LEGER Geoffroy
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Le modèle d’agent général est-il durable face à la nouvelle dynamique de distribution de l’assurance ? Geoffroy LEGER Master Manager de l’Assurance Ecole supérieure d’Assurances Session 2013-2015 Introduction Dans le domaine de l’assurance une profusion d’offres, ainsi qu’une fourmilière d’intervenants se côtoient. Depuis l’après-guerre, nous avons vu apparaitre entre autres les mutuelles, puis la bancassurance, venus tous deux redéfinir le concept de la distribution de l’assurance en France. Dans cette bagarre quasi-permanente, il y a pourtant un réseau de distribution d’assurance, qui est prédominant depuis des décennies, malgré des attaques incessantes de son modèle et des prévisions les plus « catastrophiques » quant à sa survie : celui des Agents Généraux d’assurance. L’Agent Général, poste avancé d’une compagnie sur le territoire, avec un peu plus de 35% de parts de marché en assurances Dommages et environ 7% du marché des Assurances de Personnes, est un des principaux acteurs de la distribution d’assurance française, bel et bien vivant aujourd’hui. Qu’en sera-t-il demain ? Depuis peu, on constate une accélération de l’arrivée et de la multiplication de nouveaux acteurs aussi divers qu’innombrables sur ce marché. Alors même que les comportements client se transforment en profondeur et que leurs besoins évoluent, comment L’Agent Général doit-il se positionner face à ces nouveaux intervenants ? Menacent-ils ses positions sur le marché, peut-il les ignorer ou au contraire faut-il en avoir peur ? En effet, de nouveaux éléments viennent redistribuer les cartes et mettent en lumières de très nombreuses problématiques pour les compagnies et leurs intermédiaires : la digitalisation, l’évolution du comportement des consommateurs, la pression réglementaire, la pression sur les tarifs, qui sont autant d’éléments renforçant encore davantage l’impression du changement du marché du particulier. Et la question se pose encore en termes différents si l’on s’intéresse au marché du Professionnel et de l’Entreprise. Les stratégies de ces nouveaux canaux de distribution répondent-elles aux changements de comportements des clients ou à l’évolution de leurs besoins ? L ’Agent Général a-t-il réellement conscience de la notion de « son rôle et devoir de conseil » et de ce fait de la responsabilité qui est la sienne face au client ? Face à ces changements et évolutions nous sommes en mesure de nous poser la question suivante : 2 Le modèle d’agent général est-il durable face à la nouvelle dynamique de distribution de l’assurance ? Pour répondre à cela nous allons nous intéresser dans une première partie aux éléments constitutifs du statut d’agent général et nous verrons comment il se situe aujourd’hui sur son marché. Nous analyserons dans une seconde partie l’environnement de ces agents ainsi que la façon dont celui-ci influe sur son quotidien. En dernier lieu, il conviendra d’apporter des éléments de réponse à notre problématique ainsi que des préconisations. 3 Première Partie : Le modèle d’agent général 1.1 Son statut Qu’est ce qu’un agent général d’assurance ? D’un point de vue pratique, il s’agit de femmes et d’hommes exerçants un métier de services sous la forme de profession libérale. Comme l’ensemble des professions libérales (avocats, notaires, etc..) ils organisent librement leur quotidien et la manière dont ils travaillent. Mais cependant la seule différence est qu’ils sont nommés par une compagnie d’assurance qu’ils se doivent de représenter ainsi que les intérêts de celle-ci auprès de la clientèle. Ils apportent une expertise technique dans les produits, le conseil et la distribution de contrats d’assurances et de produits financiers. 1.1.1 Fondement juridique Le modèle d’agent général a été défini par le décret du 5 mars 1949 ainsi que celui du 28 décembre 1950 puis par la suite le décret du 15 octobre 1996. Lesquels définissent l’agent général comme une personne physique ou morale exerçant une activité indépendante de distribution et de gestion de produits de services d’assurance en vertu du mandat écrit délivré par une ou plusieurs entreprises d’assurances établies en France. Il met à la disposition de son ou de ses mandants sa compétence professionnelle en vue de l’offre de contrats de services d’assurance pour satisfaire les besoins de la clientèle. 4 Les agents généraux peuvent exercer leurs activités dans le cadre de sociétés en participation ; - En association de fait (exploitation commune d’un portefeuille détenu à plusieurs), en conséquence chaque agent général obtient le résultat de l’exploitation de ce portefeuille à hauteur des parts détenues sur celui-ci. - En association de moyens, chaque agent détient son propre portefeuille donc sa propre clientèle mais met en commun ses locaux ou un collaborateur pour mutualiser les charges avec un confrère. Ce type d’association est aujourd’hui rare. En 1996, la FNSAGA 1 (Fédération nationale des syndicats des agents généraux) consciente des évolutions du marché de l’assurance et des évolutions nécessaires à la pérennité du model d’agent signe avec la FFSA (Fédération des sociétés d’assurance) une convention mettant en place la possibilité aux agents généraux d’assurance de constituer des sociétés commerciales, majoritairement en SARL (Association de plusieurs agents généraux) ou en EURL. L’agent général est considéré comme intermédiaire d’assurance, par conséquent il doit répondre aux obligations établies par la directive européenne 2002/92 du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance. Cette directive est reprise dans l’article L511-1 I du code des assurances qui qualifie d’intermédiaires « les personnes exerçant une activité d’intermédiation en assurance à titre rémunéré. »2 L'activité de l'intermédiation est précisée aux articles L. 511-1 et R. 511-1 du Code des assurances : « Activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurances ou de réassurances ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion » (art. L. 511-1), « Est considéré comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d'une opération d'assurance, le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter ou 1 FNSAGA est l’ancien nom de l’AGEA 2 www.orias.fr 5 de recueillir la souscription d'un contrat ou l'adhésion à tel contrat ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie du contrat » (art. R. 511-1). » Les agents généraux, au même titre que les autres intermédiaires (courtiers, etc.), doivent s’immatriculer au registre des intermédiaires pour pouvoir exercer leurs activités. Ils doivent donc répondre à plusieurs conditions : - La condition d’honorabilité, définie par l’article R.514-1 du code des assurances qui dresse les condamnations définitives des crimes et délits. - La condition de capacité professionnelle : pour devenir agent général d’assurance, il est nécessaire de détenir une capacité professionnelle permettant l’exercice de l’activité. Cette capacité peut s’obtenir : o En suivant une formation adaptée à la gestion et à la production des contrats d’assurances ; o En obtenant un diplôme, titre ou certificat mentionné sur une liste fixée par l’article A 512-6 du Code des assurances ; o En justifiant d’une expérience professionnelle dans la gestion et la production de contrats d’assurances d’au moins deux ans si le candidat est cadre ou d’au moins quatre ans dans les autres cas. 1.1.2 Modèle économique La propriété du portefeuille Ce qui caractérise l’agent général par rapport à un autre intermédiaire d’assurance c’est le mode de propriété de son portefeuille. Cet élément est la clé de voute de l’agence. Celui-ci peut être pris en charge par différents titulaires au cours de son évolution et de son histoire. Cette particularité est établie par la convention entre la FNSAGA et la FFSA. Elle entérine le fait que le portefeuille exploité par l’agent demeure la propriété pure et simple de la compagnie d’assurance. 6 Ce portefeuille est donc l’élément central de la décision de l’entrepreneur qui souhaite devenir agent général. Pour permettre d’apprécier la « qualité du portefeuille », il est donné aux repreneurs l’historique de ce portefeuille, la composition de celui-ci, l’encaissement et les commissions générées, le revenu net sur les trois derniers exercices ainsi que la situation économique et démographique. Si le futur agent estime que la composition du portefeuille convient à ses objectifs. Il achète alors, à la compagnie qui le détient, un droit de créance. Ce dernier lui confère alors le droit de percevoir les commissions de chaque contrat en portefeuille. C’est donc à lui tout au long de sa carrière d’essayer d’étoffer ce portefeuille, de développer le montant des commissions et donc la valeur du portefeuille. Car c’est à l’issu de sa carrière qu’il va pouvoir récupérer son investissement lorsque la compagnie va lui racheter son droit de créance. Le principe d’exclusivité Le second élément qui fait la particularité des agents généraux est le lien d’exclusivité que lie l’agent général et la compagnie qu’il représente. Ce principe a été redéfini par la convention de 1996 qui fixe les règles suivantes : « L’agent général s’engage à consacrer la totalité de sa production à sa ou ses sociétés mandantes. En contre partie, celle-ci s’engage à lui apporter les moyens techniques, commerciaux et financiers nécessaires. Dans le cadre de cette exclusivité, les entreprises et syndicats d’agents généraux détermineront les règles à suivre en vue du placement éventuel du risque lorsque celui-ci est résilié, refusé, totalement ou partiellement par l’entreprise mandante. (...) les agents et syndicats s’engagent à développer entre la concertation pour assurer la cohérence et le développement de l’entreprise et de ses agences. » Les sociétés d’assurance font donc appliquer ce principe comme elles le souhaitent et en bonne intelligence avec leurs réseaux d’agents. Certaines compagnies sont très rigoureuses et ont trouvé des solutions pour contrôler ces pratiques. Certaines ont constitué des structures de courtage pour absorber le flux des contrats qui ne peuvent être souscrits chez elle. Mais ces structures impliquent que les 7 compagnies trouvent la logique des garanties qui ne sont pas couvertes par la compagnie « principale ». Il va de soi que le principe d’exclusivité doit être respecté, la société mandante qui investi dans un réseau, en campagnes publicitaires et commerciales pour la vente des produits par ses mandataires ne peut admettre que ces derniers puissent mettre en concurrence ses tarifs et ses produits par son mandataire agissant comme un courtier. L’agent général doit donc honnêtement choisir son métier et sa relation partenariale et respecter ce choix par une application stricte de son traité. 1.1.3 Profil des agents actuels En 2014, on compte 12136 agents généraux d’assurance qui évoluent sur le territoire français. Ces agents répartis sur l’ensemble des zones rurales ou urbaines, emploient 23400 collaborateurs au sein de leurs agences. Nombre d’agents généraux 1987 1995 2014 21900 17400 12136 En 1987 on dénombrait 21900 agents puis 17400 en 1995 3 . On constate donc désormais qu’en 30 ans, le nombre d’agent général a été divisé par 2, pour notamment des raisons de regroupement d’agences ou de portefeuilles que nous aborderons plus en détail par la suite. Historiquement l’agent général est un homme. Mais on constate que depuis une dizaine d’années la profession se féminise grâce au renouvellement générationnel opéré dans ce secteur. La part des femmes sur l’ensemble des agents généraux est de 13,5% en 2014, alors qu’elle n’était que de 12,8 % en 2012. Elles sont fortement représentées dans 3 http://www.senat.fr/rap/r98-0452/r98-045297.html 8 le réseau de la Mutuelle de Poitiers où elles représentent 38% des effectifs. Suivi par Aréas Assurance (16%) et Aviva (15,90 %). Elles sont encore très faiblement représentées dans les grands réseaux d’AXA, ALLIANZ et GENERALI (environ 9%) Pyramide des âges des agents généraux en 2014.4 Le renouvellement de cette profession est en marche et va s’opérer plus particulièrement dans les dix ans à venir. En effet, on constate que près d’un tiers des agents ont 55 ans ou plus. Ce qui implique que plus de 3000 agents partiront à la retraite d’ici 2025. Ce nombre important représente quasiment les effectifs d’un réseau comme celui d’AXA France. Selon les chiffres de l’observatoire des agents généraux 2014, les prévisions de recrutement d’agents ne suffiront pas à combler le nombre important de départ en retraite. L’impact le plus conséquent se fera sur les réseaux qui comptent l’effectif le plus important. Les estimations prévoient que si l’on se base sur les effectifs actuels (2014) par rapport aux départs en retraite en 2025, on constate que cela représente 44 % des effectifs d’agents ALLIANZ. 