communautaires occupent donc un rôle clé dans la prévention et l’intervention de première ligne, permettant de rejoindre la population du milieu et d’encourager la prise en charge de leur santé globale. responsabilisation et le respect des choix personnels. En effet, maintenir des objectifs de vie peut sembler naturel pour une personne ayant les capacités, les conditions et les ressources nécessaires pour les atteindre, mais faire preuve de détermination est laborieux lorsque le passé a été teinté de bouleversements et que l’avenir est incertain. Force est de constater que moins le public est sensibilisé à la réalité et au vécu de ces individus, plus il est enclin à cultiver des préjugés à leur égard et à éprouver une incompréhension par rapport à la pertinence de la réduction des méfaits. Empreinte de pragmatisme, d’humanisme, d’ouverture et de non-jugement, cette approche est devenue une avenue nécessaire dans les pratiques d’intervention, particulièrement auprès de ce type de population. Elle vise à réduire les impacts négatifs psychosociaux, sanitaires et économiques par le renforcement de la capacité des sujets à adopter des comportements responsables, à faire des choix éclairés et à mettre en place des dispositions permettant de combler leurs besoins de base. Sans pour autant cautionner leur consommation, cette alternative reconnaît que les approches misant sur la proscription des comportements à risque s’avèrent non seulement inefficaces au plan sociosanitaire, mais se distancient également d’une population difficilement accessible (AITQ, 2008). En introduisant le concept de « la vie moindre », Dahlia Namian (2012) désigne un mode de vie où le pouvoir d’agir de l’individu est restreint à son strict minimum. Pour la citer à nouveau : « Les situations limites constituent des révélateurs exemplaires de ce qu’une société donné définit comme ses conceptions ordinaires de la vie, de ce qui constitue ou non les conduites attendues et les attitudes valorisées, les manières légitimes et privilégiées d’agir, d’être et de ressentir. [Elles permettent de] sonder l’essence même du lien social là où il semble proche de la déliaison, de la rupture, de la déliquescence […]. “Entre presque rien et rien il y a tout un monde” (pour paraphraser Musset), et ce monde est bel et bien social. […] Au cœur des actions sociales : l’humain avant tout C’est sur ce “ce qui reste”, sur ce “presque rien” mais La complexité et la multiplicité des problématiques tout de même sur quelque chose que l’intervention posent des défis de taille aux intervenants, qui sociale peut avoir prise et agir. » (p. 4-6). doivent trouver le juste équilibre entre la © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. 9 À la jonction entre le VIH, la toxicomanie et l’itinérance se situe donc un lieu de réflexion sociale en marge de la société. Et malgré l’incertitude qui plane quant à l’avenir du de plusieurs organismes communautaires, beaucoup de professionnels qui travaillent dans le milieu de la lutte au VIH/sida font le choix de s’y dévouer. D’emblée, l’absence de jugement véhiculée par le personnel favorise l’établissement d’un sentiment d’attachement et de confiance envers l’équipe qui compose les structures de services spécialisées en VIH. Cette forme d’inclusion sociale13 joue d’ailleurs, à elle seule, un rôle primordial dans le cheminement lié au VIH (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013). L’approche d’intervention à GEIPSI Selon les données publiées par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (2010a), 60 % des nouveaux cas d’infection au VIH en 2009 étaient concentrés à Montréal. Le territoire du CSSS Jeanne-Mance comporte le plus haut taux d’UDI. Force est de constater que près de 1 UDI sur 5 vit dans la métropole (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2010b) et que 68 % des UDI sont atteints d’hépatite C (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2010a). Ce taux est plus élevé chez les hommes âgés de 45 à 49 ans (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2010b). Devant ces co-infections, GEIPSI a pris l’initiative d’intégrer les personnes vivant avec l’hépatite C. En plus de ses actions axées sur la réduction des méfaits, la régularité dans la fréquentation des usagers de GEIPSI permet d’établir des liens de confiance avec l’ensemble du personnel. Paradoxalement, cette présence leur permet donc d’instaurer une certaine stabilité au sein de l’instabilité que plusieurs vivent en lien avec la toxicomanie et l’itinérance. Ainsi, l’organisme favorise l’accessibilité aux soins de santé en agissant à titre de milieu pivot permettant d’entrer en contact avec une clientèle difficilement joignable à la base, voire réticente à consulter les établissements de santé, et pour qui l’assiduité 13 À l’instar du sentiment d’être réduit au VIH, à une « pathologie », que peuvent éprouver certaines personnes (Wallach, Ducandas, Martel, Trottier et Thomas, 2013) aux rendez-vous est souvent aléatoire. Il permet aux infirmiers de proximité de rejoindre plus facilement les personnes nécessitant un suivi par le biais des équipes mobiles, et ce, à la fois grâce à une communication accrue entre les intervenants de GEIPSI et les ressources connexes, ainsi qu‘à l’accès à un local destiné à la relation d’aide individuelle et à la distribution de matériel. GEIPSI est l’un des rares organismes de première ligne qui offre un lieu de socialisation aux adultes séropositifs ayant un vécu lié à l’itinérance et à la toxicomanie. Cet espace neutre et sécuritaire permet de prendre un « break de rue » chaleureux et convivial tout en se retrouvant autour d’une culture commune. Par ailleurs, nombreux sont les participants qui tentent de se sortir de leurs problèmes de toxicomanie et qui vivent des rechutes à répétition. L’ouverture, l’acceptation et la détermination sont donc des qualités nécessaires pour les intervenants. CONCLUSION Comme les PVVIH itinérantes et toxicomanes forment un groupe très hétérogène (Stein, Nyamathi et Zane, 2009), les interventions doivent être adaptées en conséquence et s’articuler autour de la mise en place de politiques sociales afin d’optimiser nos actions communes auprès de cette population. La nécessité d’adopter une approche intégrative axée sur la coordination des ressources du milieu et sur la considération des capacités et des besoins individuels est éminente. Ceci dit, au-delà des approches à implanter et des politiques à adopter, il faut persévérer nos efforts à accueillir la diversité et comprendre collectivement que la marginalité, c’est aussi chacun d’entre nous qui la crée. Et c’est d’ailleurs dans cet esprit que repose le moteur de l’intervention psychosociale : ce ne sont ni la maladie, ni les difficultés immédiates ou les conditions sociales qui définissent la valeur d’une personne, mais bien son identité profonde et sa trajectoire de vie. « Le VIH, c’est une condition qui m’a appris plus de choses que quand la vie était garantie. » © Brière-Charest, Kim. 2013. « Les enjeux de la santé mentale et du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH, itinérantes et toxicomanes ». Montréal : Groupe d’entraide à l’intention des personnes séropositives, itinérantes et toxicomanes (GEIPSI), 12 p. Anonyme 10 RÉFÉRENCES Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. 2010a. 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