La Parodie

Transcription

La Parodie
Marcel Proust ne produit aucun passage textuel en utilisant
formellement l’œuvre de son prédécesseur.
Origines et évolution.
• Parodie vient du grec parodia (« imitation bouffonne d’un chant
poétique »). Le mot, composé de la préposition par(a) (« à côté
de ») et de odia (« le chant ») reflète fidèlement les origines de la
parodie. Dans le théâtre grec antique, la parodie est un spectacle
comique conçu pour s’ajouter à la procession tragique, avec la
fonction de le ridiculiser.
• Par la suite, il désignera un ouvrage qui déforme un modèle
sérieux, une certaine manière d’écrire, en empruntant ses
caractéristiques formelles.
II. Rappel théorique : La parodie et les
autres pratiques de dérivation textuelle
• Ces éléments sommaires de définition établis, il reste que l’emploi
du terme parodie est souvent erroné. Pour mieux cerner les
spécificités de la parodie, il convient donc de la replacer au sein des
autres pratiques hypertextuelles.
• On pourrait schématiquement établir ce tableau, d’après les
recherches de Gérard Genette dans Palimpsestes :
Ludique
Satirique
Sérieux
Transposition
Travestissement
Transfor- Parodie
Transformation
mation
transformation transformation
sérieuse
satirique :
ludique par
- change le style
excellence :
- emprunte le - emprunte le sujet
burlesque*
style
héroï-comique*
- change le
sujet
Forgerie
Charge
Imitation Pastiche
- emprunte le - Emprunte le style - Imitation
sérieuse.
style dans un et le caricature.
but ludique.
*Burlesque et Héroï-comique
Ces adjectifs désignent 2 sortes de travestissements que l’on peut
appliquer à un texte en modifiant son style :
Le burlesque (de l’espagnol burla, plaisanterie) consiste à parler de
choses sérieuses en termes grossiers. Ex : Scarron emprunte le
sujet de Virgile, l’Énéide, et en fait le récit sur un ton trivial, vulgaire.
L’héroï-comique, à l’inverse, emprunte un sujet bas et le traite dans
un style sublime, noble. Ex : Boileau, dans Le Lutrin, relate en
termes élevés, dans un registre qui convient à l’épopée, une querelle
de paroisse dans un village de paysans, autour d’un simple lutrin.
III. Synthèse : caractéristiques et paradoxes
de la parodie
• On peut résumer la pratique parodique par 3 aspects principaux.
1. la parodie est un procédé dyphonique. Elle présente 2 contextes
d’énonciations simultanés, 2 textes en 1 : le texte parodié et le
texte parodiant. Le lecteur est entièrement compétent pour saisir
ces 2 niveaux. Il peut, d’autre part, comprendre littéralement un
texte en ne saisissant qu’un niveau : la valeur parodique est
facultative.
2. la parodie est un procédé divergent. Elle déforme le texte parodié
pour y inscrire ses propres orientations ; à la parodie peut
s’ajouter une valeur satirique qui la transforme en charge.
3. Enfin, la parodie demeure un procédé passif. De façon
paradoxale, le discours parodique se constitue à partir du discours
d’autrui pour exprimer ses propres orientations. Tout en
prétendant faire « texte neuf », l’écrivain-parodiste utilise les
procédés de son modèle. Il se pose alors le problème de
l’innovation et de l’originalité des œuvres parodiques : dans quelle
mesure s’émancipent-elles de leur modèle pour acquérir une
valeur en soi ? Ce degré de nouveauté varie en fonction des cas.
S’il n’est pas nécessaire de comprendre qu’un texte en parodie un
autre pour en apprécier la beauté et la singularité, cela signifie
que sa dimension parodique est mineure : que l’auteur parodiste a
vraiment crée une œuvre à part entière.
MemoPage.com SA © / 2008 / Auteur : Joséphine Malara
• La parodie est définie en terminologie littéraire, depuis Gérard
Genette (Palimpsestes) comme une pratique hypertextuelle : c’està-dire une pratique de dérivation textuelle.
• En d’autres termes, l’écrivain-parodiste écrit un texte B en le faisant
dériver d’un 1er texte A, en général (mais pas nécessairement) écrit
par un autre auteur. Le texte utilisé s’appelle l’hypotexte (du grec
hypo, « au-dessous »), le texte obtenu, parodique, s’appelle
l’hypertexte (du grec hyper, « au-dessus »).
Le 2nd texte se
« greffe » sur le 1er, « d’une manière qui n’est pas celle du
commentaire ».
• L’ouvrage essentiel de Genette porte un titre métaphorique qui
mérite d’être commenté. Un palimpseste, en histoire médiévale,
désigne un manuscrit sur lequel on a écrit plusieurs strates
successives (la pratique était fréquente en raison de la rareté des
parchemins).
• Sur les palimpsestes qui ont été conservés intacts, on voit encore,
en filigrane, une 1ère écriture qui s’entremêle à la 2nde, voire à la 3e.
Cette image de superposition reflète idéalement le phénomène de
la parodie, qui, tout en créant un texte nouveau, laisse encore
transparaître l’écriture, le style du texte premier.
Parodie ! Intertexte
• Si elles ont le point commun de mettre en relation 2 textes, il faut
rappeler que l’hypertextualité dont relève la parodie est différente
de l’intertextualité définie par Genette comme la « coprésence
effective d’un texte dans un autre ».
Ex : on parlera d’intertexte pour caractériser la présence des
Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand dans La Recherche du
temps perdu de Marcel Proust. Les Mémoires figurent en effet tantôt
en filigrane implicite, tantôt au travers de mentions conscientes du
narrateur, comme un souvenir persistant, une présence qui resurgit
très ponctuellement. Mais, à la différence de l’hypertextualité,
I. La parodie, pratique hypertextuelle
La Parodie