40% pour le GAN Assurances et 35% pour MMA. Si aujourd’hui les agents généraux ont en moyenne quatorze ans d’expérience dans leur profession, ce chiffre risque de fortement baisser sur les dix ans à venir. Les 20% qui ont entre cinq et dix années d’expérience vont être les moteurs du 4 www.agea.fr 9 renouveau de la profession ces prochaines années. Ils conservent une vision positive de leur métier et sont conscients de la nécessité d’évolution pour que leurs affaires soient pérennes. Répartition par ancienneté des agents généraux 2014.5 1.2 Son marché 1.2.1 Analyse des réseaux actuels Le but de cette partie est de dresser un état des lieux exhaustif et comparatif des différents réseaux d’agent généraux des compagnies d’assurance en France. Nous focaliserons notre analyse sur les principaux acteurs et nous analyserons leurs évolutions. Axa France Fort de ses 3400 agents généraux qui commercialisent l’ensemble des offres au sein des agences à l’image des 920 agents généraux Axa patrimoine & Prévoyance qui sont spécialisés dans les assurances de personnes : prévoyance, épargne et retraite. Le réseau d’AXA est aujourd’hui le premier réseau en France, loin devant les autres réseaux notamment grâce à la fusion de nombreuses sociétés, entre autres les AGP, 5 Chiffres de la profession 2014 , www.AGEA.fr 10 l’UAP. La politique d’AXA vis à vis de son réseau est d’encourager les créations de portefeuille ou le développement de points de ventes secondaires. Allianz Allianz détient aujourd’hui le second réseau d’agences en France, avec ses 1900 agents répartis sur 2500 points de vente. Ce réseau compte plus de 2,8 millions de clients. L’assureur allemand est présent sur le territoire surtout à travers l’acquisition de la compagnie AGF en 2007. C’est à partir de 2009 que la marque commerciale AGF disparaît pour que le nouveau groupe soit unifié sous le nom Allianz France. Generali France Le réseau de Generali France est constitué de 900 agents répartis sur l’ensemble du territoire français. Son réseau comme beaucoup de grandes compagnies s’est constitué historiquement par le rachat de nombreuses compagnies telles que Concorde, Zurich France et GPA. Generali France mise sur une politique de labélisation de ses agences. Celle-ci accorde à son réseau des pouvoirs et délégations de souscription et de sinistre relativement large. MMA MMA est un groupe d’assurance mutuelle, qui se caractérise comme « multi spécialiste ». Les mutuelles du Mans compte aujourd’hui plus de 1200 agents généraux qui sont répartis sur 1800 points de ventes à travers le territoire métropolitain. MMA est donc le 3ème réseau d’agents généraux. AVIVA Le réseau d’AVIVA compte aujourd’hui 900 agents généraux. Il est le seul réseau majeur qui voit sa taille croitre d’une année sur l’autre. 11 Le GAN Assurances Gan Assurances qui est maintenant sous le giron de Groupama compte environ 950 agents répartis sur 1100 agences. 1.2.2 Les marchés de prédilection des AG Répartition des commissions 2014 par familles de produits (en %) Dommages Allianz Santé et Vie, Epargne, prévoyance finance 11% 6% 83% Aréas Assurances 95% 5% Avivia 85% 15% Axa 82% Gan Assurances 80% Generali 83% 11% 6% MMA 78% 17% 5% Swiss Life 43% 42% 15% Thélem Assurances 82% 18% 9% 9% 20% Répartition des commissions 2014 par famille de produits 6 Les agents généraux distribuent l’ensemble des produits des compagnies qu’ils représentent, que ces produits soient destinés aux professionnels ou aux particuliers. Ils sont donc amenés à proposer aussi bien un produit d’assurance vie ou d’épargne à un particulier qu’un contrat multirisque industriel au représentant d’une entreprise de taille intermédiaire. C’est cette diversité de compétences qui a permis aux agents généraux de s’imposer au niveau local et d’avoir avec les assurés une relation de confiance. 6 Observatoire des agents généraux – Argus de l’assurance 24 avril 2015 12 Mais même s’ils sont en mesure de proposer tous les types de produits à tous les types de clientèle, on constate qu’en réalité les réseaux ont fait le choix de sélectionner leurs activités. On constate que dans les plus grands réseaux d’agents généraux (Allianz, Axa, MMA) plus de 50 % des commissions sont générées par les particuliers. Dans certains réseaux la proportion de particuliers par rapport aux professionnels et TPE-PME, représente plus de 80% notamment chez Thélem Assurances. Cette répartition de clientèle risque à l’avenir de ne pas être source de pérennité pour les agences. En effet, c’est sur ce marché que la concurrence est la plus importante et que les masses commencent à bouger grâce ou à cause de l’arrivée de nouveaux acteurs ou de nouveaux outils comme nous le verrons par la suite. Les réseaux d’agences vont donc devoir réorienter leurs prospections et leurs méthodes commerciales pour faire face à l’érosion de leurs parts de marché sur le marché ultra concurrentiel des particuliers. La forte concurrence sur le marché des particuliers oblige les agents généraux à se tourner plus particulièrement vers les entreprises. En effet, ils doivent mettre leur expertise ainsi que leur qualité de service à profit pour conquérir ces secteurs de clientèle à fort potentiel assurantiel. Cette nécessité de changement s’applique d’autant plus sur les produits fétiches des agents généraux. En effet ils distribuent majoritairement, voir exclusivement des produits d’assurance dommages. Ces produits constituent aujourd’hui 35% des parts de marché des agents dans l’assurance dommage. Cette part a diminué de 10% en quinze ans. Le secteur des assurances dites de dommages est mené par les produits d’assurance automobile ainsi que les produits d’assurance habitation. C’est sur ces produits que les agences basent leur relation avec les clients. Ces produits simples et ultra maitrisés par les réseaux sont les « vaches à lait » des agences et permettent de fidéliser les assurés. Mais c’est justement ces produits qui sont aujourd’hui les plus menacés par la concurrence, la part de marché de l’assurance automobile pour les agents ne cesse de diminuer pour s’établir en 2011 à 27 %. Ce marché saturé des assurances automobiles ne permet pas d’espérer une croissance de marché offrant un volume d’affaire plus conséquent. La menace principale vient des mutuelles sans intermédiaires qui préemptent quasiment la moitié du marché ainsi que les bancassureurs qui ne cessent de conquérir de nouveaux clients. 13 Les réseaux d’agences ne peuvent donc plus se contenter de ces produits et devront, pour maintenir leur niveau d’activité s’orienter vers des produits à plus forte valeur ajoutée et qui nécessitent un accompagnement du client. 1.2.3 Swot Forces Faiblesses - Forte connaissance du client - Manque de stratégie - Professionnel - Typologie des agences indépendant - Aversion au changement - Clientèle fidèle et durable - Effectif en baisse - Savoir-faire reconnu - Relation avec les compagnies - Notoriété de l’agence - Manque d’équipement - Fort relationnel avec la clientèle - Mauvaise image auprès du grand - Proximité avec les assurés expérimenté et public Opportunités - Renouvellement des effectifs - Amélioration informatiques des Menaces outils d’analyse - - Effritement des portefeuilles particuliers - Cannibalisation des réseaux de distribution Marché des entreprises pas assez exploité - Distribution « Full web » Force de proposition pour les - Modification compagnies - Conflits avec les compagnies de portefeuille - - du comportement des clients Implication des agents dans les grands projets des compagnies 14 Etude des forces et faiblesses : Les forces sont les aspects positifs internes sur lesquels l’agent général d’assurance ou l’agence d’assurance de proximité va pouvoir s’appuyer. L’agent général dispose de part ses encrages géographiques de proximité, d’une notoriété locale qui lui permet de tisser avec les entreprises, entrepreneurs et particuliers une relation de confiance. Il est le représentant de proximité d’une compagnie d’assurance. Il bénéficie de la notoriété de celle-ci et par conséquent c’est lui qui doit véhiculer cette image auprès des clients et prospects. De part l’histoire de sa fonction, son rôle dans la société est bien identifié et défini. Il apporte ses conseils, son expertise afin d’être en mesure d’offrir les solutions d’assurance les plus adéquates aux besoins de ses clients car il connaît la sensibilité au risque de ses interlocuteurs ainsi que leurs connaissances des assurances. Son rôle d’accompagnateur est primordial, il est le simplificateur/traducteur des garanties et franchises qu’il propose. C’est grâce à cette force d’écoute qu’il développe la confiance. Il est reconnu par les professionnels qui le considèrent comme un intermédiaire essentiel pour la pérennité de leurs entreprises. C’est donc par les trois composantes, compétences - expertise – proximité que les agents généraux basent leurs forces sur le marché. Par contre les faiblesses provenant de l’environnement organisationnel de l’agent général sont les aspects négatifs internes pour lesquels une amélioration est possible. En l’occurrence, l’agent général de part son modèle économique fonctionne sur un modèle de rentier et sa rémunération est assurée par son stock d’affaires en cours. Ce n’est donc pas dans son ADN7 de se projeter sur de nouveaux risques ou de nouveaux marchés. Tant que le volume de son portefeuille est stable il va se contenter de le maintenir à un niveau acceptable. La croissance naturelle des 15 cotisations vient masquer l’éventuelle érosion de son portefeuille. Cet élément constitue donc un élément de son inertie. Ce qui mène le choix vers le métier d’agent général est le facteur de l’indépendance. Ils souhaitent donc par nature être leurs propres patrons et s’affranchir de l’autorité d’un supérieur. L’agent général veut donc mener son entreprise à sa manière en endossant la responsabilité de ses choix. Mais cet état d’esprit est difficilement compatible avec les engagements qu’ils ont avec les compagnies pour lesquels ils ont fait le choix de devenir représentants. Les compagnies d’assurances souhaitent établir un contrôle sur le fonctionnement des agences et imposent de plus en plus de contraintes à leurs réseaux d’agents généraux. Par ailleurs, il apparaît que certains réseaux d’agents généraux ne disposent pas ou très peu d’outils et d’équipements (plateforme téléphonique, ordinateurs performants permettant d’être efficace et réactif via internet). Ce manque de moyen n’offre donc pas les armes aux agents généraux pour traiter le flux de demandes internet. Ce sous-équipement peut s’expliquer en grande partie par une problématique de coûts d’une part pour l’agent mais également pour la compagnie. Etude des opportunités et des menaces : Depuis plusieurs années, s’opère au niveau des agents eux même mais également au niveau de leurs collaborateurs, un renouvellement des effectifs et apparaît donc des personnes qui ont une meilleure propension à l’utilisation des nouveaux réseaux informatiques et des outils de communication. L’adoption des e-mails est aujourd’hui incontournable pour le fonctionnement d’une agence. Les outils internet créent des opportunités de renforcement de la relation client. Ils permettent d’une part de réduire les délais. Un courrier électronique ou un email est quasiment reçu alors qu’un courrier papier prendra en moyenne trois jours avant d’être transmis. Le multicanal permet l’amélioration de la réactivité des agents, ce qui induit une meilleure qualité de service. Ces outils sont l’élément central des opportunités des agents généraux. Ils favorisent la gestion des contrats d’assurance et a fortiori la relation avec les clients. 