la productivité est-elle l`ennemie de l`emploi
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la productivité est-elle l`ennemie de l`emploi
MAI 2015 LA PRODUCTIVITÉ EST-ELLE L’ENNEMIE DE L’EMPLOI ? LE « COURT TERME » ET LE « LONG TERME » EN ANALYSE ÉCONOMIQUE Niveau du PIB Phénomènes dits "de court terme" Phénomènes dits "de long terme" (= tendance "lourde") temps LES PHÉNOMÈNES « DE DEMANDE » ET LES PHÉNOMÈNES « D’OFFRE » Les phénomènes "de demande" influencent la croissance "de court terme". Ils ont pour point commun de modifier la demande de certains agents économiques en modifiant la situation d’autres agents. Effets sur la consommation, l'investissement, les exportations nettes… Ex. : relance (ou consolidation) budgétaire, politique monétaire, dévaluation du taux de change… Les phénomènes "d'offre" influencent la croissance "de long terme". Ils ont le plus souvent pour point commun d'alléger la structure de coûts des entreprises, i.e. de rendre plus efficiente l'activité de production de biens et services. Effet sur le stock d'heures travaillées, le stock de capital, la productivité des facteurs. Ex. : progrès technique/productivité, choc pétrolier, krach boursier, certains prélèvements obligatoires… Quand on parle d’« effets sur la croissance », il est toujours utile de préciser de quelle croissance on parle. La productivité favorise (pratiquement) toujours la croissance de long terme. THÉORIE ÉCONOMIQUE : LA PRODUCTIVITÉ, PRINCIPALE SOURCE DE CROISSANCE PAR TÊTE À LONG TERME Modèle de croissance à long terme de R. Solow (1956, prix Nobel) : la tendance lourde de la croissance du PIB reflète l’influence de 3 facteurs (et d’eux seuls) : La croissance du facteur travail / stock d’heures travaillées La croissance du stock de capital productif Les gains de progrès technique (« Productivité Globale des Facteurs ») La croissance du PIB par tête à long terme, dans ce modèle, correspond essentiellement à la croissance de la productivité globale des facteurs. Largement confirmé par les données empiriques depuis plus de 50 ans. Productivité Globale des Facteurs : Fraction de la croissance non expliquée par la hausse des quantités de travail et de capital (y.c. effet qualité). Efficacité de la combinaison du travail et du capital. Cf. Essentiel de février 2015. Peut être influencée par la diffusion généralisée de nouvelles technologies ou refléter l’effet de nouveaux modes de management ou process industriels. CROISSANCE MOYENNE DU PIB ET DE LA PRODUCTIVITÉ EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE Croissance annuelle moyenne en France Croissance annuelle moyenne en Allemagne % % 3,5 3,5 3 3 2,5 2,5 2 2 1,5 1,5 1 1 0,5 0,5 0 0 -0,5 -0,5 -1 -1 1985-19901990-19951995-20002000-20052005-2011 1985-19901990-19951995-20002000-20052005-2011 Croissance du facteur travail (%) Croissance du facteur travail (%) Croissance du stock de capital (%) Croissance du stock de capital (%) Croissance de la productivité globale des facteurs (%) Croissance de la productivité globale des facteurs (%) Source : OCDE CROISSANCE MOYENNE DU PIB PAR TÊTE ET DE LA PRODUCTIVITÉ EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE Croissance annuelle moyenne par tête en France Croissance annuelle moyenne par tête en Allemagne % % 3,5 3,5 3 3 2,5 2,5 2 2 1,5 1,5 1 1 0,5 0,5 0 0 -0,5 -0,5 -1 -1 1985-1990 1990-1995 1995-2000 2000-2005 2005-2011 1985-1990 1990-1995 1995-2000 2000-2005 2005-2011 Croissance du capital par tête (%) Croissance du capital par tête (%) Croissance de la productivité globale des facteurs (%) Croissance de la productivité globale des facteurs (%) Source : OCDE PRODUCTIVITÉ ET CROISSANCE À LONG TERME ÉVOLUENT PLUTÔT DANS LE MÊME SENS Alors que la croissance française dépassait nettement la croissance moyenne allemande de 2000 à 2005, la hiérarchie s’est inversée entre 2005 et 2011: Fléchissement de la PGF depuis 20 ans, et surtout en France depuis 2005 (mais pas en Allemagne). Le redressement de la PGF n’a pas empêché la reprise des créations d’emplois en Allemagne sur 2005-2011. Effet des réformes sur le marché du travail en Allemagne et, simultanément, de