Information, communication et organisation internationale Nora El

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Information, communication et organisation internationale Nora El
Information, communication et organisation internationale
Nora El-Abshihy
Résumé :
Le travail envisagé dans le cadre du cours « Information, communication et organisation
internationale » est de se pencher sur le système de production d’informations ainsi que
sur la communication au sein d’une organisation internationale. Mon choix s’est porté
sur le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), institution humanitaire désormais
bien connue, puisque celle-ci est active depuis cent cinquante ans.
La thématique privilégiée dans ce travail est la communication mise en place autour du
sort des prisonniers palestiniens et plus particulièrement des prisonniers en grève de la
faim détenus par Israël. Il s’agit de s’intéresser à la manière dont le CICR communique
sur cette problématique et de déterminer si celle-ci est mise en avant ou si – au contraire
– elle ne bénéficie que d’une faible place dans la production d’informations de
l’organisation. Les questions abordées sont les suivantes : comment le CICR
communique-t-il sur son action concrète sur le terrain ? Quelle est la manière dont cette
institution humanitaire communique afin de sensibiliser la population sur le sort des
détenus en grève de la faim ? Quelle est sa stratégie ? De quelle manière le CICR
communique-t-il lorsque les droits fondamentaux des détenus ne sont pas respectés ? Y
a t-il des situations où le CICR est contraint de ne pas communiquer sous peine de ne
plus pouvoir effectuer son travail de terrain ?
Un éclairage sur ces différentes questions a pu être apporté lors d’un entretien par
David-Pierre Marquet, chargé de relations publiques au CICR.
Qu’est-ce que le CICR ?
Le Comité International de la Croix-Rouge, fondé en 1863, est l’aboutissement de la
volonté notamment du Genevois Henry Dunant d’améliorer les soins dispensés aux
soldats blessés pendant la guerre. Les représentants des différents gouvernements ont
finalement accepté de souscrire à la première Convention de Genève ce qui a mené à
l’obligation de dispenser des soins à tous les soldats mais également à l’instauration d’un
emblème utilisé par les services médicaux.
Cette organisation, dont le siège est basé à Genève, a été créée dans le but d’apporter
une aide humanitaire aux individus touchés par les guerres et conflits à travers le
monde. En outre, elle a pour activité de rappeler aux différents acteurs concernés quels
sont les droits dont bénéficient les victimes de guerre et de promouvoir le droit
international humanitaire.
Le CICR est une organisation indépendante et neutre dont la mission est exclusivement
humanitaire.
Le CICR a joué un rôle fondamental dans l’élaboration des Conventions de Genève. De
surcroit, il a créé le Mouvement International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
mouvements œuvrant pour le respect de la dignité des personnes, mais aussi pour
réduire la souffrance humaine.
Se basant sur les Conventions de Genève de 1949, le CICR veille à apporter une aide aux
personnes victimes de conflit, mais également au respect du droit international
humanitaire et à son introduction dans les législations nationales à travers le monde.
L’évolution des divers moyens et armes utilisés dans les conflits a poussé le CICR à
demander aux États de reconsidérer le droit international humanitaire afin que les
personnes touchées puissent bénéficier d’une assistance et d’une protection plus
efficaces.
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Les Conventions de Genève de 1949, ratifiées par la totalité des États, impliquent la
protection de divers acteurs : les blessés, les malades des forces armées, les prisonniers
de guerre et les civils dans le cas d’une guerre ou d’un conflit armé. L’évolution des
conflits internationaux et non internationaux a conduit à ajouter des protocoles
complémentaires aux Conventions de Genève.
Le cadre juridique dans lequel évolue le CICR lui permet notamment de voir les
prisonniers de guerre ou d’offrir son aide à un État bien que le droit international
humanitaire ne soit pas applicable. Le CICR est actif sur le terrain dans des domaines
divers tels que la santé, l’accès à l’eau mais il œuvre également sur la scène
internationale et diplomatique.
