Les coopératives
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Les coopératives
Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? RENCONTRES DU 20 NOVEMBRE 2012 Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? I. Ouverture Francis KESSLER, Président de l’AFERP, Maître de conférences à l’Université de Paris I –Panthéon La Sorbonne Bonjour à tous. Ce petit déjeuner de l’AFERP traite d’un thème tout à fait fondamental dans l’économie moderne, au sein de laquelle les entreprises coopératives occupent une place très importante. J’ai le plaisir d’avoir à mes côtés une experte de ce sujet, Caroline NAETT, Secrétaire générale de Coop FR, qui va vous présenter cette organisation ainsi qu’un panorama des coopératives. Je la remercie d’avoir répondu à l’invitation de l’AFERP. II. Intervention de Caroline NAETT Caroline NAETT, Secrétaire générale de Coop FR (Groupement National de la Coopération) Je vous remercie de m’avoir invitée. Je ne suis pas ici pour soutenir une conférence mais pour échanger avec vous. Aussi, n’hésitez pas à m’interrompre si vous souhaitez intervenir ou poser des questions. 1. Présentation de Coop FR Coop FR est la structure faîtière de l’ensemble du mouvement coopératif français. Ainsi que nous le verrons tout à l’heure, les coopératives sont présentes dans de nombreux domaines d’activité : agricole, bancaire, artisanat, commerce, etc. Tous ces secteurs sont organisés en fédérations nationales, qui adhèrent à Coop FR. Notre association a pour but de défendre l’identité et les valeurs communes de la coopération, et intervient en tant que porte-parole de celle-ci auprès des autorités publiques françaises ainsi que des instances représentatives européennes et internationales. Lieu de rencontre, de liaison et de représentation du mouvement coopératif français, Coop FR est cependant une toute petite structure, qui emploie trois personnes seulement. La plupart des fédérations membres de l’organisation ont des moyens humains plus étoffés. 2. Les coopératives : un projet collectif organisé autour des personnes Les coopératives sont des entreprises du domaine de l’économie sociale, qui regroupe par ailleurs associations et mutuelles. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’activité : services, transports, tourisme, banque, commerce, etc. Elles permettent d’entreprendre différemment, car elles sont organisées autour d’un objet social autre que celui des entreprises 1/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? classiques – ne voyez pas un jugement de valeur dans mes propos. Les coopératives sont un projet collectif. Ce sont des entreprises constituées par des personnes, autour des personnes, et pour répondre aux besoins de ces personnes. Elles ne sont pas construites sur des capitaux et ne visent pas à rémunérer ceux-ci et/ou à dégager des profits reversés à des actionnaires. La valeur d’une coopérative est le service rendu à ses membres. Bien que certains coopérateurs emploient des salariés, ils appartiennent à leur coopérative à titre individuel. Les membres des coopératives se regroupent afin de répondre à un besoin commun : vendre ou acheter un produit ensemble, mener à bien un projet collectif, développer des services communs, etc. Les exemples sont très variés. Il peut s’agir de plombiers qui souhaitent construire un show-room, d’artisans qui se réunissent afin de disposer d’un service comptable et de traiter avec leurs fournisseurs au niveau de la coopérative, ce qui libère du temps de travail et permet d’acheter en gros afin de bénéficier de remises, ou bien encore d’agriculteurs réalisant une collecte commune du lait. Un mode de gouvernance démocratique Les coopératives travaillent pour leurs membres. Elles sont contrôlées et détenues par ces derniers, bien qu’il existe quelques outils permettant à des investisseurs extérieurs de participer aux projets. Elles appliquent le principe de gouvernance démocratique commun à l’économie sociale, à savoir que chaque membre d’une coopérative dispose d’une voix. En d’autres termes, la hauteur de la participation au capital ne détermine pas l’importance des participants, et chacun d’entre eux a le même pouvoir de décision. Bien qu’elles disposent d’un peu de capital, les coopératives sont dites « sociétés de personnes ». Les richesses qu’elles créent reviennent à leurs membres. Un