16 En effet, dans la relation avec son client, en cas sinistre, la dématérialisation ou encore les pages internet des compagnies d’assurance offrent à l’agent général la faculté de savoir à l’instant T, l’état de l’avancement du règlement du sinistre de son client. Par conséquent, l’image que peut avoir l’assuré de son agent s’en retrouve améliorée. Ce qui renforce la relation entre l’assuré et son agent général. Ils permettent d’améliorer et de favoriser la segmentation des profils clients. L’agent général réoriente son appétit pour la souscription et la gestion. Il se détourne d’une population intéressée principalement par les produits dits de « masse » tels que l’assurance automobile ou habitation, qui ne requièrent que peu d’analyse et donc de conseil, pour se tourner vers une population dont les besoins requièrent une expertise (Assurance vie, clients professionnels et entreprises). L’agent général doit être force de proposition et prendre lui même l’initiative de mettre en avant sa valeur ajoutée dans la chaîne de valeur de la compagnie. Il doit pouvoir disposer des accès de souscription de l’ensemble des produits de sa compagnie, posséder d’une délégation la plus large possible, et obtenir une part de courtage accessoire en échange de son exclusivité. Les évolutions de l’environnement de l’agent lui offrent l’opportunité de transformer son métier vers des nouvelles compétences (qui nécessitent des programmes de formations), telles que celles de « Risk management ». Cette activité est complémentaire de son expertise principale, et lui permet de développer sa relation client sur le marché des professionnels et entreprises qui à l’avenir doit devenir son marché porteur. Les menaces sont les problèmes, obstacles ou limitations qui peuvent empêcher ou freiner le développement de l’agent général. Plusieurs éléments viennent constituer des menaces pour ces agents. D’une part, l’engouement des compagnies pour distribuer leurs produits sur l’ensemble des réseaux et d’autre part, la modification du comportement des assurés. Les choix stratégiques des compagnies d’assurance viennent perturber le fonctionnement des réseaux d’agents généraux. En effet, les agents d’assurance se trouvent ainsi concurrencés par les compagnies d’assurance pour lesquelles ils travaillent. Ces dernières n’hésitent pas à proposer en vente directe des contrats d’assurance « low cost » qui en ces temps de contexte économique difficile, attirent un bon nombre de clients. 17 La menace pour l’agent général est donc de devenir un « SAV de la souscription en ligne ». La vente directe est pratique mais elle demande pour un assuré, un minimum de connaissances. Il ne suffit pas pour être assuré de seulement payer sa prime. Cette logique échappe à certains clients qui dès qu’ils rencontrent un problème se déplacent en agence. 18 Deuxième partie : Les évolutions qui menacent ce statut 2.1 Mutation des modes de distribution de l’assurance Si l’on veut pousser la réflexion sur le métier d’agent général, il est utile de faire certains constats sur l’évolution des réseaux de distribution et de leur environnement afin d’en tirer des leçons. Les agents doivent faire face à de nombreuses révolutions dans leurs manières de réaliser leur métier. Ce sont ces révolutions que nous allons aborder dans cette seconde partie. 2.1.1 Révolution de l’offre La Bancassurance La révolution la plus importante s’établit sur l’environnement concurrentiel des agents généraux. En chef de file, la bancassurance. Il est impossible de ne pas aborder la concurrence des agents sans s’intéresser ce modèle de réussite, qui depuis plusieurs années ne cesse de prendre une place plus que conséquente sur les marchés de prédilection des agents généraux. Là où il y a 30 ou 40 ans la frontière entre l’assurance et la banque paraissait imperméable, elle a progressivement disparu avec l’apparition de la bancassurance. Ce mode de distribution, qui est apparu dans les années 80 en Europe et plus particulièrement en France à l’initiative des banques, s’est d’abord consacré aux produits d’assurance vie (où ses parts de marché représente 2/3 du marché) pour maintenant prendre une place conséquente sur les produits d’assurance de dommage (Principalement Automobile, Multirisque Habitation, Santé). Ces résultats 19 conséquents sont le fruit d’une stratégie construite autour des éléments qui ont fait le succès de la banque par rapport aux acteurs historiques de l’assurance. La stratégie des acteurs de la bancassurance est la recherche d’une efficacité et d’une compétitivité permanente qui se traduit au final par une baisse des coûts et donc au bout de la chaîne une baisse des prix et un meilleur service à la clientèle. Là où les assureurs visent un savant équilibre de réduction des coûts de production parallèlement à une rationalisation des coûts de distribution, les bancassureurs eux, font le choix de réduire drastiquement les coûts de distribution afin de capter le maximum de clientèle pour ensuite se soucier de la rationalisation des coûts de production. Les bancassureurs disposant d’un maillage géographique très important grâce à leurs agences bancaires ainsi que d’une base de clientèle très large, la pénétration du marché de l’assurance vie a été très aisée. Leur avantage compétitif a reposé essentiellement sur leur capacité à faire diminuer drastiquement leurs coûts de distribution en faisant vendre les produits d’assurance vie par le biais de leurs agences existantes et simplement avec leur personnel aux guichets ou chargés de clientèle. Ces acteurs bancaires ont su créer des produits simplifiés et allégés basés sur de l’épargne simple dont ils maitrisent la vente. La baisse des frais de versement ou de souscription est un élément de plus dans leur conquête de clientèle. Leur succès s’est donc bâti sur leur capacité à être flexible et à suivre les besoins et les évolutions des besoins des clients, là où les acteurs historiques de l’assurance ne prenaient pas la mesure de ces évolutions de marché. En 2013, les bancassureurs disposent de 64% du marché Vie et Capitalisation. Après un franc succès dans le domaine de l’assurance vie, les bancassureurs ont investis le marché de l’assurance non-vie. La part de marché des bancassureurs en assurance de dommages représente en 2013, 13% et ce chiffre a augmenté de dix point en vingt ans. Depuis leur arrivée sur le marché Français, ils ne cessent de grignoter d’année en année des parts de marché sur ce marché IARD 8 . Leur progression est continue et celle-ci pourrait s’accélérer grâce à leur percée dans les produits d’assurance destinés aux professionnels et petites entreprises. 8 IARD signifie "Incendie, Accidents, Risques Divers" 20 Alors que le marché de l’assurance Habitation ou Automobile est plus que saturé, ils arrivent à dégager une croissance supérieure à celle du marché. Menés sur ce marché par Le crédit Agricole et le Crédit mutuel, il est fort probable que la part de marché des bancassureurs sur le marché IARD atteigne 20% en 2020. Cette prévision est portée par l’entrée fracassante de la Banque postale sur ce marché qui en 3 ans a réussi à conquérir 5% du marché de l’assurance MRH9. La Banque postale, dont beaucoup d’acteurs de l’assurance historique n’avaient pas pris la mesure à temps, ne cesse de venir chasser à grand renfort commercial sur les terres des agents généraux. Aujourd’hui l’optimisation des flux d’agence, l’exploitation de leurs portefeuilles pour développer la multi détention des clients permet une conquête conséquente. Ces composantes ne sont que très peu usitées par les agents généraux dans leurs méthodes de ventes. Il serait donc intéressant de s’inspirer en partie des ces éléments qui constituent la réussite de leurs concurrents. Les bancassureurs sont encore frileux pour se tourner de la même façon, que sur les produits où ils tirent leur succès, sur le marché des professionnels et des entreprises. Ils sont conscients que ce marché réclame un accompagnement et une qualité de service irréprochable qu’ils ne sont pas aujourd’hui en mesure de proposer. C’est donc également sur ce segment que les agents généraux peuvent tirer leur épingle du jeu. Les Mutuelles sans intermédiaire - MSI Dans les années 1960-70, apparaît sur le marché de l’assurance, de nouveaux acteurs : les mutuelles d’assurance sans intermédiaires (autrement appelé MSI). Leurs arrivées sur le marché ont marqué une véritable rupture dans la distribution de l’assurance. On peut citer La MACIF, La MAAF, La MAIF ou MATMUT. Ces mutuelles sont appelées « sans intermédiaires » car elles s’adressent directement aux assurés sans avoir recours à une intermédiation d’agents ou de courtiers d’assurance. Leur développement s’est basé sur l’assurance automobile, en proposant aux assurés des contrats uniques, simplifiés, sans options superflues. Leur développement massif s’est développé autour d’une stratégie dont les axes sont les suivants : 9 MRH : Multirisques Habitation 21 - Ciblage de leurs assurés selon un modèle basé sur les catégories sociaux professionnelles (notamment les enseignants, les motards, les artisans), - Industrialisation des processus de gestion et de souscription pour optimiser au maximum les coûts de production, - Faibles coûts de distribution grâce à leur modèle sans intermédiaire, qui permet de faire l’économie des frais de commissionnement des intermédiaires type agents généraux d’assurance ou courtiers. Grâce à cette stratégie, les MSI ont conquis une part de marché significative sur le marché pour être aujourd’hui un acteur incontournable sur le marché du dommage 10: ∗ 30 % du marché assurance santé-prévoyance des particuliers ∗ 40 % du marché des assurances dommages pour les particuliers 2.1.2 Réorganisation du réseau des compagnies Lorsque ce qu’on se pose la question de la pérennité du modèle d’agent général il ne faut pas oublier que ces agents pratiquent leur métier grâce à leur partenaire essentiel, les compagnies d’assurance. Celles-ci ayant des problématiques structurelles et organisationnelle différentes de leurs réseaux de distribution. Les fortes évolutions sur le marché de l’assurance que cela soit la concurrence accrue entre les acteurs, les évolutions législatives importantes, notamment Solvabilité 2, viennent bouleverser les certitudes et les projections des compagnies d’assurance. Elle ne peuvent plus comme il y a plusieurs années fixer un cap à 10 ans et s’y tenir. Aujourd’hui le cap long terme est de 3 à 5 ans. La pression réglementaire sur les sociétés d’assurance oblige celles-ci à être attentives à leurs coûts. Et cela commence par la réduction drastique des frais généraux. Cela notamment à cause de la diminution des plus values et des produits financiers mettant en déséquilibre les exercices comptables. 10 Source : l’argus de l’assurance n°7357 du 8 avril 2014. Part de marché sur la base du chiffre d’affaires réalisé en 2011. 22 Alors qu’une approche financière était pratiquée pendant la période haussière des bourses mondiales, la crise de 2008 ainsi que la réduction des taux sur les marchés financiers ont complètement inversé l’approche des sociétés d’assurance. En effet, elles ont maintenant la volonté de réduire les charges d’exploitation mais reviennent également à la technique pure d’assurance et particulièrement la maîtrise des coûts sinistres sur le marché des biens. Par conséquent les compagnies font depuis plusieurs dizaines d’années le choix de se regrouper et de créer des entreprises dépassant largement la taille critique pour disposer d’une force importante sur le marché en évolution et mutualiser l’ensemble de leurs ressources. Les compagnies qui disposent d’un réseau d’agents historique font donc face à une difficulté importante : Comment faire évoluer leur modèle d’assureur tout en composant avec les spécificités d’un réseau d’agents généraux intégré dans sa distribution mais qui eux veulent conserver leur indépendance ? Cette absence de lien hiérarchique entre ces deux forces rend la tâche encore plus compliquée, puisque toute action de l’un ou l’autre des partenaires de cette relation entraîne une suspicion de remise en cause de leur relation. La pression et l’influence des agents et de leurs représentants ne facilitent pas les projets de transformation ou d’évolution de la distribution ou de la relation client. Dans une nécessité de contrer la concurrence féroce des bancassureurs, les compagnies font le choix de lancer de grands projets d’offres qui sont complémentaires voire alternatives au réseau d’agents (offres en ligne, recours à des distributeurs alternatifs comme les courtiers ou CGPI). Les compagnies sont donc dans une logique « Multicanal » pour s’adresser à la clientèle par l’ensemble des moyens possibles. Ces choix qu’ils soient efficaces ou non, viennent attiser les tensions dans la relation de partenaire qui lie les agents généraux et les compagnies d’assurance mandantes. Cette relation, qui fait la force de ce réseau depuis sa création, se trouve affaiblie et perd l’avantage concurrentiel qu’il apportait. Evidemment tous les griefs ne sont pas à mettre sur le compte des compagnies. Comme nous le verrons par la suite, l’ensemble de la chaîne de valeur de l’assurance traditionnel doit se réformer et particulièrement les agents généraux qui 23 ne prennent pas tous la mesure des évolutions à apporter à leur métier et organisation pour survivre. Pour perdurer les compagnies d’assurances et les agents généraux doivent être sur une relation synergique et non pas antagoniste. La logique de concentration se retrouve également, forcement appliquée au niveau des réseaux d’agents généraux des compagnies. Celle-ci concerne les effectifs, les portefeuilles mais également le nombre d’agences. Nous avons vu précédemment que ces 30 dernières années, le nombre d’agents n’a cessé de se réduire. Les compagnies souhaitent, désormais au même titre que leurs propres structures, construire des agences ayant une taille importante et cherchent donc à regrouper des portefeuilles et mettent en place une politique qui favorise fortement les associations entre plusieurs agents (sur une seule et même agence) ou la détention de plusieurs portefeuilles par un seul agent. Cette politique a pour but de maintenir un niveau de chiffre d’affaires réalisé conséquent par agence. Le temps où une compagnie nommait un nouvel agent sur un petit portefeuille est désormais révolu. Alors qu’en 1995, le chiffre d’affaires moyen des agences était de 125 000 euros. Il est en 2014 de 272 500 euros et ce chiffre ne cesse de progresser de l’ordre de 2% par an. Ce doublement de chiffre d’affaires est dû donc à la politique de regroupement d’agences et de portefeuilles par les compagnies. Si l’on regarde sur le tableau ci-dessous, on peut constater qu’uniquement sur l’année 2014 par rapport à 2013, le nombre d’agents s’est beaucoup réduit sur les grands réseaux historiques mais qu’en contrepartie le nombre d’agences n’a pas forcément suivi le même rythme. Le cas le plus flagrant est celui de Aréas Assurances. A fin 2014, elle comptait dans ses effectifs le départ de 38 agents généraux mais parallèlement à cela, elle ouvrait 5 agences. 