La structure du CICR :
Le siège du Comité international de la Croix-Rouge est basé à Genève. Néanmoins, il
possède un réseau de missions et de délégations réparties à l’échelle de la planète. Le
CICR est actif dans 80 pays et compte un grand nombre de collaborateurs puisqu’il se
monte à 11'000 à travers le monde.
Différentes instances ont un rôle à jouer dans l’organisation du Comité international de
la Croix-Rouge. Il s’agit de l’Assemblée, du Conseil de l’Assemblée ainsi que de la
Direction.
L’Assemblée est composée de 15 à 25 membres de nationalité suisse. Elle effectue des
tâches de surveillance : veiller au respect des objectifs et stratégies mais également
gérer le budget du CICR. Le Président de l’Assemblée se nomme Peter Maurer. Celui-ci
est secondé par Christine Beerli et Olivier Vodoz, tous deux Vice-présidents. Le
Président et les Vice-présidents de l’Assemblée sont également Président et Viceprésidents du CICR.
Le Conseil de l’Assemblée dépend directement de l’Assemblée. Il est formé de cinq
membres choisis par l’Assemblée et est dirigé par le Président du Comité International
de la Croix-Rouge. Le Conseil est chargé de mettre en place ses activités et décide de ses
compétences dans différents domaines, à savoir la politique du personnel, celle du
financement et de la communication. Le Conseil sert également d’intermédiaire entre la
Direction et l’Assemblée.
La Direction se compose quant à elle de cinq membres désignés par l’Assemblée. Leur
mandat est fixé à une durée de quatre ans. La Direction actuelle du CICR a pris ses
fonctions le 1er juillet 2010. Il s’agit de l’organe exécutif du CICR et celui-ci a pour
mission d’une part, de s’assurer de l’application des objectifs et de la stratégie décidés
par l’Assemblée et le Conseil de l’Assemblée et d’autre part, du fonctionnement optimal
de l’Administration de l’organisation.
Les membres de la direction :
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Yves Daccord, Directeur général
Pierre Krähenbühl, Directeur des opérations
Helen Alderson, Directrice des ressources financières et de la logistique
Charlotte Lindsey-Curtet, Directrice de la communication et de la gestion de
l’information
Philip Spoerri, Directeur du droit international et de la coopération
Caroline Welch-Ballentine, Directrice des ressources humaines
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La communication au Comité International de la Croix-Rouge :
Le CICR est reconnu en tant qu’institution humanitaire depuis de nombreuses années au
niveau mondial. L’organisation renvoie l’image d’un organisme ayant une identité forte
mais se positionne également comme un acteur crédible ayant une grande expérience.
La stratégie communicationnelle globale du CICR est de transmettre des messages au
niveau local aux populations concernées mais également de faire en sorte que l’action
humanitaire qui est la sienne soit relayée par différents moyens.
Le CICR utilise donc divers outils, notamment : le canal diplomatique en intervenant
auprès des Nations Unies. Il met également à disposition de nombreuses informations
sur son site web (publications, photos, cartes, archives, etc.). Il a aussi mis en place un
Centre d’information et de documentation. En outre, le CICR fait connaitre ses activités
sur le terrain et sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook.
David-Pierre Marquet, chargé de relations publiques confirme l’utilisation par le CICR de
différents supports de communication. Selon lui, il est nécessaire de diversifier les
moyens par lesquels on communique : « il y a internet, Facebook, Twitter, des interviews
et il y a des campagnes d’affichage. (...) quand on fait de la communication, on est aussi
obligé d’avoir un peu d’événementiel. C’est bien d’être dans les médias, d’être sur internet.
Si tu n’as pas de compte Facebook ou Twitter aujourd’hui, tu n’existes pas. Il faut aussi être
présent dans les médias traditionnels : la télévision, la radio, demander aux grandes
personnalités humanitaires d’écrire des éditoriaux. Il faut être présent sur tous les supports
pour faire passer un message. »
En outre, il accorde une grande importance au fait que les actions mises en place par le
CICR soient l’objet d’articles de presse.