mode de propriété spécifique Les coopératives se distinguent également des entreprises classiques par leur mode de propriété. Une partie du capital est constituée par des parts sociales nominatives dont les possibilités de revalorisation sont très limitées. Il s’agit donc d’apports réalisés non pas à titre spéculatif mais pour participer à un projet. L’autre partie du capital réside dans des réserves impartageables qui demeurent propriété collective des coopératives. Une logique entrepreneuriale particulière Les coopératives sont des entreprises qui, à ce titre, doivent dégager des résultats afin de se développer. Bien que tout un pan de l’économie sociale se reconnaisse dans la qualification « à but non lucratif », ce n’est pas le cas des coopératives. Ce point fait actuellement débat dans les discussions relatives au projet de loi sur l’économie sociale. Les coopératives génèrent des résultats mais se distinguent des autres entreprises par l’affectation de ces derniers. En effet, les bénéfices demeurent dans les coopératives afin de constituer les réserves que j’ai mentionnées, ou bien reviennent à leurs membres. Les résultats sont affectés en Assemblée générale, dans laquelle chaque membre dispose d’une voix. Une fois les réserves effectuées et la part destinée à l’investissement mise de côté, le reste des résultats est restitué aux coopérateurs par diverses voies, au prorata des activités menées au sein de la coopérative. Par exemple, si les membres d’une coopérative de lait s’aperçoivent en fin d’année qu’ils auraient pu acheter celui-ci à un prix plus élevé que celui qui a été pratiqué en début d’année, le somme représentant la différence est reversée aux producteurs sur la base 2/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? des quantités qu’ils ont fournies à la structure. Dans le cas des SCOP, les retours reviennent aux salariés propriétaires des entreprises. Les valeurs des coopératives Toutes les coopératives, françaises comme étrangères, répondent à des chartes de principes coopératifs fixées au niveau de l’Alliance Coopérative Internationale, et réactualisées en collaboration avec les dirigeants des entreprises : démocratie, service, proximité, transparence, pérennité, responsabilité, solidarité. J’insisterai en particulier sur deux valeurs. S'agissant de la pérennité, les coopératives sont pensées pour les générations futures. La constitution de réserves vise à développer les activités et à faire perdurer les structures. La dynamique des coopératives est donc fondée sur le long terme. En ce qui concerne la proximité, je répète que les coopératives travaillent et sont contrôlées par leurs membres. Les délocalisations n’ont aucun sens et aucun intérêt, car les coopératives sont issues de rencontres entre des agriculteurs ou des artisans locaux. Elles sont de ce fait ancrées dans les territoires. Cet argument résonne assez bien actuellement. 3. Panorama sectoriel Les coopératives sont présentes dans tous les secteurs d’activité. Elles ont un poids significatif dans l’économie française et, au-delà, dans l’économie mondiale, à telle enseigne que les Nations-Unies ont déclaré l’année 2012 « année internationale des coopératives ». L’Organisation considère ces dernières comme un modèle contribuant à lutter contre la pauvreté, à développer les zones rurales, et permettant aux populations de s’organiser pour survivre ou mieux vivre. Au niveau mondial, les coopératives regroupent un milliard de membres et emploient 100 millions de salariés, soit 20 millions de plus que les multinationales. En 1994, les Nations-Unies ont estimé que le bien-être de près de la moitié de la population mondiale dépendait de l’activité coopérative. Bien que les coopératives soient des petites structures éparpillées, l’addition de celles-ci représente un poids économique très important. En Europe, il existe 160 000 entreprises coopératives comptant 123 millions de membres et employant 5,4 millions de salariés. Ce sont donc les organisations citoyennes qui représentent le plus d’individus. En France, 21 000 entreprises coopératives sont dénombrées. Elles correspondent à 24 millions de membres – il est possible d’être sociétaire de plusieurs coopératives - et occupent près d’un million de salariés, soit 3,52 % de la population active française en 2010. Les coopératives réalisent 188 milliards de chiffre d'affaires, soit près d’un quart du chiffre d'affaires des sociétés du CAC 40. Le monde coopératif n’est pas toujours identifié en tant que tel. Pourtant, de très nombreuses entreprises, marques et enseignes, sont des coopératives : Yoplait, Banette, Leclerc, Système U, Krys, Optic 2000, Intersport, Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel, Crédit Coopératif, etc. Je vais à présent présenter quelques chiffres qui vous montreront l’importance des coopératives en France. 