24 Agents Agences Allianz - 37 -34 Aréas Assurances -38 +5 Aviva +11 -11 Gan -10 +9 Generali -68 -36 MMA -24 -29 Swiss Life +8 -6 Thélem Assurance +13 +1 Evolution du nombre d’agences et d’agents entre 2013 et 201411. 2.1.3 Révolution de la demande Lorsque l’on parle de révolution de la demande, l’arrivée du digital dans l’assurance est le cœur de celle-ci. Outil désormais incontournable qui permet de comparer et de prospecter des prix et des offres d’assurance, internet peut faire craindre une cannibalisation des réseaux d’agents généraux et des compagnies. Internet s’est immiscé comme un facteur essentiel dans les modèles de distribution, de gestion et surtout de communication pour les assureurs qui espèrent par ce biais générer du flux et surtout des contacts. Ce phénomène, qui s’installe depuis maintenant plus de dix ans, a pris un tournant important depuis 2009, et modifie en profondeur les relations des compagnies d’assurance avec leurs clients mais également avec leurs intermédiaires . Cette relation entre intermédiaires et compagnies a donc été perturbée, les compagnies ayant l’obligation de prendre le train d’internet et ainsi bouleverser leur modèle historique de distribution. Au risque de se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de 11 Observatoire des agents généraux – Argus de l’assurance 24 avril 2015 25 leurs réseaux physiques d’agents généraux. Ces agents généraux voyant internet d’un mauvais œil, comme un nouvel élément, qui ne viendrait que les concurrencer. Au fil des années se sont développés des sites d’assurance, offrant aux internautes une gamme de plus en plus large de produit d’assurances et de services et tout cela en s’affranchissant des contraintes d’horaires ou de disponibilité des réseaux physiques. La démocratisation d’internet a également modifié le comportement des consommateurs comme nous le verrons par la suite. L’arrivée des comparateurs d’assurance tels que le Lynx, Assurland ou Les Furets ont démocratisé la comparaison des offres mais surtout du prix. Selon une étude de Eveho Conseil, Près de 20 millions de Français ont déjà réalisés un devis d’assurance en ligne. Mais il est nécessaire de relativiser ce chiffre, qui au premier abord est important, mais celui-ci est à mettre en parallèle avec le taux de transformation de ces devis. On estime que 2 à 5,5% de ces devis obtenus en ligne font l’objet d’une concrétisation et de la souscription d’un contrat d’assurance. Ce taux de réalisation est plus que doublé lorsque le prospect est recontacté par téléphone ou par un point de vente physique. « Aujourd’hui, trois à quatre clients sur cinq se renseignent sur internet pour comprendre l’offre et comparer les prix. Ils viennent ensuite dans une agence avec un devis réalisé en ligne. Ce bouleversement du marché est un phénomène nouveau car il met l’accent sur la vérité des prix. »12 2.1 Modification des comportements On perçoit que les individus comme les citoyens ont des difficultés à se référer aussi bien à des croyances établies qu’à des structures leur fournissant des réponses globales. L’assureur comme l’instituteur ou le docteur ne fait plus l’objet d’une reconnaissance particulière. Cette crise de la représentation a touché la crédibilité de l’agent général auprès des consommateurs les plus avisés, porteurs d’autres valeurs. Voilà donc plus de dix ans que l’agent général a perdu en reconnaissance de la part des assurés. 12 Pascal COMPET, Associé D’Eurogroup Consulting 26 2.1.1 De nouveaux profils La crise financière de 2008, qui a touché l’ensemble des acteurs économiques, a fortement marqué le comportement des consommateurs que ce soit les ménages ou les entreprises. Elle a remis en cause les méthodes de consommation et les priorités de dépenses. La situation financière des ménages et des entreprises en 2014, reste sensiblement égale à 2008 même si une légère confiance dans la reprise économique semble envisageable. Le marché de l’assurance a vu donc ces dernières années une conjugaison de plusieurs facteurs. D’une part, la digitalisation et l’accès accrue à l’information pour les assurées comme nous l’avons vu précédemment et d’autre part, une priorisation des dépenses des assurés et donc une modification de leur comportement d’achat. Ces facteurs ont entrainé l’apparition d’une envie pour les assurées de voir si, en partant de leurs assureurs « historiques » ils pourraient obtenir un tarif plus intéressant. L’ensemble des discours et projets d’entreprises affirment, depuis de très nombreuses années, vouloir mettre le client au centre de leurs préoccupations. Mais lorsque l’on regarde plus en profondeur, on constate que certes le client était pris en 27 compte mais que la priorité était souvent donnée aux intérêts de la compagnie et/ou de ses mandants. De nombreux facteurs ont vu le profil des assurés évoluer. D’après les études de « World Insurance Report Cap Gemini », nous pouvons distinguer quatre grands types d’assurés : - Les traditionnels : Ils définissent l’assurance comme quelque chose de nécessaire pour couvrir leurs biens. Ils font partis notamment des classes CSP + et représentent 20% des foyers français. Ils sont détenteurs de six contrats d’assurance. - Les moyens : Ils définissent l’assurance comme un moyen de se protéger des risques en général. Ils ont en moyenne cinq contrats par famille et représentent 35% des foyers. - Les indifférents : Ils représentent 20% des foyers et détiennent en moyenne trois contrats d’assurance. Pour eux l’assurance est une contrainte réglementaire qui leur est imposée. - Les opportunistes ou zappeurs : Ce sont de purs consommateurs, ils représentent 35% des foyers. Détenteurs d’environ sept contrats par famille. Ils ne tissent pas de liens particuliers avec un assureur. Ils ne sont pas attachés à une marque ou une identité. Ils sont à l’affut des produits qui peuvent leurs apporter le plus de garanties possibles au meilleur prix. Ce sont les assurés les plus volatiles. La catégorie des opportunistes est la cible principale des réseaux qui basent leur développement sur une politique agressive sur les prix. Ce profil constitue donc l’essentiel des internautes qui pratiquent l’assurance en ligne. Mais comme nous l’avons vu précédemment ce n’est parce qu’ils comparent ou s’informent sur internet que les assurés que l’on pourrait catégoriser d’opportunistes, passent à l’acte de souscription. Ces clients qui donc à première vue ne constituent pas les cibles les plus adaptées aux agents généraux, restent attachés aux contacts humains. Les consommateurs veulent être écoutés, respectés, reconnus, conseillés et accompagnés et tout cela en payant le moins possible. Ce sont l’ensemble de ces besoins que l’assureur doit être en compte en essayant de trouver un savant équilibre entre tous ces éléments. 28 Selon une étude du cabinet Accenture13, 80% des assurés interrogés considèrent que les conditions tarifaires et la personnalisation du service sont les principales raisons qui conduisent à changer d’assureur. Il est à noter que 25% accepteraient de débourser davantage pour bénéficier de conseils personnalisés lors de l’achat de produits d’assurance. « La volatilité des consommateurs offre à de nombreux assureurs une formidable opportunité de gagner des parts de marché », estime Jean-François Gasc. « La personnalisation apparaît clairement comme un levier clé de fidélisation des clients existants et de conquête de nouveaux clients. Mais encore faut-il, pour tirer parti de cette tendance, être capable de repenser sa stratégie prix et de donner à chaque client le sentiment qu’il est unique. »14 C’est donc sur ces éléments que l’agent général doit capitaliser ses actions et son énergie. Il ne peut ignorer que ses clients, ses concurrents ont évolués et cela beaucoup plus vite que lui. Les assurés ont changé et la manière dont ils choisissent leur assureur également. L’agent général ne peut lutter sur le terrain des prix bas avec ses concurrents que sont la bancassurance ou les MSI mais il doit tirer son épingle du jeu en apportant une valeur ajoutée au client, un conseil personnalisé. Chose pour laquelle les consommateurs sont prêts à payer un peu plus. La souscription en ligne ne sera jamais l’unique solution pour la souscription d’assurance. Et aujourd’hui on constate que les assurés qui passent le cap de la souscription « Full Web » sont très faibles. C’est bien qu’ils souhaitent plus de conseil et plus d’accompagnement pour faire leurs choix. Ce sont des éléments qui sont dans l’ADN des agents généraux et qu’ils doivent donc remettre au centre de leur stratégie. 13 14 Etude du Cabinet Accenture réalisée en 2014, auprès de 6000 assurés. 29 2.2.2 Une réglementation plus pressante L’environnement réglementaire des agents généraux s’est, depuis de nombreuses années, alourdi de façon conséquente, notamment par l’arrivée d’importantes directives européennes qui sont venues remettre en cause les pratiques quotidiennes des agences. In fine l’objectif du législateur est d’établir au mieux la protection du consommateur. L’ensemble des recommandations, lois, directives qui se succèdent depuis dix ans viennent fragiliser l’équilibre et la pérennité des agences générales qui restent des petites entreprises. Les nouvelles obligations, qui en découlent, viennent alourdir le travail de ces agences et réclament de multiples formalités fastidieuses. Selon le baromètre réalisé auprès des agents par Exton Consulting pour l’Argus de l’assurance15, il apparaît que 65% des agents interrogés estiment que les évolutions réglementaires incessantes sont une source d’inquiétude pour l’avenir de leur entreprise. Nous allons balayer rapidement les mesures récentes qui sont génératrices d’inquiétudes fortes pour la profession. Directive intermédiation 1 et 2 Les dispositions relatives à la directive intermédiation en assurance établies par la loi du 15 décembre 2005 et entrées en vigueur au 1er Juillet 2007 sont venues bouleverser la profession d’agent général dans son rapport aux clients. En effet, cette directive transposée dans l’article 520-1 du code des assurances16 vient préciser aux intermédiaires le cadre législatif et réglementaire relatif au contenu des informations et des conseils qu’ils délivrent dans l’exercice de leur activité professionnelle. La partie informations recouvre les données que les intermédiaires sont dans l’obligation de fournir à leurs clients avant et pendant la durée de vie du 15 L’argus de l’assurance N°7372 18 juillet 2014 16 Article L520-1 « Avant la conclusion d'un premier contrat d'assurance, l'intermédiaire mentionné à l'article L. 511-1 doit fournir au souscripteur éventuel des informations relatives notamment à son identité, à son immatriculation et aux procédures de recours et de réclamation, ainsi