Assurer les soins VIH aux patients tuberculeux en Afrique sub

Transcription

Assurer les soins VIH aux patients tuberculeux en Afrique sub
Int J Tuberc Lung Dis 2006; 10(12): 1306-1311
© The Union 2006
QUESTIONS NON RESOLUES
Assurer les soins VIH aux patients tuberculeux en Afrique
sub-saharienne
†‡
§
†
¶
#
A. D. Harries,* M. Boxshall, S. Phiri, J. Van Gorkom, R. Zachariah, S. B. Squire,
††
††
S. D. Makombe,* J. Kwanjana, M. Gondwe
**
†
* HIV Unit, Ministry oh Health, Lilongwe, Malawi; Family Health International, Arlington, Virginia, USA;
‡
§
London School of Hygiene and Tropical Medicine, London, UK; Lighthouse Clinic, Lilongwe, Malawi;
¶
#
KNCV Tuberculosis Foundation, The Hague, The Netherlands; Médecins sans Frontières, Operational
Research HIV-TB, Brussels Operational Centre, Luxembourg; ** Liverpool School of Tropical Medicine,
††
Liverpool, UK; National Tuberculosis Control Programme, Lilongwe, Malawi
_______________________________________________________________________RESUME
En Afrique sub-saharienne, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)/syndrome de l'immunodéficience acquise (SIDA)
et la tuberculose (TB) constituent un fardeau immense de maladie. Au cours des 15 dernières années, un vaste nombre de
connaissances ont été rassemblées au sujet de l'impact négatif du VIH sur la lutte antituberculeuse, tant au niveau du programme qu'au niveau du patient individuel. De même, des interventions connues comme utiles aux patients ont été testées et
soutenues et constituent une importante composante des directives internationales du réseau stratégique TB-VIH et d'une
politique intérimaire de coordination TB-VIH. Malheureusement, en Afrique sub-saharienne, il est peu évident que ces interventions soient mises en œuvre sur le terrain et une des raisons de cette paralysie est le fait que leurs détails opérationnels ne
sont pas bien expliqués. Cet article s'intéresse aux trois interventions VIH importantes : le test et l'accompagnement, le traitement préventif au cotrimoxazole et le traitement antirétroviral ; il discute aussi certains des détails pratiques de leur mise
en application sur le terrain. Nous espérons ainsi susciter la discussion et surtout la volonté de commencer à fournir ces services aux patients.
MOTS CLE : VIH ; TB ; Malawi ; ART ; cotrimoxazole
EN AFRIQUE sub-saharienne, la tuberculose (TB), le
virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et le syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) sont inextricablement intriqués, entraînant une double épidémie
gigantesque. En 2000, sur les 24 millions estimés de
personnes co-infectées par le VIH et Mycobacterium
tuberculosis dans le monde, la grande majorité vivait en
Afrique sub-saharienne.1 Chez ces personnes coinfectées, le risque annuel de TB active va de 5% à
15%. Chez ces sujets co-infectés, au cours de la première année de l'infection par le VIH, le risque de TB
est quasi le double de celui des sujets non infectés2 et il
augmente ensuite au fur et à mesure des progrès de
l'immunodépression. Actuellement, dans l'ensemble de
l'Afrique sub-saharienne, un tiers des cas de TB sont
infectés par le VIH mais dans plusieurs pays comme
l'Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, la Zambie et
le Malawi les taux d'infection par le VIH excèdent 50%
chez les patients TB.3
Le VIH a des effets défavorables importants sur la
lutte contre la tuberculose. En Afrique sub-saharienne,
les taux de déclaration des cas ont augmenté très fort
depuis les derniers 10-15 ans, imposant une charge
immense aux programmes de lutte contre la tuberculose
en termes de ressources humaines, de médicaments, de
fournitures et de toute la logistique qui accompagne
l'exécution du programme. Au niveau du patient luimême, le VIH réduit les chances d'obtenir un résultat
favorable du traitement. Par comparaison avec les pa-
tients non-infectés par le VIH, les taux de létalité sont
plus importants 4 et chez ceux qui achèvent le traitement
antituberculeux avec succès, on observe un taux plus
élevé de reprise de TB.5
Actuellement il est bien admis que, au moins en Afrique sub-saharienne, la stratégie DOTS ne peut pas à elle