3/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Les coopératives de consommateurs regroupent plus de 750 000 membres. Après avoir représenté une force très importante en France, la crise des années 80 a constitué une secousse sismique. Les quatre coopératives qui ont subsisté subissent des difficultés. Le secteur s’est hélas un peu replié autour de son métier historique de distribution et est insuffisamment développé. A l’étranger, les coopératives sont au contraire présentes dans de nombreux domaines. Aux Etats-Unis par exemple, elles agissent dans les secteurs de l’électricité et de la téléphonie. Les banques coopératives sont très actives. Elles comptent 22 millions de sociétaires et reçoivent 60 % des dépôts bancaires. Les coopératives de commerçants représentent 28 % du commerce de détail et 30 000 entrepreneurs. Les coopératives agricoles détiennent 40 % des parts de marché de l’agroalimentaire français. Trois agriculteurs sur quatre adhèrent au moins à une coopérative. Les coopératives d’artisans sont au nombre de 60 000. Ce secteur est en fort développement 140 nouvelles coopératives ont ainsi été créées depuis 2008. Il existe 4 200 coopératives de transport, qui possèdent 13 000 véhicules. Les coopératives maritimes – 2 000 entreprises de pêche – sont présentes sur toutes les façades portuaires. Les coopératives d’HLM sont constituées de 170 structures. Plus de 5 000 logements sont construits en accession sociale à la propriété. Les coopératives d’habitants correspondent à une nouvelle dynamique. Ces derniers se regroupent afin d’acheter des biens, trouvant ainsi des solutions collectives aux problèmes de logement, ou bien dans le but d’utiliser des espaces communs. Les projets sont divers. Ils peuvent ainsi être dédiés au partage d’une salle des fêtes ou d’une laverie. Certaines personnes âgées s’organisent afin de profiter de services leur permettant de demeurer autonomes à leur domicile. Etant constituées sous forme associative, les coopératives scolaires (53 100 structures, 4,65 millions de membres) sont un secteur plus spécifique au sein de la coopération. C’est également le cas des copropriétés coopératives (60 000 logements), qui ne sont pas des entreprises. Elles sont cependant gérées de manière démocratique et constituent une alternative à la gestion des immeubles par un syndic professionnel. Les Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP) sont au nombre de 2 000 et emploient 40 000 salariés. Elles appartiennent à leurs salariés, qui se regroupent pour posséder et contrôler leur outil de travail. Depuis 2005, elles se développent à un rythme moyen de 20 % par an. Il existe enfin des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC), dont le statut date de 2002. Près de 200 structures interviennent dans de très nombreux secteurs d’activités. Les SCIC ont la particularité d’associer plusieurs types de sociétaires. 4/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Afin que vous compreniez mon propos, je dois vous préciser que les coopératives se distinguent généralement par leur sociétariat, c'est-à-dire qu’elles rassemblent le plus souvent un seul type de professionnels : artisans, agriculteurs, commerçants, etc. Dans le cas des SCIC, les salariés, les usagers, les bénévoles et les collectivités publiques sont regroupés autour d’un projet d’intérêt collectif construit pour répondre à des enjeux territoriaux (gestion de l’eau, du patrimoine culturel, etc.). 