gains de productivité plus élevés. Les statistiques ne montrent aucun « vase communicant » entre productivité et emploi au niveau agrégé. EFFETS DE LA PRODUCTIVITÉ SUR LA DEMANDE À COURT TERME Un choc de productivité a différents effets économiques à court terme sur le marché des biens et services (modèle keynésien standard) : Par définition, il augmente l’offre de production mais… … son influence sur la demande est complexe. Elle dépend de la nature du choc de productivité : Si le choc de productivité est lié à de nouvelles technologies : L’investissement augmente. Les prix baissent et donc la consommation progresse. Au total, des emplois nets sont créés. Si le choc de productivité est lié à une meilleure utilisation des technologies existantes (ex.: hausse de la concurrence) : L’investissement n’augmente pas beaucoup. La consommation progresse peu (sauf si les prix baissent beaucoup: cf. licence 4G). L’épargne de précaution peut augmenter. Au total, peu d’effet sur l’emploi et a priori pas de destructions massives d’emplois nets. EFFETS DE LA PRODUCTIVITÉ SUR LE CHÔMAGE Un choc de productivité a différents effets économiques à moyen terme sur le marché du travail (modèle néo-keynésien standard WS/PS) : Le coût salarial unitaire diminue pour les entreprises -> effet à la baisse sur le chômage toutes choses égales par ailleurs Les salariés négocient leur salaire en tenant compte des gains de productivité du travail : vont demander des hausses de salaires -> effet à la hausse sur le chômage toutes choses égales par ailleurs Au total, pas d’effet net clair en théorie des gains de productivité sur le niveau du chômage. Empiriquement, les études… … ne suggèrent pas de lien clair entre productivité et chômage. Sur très longue période, a priori aucun lien (on fait des gains de productivité depuis 250 ans…). … montrent que les entreprises qui font le plus de gains de productivité sont celles qui créent le plus d’emplois (assez intuitif). ABSENCE D’EFFET SIGNIFICATIF DE LA PRODUCTIVITÉ SUR LE TAUX DE CHÔMAGE UNE CONSÉQUENCE PROBLÉMATIQUE DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ : HAUSSE DES INÉGALITÉS SALARIALES Les gains de productivité ont des conséquences redistributives importantes, i.e. le supplément de richesses qu’ils occasionnent est réparti inégalement : Augmentation des écarts salariaux (Katz et Murphy, 1992) au sein d’un secteur ou entre les secteurs. Articulation potentiellement problématique avec SMIC relativement élevé. Substitution depuis 15 ans des emplois impliquant des tâches non répétitives à des postes de travail répétitif : cf. graphique page suivante sur données américaines (NB: aux USA les gains de productivité étaient faibles dans les années 1980). Phénomène de destruction créatrice -> mouvements de main d’œuvre. Commerce international biaisé dans les pays industrialisés vers les emplois à plus haut niveau de formation / valeur ajoutée. Cette évolution dans la nature des tâches n’était pas manifeste aux Etats-Unis avant les années 2000. Elle n’était observée que durant les récessions. ACCÉLÉRATION DE LA PRODUCTIVITÉ ET TRAVAIL PEU QUALIFIÉ Source : Henri Siu and Nir Jaimovitch for Third Way / Wall Street Journal ACCÉLÉRATION DE LA PRODUCTIVITÉ ET STRUCTURE DE L’EMPLOI Source : Henri Siu and Nir Jaimovitch for Third Way / Wall Street Journal CONCLUSION Les gains de productivité sont donc économiquement nécessaires pour la croissance et l’emploi… … mais pas suffisants car le progrès technique fait sensiblement évoluer la structure des emplois et des tâches : Importance d’un fonctionnement du marché du travail qui facilite des transitions professionnelles harmonieuses. Importance économique de la formation (formation initiale avec acquisition des savoirs de base ; formation professionnelle tout au long de la vie). Des transitions professionnelles plus fluides et une formation professionnelle plus efficace sont requises pour accompagner le redressement de la productivité et de la compétitivité de l’industrie, et augmenter les gains économiques associés. Les séries statistiques sont issues de la banque de données de L’OCDE