seule maîtriser la TB et que les objectifs du Développement du Millénaire spécifiques à la TB d'obtenir pour
2015 une réduction de 50% de la prévalence et du taux de
décès de la TB ne seront pas atteints sans la mise en œuvre de stratégies et d'interventions supplémentaires. Sous
la conduite de l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) et du Partenariat Stop TB, on a élaboré des directives TB-VIH,6 un réseau stratégique TB-VIH7 et une
ligne de conduite intérimaire de coordination8 pour essayer de réduire le fardeau de la maladie TB-VIH dans
ces pays les plus atteints par la double épidémie. Toutefois malgré une stratégie nette et des interventions profitables aux patients, on ne dispose que de peu de preuves
de leur mise en œuvre sur le terrain. Sur le nombre estimé
de patients africains séropositifs pour le VIH qui développent une TB, 3% sont testés et trouvés séropositifs
pour le VIH, 1.4% bénéficient du traitement préventif au
cotrimoxazole (TPC) et 0.06% reçoivent le traitement
antirétroviral (ART).3,9 Toutefois, dans un essai contrôlé
en Côte d'Ivoire 10 et dans plusieurs études de cohortes
dans d'autres pays africains,11-13 on a montré une réduction significative du taux de létalité chez les patients TB
par l'administration du TCP. L'adjonction de l'ART est
Auteur pour correspondance : Professor A D Harries, Family Health International, Arwa House, 3rd Floor, P O Box
30455, Lilongwe 3, Malawi. Fax: (+265) 1 774 307. e-mail: [email protected]
[Traduction de l’article : Providing HIV care for tuberculosis patients in sub-Saharan Africa. Int J Tuberc Lung Dis
2006; 10(12): 1306-1311.]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
susceptible d'entraîner l'impact le plus important sur la
létalité et probablement sur la diminution du nombre de
reprises de TB. Suivant l'initiative « 3 x 5 » de l'OMS,
plusieurs pays africains ont augmenté rapidement l'administration de l'ART et à la fin de 2005, on estime que dans
la région, 820.000 patients ont été placés sous ART.14 Les
patients séropositifs pour le VIH et atteints de TB sont
tous potentiellement éligibles pour l'ART parce qu'ils
sont classés soit au stade clinique 3 de l'OMS (tuberculose pulmonaire [TP], soit au stade 4 (tuberculose extrapulmonaire [TEP]).15 Les données en provenance d'un
district du Malawi indiquent que la plupart des patients
TB séropositifs pour le VIH n'ont pas accès à ce traitement salvateur,16 malgré le fait qu'on teste un pourcentage
important de patients pour le VIH, qu'on leur propose un
accompagnement et qu'on leur offre l'ART. Dans ce district rural, la nature fort centralisée des dispensaires ART
(basés sur l'hôpital de district) et la nature très décentralisée du traitement TB expliquent probablement pourquoi
un grand nombre de patients ne prennent pas la peine de
revenir pour bénéficier de l'ART après s'être senti guéris
grâce au traitement antituberculeux pris à domicile. Les
coûts entraînés par les grandes distances à parcourir pour
accéder aux soins de santé sont énormes pour cette population de patients très pauvres comme cela a été bien
documenté au Malawi.17
Quand on en vient à la mise en oeuvre, le diable se
niche souvent dans les détails et il est important de les
simplifier, de les clarifier et de les incorporer dans des
structures bien établies et fonctionnelles. Nous présentons le schéma idéal de la prise en charge de patients TB
infectés par le VIH et nous discutons certains des problèmes pratiques qui peuvent aider à transformer les
discours en actions. Dans une correspondance publiée
antérieurement,18 nous avons décrit un bref profil de
certaines de ces étapes ; aujourd'hui, nous souhaitons
développer la façon dont ces étapes ont été mises en
pratique et ajouter un petit nombre d'étapes supplémentaires au plan d'action.
LE SCENARIO IDEAL : TEST VIH, TRAITEMENT
PREVENTIF AU COTRIMOXAZOLE (TPC) ET
TRAITEMENT ANTIRETROVIRAL (ART) POUR
LE PATIENT TB
Une fois diagnostiqué comme TB, le patient devrait se
voir offrir un test VIH et des conseils si son statut VIH
est inconnu ou signalé antérieurement comme négatif.