4. Une dynamique réelle Les coopératives ont su préserver l’emploi. Celui-ci n’est pas considéré comme une variable d’ajustement dans les périodes difficiles. En outre, les coopératives ont fait preuve d’une résilience supérieure à celle des entreprises classiques. D’une part, elles n’ont pas d’actionnaires, et par conséquent aucune obligation financière à l’égard des détenteurs du capital. D’autre part, l’existence des réserves impartageables a permis d’amortir les effets de la crise. Les coopératives de commerçants ont enregistré une progression de 4,2 % en 2010 alors que la moyenne nationale s’établit à 1 %. Les SCOP ont un taux de survie également supérieur à la moyenne nationale (57 % à 5 ans versus 52 % pour les entreprises classiques). J’ajoute à ce tableau que les coopératives bancaires financent 80 % de l’économie locale française, et que les coopératives d’HLM ont accru leur production dans la période agitée que nous traversons. 5. Top 100 des entreprises coopératives en France Les mutuelles coopératives réalisent 28 % du chiffre d'affaires du Global 300, c'est-à-dire les 300 plus grandes coopératives mondiales. Entre 2008 et 2010, les 100 plus importantes entreprises coopératives françaises ont vu leur chiffre d'affaires progresser de 4 %. Elles comptent 23 millions de membres et emploient 750 000 salariés, ce qui représente 3 % de l’emploi. Ce dernier a augmenté de 4 % sur la période 2008-2010. Le chiffre d’affaires du top 100 s’élève à 188 milliards d’euros. Les entreprises sont pérennes et ancrées dans les territoires. En effet, 3/4 des sièges sociaux sont situés en province, et un quart de ceux-ci ont plus de 50 ans d’existence. Dix entreprises coopératives du top 100 sont centenaires. Le panorama 2012 des entreprises coopératives est disponible sur www.entreprises.coop. 6. Contexte actuel Les coopératives sont aujourd'hui à la mode. Elles retrouvent une certaine fierté à s’affirmer en tant que telles, alors qu’elles préféraient taire leur spécificité quelques années auparavant. Le déficit de communication, d’affichage et d’identification est dû à plusieurs raisons. J’ai brièvement évoqué tout à l’heure la faillite des coopératives de consommateurs dans les années 80. Dans mon enfance, la Coop était une institution sur tout le territoire français. La déroute des coopératives de consommateurs, abondamment relayée par la presse, a constitué un traumatisme pour l’ensemble du mouvement coopératif français. 5/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Certaines coopératives telles que Lip ou Manufrance ont été reprises avec des fonds publics sous forme de SCOP, mais ces plans de relance n’ont pas eu les effets escomptés, et ont également subi des attaques médiatiques qui ont terni l’image des coopératives. Enfin, dans les années 80 marquées par la financiarisation de l’économie, les projets collectifs de type coopératif étaient considérés comme « ringards » et contre productifs. Les entreprises préféraient taire le fait qu’elles étaient coopératives afin de ne pas faire fuir leurs clients. Le contexte a énormément changé. Les coopératives sont souvent nées dans des périodes difficiles. L’actuelle crise a fait ressortir les avantages qu’elles présentent et leur rôle dans l’économie. Par exemple, le thème du nationalisme économique et du « made in France » est beaucoup agité aujourd'hui. Or, les coopératives agissent sur le territoire national depuis toujours, ce qui attire aujourd'hui l’attention des autorités publiques. En outre, dans cette période de quête de sens et de rejet du « diktat » des actionnaires, le modèle coopératif plaît. Néanmoins, le modèle coopératif requiert un cadre réglementaire et juridique adéquat. Les coopératives sont des entreprises régies par la loi sur les coopératives et sont soumises au droit des sociétés. Dans la majorité des cas, ces dispositions législatives ne posent pas problème, mais elles ne tiennent pas compte des spécificités des coopératives sur un certain nombre de points. Par exemple, les règles de fusion classique entre sociétés ne répondent pas aux particularités des regroupements entre coopératives. Par ailleurs, le droit de la concurrence européen ne prend pas en compte la territorialité des coopératives ou bien encore les caractéristiques de leur gouvernance. Ainsi, lorsque les 300 commerçants de Système U décident de vendre tel ou tel produit à un prix déterminé, l’Union Européenne soupçonne une entente. Pour prendre un autre exemple imagé, l’Europe peut également estimer anticoncurrentiel le fait que le Crédit Mutuel de Bretagne ne puisse ouvrir une agence en Corse. Le cœur de métier de Coop FR réside dans la sensibilisation des autorités à tous ces aspects réglementaires et à la