XVII- DIABETE DU SUJET AGE

Transcription

XVII- DIABETE DU SUJET AGE
XVII- DIABETE DU SUJET AGE
Du fait du vieillissement de la population et de la progression de l’obésité, le nombre de diabétiques âgés ne
cesse d’augmenter. La prise en charge du diabète dans la population âgée demeure un challenge notamment de
par les contre-indications croissantes aux antidiabétiques oraux avec l’avance en âge.
I. Epidémiologie
Selon l’OMS, un sujet âgé est un sujet de plus de 65 ans. En France en 2001, plus de la moitié des diabétiques
ont plus de 65 ans (54%) et la proportion de sujets diabétiques âgés va en augmentant. Entre 2000 et 2005,
l’augmentation de la prévalence du diabète est maximale entre 70 et 79 ans : 17.7% des hommes et 11.5% des
femmes en 2005 contre respectivement 13.8% et 9.8% en 2000. Aux Etats-Unis en 2004, 25% des sujets vivant
en maison de retraite étaient diabétiques. Les critères diagnostiques du diabète sont les mêmes chez la personne
âgée que chez l’adulte plus jeune.
II. Particularités du diabète du sujet âgé
a.
Particularités physiologiques
Le vieillissement s’accompagne des modifications du métabolisme glucidique suivantes, favorisant la survenue
du diabète :
Diminution de l’insulino-sécrétion ; la cellule β répond moins bien au stimulus glycémique
Diminution de la sensibilité à l’insuline, s’expliquant en partie par des modifications de la
composition corporelle avec diminution de la masse maigre et augmentation de la masse grasse
Diminution de la sensibilité pancréatique au GLP-1
Le vieillissement s’accompagne aussi de modifications des réponses à l’hypoglycémie, augmentant leur
fréquence et leur gravité chez le sujet âgé :
Diminution de la sécrétion des hormones de la contre régulation, notamment du glucagon
Diminution des signes neuro-végétatifs (sueurs, palpitations,…) liés à l’hypoglycémie (fait du
vieillissement mais aussi de la prise de certains traitements comme les β-bloquants) et diminution de
leur reconnaissance
Diminution de la capacité à se resucrer (perte d’autonomie, ralentissement moteur accentués par la
neuroglucopénie)
b.
Complications propres au sujet âgé
Chez les sujets âgés diabétiques, les incidences de la dépression, des troubles cognitifs et de la démence sont
plus élevées que chez les sujets âgés non diabétiques. Le diabète semble lié à un vieillissement cérébral accéléré
(atrophie cérébrale) et à des atteintes vasculaires plus fréquentes (lacunes cérébrales). Le dépistage de ces
troubles passant par un interrogatoire du patient et de son entourage (se plaint-il de troubles de la mémoire ? A-til limité ses activités? Réalisation d’un Mini-Mental Status MMS) est capital. La connaissance de ces troubles
permet de proposer une prise en charge gériatrique ou psychiatrique spécifique et d’anticiper les difficultés liées
à la gestion du traitement (distribution du traitement par un tiers, injection d’insuline par infirmière,…).
Perte d’autonomie et chutes sont fréquentes chez le diabétique âgé. Elles sont dues à l’impact combiné des
complications du diabète, chez le sujet âgé : neuropathie périphérique, artériopathie oblitérante des membres
inférieurs, insuffisance cardiaque, troubles de la vision,…
III. Dépistage des complications du diabète : doit-on le modifier ?
En dehors du sujet âgé diabétique en fin de vie, aucun argument n’est en faveur d’une modification de la
fréquence ou du type de dépistage des complications du diabète.
Au contraire, le dépistage et la prévention des complications semblent capitaux chez le sujet âgé vulnérable. En
effet, il est raisonnable de penser que les complications du diabète comme une plaie du pied, un infarctus du
myocarde ou un accident vasculaire cérébral auront un impact encore plus néfaste, notamment en termes de perte
d’autonomie et de recours aux soins chez un sujet âgé que chez un sujet jeune.
IV. Prise en charge thérapeutique :
a.
Quels objectifs ?
Objectifs généraux
•
Préserver la qualité de vie, pour se rapprocher d’un vieillissement réussi
•
Prévenir les complications aigües, notamment le coma hyperosmolaire
•
Limiter les complications chroniques
Objectif glycémique
Il est difficile à formaliser du fait de l’absence d’étude de bonne qualité portant sur les complications du diabète
et sur le traitement du diabète chez la personne âgée.
Les recommandations de l’HAS de 2006 nous invitent à considérer 3 cas de figures :
•
patient très âgé ou en fin de vie, relevant d’une insulinothérapie de confort.