Le test VIH devrait être répété si le patient a été testé
précédemment comme séropositif mais n'a pas de document prouvant ce résultat. Au Malawi par exemple,
un patient ne peut avoir accès à l'ART que s'il est en
possession d'un document prouvant la positivité du
résultat du test VIH. Dans les circonstances idéales, le
test VIH est réalisé dès le diagnostic de TB et en fonction des circonstances, soit avant, soit pendant, soit juste
après le processus d'enregistrement et la mise en route
du traitement antituberculeux. Si le patient est séropositif pour le VIH, on peut commencer des inter- ventions
comme le dépistage et la prise en charge de n'importe
quelle infection opportuniste active et on peut lui offrir
le TPC aussi rapidement que possible en accord avec les
directives nationales pourvu qu'il n'y ait pas de contre-
Diagnostiqué TB
enregistré et
mis sous traitement
antituberculeux
Référé pour test VIH de diagnostic et
Des conseils, soit avant, pendant ou après
le processus d'enregistrement de TB
En cas de séropositivité du VIH, commencer
le traitement préventif au cotrimoxazole
le plus tôt possible pourvu
qu'il n'y ait pas de contre-indication
Commencer le traitement
antirétroviral
SOIT
2 mois après le début du traitement
antituberculeux lorsque le décompte des CD4
est > 200/mm3 ou n'est pas disponible
OU
dès que le traitement antituberculeux
est toléré lorsque le décompte des
CD4 est < 200/mm3
Figure 1 Prise en charge du VIH chez un patient au début du
traitement antituberculeux. VIH = virus de l'immunodéficience
humaine ; TB = tuberculose.
indications. On peut dès lors envisager l'ART pour ce
patient.
La question importante est le moment où il faut
commencer ce traitement.15 L'OMS recommande que
chez les patients dont le décompte de CD4 est < 200
cellules/mm3, l'ART soit commencé dès que le traitement antituberculeux est bien toléré, c'est-à-dire dans les
2 à 4 semaines.15 Chez les patients dont le décompte de
CD4 est > 200 cellules/mm3, l'ART devrait être commencé après l'achèvement des deux premiers mois du
traitement antituberculeux. En Afrique sub-saharienne,
de nombreux services ne peuvent pas disposer du décompte de CD4 et dans ces circonstances, l'ART devrait
être mis en route à la fin des deux premiers mois du
traitement antituberculeux. Il s'agit indubitablement de
l'approche la plus sûre, puisqu'une mise en route précoce de l'ART est associée à un nombre élevé de comprimés et peut se compliquer d'effets collatéraux supplémentaires, d'interactions médicamenteuses et d'un
syndrome de reconstitution immunitaire.19
Chez un patient ayant encore des symptômes de TB,
commencer trop tôt l’ART peut être dangereux. Toutefois, chez les patients TB séropositifs pour le VIH, la
grande partie de la létalité intervient au cours des deux
premiers mois du traitement,4 de telle sorte qu'une mise
en route retardée de l'ART peut réduire ses avantages
potentiels. La solution de cette énigme nécessite des
résultats d’essais cliniques correctement contrôlés. Idéalement, les services TB et VIH devraient être disponibles de manière intégrée dans le même service de santé.
A la Figure 1 sont exposés la prise en charge idéale et le
Traiter la TB et le VIH en Afrique sub-saharienne
soin du VIH chez le patient qui commence un traitement
antituberculeux.