prise en compte de la diversité des modèles des entreprises. Le financement représente un autre défi très important pour les coopératives. Il provient des parts sociales apportées par leurs membres, des réserves et de prêts bancaires. Toutefois, les coopératives n’ont pas accès aux marchés financiers. En outre, OSEO et les programmes publics de financement ont tendance à ne pas retenir les dossiers présentés par les coopératives, car celles-ci ne sont pas orientées vers la recherche ou le dégagement d’un résultat respectant les ratios financiers classiques. Coop FR est actuellement très attentive quant à la constitution et au fonctionnement de la BPI (Banque Publique d’Investissement). Confrontée à des difficultés de financement, certaines coopératives, à l’instar du Crédit Agricole, ont mis en place un système de filialisation. L’actualité majeure qui nous occupe réside dans le projet de loi sur l’économie sociale. Pour la première fois, il existe un ministère délégué en charge de l’économie sociale rattaché au Ministère de l’Economie et non pas aux Affaires Sociales ou à la Vie Associative et à la Jeunesse, ainsi que ce fut le cas par le passé. Coop FR en est très satisfait, car cette proximité avec Bercy correspond à une requête ancienne. Notre organisation s’implique beaucoup dans les activités du ministère, en espérant ainsi contribuer au développement et à la reconnaissance du secteur coopératif. 6/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Francis KESSLER Je vous remercie beaucoup. Vous avez rappelé que les coopératives sont des entreprises, et non des associations à but philanthropique. Nous avons bien compris que leur logique entrepreneuriale était différente de celle des entreprises classiques, et tout l’intérêt d’avoir recours à l’instrument coopératif. Vous avez également souligné toutes les difficultés qu’il y a à exister dans un environnement dont les grilles de lecture sont autres que celles qui fondent votre activité. La parole est à présent à la salle. III. Echanges avec la salle De la salle Je vous remercie pour cet exposé. Il est appréciable d’assister à une présentation dynamique de la situation des coopératives et de toutes les dimensions de celles-ci. Les principes qu’elles portent sont très intéressants. Cependant, il faut reconnaître avec honnêteté que certaines coopératives bancaires sont bâties sur du capital, ce qui peut poser quelques difficultés et laisser place aux interrogations. Je voudrais donc savoir de quelle manière Coop FR véhicule les valeurs de la solidarité auprès des banques coopératives. Par ailleurs, je souhaiterais obtenir quelques précisions sur les nouvelles dispositions législatives françaises, ainsi que sur l’environnement réglementaire aux niveaux européen et international. Caroline NAETT Je ne pratiquerai pas la langue de bois. Le Crédit Agricole, pour ne pas le citer, est confronté à une problématique de fond à laquelle nombre de coopératives et, je le suppose, de structures de l’économie sociale, sont confrontées, à savoir la nécessité de se développer. Le Crédit Agricole a donc testé une solution de financement via une filiale cotée en Bourse, Crédit Agricole SA, contrôlée au minimum à 50 % par les coopérateurs et les fédérations régionales. Cette création a été très contestée. SI GNC, ancêtre de Coop FR, avait accompagné le Crédit Agricole dans cette démarche, d’aucuns avaient considéré que cette banque coopérative ne relevait plus du champ de l’économie sociale. Toute la question est de savoir si le secteur coopératif souhaite demeurer dans une niche ou se développer. Je pense pour ma part que le véritable enjeu de la constitution de grands groupes coopératifs réside dans la gouvernance. Il s’agit de conserver le contrôle des entreprises. Les commerçants de Système U sont propriétaires de leur supermarché. Ils sont ancrés dans les territoires, favorisent les produits locaux, emploient des salariés locaux. Pour prendre un autre exemple, je puis vous assurer que les fédérations régionales pèsent beaucoup dans la gouvernance du Crédit Agricole. J’estime donc qu’il faut donner une chance à la voie choisie par cette banque. Le contexte économique est de plus en plus difficile, et il va bien falloir trouver des outils de développement. 