que, le cas échéant, à l'existence de liens financiers avec une ou plusieurs entreprises d'assurance. » 30 contrat. Le devoir de conseil est une obligation de moyen, l’intermédiaire est alors tenu de conseiller son client et de l’accompagner dans sa démarche d’assurance. Cette mesure apporte également l’obligation pour l’ensemble des intermédiaires de s’immatriculer auprès de l’organisme pour le registre des intermédiaires d’Assurance (ORIAS). Chaque intermédiaire en assurance doit faire preuve d’honorabilité et d’une capacité professionnelle. Les agents généraux sont peu impactés par cette obligation de capacité professionnelle du fait de leur statut qui impose déjà un minimum de formation de 600 heures et de deux ans d’expérience. Mais cette obligation vient surtout bouleverser les collaborateurs effectuant des actes commerciaux au sein de ces agences. Ils doivent donc dorénavant répondre aux obligations de formation. Ces nouvelles obligations rythment aujourd’hui le quotidien des agents généraux. Elles ont apportés, un formalisme lourd notamment vis à vis du devoir de conseil qui leur impose de pouvoir justifier en cas de contrôle du recueil du besoin du client et du conseil délivré pour la souscription du contrat d’assurance. Le devoir de conseil est devenu l’élément principal sur lequel les agents se concentrent. En effet, il est source de nombreuses remises en cause par les assurés, dès lors que la relation avec leur intermédiaire est dégradée ou à l’occasion d’un sinistre. Le projet de directive d’intermédiation 2 (DIA 2), qui est actuellement en discussion au parlement européen, veut introduire de nouvelles dispositions venant contraindre les intermédiaires d’assurance, dans le but de toujours protéger au mieux les consommateurs. Il apporte notamment une redéfinition de l’intermédiaire en assurance. Cette nouvelle définition établit « Toute activité consistant à fournir des conseils sur les contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser des travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion ou à leur exécution, notamment en cas de sinistre, ainsi que toute activité consistant à gérer et à liquider les sinistres à titre professionnel. » Cela vient donc élargir le champ des personnes concernées par les obligations de devoir de conseil et d’information ainsi que les obligations de capacité professionnelle. Les collaborateurs d’agence seraient donc maintenant tous concernés par ces obligations. Le second aspect de cette mesure est la transparence de la rémunération de l’intermédiaire. Elle prévoit donc que l’intermédiaire est tenu de communiquer à son client la rémunération qu’il va percevoir par la vente du produit d’assurance qu’il lui propose. Cela rejoint donc le devoir d’information de l’agent vis31 à-vis de son client en lui fournissant l’ensemble des éléments lui permettant de prendre une décision de façon éclairée. Il est à noter que ces nouveautés réglementaires n’ont pas que des mauvais cotés. D’une part, ces réglementations sont nécessaires à l’amélioration de la confiance que les assurés peuvent accorder à leurs intermédiaires d’assurance et d’autre part, elles permettent de dynamiser les réseaux de distribution, notamment les agences générales qui se doivent d’évoluer. Elles les obligent à revoir leurs organisations, à repenser leurs démarches commerciales et à se concentrer sur la relation avec les clients. Mais les agences générales ne pourront assumer seules ce nouveau poids législatif. Elles doivent être aidées par les compagnies mandantes. C’est à elles de prendre la charge des procédures à mettre en place sur le terrain et à proposer à leurs réseaux, des formations, des mises en conformité ainsi qu’un accompagnement dans la transformation de leur métier. Loi sur la consommation du 17 mars 2014 dite « Loi Hamon » Avant le 1er janvier 2015, les contrats d’assurance étaient généralement régis à la tacite reconduction. Les contrats étaient donc automatiquement renouvelés à chaque échéance. L’assuré pour résilier son contrat devait alors respecter un délai de deux mois avant l’échéance de son contrat pour signifier à son assureur qu’il souhaitait mettre fin à son contrat. L’article L112-15-2 du code des assurances vient bousculer cette règle. Ce texte (nommé Loi Hamon) prévoit que : « les clients ont désormais la possibilité de résilier leurs contrats d’assurance automobile, habitation et assurances affinitaires dès qu’ils le souhaitent une fois que la première année d’assurance est passée. » Cette révolution réglementaire vient fortement impacter l’activité des agents généraux. En effet, comme nous l’avons vu dans les marchés de prédilection des agents, ils tirent quasiment la moitié de leurs commissions grâce à l’assurance automobile ainsi que l’assurance habitation. Cette mesure inquiète fortement les réseaux d’agents généraux qui voient, en plus de la montée en puissance de leurs concurrents sur les risques du particulier 32 (bancassureurs, vente directe, Mutuelles sans intermédiaires), un bouleversement mené par les législateurs. Même si 73% des agents généraux estiment que l’arrivée de la Loi Hamon va entrainer une perte de clientèle, ils sont 61% à anticiper la venue de nouveaux clients. Cette réforme est un accélérateur de mutation pour les agents généraux, ils se retrouvent bousculés sur les risques qui constituent leur fond de commerce. Mais ils ont conscience dans la nécessité de faire évoluer leur organisation pour réussir durablement sur le secteur des particuliers. Il serait intéressant d’établir une gestion plus industrielle des assurances du particulier, notamment par une automatisation de certaines tâches. Le point faible des agents est l’adoption des nouveaux outils, il faut donc mettre un coup d’accélérateur sur la gestion électronique des documents et les programmes de tarification. Cette nouvelle mesure vient mettre à mal la fidélité des assurés vis-à-vis de leurs assureurs. C’est donc sur cet aspect que l’énergie doit être concentrée par les réseaux d’agents. Notamment grâce à l’amélioration de la qualité de service et cela plus particulièrement lors d’un sinistre. Il faut également savoir reconnaître et récompenser ses clients fidèles et multi-détenteurs, par des cadeaux commerciaux 33 ou des rachats de franchise. La fidélisation du client passe également par l’augmentation du nombre de contacts avec lui, notamment par les e-mails ou SMS. L’objectif est de suivre au mieux l’évolution des besoins du client pour toujours pouvoir lui apporter une solution. Cette loi n’est qu’un élément de plus pour faire prendre conscience aux agents généraux que leur modèle historique ne peut survivre durablement dans l’environnement en mutation constante du marché de la distribution d’assurance. Ils ne peuvent se reposer sur les particuliers, qui aujourd’hui ne cessent d’être courtisés par de nouveaux acteurs. Les agents doivent donc partir en conquête de marchés à fort potentiel qui ne sont pas pour le moment saturé comme peut l’être l’automobile ou l’habitation. Cette diversification vers par exemple une clientèle professionnelle et patrimoniale, demandeuse d’une forte valeur ajoutée de conseils, est le secret du maintient des niveaux de rémunération des agences et de leur développement. Accord national interprofessionnel de sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013 (ANI) L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (ANI) instaure la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés du privé. En clair chaque entreprise à partir du 1erJanvier 2016 devra offrir à ses salariés une complémentaire santé couvrant un niveau de garantie minimum fixée par décret. Du coté des agents généraux, il faut s’attendre à une perte de chiffre d’affaires à horizon 2016, puisque les salariés ayant souscrits un contrat individuel se verront proposer par leurs entreprises une couverture santé. L’impact de cette mesure sera relativement limité sur les agents généraux car rare sont ceux qui avaient fait le choix de définir l’assurance santé individuelle comme activité principale. Mais les agents généraux estiment que 10% 17 de leurs commissions annuelles risquent d’être menacées par la généralisation de la complémentaire santé. 17 L'Argus dans le cadre de l'Observatoire réalisé avec Exton Consulting 34 Les agents généraux se disent donc à 75% inquiets par l’arrivée de la généralisation de la complémentaire santé. Mais beaucoup d’agents ont déjà pris les devant et pensent que cette mesure, qu’ils pourraient croire menaçante, constitue au contraire un moyen de rentrer plus profondément sur le marché des entreprises (qui constitue un marché plus rentable que les particuliers). « Les agents veulent conserver le marché de la collective : Près de 60% comptent développer davantage cette activité et plus de 30% faire leurs débuts sur ce marché. La santé des TNS et des seniors constitue un axe d’investissement, devant la prévoyance et l’assurance de dommages. » Mais la question de se tourner et d’investir un nouveau marché, nécessite la prise en compte de plusieurs éléments. D’une part, la formation des agents et des collaborateurs d’agences. En effet, peu d’agents sont présent sur le segment des assurances collectives. La difficulté apparaît donc dans l’apprentissage du degré d’expertise nécessaire pour proposer ces produits. En filigrane s’inscrit donc le risque de se mettre en danger vis-à-vis de leur devoir de conseil dont les contours ont récemment été renforcés par la Directive DIA 2. D’autre part, la question de la rentabilité de ce produit est également au centre des préoccupations, en effet le commissionnement sur ces produits sont relativement faibles (environ 5%). C’est donc à ce croisement que l’agent général doit prendre sa décision. Pour être efficace et conquérant sur le marché des assurances collectives, il doit investir et s’investir dans une formation spécialisant sans pour autant être sûr d’un retour 35 d’investissement compte tenu de la rémunération de ce produit et des concurrents qui comme lui voient ce créneau comme une opportunité de marché. « Proximité, conseil, réactivité et suivi personnalisé sont des atouts face aux mutuelles et aux instituts de prévoyance qui une fois leur contrat vendu n’offrent que peu de service » estime un agent Allianz. L’agent général doit donc considérer l’accord national interprofessionnel de 2013 généralisant la complémentaire santé pour les salariés du privé comme une opportunité d’entrer dans l’entreprise grâce à un produit d’assurance collective, qui ne lui apporte pas forcement grande rémunération, mais qui lui permet de pouvoir par la suite multi-équiper son client et établir une rentabilité globale sur l’ensemble du client et non pas contrat par contrat. 36 Troisième partie : Un métier à réorganiser Nous avons donc vu précédemment les éléments constitutifs du modèle d’agent général et les évolutions de son statut qui lui permettent d’être historiquement un distributeur incontournable sur le marché de l’assurance et de pouvoir mettre en avant sa force de proximité et de confiance avec les assurés. Mais cette réussite tend aujourd’hui à s’étioler de part l’arrivée de nombreux concurrents venant modifier les modes de distribution mais également l’évolution de l’environnement réglementaire des agents ainsi que les nouveaux profils d’assurés. C’est donc ce modèle qui aujourd’hui semble être remis en cause ces menaces. Les forces imposantes des agents généraux laissent à penser qu’ils ne peuvent que perdurer mais pour cela leur métier est dans l’obligation d’évoluer et de remettre en certaines habitudes vis-à-vis des assurés. Cette transformation ne pourra se faire que part la volonté des réseaux d’accepter les changements nécessaires à leur renouveau ainsi que part l’investissement et l’accompagnement des compagnies mandantes de leurs réseaux d’agences. 