INTRODUIRE LES PARAMETRES VIH DANS LES
OUTILS DE SURVEILLANCE ET
D'ENREGISTREMENT DE LA TB
Tous les étudiants et les enseignants le savent, ce sont les
évaluations qui poussent les étudiants à penser ce qu'ils
doivent réellement apprendre. De la même manière, l'analyse trimestrielle de cohorte faite en temps utile est l'évaluation standard à partir de laquelle on juge le programme. Donc, il est absolument nécessaire que les paramètres VIH soient inclus dans l'enregistrement de la
cohorte. Par voie de conséquence, ceci signifie que les
mêmes paramètres doivent apparaître clairement dans le
registre de TB et sur la carte de traitement du patient TB
qui sont les deux outils essentiels de surveillance à partir
desquels sont extraites les données nécessaires à la réalisation de l'analyse de cohorte.20
Le registre TB comporte une page à gauche pour les
données d'enregistrement du cas (numéro d'enregistrement de TB, âge, sexe, type et catégorie de TB) et une
page à droite réservée aux données des résultats du traitement (résultats des frottis/culture des expectorations,
résultats de fin du traitement et remarques). Il reste amplement de la place (soit sur la page de gauche, soit sur la
page de droite) pour ajouter quatre colonnes : test VIH
(Oui/Non, date) ; séropositif pour le VIH (Oui/Non) ;
sous TPC (Oui/Non, date) ; sous ART (Oui/Non, date).
Ces paramètres doivent figurer sur la face antérieure de la
carte de traitement du patient TB et dans le formulaire du
rapport de cohorte.
Si le test VIH et le TCP ont été mis en route dans les
2 premières semaines du traitement antituberculeux, les
nombres de tests VIH, de séropositifs pour le VIH et de
mis sous TCP peuvent être repris dans l'analyse trimestrielle de dépistage des cas. En raison du délai pour la
mise en route de l'ART chez les patients, ces nombres
peuvent être sous-estimés dans les rapports de dépistage
des cas. Dès lors, dans le rapport de cohorte des résultats du traitement, le nombre de patients mis sous ART
doit être signalé et, pour être complet, ce rapport devrait
aussi inclure les trois autres paramètres du VIH. L'annotation en double des données VIH respectivement sur le
formulaire de dépistage et sur celui des résultats du
traitement a également un objectif utile, celui de permettre un double contrôle des données.
TEST VIH CHEZ LES PATIENTS TB A
L'INITIATIVE DU POURVOYEUR
Il faudrait réaliser un test VIH à l'initiative du pourvoyeur
chez les patients TB.21,22 C'est important dans les contextes à haute prévalence de taux de co-infection puisqu'un
diagnostic de TB sans connaissance du statut VIH peut
constituer un diagnostic incomplet et entraîner des soins
de qualité insuffisante. Comme nous l'avons écrit plus
haut, le test VIH devrait être réalisé si le statut VIH est
inconnu ou a été rapporté comme négatif antérieurement.
Si un patient a été testé précédemment comme séropositif
pour le VIH mais qu'il n'en a pas une preuve documentée,
il faut répéter le test.
Les programmes TB qui s'efforcent d'offrir ce ser-
3
vice verront généralement le patient chez qui on a diagnostiqué une TB, ils compléteront sa carte de traitement TB, noteront les détails dans le registre TB, prescriront les médicaments antituberculeux et le référeront
ensuite pour un test VIH et des conseils. Au Malawi,
dans les dispensaires urbains où les patients prennent la
phase initiale de leur traitement à leur domicile, beaucoup viennent chercher leurs médicaments antituberculeux et court-circuitent la queue pour le test VIH et
l'accompagnement. Après avoir attendu pendant des
heures pour compléter l'enregistrement officiel du traitement TB, on comprend facilement que ces patients
décident de rentrer chez eux plutôt que d'attendre quelques heures de plus pour le test VIH et des conseils.
Nous pensons pour cette raison, qu'il est bien préférable d'incorporer le processus du test VIH et des conseils
dans celui du diagnostic ou de l'enregistrement de la TB.
Si le test VIH à l'initiative du pourvoyeur est réalisé dans
les salles de médecine ou dans les dispensaires TB, il peut
donc être fait là où le diagnostic est porté (lorsque le
frottis d'expectoration est déclaré positif ou dans les cas
d'une TB à bacilloscopie négative lorsqu'on on porte un
diagnostic de TB à bacilloscopie négative ou de TEP) et
le patient peut être envoyé à l'enregistrement de la TB en
étant déjà en possession du résultat du test VIH. Dans un
pays comme le Malawi où les tests à l'initiative du pourvoyeur sont peu pratiqués dans les salles de médecine et
dans les dispensaires pour patients ambulatoires, le test
VIH devrait faire partie du processus d'enregistrement de
la TB. Avec ce système, le patient serait examiné au
bureau TB, sa carte de traitement TB serait complétée et
il serait référé pour le test VIH de diagnostic et des
conseils.22 Naturellement, le patient a le droit de refuser le
test. Le patient est alors revu dans le bureau TB avec ses
résultats qui sont consignés sur la carte de traitement TB
et dans le registre TB à côté des données de dépistage de
la TB. Le patient peut alors recevoir le traitement antituberculeux et s'il est séropositif pour le VIH, une ration de
TPC. En suivant cette voie, il est impossible d'ignorer ou
d'oublier l'étape importante du test VIH et des conseils et
grâce à ce processus, il est certain qu'au moment où le
patient quitte le bureau TB, trois des quatre paramètres
VIH auront été consignés dans le registre TB et sur la
carte de traitement du patient TB.