•
patient âgé polypathologique : il s’agit souvent d’un patient plus ou moins dénutri, peu ou pas autonome, à
risque iatrogène élevé. L’objectif glycémique sera revu à la hausse : HbA1c entre 7.5 % et 8%
•
patient âgé ayant « bien vieilli », sans pathologie sévère ou invalidante associée, pour lequel il paraît
logique d’extrapoler les résultats des études d’intervention menées chez des sujets plus jeunes : HbA1c
entre 6.5 % et 7.5%
Il faut garder à l’esprit la nécessité de réévaluer constamment les objectifs glycémiques. En effet, un sujet âgé
peut être initialement considéré comme ayant un vieillissement réussi, puis au décours d’une situation stressante
présenter une difficulté à la récupération, avec l’installation possible d’une perte d’autonomie. Il doit être alors
considéré comme un sujet fragile et les objectifs thérapeutiques réévalués, afin de limiter le risque iatrogénique.
•
Objectifs de prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire
HTA
Les objectifs tensionnels ne varient pas avec l’âge : 130/80 mm d’Hg chez le sujet diabétique, selon les
recommandations de l’HAS de 2005.
•
Dyslipidémie
Les recommandations de l’AFFSAPS de 2005 précisent que l’âge n’est pas une contre-indication à un traitement
par statine en prévention secondaire (infarctus du myocarde, diabétique à haut risque cardio-vasculaire,…).
Pour la prévention primaire chez les plus de 80 ans, ils recommandent de ne pas initier un traitement. Mais un
traitement initié avant 80 ans peut être prolongé en tenant compte de critères suivants:
-
le cumul de facteurs de risque,
-
l’absence de pathologie non cardiovasculaire réduisant notablement l’espérance de vie,
-
une bonne tolérance du traitement.
b.
Quels moyens ?
Les moyens thérapeutiques sont identiques à ceux utilisés chez le sujet jeune mais il faut considérer avec plus
d’attention les contre indications et les précautions d’emploi.
Mesures diététiques
Elles doivent être prudentes du fait du risque de dénutrition. La dénutrition est plus fréquente avec l’avance
en âge et peut être présente chez un sujet en surpoids ou de poids normal (sarcopénie). Au lieu de prescrire un
régime restrictif, avec un objectif de normalisation pondérale, il convient de réaliser une enquête alimentaire
pragmatique pour dépister les anomalies qualitatives et quantitatives de l’alimentation très fréquente à cet âge.
En pratique courante, le Mini-Nutritionnal Assessment (MNA) est un outil permettant cette évaluation du statut
nutritionnel du sujet âgé (voir enseignement de gériatrie, item 61 ECN). Si le sujet diabétique est à risque de
dénutrition ou dénutri, une prise en charge diététique doit être envisagée. Si le sujet diabétique a un statut
nutritionnel normal, un régime hypocalorique hypolipidique doit être envisagé, ce d’autant plus qu’il est obèse et
a des facteurs de risque cardio-vasculaires.
L’apport glucidique doit être suffisant, notamment dans le cadre de la prévention des hypoglycémies. Il faut
s’attacher à la répartition de l’alimentation dans la journée et au contenu du repas du soir, souvent limité chez les
personnes âgées. Il faut également s’assurer d’un apport de boissons suffisantes (et non sucrées), notamment en
cas de pathologies intercurrentes.
Les antidiabétiques oraux
o
Existe-t-il des contre indications aux antidiabétiques oraux ?
La principale contre-indication aux sulfamides et aux biguanides est l’insuffisance rénale, c'est-à-dire un débit
de filtration glomérulaire (DFG) inférieure à 60 ml/min.
La fonction rénale se détériore avec l’avance en âge. La déshydratation, l’utilisation d’un traitement interférant
avec la fonction rénale comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent majorer cette déshydratation.
La fonction rénale peut être évaluée par la formule de Cockcroft et Gault (tendance à la sous estimation de la
filtration glomérulaire chez le sujet âgé) ou par la formule MDRD (plus complexe mais plus précise).
o
Sulfamides
Le risque des sulfamides est l’hypoglycémie, qui peut être prolongée ou à rechute notamment quand la durée
d’action du sulfamide est majorée par une insuffisance rénale, organique ou fonctionnelle.
La polymédication et les modifications physiologiques liées au vieillissement augmentent la fréquence des
hypoglycémies sous sulfamides du sujet âgé. La banalisation de la prise des comprimés, la poursuite du
traitement quelle que soit l'alimentation, parfois absente, et en particulier lors des pathologies intercurrentes qui
favorisent l'amaigrissement, sont autant de causes qui expliquent la fréquence des hypoglycémies du sujet âgé
sous sulfamides hypoglycémiants.
Le surdosage en sulfamides doit donc être évité et les signes témoignant d’une hypoglycémie activement
recherchés. Les signes adrénergiques classiques sont souvent absents, l’existence d’hypoglycémies doit être
suspectée devant l’apparition de troubles du caractère, d’une dégradation psychomotrice, d’une asthénie
inexpliquée…
Il faut donc :
-
Ne pas prescrire de sulfamides en cas d’insuffisance rénale (DFG<60ml/min)
-
Choisir des sulfamides à demi-vie courte
-
Débuter à doses faibles (et en règle, ne pas initier un traitement par sulfamides après 70 ans)
-
Prendre en compte les interactions médicamenteuses (fréquentes chez le sujet âgé). Les sulfamides se
lient à l’albumine. L’association des sulfamides avec un autre médicament se liant à l’albumine peut
être responsable d’une augmentation de la fraction libre des sulfamides, causant des hypoglycémies
récurrentes. Les principaux médicaments à redouter sont :
-
o
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
o
Anti-vitamines K
o
Sulfamides antibactériens comme le BACTRIM®
o
Fibrates
o
Imidazolés
Savoir que la déshydratation et certains médicaments comme les IEC et les diurétiques peuvent causer
une insuffisance rénale, le plus souvent fonctionnelle, responsable d’un surdosage en sulfamides.