3.1 D’une orientation produit à une orientation client 3.1.1 Un rôle de « risk Manager » Nous avons donc vu dans la seconde partie que l’environnement des agents généraux est entrain de profondément se modifier. L’acteur de ce changement est sans conteste l’assuré. Il est donc évident que les agents ne peuvent oublier que sans les assurés leur business cesse de fonctionner. C’est donc à eux de s’adapter à leurs nouveaux besoins et de prendre en compte les nouvelles attentes de ces assurés. Le chamboulement en cours et qui ne va cesser de s’intensifier sur le marché de dommages des particuliers oblige l’ensemble des agences qu’elles soient petites ou 37 d’une taille plus conséquente à explorer de nouveaux marchés et leviers de développement. Il est évident que cette nécessité de changement, impacte plus les petites structures que les grosses mais, il est à mes yeux, inévitable pour elles de faire le choix de s’orienter à des degrés différents vers le marché des entreprises et professionnels. Ce marché encore peu touché par les bancassureurs ou les mutuelles sans intermédiaire représente un vivier très important de prospects. En effet, ce sont ces cibles qui aujourd’hui sont à la recherche dans leur démarche d’assurance d’un partenaire de confiance, en mesure de leur apporter une expertise technique ainsi que des conseils afin d’assurer au mieux la pérennité de leurs activités. Il est donc aujourd’hui nécessaire de ne plus penser par produits mais plutôt par clients. L’agent doit être pour les entreprises, l’interlocuteur privilégié lorsqu’elles souhaitent réaliser un investissement. Il doit aujourd’hui être quasiment le « risk manager » des entreprises. C’est par cette porte que l’agent général va pouvoir s’immiscer dans la vie des entreprises et être un acteur impliqué dans celle-ci. C’est ce rôle de conseiller qui semble pour moi être le vecteur principal de renouveau pour les agents généraux. Depuis plusieurs années, l’agent est devenu plus un gestionnaire de contrat qu’un commercial prospecteur multipliant les actions de conquête. Ces agents doivent donc retrouver l’essence même de leur métier, l’expertise commerciale et technique au service de ses assurés. C’est en recentrant leurs efforts sur l’accompagnement client, le conseil et le soutien technique, qu’ils vont pouvoir à nouveau partir à la conquête d’une clientèle qui recherche de leur intermédiaire en assurance une valeur ajoutée particulière. Et qui de mieux qu’un agent général, lui-même dirigeant d’une entreprise, pour répondre aux interrogations et aux besoins des autres entreprises. Grâce à ce pied dans l’entreprise, il sera possible pour lui de conquérir un marché à fort potentiel à savoir, la complémentaire santé pour les salariés des entreprises du secteur privé. Les agents doivent se mettre au service des entreprises en misant sur leur forte connaissance du tissu économique local, leur maîtrise de l’assurance en général ainsi que leur connaissance des problématiques des chefs d’entreprises et cela d’autant plus pour les petites structures qui ne disposent pas d’un service de ressources humaines en interne. 38 Ce développement sur la santé collective doit se faire par une intense prospection sur les professionnels et entreprises (déjà en portefeuille) en proposant de réaliser un bilan centré sur la protection sociale des dirigeants et des salariés. Pour réussir, il sera bien évidemment nécessaire de réorganiser l’organisation des agences notamment en embauchant des commerciaux spécialisés dans le domaine des assurances des professionnels et des entreprises. L’ensemble de la chaîne de traitement doit également se former, cela passe donc par l’agent général lui même mais également et surtout par l’ensemble des collaborateurs de son agence. Ils doivent être en mesure de garantir aux entreprises un suivi du contrat et une qualité de service en adéquation avec les besoins spécifiques des entreprises. Cet investissement financier et humain risque d’être une tâche importante pour le quotidien des agences. Mais la modification de structure des portefeuilles est une obligation pour assurer la pérennité des commissions. Il faut donc abandonner la conquête par le produit et se tourner vers une conquête par le client. C’est en analysant de façon globale le client, que l’agent général pourra lui proposer une solution d’assurance pour chaque facette de ce client. Par exemple, il propose à un chef d’entreprise de le couvrir dans sa vie personnelle (habitation, automobile, épargne) et grâce à ce point d’entrée, il va être en mesure ensuite de lui proposer une couverture pour son entreprise (bâtiments, machines, etc.), puis la couverture des salariés de l’entreprises et ainsi de suite. Cette couverture globale du client permet de créer des assurés multi équipés générant pour l’agent un volume de prime important qui est supérieur à l’investissement réalisé pour le conquérir. 3.1.2 Une fidélisation à tout prix La conquête du marché des professionnels et entreprises doit être une objectif mais il ne faut pas abandonner le combat sur le marché des particuliers. Même si l’érosion des parts de marché des agents généraux est indéniable, celles-ci risquent d’être d’autant plus menacées par l’arrivée des évolutions réglementaires importantes tel 39 que par exemple, la loi Hamon. En conséquence, « la prise en compte du client va prendre un relief particulier et la fidélisation va être une réalité fondamentale »18 La fidélisation du client ne résulte pas de l’application d’une méthode universelle mais celle-ci est le fruit d’une série d’actions et d’attitudes qui sont propres à l’agent ou à ses équipes. Aujourd’hui, l’enjeu est de conserver les bons clients en portefeuille et de les encourager à en souscrire de nouveaux. La fidélisation passe par le multi équipement client. Ce qui pousse un client à résilier son contrat, ce n’est pas forcement le prix mais c’est souvent une mauvaise relation ou expérience avec son intermédiaire, comme notamment lors du règlement d’un sinistre. Ce n’est donc plus le produit qui fait la différence mais c’est la relation que l’agent entretien avec son client. La fidélisation passe donc par la volonté de l’agent à rester au centre de la relation avec son client, une relation intuitu personae forte, valorisée par la connaissance et la proximité de l’assuré. Comme je l’indiquais, cette méthode n’est pas une solution unique, elle doit être appliquée par l’agent à des degrés différents et cela en fonction des critères qui lui sont propres (notamment la taille de son agence, sa localisation, la typologie de sa clientèle ainsi que des moyens qu’il a en sa possession). Cette relation doit s’établir d’une part, en amont du contrat par l’information de l’assuré sur la réalité de son risque, l’adaptation de l’offre d’assurance en fonction de ses besoins ainsi que l’explication des garanties et d’autre part, par le suivi post-souscription. La relation de fidélisation passe donc surtout dans le suivi que l’agent fait des contrats qu’il fait souscrire. Augmenter le plus possible le nombre de contact avec ses assurés est gage d’engagement. Cela passe notamment par suivre les évolutions de la situation de l’assuré (situation familiale, professionnelle), par l’envoi d’un avis d’échéance personnalisé mais surtout la présence de l’agent lors de la survenue d’un sinistre. La fidélisation de l’assuré est une tâche partagée entre le réseau d’agents généraux et les compagnies mandantes. En effet, ils ne peuvent fonctionner l’un sans l’autre. Les compagnies doivent être en mesure de fournir des produits avec un rapport qualité/prix correct ainsi que de promouvoir une marque forte. De son côté, comme nous l’avons vu, l’agent a pour rôle d’établir avec ses clients une relation forte. 18 Hervé de Veyrac, président d’AGEA 40 L’élément clé, outre l’investissement personnel des agences, est les budgets commerciaux mis à la disposition des agences pour récompenser ou conserver les bons clients en portefeuille. Ces budgets permettent aux agents de mettre en place des programmes récompensant les clients anciens ou multi équipés par le biais de rachats de franchises, de cadeaux. Le comportement du client évolue dès lors qu’il a accès à un avantage lié à sa fidélité. Des initiatives notamment d’AXA, mettent en place des clubs VIP destinés aux clients fidèles. Ces clubs leur offrent divers avantages, notamment des interlocuteurs privilégiés en cas de demandes et une analyse globale de leur situation lors des revalorisations de leurs contrats. La composante de fidélisation va de paire avec celle de la multi détention. En effet, on considère que plus un client détient de contrats, plus il est fidèle. Or, la multi détention n’est pas gage de fidélité de l’assuré. C’est la satisfaction du client qui le pousse à être fidèle et à souscrire plusieurs contrats. Pour un agent général, fidéliser sa clientèle, c’est verrouiller son revenu récurrent et donc la valeur de son portefeuille. La satisfaction client doit être suivie par des moyens modernes et réactifs comme le « Net promoteur score ». Ce dispositif permet de mesurer la satisfaction de l’assuré suite à un événement intervenu sur son contrat (souscription de l’affaire nouvelle, demande d’avenant, règlement de son sinistre). L’assuré est interrogé sur le traitement de sa demande et la qualité de la réponse qui lui a été apportée. Cette satisfaction est ensuite mesurée sur une échelle de 0 à 10. Les réponses allant de 0 à 6 définissent les clients détracteurs, celles de 7 à 8 concernent les assurés neutres et les réponses allant de 9 à 10 représentent les clients promoteurs. Les agents peuvent donc capitaliser sur ces clients promoteurs pour leur proposer de souscrire d’autres contrats et pour tisser une relation plus profonde avec eux. Et en contre partie, les assurés détracteurs doivent être recontactés pour comprendre leurs insatisfactions. Les agents généraux verront donc leur survie sur le marché des particuliers grâce à la prise en compte des nouveaux besoins des assurés ainsi que la relation de conseiller qu’ils peuvent entretenir avec eux. La fidélisation composée du multi équipement et de la satisfaction client est l’objectif majeur pour les années à venir pour les réseaux d’agents généraux. Il est évident qu’ils ne pourront réaliser celui-ci efficacement sans l’appui et le soutien de leurs compagnies par l’apport des nouveaux outils et d’une politique budgétaire repensée. 41 3.2 Une modernisation des réseaux 3.2.1 Intégration du multicanal Le terme « multicanal » englobe et se décompose en deux notions : « multicanal » et « crosscanal ». Les entreprises de service qui déploient une stratégie multicanal, la déclinent généralement en deux phases. Une phase multicanal, puis une phase crosscanal. Certaines, en retard sur la phase multicanal (n’ayant pas développé différents canaux de distribution ou de contact avec le client), déploient directement la phase crosscanal. Le multicanal stricto sensu consiste en l’utilisation de différents canaux de contact (physiques ou dématérialisés) pour la vente et/ou la relation clients. Elle est souvent associée au déploiement d’outils informatiques, spécifiques à chaque canal de distribution ou de contact. Les canaux sont indépendants les uns des autres et les informations clients ne sont pas partagées. De ce fait, il existe un fonctionnement en silos et ces différents canaux sont peu ou pas coordonnés. Le déploiement de ce multicanal constitue la première étape où l’entreprise va pouvoir interagir avec ses clients sur différents canaux de distribution ou de contact. Le crosscanal, aboutissement du multicanal, a pour objectif une gestion croisée entre les différents silos des informations clients et de son parcours, de ses demandes et de ses actions. Ceci permet de faciliter le traitement des demandes, de générer confiance et attrait des clients potentiels et de faciliter la gestion intraentreprise. Le traitement en crosscanal vise à détruire les barrières entre les différents canaux de contact et de distribution afin de créer un projet commun de communication. Pour parvenir à fournir à l’utilisateur, en l’espèce à l’assuré ou le futur assuré, une expérience optimale, sans coutures, une convergence des outils déployés apparaît nécessaire. Le crosscanal étant un terme plus récent, il ne s’est pas encore imposé à tous, mais une stratégie multicanal cohérente pour une entreprise de services se doit d’être crosscanal. Dans le cas d’un business model reposant sur un réseau d’agents généraux, le déploiement d’une stratégie multicanal semble problématique. En effet, les agents généraux, indépendants, et les compagnies ont des intérêts nécessairement liés, mais quelque peu contradictoires, voire opposés, comme lorsque la compagnie 42 entend proposer aux clients des services de souscription et de gestion en ligne à prix moindre, court-circuitant son réseau d’agents généraux. Le déploiement d’une stratégie multicanal aura indéniablement de profondes conséquences sur le métier d’agent général. Mais cette stratégie est inévitable pour ce réseau et elle est motrice de nombreuses opportunités. En effet, la maîtrise du multicanal par les réseaux d’agents généraux peut constituer un réel avantage compétitif permettant de gagner des parts de marché. Un agent qui, ne souhaiterait pas s’inscrire dans cette démarche d’intégration de nouveaux