Une telle approche du test VIH minimise toute « déconnexion » entre le moment du diagnostic de la TB et
celui de la connaissance du statut VIH et pourrait influencer de façon positive la perception du patient et du
pourvoyeur de « deux maladies mais un seul patient » et
l'éventuelle mise en route d'interventions conjointes TBVIH. Toutefois l'incorporation du test VIH et de l'accompagnement dans le processus de diagnostic et d'enregistrement de la TB exigera une approche délicate
pour s'assurer que les patients ne sont pas contraints de
subir un test contre leur volonté et pour éviter une augmentation du nombre de patients diagnostiqués comme
TB qui ne se feraient pas enregistrer et qui ne commenceraient pas le traitement antituberculeux de peur des
conséquences et d'une possible stigmatisation liée au
diagnostic associé de VIH. Il est également important de
s'assurer qu'il existe un bon accompagnement post-test
afin que les patients comprennent très bien les consé-
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
quences et l'aide qui peut leur être donnée suite à un
diagnostic d'infection par le VIH.
FOURNITURE DU TRAITEMENT PREVENTIF
AU COTRIMOXAZOLE
La plupart des patients ne bénéficient pas de cette intervention utile, généralement à cause du manque de test
VIH ou d'autres obstacles logistiques. Par exemple au
Malawi, ente mai et juin 2006 au cours de la dernière
tournée de supervisions de l'ART qui a inclus des visites
sur place à tous les services d'enregistrement et de traitement de la TB, 23% des hôpitaux/dispensaires étaient
en rupture complète de stock de cotrimoxazole et la
plupart des autres ne disposaient pas d'un approvisionnement suffisant pour assurer le TPC (source : Unité
VIH, Ministère de la Santé, Rapport trimestriel de
l'ART, mars 2006). La recommandation actuelle est que
le TPC, une fois commencé, doit être administré indéfiniment si l'on ne dispose pas du décompte des CD4 pour
le suivi du patient.23 Si l'on dispose du décompte de
CD4, le TPC peut être interrompu si ce décompte dépasse le seuil déterminé pour sa mise en route, à condition qu'il y ait eu une adhésion des patients à l'ART
pendant au moins un an et que le décompte ait dépassé
le seuil à deux occasions à 3 mois d'intervalle. 23 Dès
lors, le secteur de santé doit prendre en considération et
mettre en marche les logistiques d'une délivrance du
TPC à long terme comme une partie essentielle du soin
au VIH, comme pour l'ART, et pas seulement pour la
durée du traitement antituberculeux. D'autres problèmes, comme une distribution facile des fournitures pour
1 mois ou 2 mois (peut-être avec la fourniture de flacons
de TPC contenant 60 ou 10 comprimés de cotrimoxazole à 480 mg chacun) et des méthodes de surveillance
(peut-être avec une simple carte ou un système de registre dans chaque pharmacie pour y consigner les patients
sous TPC et y noter la distribution aux patients des
médicaments pour 1 mois ou 2 mois) doivent être étudiés si l'on veut que le TPC puisse jamais atteindre les
milliers de patients qui devraient en bénéficier.
TRANSFERT POUR TRAITEMENT
ANTIRETROVIRAL (ART)
Au Malawi, tous les patients symptomatiques séropositifs pour le VIH sont référés aux dispensaires antirétroviraux (ARV) pour évaluation et éligibilité pour l'ART.