Selon David-Pierre Marquet, il est également important – quand cela est possible – de
pouvoir obtenir des accords avec les différents gouvernements afin de mettre en avant
les campagnes, notamment par l’affichage. Des accords avec d’autres institutions sont
une manière efficace de pouvoir sensibiliser l’opinion publique. Le budget du CICR
accordé à la communication n’est évidemment pas le plus important, puisque la plus
grande part est consacrée aux actions humanitaires.
Le chargé de relations publiques au sein de l’institution insiste également sur un aspect
important afin que le message du CICR soit transmis : l’adaptation selon le contexte dans
lequel on évolue et l’utilisation des supports locaux dominants :
« Pour toucher le maximum de gens, quand on diffuse nos messages on adapte : on ne fait
pas le même message en Asie, en Afrique, en Amérique latine où il y a encore une autre
approche culturelle. Dans chaque contexte – et c’est là tout l’intérêt de la communication
interculturelle – il faut adapter le message qui finalement va rester le même, dans un
support qui est adapté à la personne qui reçoit le message. Le récepteur n’est pas le même
s’il est en Egypte, s’il est en Palestine, il n’a pas la même histoire, pas la même culture, il y a
des nuances très importantes. Donc il faut travailler avec la culture locale, la langue, les
référents socio-culturels et le médium. »
Le CICR utilise donc tous les outils de communication à sa disposition. Il informe et
communique à travers les médias traditionnels et les nouveaux médias. L’institution
communique activement avec les populations concernées, en trouvant une façon de
communiquer qui soit la plus adaptée possible au terrain en s’appuyant sur la CroixRouge locale.
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La communication du CICR sur la problématique des prisonniers palestiniens
détenus par Israël :
Le questionnement concernant la communication du CICR sur le sort des détenus
palestiniens et des détenus en grève de la faim se décline comme suit : Comment le CICR
communique-t-il sur son action concrète sur le terrain ? Quelle est la manière dont cette
institution humanitaire communique afin de sensibiliser la population sur le sort des
détenus en grève de la faim ? Quelle est sa stratégie ? Quels outils de communication
privilégie-elle ? De quelle manière le CICR communique-t-il lorsque les droits
fondamentaux des détenus ne sont pas respectés ? Y a t-il des situations où le CICR est
contraint de ne pas communiquer sous peine de ne plus pouvoir effectuer son travail sur
le terrain ?
Le CICR est actif depuis 1967 dans la visite de détenus palestiniens. Néanmoins, la
communication du CICR à ce sujet ne fait pas l’objet d’une communication publique
intense. Le CICR met évidemment en avant le fait que l’organisation est active dans ce
domaine : sa communication consiste à informer de son action sur le terrain en
indiquant que les délégués effectuent de nombreuses visites de détenus, qu’elle
participe au respect des droits des détenus et qu’elle tente de rétablir les liens familiaux
entre les détenus et leur famille1.
Le CICR communique activement sur les objectifs et les actions sur le terrain concernant
la problématique des détenus, notamment sur son site web. En effet, on peut trouver
divers articles, des vidéos ainsi qu’un dépliant expliquant la mission du CICR de manière
globale ainsi que le rôle concret rempli sur le terrain.2
Néanmoins, ce que l’organisation observe directement sur le terrain ne fait pas l’objet
d’une communication publique. Si l’organisation découvre, par exemple, que les droits
des détenus ne sont pas respectés, elle met en place une communication interne en
discutant avec les autorités compétentes. Le CICR adopte cette stratégie de
communication pour différentes raisons : dans le mandat qui est le sien3, le CICR n’a pas
pour but de prendre position politiquement ou de dénoncer publiquement des
situations de torture puisqu’il s’agit d’une institution neutre et impartiale. Dans des cas
de figure comme celui-ci, le CICR met en place uniquement une communication
bilatérale avec les autorités et les informations – recueillies sur le terrain – sont
confidentielles4.