7/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? S'agissant des valeurs, les paysages coopératifs sont multiples mais toutes les entreprises sont très attachées au tronc commun que je vous ai présenté tout à l’heure. Il est vrai qu’à un moment donné les banques coopératives se sont un peu éloignées de ces valeurs, préoccupées qu’elles étaient par les marchés financiers. Actuellement, elles sont très affectées par les réformes telles que Bâle III ou Solvabilité II. Outre la nouvelle fierté qu’il y a à s’affirmer en tant que coopérative, le contexte réglementaire actuel ramène les banques vers les valeurs de la coopération. Quant au cadre législatif, le droit de la concurrence est essentiellement européen, ainsi que je l’ai rappelé précédemment. Un certain nombre de problèmes se pose au niveau mondial, dans le cadre de l’élaboration des normes comptables internationales. En effet, en pure logique comptable, les parts sociales sont considérées comme des dettes. Or, il s'agit en réalité d’un capital très solide. Les coopératives sont organisées. Elles disposent d’instances de représentation (fédérations sectorielles) et de lobbying au niveau européen (Coopérative Europe) et international (Alliance Coopérative Internationale). Cependant, celles-ci ont des moyens limités et sont engluées dans des problèmes budgétaires, ce qui ne leur permet pas de disposer de toute la force de frappe nécessaire. Il s’agit là d’une des faiblesses majeures du mouvement coopératif. En outre, les fortes identités sectorielles provoquent quelques dissensions au sein de celui-ci. Francis KESSLER Le manque de lobbying et les querelles de clocher que vous évoquez font penser aux difficultés de la Mutualité Française. Caroline NAETT Toute l’économie sociale est en effet concernée par ces problèmes. De la salle Je souhaite d’une part rappeler qu’il existe une recommandation internationale sur la formation des coopératives adoptée en 2002 par l’OIT. Elle est disponible sur le site de l’Organisation. D’autre part, pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet de loi sur l’économie sociale ? Caroline NAETT La recommandation figure également sur le site de Coop FR. De la salle Les coopératives, au même titre que toutes les entreprises, doivent s’adapter et opérer des restructurations. Or, j’ai constaté avec surprise qu’elles commettaient de fréquentes maladresses en la matière, par manque de savoir-faire. Ne peuvent-elles bénéficier de conseils ? J’aimerais par ailleurs connaître la place des coopératives dans le champ de l’innovation. 8/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Enfin, j’ai remarqué que les exemples de mutualisation que vous citez correspondent assez à des groupements d’employeurs. Quelles sont les différences entre ceux-ci et les coopératives ? De la salle L’affectation spécifique des résultats pratiquée par les coopératives ne constitue-t-elle pas un frein au développement de celles-ci ? Caroline NAETT Les sociétaires ne sont pas des philanthropes. Ils retirent un intérêt de leur participation aux coopératives, car celles-ci leur permettent de se développer en percevant des ristournes en fin d’année ou en bénéficiant de services mutualisés. Par exemple, un opticien rejoignant le groupe Kris peut profiter de possibilités d’achats groupés ou de formations pour ses vendeurs, et ce tout en restant indépendant et propriétaire de son magasin. Le système coopératif est différent de celui de la franchise, car les franchisés perdent leur autonomie. Les outils existant en matière d’investissement extérieurs ont été peu utilisés par les coopérateurs, car ceux-ci souhaitent conserver le contrôle de leurs entités. La démarche d’appartenance à une coopérative ne réside pas dans la recherche du gain. En effet, la rémunération des parts sociales est encadrée par la loi. Leur valeur est nominale et non indexée sur celle des entreprises, ce qui permet par ailleurs leur transmission d’une génération à l’autre, et facilite l’entrée des jeunes dans les coopératives. S'agissant de l’innovation, aucune structure ou budget global n’est dédié à la recherche dans le monde coopératif. C’est regrettable, mais compte tenu de la diversité des secteurs représentés, je ne vois pas comment il serait possible de disposer d’un laboratoire central de recherche. Les coopératives agricoles, qui œuvrent pourtant beaucoup en matière de R&D, ne sont pas éligibles au crédit d’impôt