Normalement les cliniciens évaluent les patients n'importe quel jour de la semaine et une fois considérés
comme éligibles, ceux-ci sont inscrits à une session
d'accompagnement de groupe.24 On encourage les patients à venir accompagnés d'un tuteur ou d'un membre
de la famille et ils sont mis au courant de l'ART, de ses
effets collatéraux, de l'importance de l'adhésion au traitement et de l’adhérence en matière de suivi. On demande aux patients de revenir environ une semaine plus
tard en vue d'un accompagnement individuel complémentaire et de la mise en route de l'ART.
La plupart des services de santé ne disposent pas du
décompte des CD4 et donc les patients TB séropositifs
pour le VIH devront être référés au dispensaire ART à un
moment donné au cours de la phase initiale du traitement
antituberculeux, (probablement à la 6ème semaine) pour
leur évaluation et leur inscription à un accompagnement
de groupe ; ceci permettra au patient d'être prêt à commencer les médicaments ARV au début de la phase de
continuation. La carte de traitement TB doit inclure un
rappel au courant du mois 2 concernant l'envoi des patients séropositifs pour le VIH en vue de l'ART.
OBTENIR LES MEDICAMENTS
ANTITUBERCULEUX, LE TPC ET LES
MEDICAMENTS ARV AU MEME BUREAU
Au Malawi, les patients TB séropositifs pour le VIH qui
sont sous ART se rendent classiquement au bureau TB ou
au dispensaire TB pour y recevoir les médicaments antituberculeux et le TPC ; ils se rendent ensuite au dispensaire ARV pour y recevoir les médicaments ARV. Quoiqu'on ait toujours pensé qu'il serait beaucoup plus commode pour le patient que le même dispensaire lui administre le traitement antituberculeux et l'ART, en pratique
cela a été difficile à réaliser. Habituellement, les assistants de santé ou les assistants de surveillance de santé
constituent l'équipe de l'agent TB et administrent le traitement antituberculeux. Les recommandations nationales
actuelles au sujet de l'ART ne permettent pas à cette
équipe de prendre en charge les médicaments ARV parce
qu'il leur manque la formation clinique de base. Dans les
dispensaires ART, le nombre montant en flèche des traitements antirétroviraux empêche le personnel limité (en
général, un agent clinique, une infirmière et un employé
de bureau) de s'occuper des médicaments antituberculeux
et des médicaments ARV.
On peut envisager deux options possibles. Un agent
assistant TB rejoint le dispensaire ARV les jours de
consultation et distribue à une table séparée le traitement antituberculeux et si nécessaire le TPC après que
l'ART ait été distribué. Dans les contextes où les taux de
co-infection peuvent atteindre 50 à 80%, le point faible
de cette approche sera que la grande majorité des patients TB finira par être vue au dispensaire ARV, entraînant un risque important d'embouteillage des patients et
de surcharge. L'autre option est qu'un clinicien de l'ART
rejoigne l'équipe du dispensaire TB pour distribuer
l'ART. L'avantage de cette approche serait qu'elle renforcerait la capacité clinique dans les dispensaires TB et
qu'il y aurait moins de risques de mélanger aux alentours du dispensaire ARV, des patients TB potentiellement contagieux avec un groupe de sujets sensibles à la
TB et séropositifs pour le VIH. Manifestement les deux
options posent des problèmes concernant les ressources
organisationnelles et humaines qui exigeront des renforts. Les aspects d'organisation vont varier d'hôpital à
hôpital en fonction du nombre de jours par semaine
occupés par le travail des dispensaires ARV et TB et du
nombre de patients mis sous ART et traitement antituberculeux. En tous cas, une bonne pratique organisationnelle est essentielle puisque l'agent assistant TB
devra apporter les cartes de traitement TB et les médicaments antituberculeux au dispensaire ARV ou vice
versa en fonction de l'option choisie. Les cartes de traitement TB des patients séropositifs pour le VIH qui sont
sous ART peuvent être marquées et gardées dans une
pile séparée pour y assurer un accès facile le(s) jour(s)
où travaille le dispensaire ARV. A long terme, il sem-
Traiter la TB et le VIH en Afrique sub-saharienne
•
•
•
•
•
•
Introduire les paramètres VIH dans les outils de surveillance et d'enregistrement de la TB
Test VIH et accompagnement chez les patients TB à
l'initiative du pourvoyeur
Fourniture du traitement préventif au cotrimoxazole
Transfert en routine pour l'ART (exige le test VIH et
l'accompagnement à l'initiative du pourvoyeur pour
tous les patients)
Fourniture des médicaments antituberculeux et des
médicaments antirétroviraux dans le même bureau
Fourniture de la totalité des services cliniques de
l'ART et d'enregistrement de la TB dans le même
service de santé
5
tions dont nous savons qu'elles vont sauver des vies de
patients. Les patients doublement infectés méritent
mieux de notre part et il n'y a pas de temps à perdre. La
Figure 2 résume les étapes principales, dont nous pensons qu'elles pourraient transformer en réalité les soins
au VIH pour les patients TB sur le terrain. Nous ne
possédons pas toutes les réponses et nous modifierons
sans doute certains détails au cours du développement
de notre expérience. La chose la plus importante est de
commencer.