David-Pierre Marquet insiste sur l’importance du respect de la confidentialité des
informations recueillies : « le CICR ne veut pas mettre en danger les gens et il faut aussi
respecter la confidentialité puisque sinon, on risque de ne plus pouvoir effectuer des visites.
En termes de communication là-dessus, on peut parler que des généralités, on ne peut pas
Le CICR a notamment mis en place le système des « messages Croix-Rouge » pour permettre
aux détenus et à leur famille de communiquer. http://www.icrc.org/fre/what-we-do/visitingdetainees/overview-visiting-detainees.htm
2 On trouve une vidéo montrant l’aide apportée par le CICR pour faciliter les visites des familles
en prison. http://www.icrc.org/fre/resources/documents/feature/2013/palestine-israeldetention-family-visit.htm
3 Mandat découlant directement des Conventions de Genève, http://www.icrc.org/fre/what-wedo/visiting-detainees/overview-visiting-detainees.htm
4 La confidentialité fait partie des Conventions de Genève, Conventions ratifiées par les Etats.
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parler des cas particuliers même si on le voulait». Il semblerait donc que la confidentialité
soit une contrainte structurante et inévitable pour le CICR.
Le chargé de relations publiques du CICR indique en outre que d’autres organisations
ont pour vocation de dénoncer publiquement des situations de torture – notamment
Human Rights Watch – mais que ces prises de position les privent de l’accès aux prisons.
La communication publique sur ces sujets n’est donc pas adoptée par le CICR car d’une
part, son mandat le lui interdit, et d’autre part, ce serait contre-productif pour
l’organisation.
Dans le cas particulier des prisonniers palestiniens en grève de la faim, le CICR se situe
peu ou prou dans la même situation en termes de stratégie de communication.
L’organisation, neutre et impartiale, ne prend pas position en indiquant qu’elle est en
faveur ou non de la décision d’un détenu d’entamer une grève de la faim : « le CICR ne
juge ni le fond ni la légitimité des grèves de la faim comme moyen de protestation, et il
n’agit pas comme médiateur entre les autorités et les grévistes de la faim. »5
La communication publique du CICR au sujet des prisonniers en grève de la faim se
limite donc à indiquer au public quels sont les droits des détenus dans cette situation et
d’expliquer la façon dont le CICR leur vient en aide sur le terrain.
La communication du CICR reste néanmoins cruciale puisque celle-ci est notamment
utilisée afin de rappeler aux autorités qu’elles n’ont pas le droit de s’opposer à la
décision d’un détenu d’entamer une grève de la faim en ayant recours à l’alimentation
forcée. La communication du CICR consiste également à informer les détenus des
conséquences de la grève de la faim sur leur santé et sur leur vie.
Bien que la communication publique quant au sort des détenus palestiniens en grève de
la faim soit rare pour des questions de neutralité, d’impartialité et de confidentialité, il y
a parfois des exceptions.
En effet, par la voix d’un de ses médecins se rendant dans les prisons israéliennes depuis
2011, le CICR se dit « préoccupé par l'état de santé des détenus palestiniens actuellement
en grève de la faim prolongée. Le CICR exhorte les autorités israéliennes à trouver une
solution rapide afin de sauver les vies de Samer Issawi, Tareq Qadan, Jaffar Ezzedine et
Ayman Sharawneh. »6
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http://www.icrc.org/fre/resources/documents/faq/hunger-strike-icrc-position.htm
http://www.icrc.org/fre/resources/documents/interview/2013/israel-palestine-hungerstrike.htm
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Annexe :
Dépliant du CICR : « Faire respecter la vie et la dignité des personnes privées de liberté »7,
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https://shop.icrc.org/faire-respecter-la-vie-et-la-dignite-des-personnes-privees-deliberte.html
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