recherche car les sommes placées en réserve sont exonérées de l’impôt sur les sociétés. En revanche, dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale, les coopératives souhaitent faire reconnaître l’innovation sociale qu’elles portent. En effet, l’innovation ne réside pas uniquement dans les dépôts de brevets mais également dans des formes nouvelles d’organisation et de réponses à des besoins. Il n’existe pas de gestion centralisée des bonnes pratiques de restructuration. Les coopératives étant des sociétés de personne, il est compréhensible que leurs transformations ne puissent s’appuyer les moyens dont disposent les multinationales. Certains secteurs, par exemple les coopératives agricoles, ont néanmoins des services juridiques compétents pouvant accompagner les réorganisations. Quant aux groupements d’employeurs, la nouvelle législation permet à ceux-ci de se constituer sous forme coopérative. Il convient cependant de rappeler que les groupements d’employeurs sont réalisés sur la base du partage de salariés. Leur objet est donc très limité par rapport à la diversité des activités des coopératives. Il est cependant possible que le regroupement d’employeurs intéresse les coopératives de transporteurs, car cette forme leur permettrait par exemple de remplacer facilement les chauffeurs malades. 9/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? Quant au projet de loi sur l’économie sociale, il n’est pas neuf. Le précédent gouvernement avait commencé à travailler sur une loi-cadre. Le présent projet prévoit de statuer sur le champ de l’économie sociale - ce dernier est très vague - et de trouver les moyens d’assurer le développement de celle-ci. Le projet de loi devrait également concerner les domaines suivants : innovation sociale ; financement de l’économie sociale ; instauration d’un conseil supérieur de l’économie sociale ; reconnaissance de l’économie sociale en région via des partenariats avec ces collectivités ; institution de mesures concernant les SCOP, les mutuelles, et les associations ; création possible d’un label de l’économie sociale. Ce dernier thème est l’objet d’un âpre débat. La majorité des acteurs de l’économie sociale y est opposée. Les entrepreneurs sociaux dont les pratiques sont très proches de celles des coopératives souhaitent être intégrés au champ de l’économie sociale afin de bénéficier de mesures spécifiques de développement du secteur. Certains d’entre eux ont une approche moralisatrice, arguant du fait qu’ils respectent certains critères, à la différence de plusieurs acteurs de l’économie sociale classique, dont des banques coopératives et des mutuelles. Nous ne pouvons accepter cette hypocrisie, car ces puristes avancent, pour appuyer leurs démonstrations, des chiffres de l’économie sociale comprenant le chiffre d'affaires des banques coopératives. Je pense que les statuts des coopératives garantissent la pérennité des projets de l’économie sociale, car ils imposent un certain nombre de contraintes à un secteur qui n’est peut-être pas toujours vertueux. Par ailleurs, les coopératives sont très attachées à la dimension collective. Même si un entrepreneur œuvre dans le domaine environnemental ou redistribue une partie de ses résultats, il n’en demeure pas moins qu’il est seul. Il faudra également parvenir à définir des critères permettant aux différentes structures de percevoir les fonds du FSI dédiés à l’économie sociale, car certains sont actuellement inutilisés. Enfin, l’un des enjeux de la loi est également de transformer le statut de 1947. Nous souhaitons créer de nouvelles coopératives, par exemple dans le domaine de la consommation. De la salle L’influence de l’Etat a été démontrée à travers son intervention auprès de la Banque Populaire et de la Caisse d’Epargne. De manière générale, comment le pouvoir des coopérateurs et des directeurs se partage-t-il au sein des grandes structures ? Caroline NAETT Je ne peux vous livrer que des impressions sur ce sujet, car je ne suis pas au fait du détail des organisations internes. Par exemple, la fédération nationale du Crédit Agricole est très organisée. Elle veille à faire respecter l’équilibre entre les élus, qui représentent les sociétaires, et la Direction générale. Les caisses régionales sont très actives. 