Références
Figure 2
Etapes pratiques pour la mise en œuvre des soins
VIH chez les patients TB. VIH = virus de l'immunodéficience
humaine ; TB = tuberculose ; ART = traitement antirétroviral.
1
2
blerait logique d'essayer progressivement d'augmenter la
capacité des services TB à prendre en charge l'infection
VIH.
3
DISPENSAIRES ARV ET BUREAUX
D'ENREGISTREMENT DE LA TB DANS LE MEME
SERVICE DE SANTE
Si un pays veut sérieusement aider ses patients coinfectés par VIH-TB, partout où existe un dispensaire
ARV, il devrait y avoir un service d'enregistrement de
TB, et vice versa. Au Malawi, il y a actuellement 101
dispensaires ARV répartis dans les hôpitaux centraux,
de district, de mission et de collectivité ainsi que dans
certains centres de santé et dispensaires dans le pays. Il
n'y a que 44 services d'enregistrement de TB (où les
patients sont référés pour le diagnostic de TB, l'enregistrement et la mise en route du traitement antituberculeux), la plupart d'entre eux situés dans des hôpitaux
centraux, de district et de mission. Il est donc très probable que des patients qui résident à 20 km d'un service
d'enregistrement de TB résident à 5 km d'un dispensaire
ARV et doivent parcourir à des jours différents des
distances supplémentaires pour aller chercher les médicaments pour les deux maladies. Il serait beaucoup plus
efficient pour le patient que les deux soient réunis dans
un même service puisque ceci supprimerait toute déconnexion entre les sites de mise à disposition de services pour la TB et l'ART. Evidemment, certains patients
connaîtront encore des difficultés d'accès aux services
mais cette approche constitue au moins un départ dans
la bonne direction. Elle exige des moyens et un financement mais avec la volonté et l'argent disponibles pour
les deux maladies, le moment est venu pour une entreprise commune.
CONCLUSION
On a beaucoup parlé au sujet de la coordination TBVIH. La discussion est bonne mais il est temps pour
ceux d'entre nous qui travaillent sur le terrain de mettre
à exécution la politique et la stratégie et de commencer
à rendre les services nécessaires aux patients. L'introduction et l'expansion de l'ART dans beaucoup de pays
africains a modifié l'environnement dans lequel nous
travaillons,25 et il ne suffit pas de dire qu'il existe des
barrières infranchissables à la mise en œuvre d'interven-
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Corbett E L, Watt C J, Walker N, et al. The growing burden
of tuberculosis. Global trends and interactions with the HIV
epidemic. Arch Intern Med 2003; 163: 1009 – 1021.
Sonnenberg P, Glynn J R, Fielding K, Murray J, GodfreyFaussett P, Shearer S. How soon after infection with HIV
does the risk of tuberculosis start to increase? A retrospective
cohort study in South African Gold Miners. J Infect Dis
2005; 191: 150-158.
World Health Organization. WHO Report 2005. Global
tuberculosis control. surveillance, planning and financing.
WHO/HTM/TB/2005.349. Geneva, Switzerland: WHO,
2005.
Harries A D, Hargreaves N J, Kemp J, et al. Deaths from
tuberculosis in sub-Saharan African countries with a high
prevalence of HIV-1. Lancet 2001; 357: 1519-1523.
Korenromp E L, Scano F, Williams B G, Dye C, Nunn P.