canaux, s’exposerait à une perte potentielle de parts de marché. Cette stratégie multicanal émane des compagnies et se répercute sur les réseaux. L’objectif est de diversifier les possibilités de prise de contact et les modes de souscription pour pouvoir être en mesure de traiter l’ensemble des demandes venant de tout type de prospect. Les compagnies d’assurance ont donc mis en place de très nombreux outils pour inciter les agents généraux à s’impliquer dans ces changements majoritairement digitaux. Le premier élément est la visibilité de l’agence sur internet. En effet, peu d’agences disposent d’un site mettant en avant leurs spécialités, des numéros ou adresses de contacts. L’ensemble des compagnies proposent aujourd’hui à leurs réseaux, de façon plus ou moins avancée, les outils pour créer cette vitrine virtuelle. Il est donc essentiel que les agences prennent le temps de constituer leurs pages de présentation. Tout cela pour offrir au client des éléments pratiques et visuels qui vont lui permettre de développer un lien de confiance avec son intermédiaire ainsi que de pouvoir mettre un nom et un visage sur celui-ci. Cela passe par une présentation de l’équipe, une photo de l’agence, les coordonnés, les horaires d’ouverture, les éventuelles offres promotionnelles ainsi que bien évidemment un point d’entrée vers l’espace client sur lequel nous allons nous pencher. Certains agents généraux prennent même l’initiative d’être présent sur les réseaux sociaux, type Facebook ou Linkedin. L’objectif étant de créer un lien de proximité avec les assurés et en développant la notoriété numérique de l’agence. Certains agents mettent en place des tranches horaires chaque semaine pendant lesquels ils sont à l’écoute des assurés pour répondre à leurs besoins ainsi qu’à leurs questions. La digitalisation de l’assurance est une opportunité pour les agences de réaliser massivement des gains de productivité. L’ensemble des tâches administratives qui, 43 alourdissent le quotidien des agences peuvent aujourd’hui être allégées par les outils et interfaces mis à disposition des assurés. Ces interfaces sécurisées permettent aux assurés de gérer leurs contrats à tout moment. Les assurés peuvent donc éditer seul leurs attestations, suivre le règlement de leurs sinistres et modifier eux-mêmes leurs informations. Il est évident que ces espaces de gestion sont un des facteurs qui participent à la désertification des agences. Les agences doivent mettre à profit ce gain de temps pour prospecter de nouveaux clients ou pour améliorer leur relation client. Mais, contrairement à ce que pourraient croire les agents, le multicanal peut leur apporter la possibilité de générer à nouveaux un flux de visite plus important en agence. En effet, aujourd’hui l’ensemble des compagnies d’assurances oriente leurs stratégies commerciales vers une distribution multi-accès. Ce virage est incontournable pour chaque acteur de l’assurance qui souhaite conserver ses parts de marché. Mais les différentes composantes de ce multicanal ne doivent pas simplement se superposer pour évoluer chacune de leur coté de façon autonome. Elles doivent toutes coopérer et se coordonner pour atteindre de la façon qui sera la plus efficace chaque type de client. Comme nous l’avons vu auparavant, il existe de nombreux profils de clients. Ceux qui restent attachés à 100% au contact humain et qui s’en remettent donc totalement à leur agent général. Il existe également le profil hybride (peut être le plus répandu) qui allie digital et physique. Il s’informe sur internet et se rend en agence pour souscrire son contrat. Puis viens le dernier profil qui prend le parti de souscrire son contrat totalement en ligne sans contact avec un professionnel. Ce dernier est encore très peu répandu. Il faut donc offrir à l’ensemble des typologies de clients, une expérience « sans coutures » entre les canaux qu’ils utilisent et où ses différents interlocuteurs pour une même société d’assurance apportent un discours cohérent et qui assurent une bonne qualité de servie quelque soit le canal utilisé. Il est évident que ce modèle multicanal n’est pas forcement simple à mettre en place. Il crée de nombreuses tensions entre notamment les réseaux et les compagnies. De nombreux arbitrages doivent être encore réalisés dans les conditions de sa mise en 44 place sur ces prochaines années. Notamment la question de la rémunération des réseaux d’agences dans le cas d’un contrat souscrit par le biais d’internet. Aujourd’hui la solution parfaite n’a pas été trouvée, certaines compagnies font le choix de proposer aux clients qui cherchent une assurance en ligne de finaliser la souscription en ligne ou d’être mis en relation avec un agent général pour enrichir le contenu de leurs contrats. Même principe pour la vie du contrat, le client peut choisir d’être géré à 100% en direct ou d’être lié à un agent général pour la gestion de son contrat. L’objectif étant d’orienter le client selon ses besoins soit vers un point de vente physique soit dématérialisé. Certaines compagnies font le choix d’offrir uniquement la possibilité aux clients de réaliser des devis en ligne et par la suite les orienter vers un agent sur la base de la géolocalisation pour la souscription définitive du contrat. Le choix ici, est de se servir d’internet uniquement pour capter les prospects pour ensuite les réorienter totalement vers les réseaux d’agences de proximité. De nombreux ajustements vont donc se mettre en place ces prochaines années. Mais il est de mon point de vu évident qu’un canal ne remplacera jamais un autre. Ils vont tous cohabiter et chacun trouvera sa place dans la chaine de distribution des compagnies. Cette stratégie multicanal va profondément modifier le métier des agents généraux mais cette modification est inévitable pour pouvoir continuer à peser sur le marché de l’assurance. Cette modification fondamentale va être très largement intégrée au fil des années et du renouvellement générationnel des agents généraux. A long terme, je pense que cette stratégie sera le salut du statut d’agent général. 3.2.2 Un changement qui doit être soutenu par les compagnies Les agents généraux ne pourront pas réussir seul leur mutation. Pour relever un tel défi, les compagnies mandantes doivent leur mettre à disposition des moyens importants afin de les aider à modifier leur travail au quotidien. 45 La Formation Nous avons avancé précédemment l’idée de devenir le partenaire des chefs d’entreprises afin de progresser et de s’imposer sur le marché des professionnels et des entreprises. Mais ce nouveau rôle ne pourra se faire sans une formation pointue des réseaux. Les agents généraux et leurs collaborateurs doivent être en mesure de définir les risques des entreprises, de connaître leurs attentes ainsi que les spécificités de leurs activités. Les compagnies mandantes se doivent donc de proposer aux agents désireux de se lancer sur le risque d’entreprise d’acquérir les bases techniques mais également un approfondissement spécifique pour les agents déjà présents sur ces risques. Ces programmes de formation doivent pouvoir être accessibles à l’ensemble des niveaux de connaissance. Nous pouvons citer l’exemple d’AXA qui offre à ses agents la possibilité de suivre un cursus de formation composé de 3 cycles : « découverte de l’entreprise » pour les « débutants », le second est la possibilité de parfaire ses connaissances à l’école de l’entreprise, et s’ils souhaitent valider officiellement leurs connaissances ils ont la possibilité d’obtenir un diplôme universitaire grâce au partenariat établit avec EuroMed . Ces formations sont des éléments de motivation pour les agences. En effet, les compagnies qui les mettent en place offrent en contrepartie du suivi de celles-ci des délégations plus importantes sur certains produits offrant à l’agent une liberté plus importante dans ses actions. Les agents doivent également être accompagnés par les compagnies dans une démarche de conseil vis-à-vis des droits et obligations de l’employeur quand à la formation des collaborateurs ainsi que l’analyse des besoins de formation. La formation est vraiment le point clé de la transformation des agences. Elles ne doivent pas concerner uniquement les agents mais au contraire pouvoir englober l’ensemble des collaborateurs. Le poids réglementaire que nous avons abordé dans le chapitre précèdent est une des préoccupations actuelle des agences. Pour que l’ensemble des collaborateurs aient les armes pour réaliser correctement leur travail, il doit leur être offert la possibilité de se former, au même titre que les agents, sur les évolutions de leur métier. L’objectif est de faire monter en compétence les collaborateurs d’agences afin qu’ils soient en mesure d’évoluer en autonomie face au client. Ils doivent pourvoir prendre 46 le relai de l’agent général pour proposer aux clients des produits ayant une valeur ajoutée. L’autonomie des collaborateurs va permettre par la suite, à l’agent général, de se dégager du temps de prospection et de rendez-vous avec les clients à fort potentiel. Les supports de formation se doivent d’être variables et évolutifs. En effet, l’effectif des agences étant en moyenne de 2,3 salariés19, la mobilisation d’un collaborateur pour une formation réalisée au siège de la compagnie peut venir fortement bouleverser le fonctionnement de l’agence. C’est pour cela que des formats pédagogiques de type e-learning ou classes virtuelles sont à explorer. Certains thèmes sont donc aujourd’hui incontournables : « La performance et l’efficacité commerciale, la gestion et l’optimisation de la relation client ainsi que la stratégie et la relation avec le client multicanal ». La montée en compétence de l’ensemble des acteurs des réseaux d’agents généraux est nécessaire et est un passage obligé pour que les grands changements, qui vont s’opérer dans les années à venir, puissent être source de développement et de croissance. Generali Performance Globale Les compagnies mandantes ont bien intégré que pour que leurs agents puissent réussir sur le marché des entreprises, ils devaient avoir des outils techniques et innovants pour répondre aux besoins des chefs d’entreprises. Chaque compagnie propose donc aujourd’hui son processus d’accompagnement des entreprises mais nous allons nous prendre l’exemple de la démarche mis en place par Generali France. Le programme Generali Performance Globale est une méthode de développement commerciale issue de 10 ans d’expérience et d’engagement de l’entreprise autour des questions de Responsabilité environnementale des entreprises ainsi que la maîtrise des risques. Cette démarche créatrice de valeurs, repose sur une approche innovante et fidélisante qui vise à accompagner les entreprises dans le pilotage de leurs risques. 19 Etude de l’observatoire des métiers et des qualifications du personnel des agences générales d’assurance 47 Generali performance globale est donc l’opportunité pour les agents généraux Generali de se positionner en tant que véritable partenaire de l’entreprise. Ce processus comprend plusieurs phases : - Un recueil des informations : L’entreprise est étudiée dans son environnement pour prendre en compte l’ensemble de ses besoins d’assurances. Cette collecte d’information est réalisée grâce à un entretien avec le chef d’entreprise qui renseigne l’agent sur sa structure selon 5 items. L’activité, la stratégie, l’organisation, les finances ainsi que les clients et les marchés sur lesquels l’entreprise évolue. - L’identification des risques : En plus de l’analyse classique des risques (bâtiments, matériels, marchandises), l’objectif est d’identifier les défaillances potentielles qui peuvent empêcher l’entreprise d’atteindre ses objectifs ainsi que d’évaluer la performance réelle en matière de gestion des risques. Cette analyse innovante des processus associe les outils de démarche qualité à la technique assurantielle. - La restitution de l’analyse : L’agent général dresse un rapport détaillé, fondé sur l’analyse méthodique de l’entreprise. Ce diagnostic permet de représenter son degré de maîtrise des risques, de valoriser ses engagements et ses actions en matière de qualité. Ce rapport dresse les points forts et points faibles et propose des axes de progrès afin d’aider l’entreprise à diminuer ses risques et ainsi optimiser sa performance. L’agent est alors en mesure d’apporter au chef d’entreprise un programme d’assurance mesuré au plus juste des besoins définis. Un plan de progrès est établi pour aider l’entreprise à mettre en évidence ses vulnérabilités et place le tandem agent général – Chef d’entreprise dans une logique d’amélioration continue. - Accompagnement de l’entreprise : Le but premier de Generali Performance globale repose sur un partenariat durable entre l’entreprise et son intermédiaire d’assurance. Cela permet un suivi personnalisé par une équipe dédiée et impliquée, dans une relation à forte valeur ajoutée. Ce type de démarche permet à l’agent général d’établir une fidélisation des clients, de sécuriser les risques souscrits, d’obtenir une valorisation globale de son expertise (professionnelle, image, réputation). Mais également cela lui permet de se différencier de la concurrence et d’optimiser la relation client. 