10/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? S'agissant du Crédit Mutuel, les banques régionales conservent une importance certaine. J’ignore le poids de la gouvernance coopérative au sein de la BPCE. Je sais que les deux enseignes, Caisse d’Epargne et Banque Populaire, continuent de fonctionner sur la base coopérative. En outre, l’action du président François Pérol est encadrée par des statuts. Francis KESSLER Les mêmes problématiques se retrouvent au niveau de la gouvernance des grandes mutuelles et de l’Agirc-Arrco, à savoir la tension entre la gouvernance des élus et celle de la technostructure. De la salle Mon intervention concerne le droit du travail, c'est-à-dire le statut des salariés des coopératives. Les coopératives sont des employeurs qui ne font pas partie du MEDEF. Les salariés des coopératives ne dépendent donc pas des mêmes conventions collectives que ceux des sociétés classiques. Ils sont également dits « hors champ » par rapport à la formation professionnelle, car ils ne cotisent pas au FONGEFOR. De nombreuses questions se posent donc. D’une part, l’USGERES est-elle susceptible d’être l’organisation patronale de l’économie sociale, y compris des coopératives ? D’autre part, estce le travail ou bien la forme juridique de l’employeur qui doit prévaloir dans la définition du statut juridique des salariés ? Caroline NAETT La question de la représentation des employeurs est un vaste débat. Coop FR n’est pas un syndicat d’employeurs, et ses statuts lui interdisent d’intervenir dans ce champ. Au sein du monde coopératif, il existe autant de représentations d’employeurs que de familles coopératives. Les représentations d’employeurs sont un patchwork. Les SCOP et la CG SCOP sont représentés à l’USGERES. La Fédération Nationale des Coopératives de Consommateurs dispose de sa propre convention collective. C’est également le cas des coopératives de HLM. Certaines coopératives de commerçants appartiennent au MEDEF. Les banques coopératives appartiennent à la FBF et dépendent de la convention collective des banques. Les coopératives du secteur agricole sont les plus acharnées à maintenir leur autonomie. Elles sont opposées à toute initiative de regroupement des employeurs de l’économie sociale. Ce sont elles qui sont à l’origine de la non-intervention de Coop FR dans ce domaine. Nous sommes en faveur de l’existence d’une organisation de représentation de l’économie sociale, mais nous voulons que les employeurs ne s’y expriment qu’au nom du secteur qu’ils représentent, afin d’éviter toute extension de réglementation à l’ensemble du champ de l’économie sociale. A défaut, le secteur coopératif risquerait d’être soumis à des règles qui ne le concernent pas. Il s’agit là d’un réel sujet de tension. 11/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org Rencontres du 20 novembre 2012 – Les coopératives françaises, quelles évolutions dans le cadre d’un projet législatif ? De la salle Cette attitude signifie que les coopératives refusent de participer au dialogue social interprofessionnel. Caroline NAETT Pour certaines d’entre elles, elles y participent au sein du MEDEF. De la salle L’économie sociale n’y est pas représentée. Francis KESSLER Non, pas en tant que telle. Toutefois, les coopératives adhérant à une fédération nationale professionnelle sont représentées au MEDEF. Caroline NAETT Le mouvement coopératif est marqué par la dualité, car les entreprises appartiennent à un secteur d’activité et sont des coopératives. Elles jouent quelquefois la carte de la représentation en tant que coopératives relevant de l’économie sociale mais, dans la majorité des cas, le secteur d’activité est à l’origine de leur mode de représentation. IV. Conclusion Francis KESSLER Je vous remercie pour cet échange, qui ouvre des perspectives intéressantes sur le statut des salariés et les conventions collectives. Ces thèmes pourraient constituer un prochain sujet de débat. La présente rencontre sera publiée dans Les Cahiers de l’AFERP. Le 18 décembre, nous nous retrouverons en ce même lieu afin d’assister à l’intervention que Francis Meyer, juriste, consacrera aux différents aspects de la santé au travail. 12/12 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de ce document est soumise à l’autorisation de l'AFERP UNIVERSITE PARIS 2 ASSAS – 92, rue d’Assas – 75006 Paris – Tel/Fax : 01 42 37 22 89 – Courriel : [email protected] – www.aferp.org