Effects of human immunodeficiency virus infection on
recurrence of tuberculosis after rifampicin-based
treatment: an analytic review. Clin Infect Dis 2003; 37:
101-112.
World Health Organization. Guidelines for implementing
collaborative TB and HIV programme activities.
WHO/CDS/TB/2003.319. WHO/HIV/2003.01. Geneva,
Switzerland: WHO, 2003.
World Health Organization. Strategic framework to decrease
the burden of TB/HIV. WHO/CDS/TB/2002.296.
WHO/HIV_AIDS/2002.2. Geneva, Switzerland: WHO,
2002.
World Health Organization. Interim Policy on
Collaborative
TB/HIV
activities.
WHO/HTM/TB/2004.330.
WHO/HTM/HIV/2004.1.
Geneva, Switzerland: WHO, 2004.
Maher D, Borgdorff M, Boerma T. HIV-related
tuberculosis: how well are we doing with current control
efforts? Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9: 17-24.
Wiktor S Z, Morokro M S, Grant A D, et al. Efficacy of
trimethoprim-sulphamethoxazole prophylaxis to decrease
morbidity and mortality in HIV-infected patients with
tuberculosis in Abidjan, Cote d’Ivoire: a randomised
controlled trial. Lancet 1999; 353: 1469-1474.
Grimwade K, Sturm W, Nunn A J, Mbatha D, Zungu D,
Gilks C F. Effectiveness of cotrimoxazole on mortality in
adults with tuberculosis in rural South Africa. AIDS 2005;
19: 163-168.
Zachariah R, Spielmann M-P, Chinji C, et al. Voluntary
counselling, HIV testing and adjunctive cotrimoxazole
reduces mortality in tuberculosis patients in Thyolo,
Malawi. AIDS 2003; 17: 1053-1061.
Mwaungulu F B D, Floyd S, Crampin A C, et al.
Cotrimoxazole prophylaxis reduces mortality in human
immunodeficiency virus-positive tuberculosis patients in
Karonga district, Malawi. Bull World Health Organ 2004;
82: 354-363.
World Health Organization and UNAIDS. Progress on
Global Access to HIV antiretroviral therapy. A report on ‘3
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
by 5’ and beyond. Geneva, Switzerland: WHO, 2006.
15 World Health Organization. Scaling up antiretroviral
therapy in resource-limited settings. Treatment guidelines
for a public health approach. 2003. Geneva, Switzerland:
WHO, 2003.
16 Zachariah R, Teck R, Ascurra O, et al. Can we get more
HIV-positive tuberculosis patients on antiretroviral treatment
in a rural district of Malawi? Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9:
238-247.
17 Mann G H, Sanudi L, Salaniponi F M L, Squire S B. Delays
faced by rural populations in accessing TB care in Malawi.
Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9 (Suppl): S65.
18 Harries A D, Boxshall M, Phiri S, Kwanjana J. Managing
HIV and tuberculosis in sub-Saharan Africa. Lancet 2006:
367: 1817-1818.
19 Kwara A, Flanigan T P, Carter E J. Highly active
antiretroviral therapy (HAART) in adults with tuberculosis:
current status. Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9: 248-257.
20 World Health Organization. Treatment of tuberculosis.
21
22
23
24
25
ed.
Guidelines
for
national
programmes.
3rd
WHO/CDS/TB/2003.313. Geneva, Switzerland: WHO,
2003.
De Cock K M, Bunnell R, Mermin J. Unfinished business –
expanding HIV testing in developing countries. N Eng J Med
2006; 354: 440-442.
De Cock K M, Odhiambo J. HIV testing in patients with TB.
Tropical Doctor 2006; 36: 71-73.
World Health Organization. Report of a WHO expert
consultation on cotrimoxazole prophylaxis in HIV infection.
Geneva, Switzerland: WHO 2005.
Libamba E, Makombe S, Harries A D, et al. Scaling up
antiretroviral therapy in Africa: learning from tuberculosis
control programmes — the case of Malawi. Int J Tuberc
Lung Dis 2005; 9: 1062-1071.
Corbett E L, Marston B, Churchyard G J, De Cock K M.
Tuberculosis in sub-Saharan Africa: opportunities, challenges, and change in the era of antiretroviral treatment.
Lancet 2006; 367: 926-937.