48 Ici le client n’est plus analysé selon les produits qu’il souscrit mais dans sa globalité. Labélisation Les compagnies visent à offrir à leurs agents des moyens de valoriser leur implication commerciale sur le terrain et récompenser l’énergie déployée sur les différents marchés. Elles poussent donc aujourd’hui, la mise en place de certification ou labélisation des agences en fonction des domaines d’excellence de chacune. Ces labels permettent aux agents de mettre en avant leur expertise auprès des clients, ils prouvent par cela leurs connaissances et leur savoir faire. C’est donc un élément de motivation pour les agents. Car ces labélisations offrent de nombreux avantages aux agences qui mettent en œuvre les efforts nécessaires afin de répondre aux critères de certification. Ces distinctions sont généralement obtenues à la suite d’un cursus de formation sur le domaine concerné (risque entreprise, épargne, collective). Ces avantages sont notamment, une délégation plus large sur les domaines de produits concernés par la certification. Par exemple, des pouvoirs de souscription plus larges ou la faculté de maintenir en agence la gestion des sinistres de faible valeur. Elles offrent également l’accès privilégié à certains interlocuteurs spécialisés de la compagnie comme les SPE (souscripteurs préventeurs Entreprise) ou à un traitement spécifique des demandes des agents labélisés leur assurant un délai de réponse plus court. Mais l’avantage principal est bien évidemment financier. En effet, ces labélisations offrent aux agences des budgets commerciaux plus important. Les agences labélisées disposent d’une enveloppe commerciale conséquente leur permettant d’avoir une marge de manœuvre commerciale étendue. Cela pour accélérer le développement de leurs activités sur les produits liés aux labels. Cette enveloppe financière supplémentaire va permettre à l’agence de pouvoir moduler sa politique tarifaire sur certains produits et donc lui permettre soit de défendre ses contrats lors des renouvellements en proposant des réductions à ses clients fidèles. Soit d’en attirer de nouveaux à fort potentiels grâce à des offres d’appel. Les compagnies mandantes ont donc tout intérêt à proposer ce type de dispositif à leurs réseaux d’agences. En effet, l’apport de ceux-ci est plus que bénéfique des 49 deux cotés de la relation. D’une part, les compagnies poussent les agents généraux à se former et à développer leur expertise sur différents risques. Cette excellence technique des réseaux vient en bout de ligne renforcer l’image de marque de la compagnie et accroitre la notoriété de l’entreprise. D’autre part, les agents se sentent motivés par leurs mandantes et voient dans ces dispositifs un moyen d’obtenir des pouvoirs supplémentaires (de souscription, de gestion ou de règlement de sinistres) ainsi que des moyens financiers plus importants. Par ailleurs, ces certifications sont des gages de qualité et de reconnaissance de leur travail qui vont leur permettre de prouver à leurs clients leurs capacités professionnelles. Rénovation des agences Chaque agence fait le choix lors de son installation d’un emplacement ou d’une décoration. Du fait de leurs historiques certaines sont situées au centre ville, d’autres dans des quartiers d’affaires ou encore en périphérie des villes. Certaines agences sont décorées de façon rustiques et d’autres dans un style plus moderne. Aujourd’hui une rénovation des agences s’opère sur l’ensemble des réseaux. Il est nécessaire pour les compagnies d’essayer d’harmoniser l’ensemble de ses points de ventes en proposant à ses intermédiaires de mettre en place une charte visuelle et commerciale. En effet, il est important de doter leurs réseaux d’une image reconnaissable par les clients sur l’ensemble du territoire. Cela passe notamment par une signalétique commune à toutes les agences mais également la fourniture du mobilier par la compagnie. L’aspect essentiel de cette rénovation est la création d’un espace de vente de qualité qui invite les clients à se sentir chez eux. Il faut donc créer un espace convivial et personnel. Ces espaces doivent être des lieux où le client est disposé à attendre en cas de forte affluence. L’image de la compagnie est véhiculée par son réseau d’agences. C’est pour cela, qu’elles doivent répondre aux standards voulus par la compagnie. Aujourd’hui, une zone d’attente meublée de canapés, de téléviseurs, une fontaine à eau, permet de véhiculer l’attachement des agents à la qualité de service rendu au client. Le point de vente est un outil de communication. La beauté et la qualité des locaux est primordiale car elle permet de véhiculer une image de sérieux. Ce lieu doit également être agréable pour les collaborateurs. Aménager un lieu où les 50 collaborateurs ont plaisir à travailler est essentiel pour la qualité de service rendue au client. Les agences constatent que la fréquentation des clients est en baisse, cela étant du à la démocratisation du web et du téléphone. Les visites ont donc aujourd’hui, l’occasion de prendre leur temps avec les assurés et de réaliser des entretiens approfondis à forte valeur ajoutée, sur le modèle d’un bilan/conseil. Les points de vente doivent donc refléter la modernité de la relation client. L’intégration des éléments du digital notamment les tablettes ou écrans montrent au client que son agent général est au fait des évolutions technologiques et est intégré dans la modernité. Pour montrer que leur profession évolue et se rajeunit, une rénovation globale des agences doit être soutenue par les compagnies en fournissant les moyens commerciaux, matériels et informatiques à ses agences. Outils performants La digitalisation des agences est une nécessité. En effet, l’intégration du multicanal ne peut se faire sans une modernisation des outils mis par les compagnies à la disposition des agents généraux. Les nouveaux outils du numérique constituent de une opportunité pour les agences de se libérer de la charge administrative importante que constitue la gestion au quotidien des contrats. Mais également, ils apportent des innovations techniques et commerciales dans le traitement et l’analyse des besoins des assurés. La mise en place des systèmes de gestion électronique des documents ou des espaces sécurisés doit être un élément d’optimisation dans le traitement des demandes. Les agences doivent prendre rapidement le virage du numérique si elles souhaitent s’intégrer au mieux dans l’ère du web. Leur capacité à gérer les contacts issus d’internet et d’en assurer le suivi sera la clé de développement des agences. « Le développement du digital dans les agences constitue un nouveau moyen de créer 51 des flux dans nos agences à condition de s’organiser et d’être hyper réactifs sur les délais de réponse »20. Aujourd’hui l’utilisation des outils de communication reste encore très basique. Une majorité des agents utilisent la messagerie électronique, mais ils sont encore très peu à se servir des SMS, des réseaux sociaux ou même du « tchat ». Le chantier prioritaire est l’exploitation plus importante des sites internet des agences (animation, modernisation, commercialisation et même référencement). La présence sur les réseaux sociaux est également le générateur de contacts dans l’univers de particuliers mais également des professionnels. Le quotidien des commerciaux doit également être impacté par le digital. Les compagnies se doivent donc d’apporter des solutions digitales pour permettre une fluidification des souscriptions et une simplification du recueil des informations clients lors des rendez-vous. Cela passe donc notamment par l’équipement des équipes commerciales de tablettes numériques permettant la saisie de façon nomade des documents de visites de risques, d’une réalisation en direct des devis, de simulations et même de la souscription en direct d’un contrat chez le client. La mise en place de la signature électronique des documents notamment sur tablette va accélérer le processus de souscription en limitant le nombre d’échange nécessaire à la finalisation des contrats. En plus de ces outils, les compagnies doivent être en mesure de mettre à la disposition des agents des outils de CRM (gestion de la relation client) efficaces permettant de segmenter précisément les assurés et d’aider le développement commercial. Ces outils permettant d’avoir une vision globale du client et de son foyer, de cibler efficacement les assurés par des campagnes marketing et enfin pouvoir effectuer un suivi de l’activité commerciale des agences. Aujourd’hui les agences sont trop dépendantes du rythme de déploiement des projets digitaux mis en place par les compagnies. C’est donc à elles de mettre un coup d’accélérateur dans le domaine digital ce qui semble actuellement être le cas pour beaucoup d’entre elles. C’est grâce à des outils innovants et performants que les agences pourront suivre efficacement les demandes des clients quels que soit les canaux utilisés par ceux-ci. 20 L’argus de l’assurance n°7392 – 23 janvier 2015 52 Conclusion L’Agent General doit réinventer son activité́ : réorienter sa relation client vers le conseil, le multi canal et le multi service; transformer ses processus opérationnels vers l’industrialisation. Il est évident que si rien n’est fait, le statut d’agent général risque de disparaître sous le poids des évolutions de son environnement. Comme nous l’avons expliqué́ plus haut, l’avenir n’est possible qu’au prix d’une transformation radicale. A bien y regarder, cette transformation est déjà̀ engagée, mais jusqu’ici limitée à certains segments ponctuels des problématiques et plus ou moins avancée selon les différentes compagnies. La mise en œuvre des évolutions ne sera pas forcement si simple tant l’inertie du modèle actuel est importante. L’agent général de ces dix prochaines années peut être décrit sous ces traits ; L’agent général des années 2025 est un entrepreneur qui investit mais développe également le portefeuille de manière optimale. Il travaille tous les marchés, s’entoure d’une équipe bien formée, qu’il pilote en véritable manager. Ici, les principes du marketing sont parfaitement adoptés et maitrisés, les taches sans valeur ajouté déléguées à la compagnie. C’est un véritable conseiller du client, adoptant une démarche proactive pour détecter et exploiter tout gisement d’affaires nouvelles. Il exerce souvent en association et développe dans ce cas une spécialisation métier, tant pour lui que pour ses plus proches collaborateurs. Il est confiant en l’avenir ; pour preuve, il ne se limite pas à la vente des produits de base et n’hésite pas à commercialiser des produits de prévoyance et santé. De même, il sait hiérarchiser l’importance de ses clients et développe constamment la multi détention. Il se donne tous les moyens pour réussir, en intégrant tous les outils de gestion moderne au développement de son activité́ . Il développe le service personnalisé et sur mesure, notamment sur le marché́ de l’entreprise. Sa stratégie est clairement orientée vers l’avenir et la conquête. La taille de son portefeuille lui donne les moyens de ses ambitions et de développement et ce, notamment par le multicanal avec une offre « grand public » et une stratégie adaptée. Ses locaux sont choisis avec soins, en concertation avec les services géomarketing de sa compagnie, avec une attention particulière portée à l’emplacement (visibilité́ , fréquentation, facilité d’accès et de stationnement) et un espace dédié́ à l’optimisation de la réception client. C’est un lieu stratégique où l’on communique au prospect l’esprit et la culture de la compagnie 53 d’assurance et où l’on prodigue un véritable service au client, constamment adapté à l’évolution de son besoin et de son comportement. « Risk Manager » pour ses clients haut de gamme, « l’Agent Général 2025 » n’hésite pas à industrialiser ses processus, pour optimiser le développement de son activité́ « mass- market », comme pour garantir une efficacité́ opérationnelle au quotidien dans l’ensemble des activités de l’agence. 54