-
Informer le patient et son entourage des signes d’hypoglycémie et des gestes de resucrage, insister sur
le fait que, si le patient ne mange pas, la prise de sulfamide du repas sauté doit être suspendue
o
Biguanides
Le risque des biguanides est la survenue d’une acidose lactique.
Ils sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale (DFG<60ml/min), d’insuffisance cardiaque ou
d’insuffisance respiratoire. Ils doivent être arrêtés dans toutes situations d’hypoxie.
o
Glinides
Ce sont des médicaments insulino-sécréteurs, qui ont pour avantage de ne pas être à élimination rénale et d’avoir
une demi-vie courte. Ils ont donc un intérêt chez le sujet âgé. Ils nécessitent une prise à chaque repas, ce qui
peut être considéré comme un inconvénient en termes d’observance, mais comme un avantage pour la prévention
des hypoglycémies (sauter la prise du comprimé si le repas n’est pas pris).
o
Glitazones
Il n’existe pas de contre-indications liées à l’âge ou à l’insuffisance rénale.
Cependant, elles sont contre-indiquées en cas d’insuffisance cardiaque, et cette complication est
particulièrement fréquente chez la personne âgée, à recherche cliniquement avec soin. De même, il faut rester
prudent en cas d’antécédents cardiovasculaires ischémiques. Ces éléments, ainsi que le champ d’utilisation des
glitazones dans les recommandations actuelles de pratique (bithérapie en association aux ADO classiques :
metformine, sulfamides) rendent étroite la fenêtre d’utilisation de cette classe thérapeutique chez le diabétique
âgé.
o
Analogues du GLP-1 (incrétinomimétiques) et inhibiteurs de la DPP-IV (gliptines)
L’utilisation de ces molécules n’est pas contre-indiquée par l’âge et l’altération de la fonction rénale. De par les
modifications du métabolisme glucidique liées au vieillissement, les analogues du GLP-1 ou les inhibiteurs des
DPP-IV pourraient avoir une place dans le traitement du DT2 du sujet âgé (prévention du déclin fonctionnel des
cellules beta, pas d’hypoglycémies induites). Leur mise à disposition est cependant trop récente pour bénéficier
d’un recul suffisant, et les données spécifiques chez le sujet âgé sont peu nombreuses.
L’insuline
Elle doit être utilisée en cas de contre-indications aux ADO ou en cas d’un échec de ceux-ci, en cas de
pathologies intercurrentes et/ou de décompensation aigüe. Une altération de l'état général sans cause évidente, un
amaigrissement inexpliqué, peuvent correspondre à une insulinopénie chronique. Dans cette indication,
l’insulinothérapie peut considérablement améliorer la condition du patient, il ne faut pas hésiter à y avoir
recours.
L’insulinothérapie doit être adaptée au cas par cas. Le schéma d’insulinothérapie dépend de l’équilibre
glycémique et de la trajectoire du vieillissement du patient (autonomie ?). Chez un patient âgé ayant bien vieilli,
les schémas adoptés peuvent être les mêmes que chez un diabétique de type 2 jeune (d’une injection d’insuline
basale à un schéma en multi-injections). Chez un sujet très âgé ou polypathologique, chez lequel les objectifs
glycémiques sont plus lâches, et l’identification des hypoglycémies plus malaisée, un traitement par 1 ou 2
injections d’insuline basale est souvent préféré.
Les analogues lents de l’insuline comme l’insuline glargine LANTUS® (1 injection) ou l’insuline détémir
LEVEMIR® (1 ou 2 injections) présentent un intérêt potentiel, avec un risque d’hypoglycémies réduit par
rapport aux insulines humaines de durée d’action intermédiaire, comme l’insuline NPH.
Les analogues rapides (pour les schémas en multi-injections), du fait de leur durée d’action plus courte que
les insulines rapides humaines, exposent moins au risque d’hypoglycémies postprandiales tardives.
L’éducation du patient et de son entourage est primordiale pour :
-
Pratiquer une autosurveillance glycémique avec un matériel ergonomique, adapté à la vue du patient
-
Pratiquer les injections d’insuline avec un matériel ergonomique, adapté au patient
-
Reconnaître les signes d’hypoglycémie et la conduite à tenir (arrêt de l’activité, resucrage,…)
-
Permettre un apport glucidique suffisant à chaque repas
Le recours à une infirmière est possible pour pratiquer les injections d’insuline et/ou la surveillance de la
glycémie capillaire. Tout de même, l’autonomie du patient doit être privilégiée, dans la limite de ces fonctions
cognitives.
V. Conclusion :
Les diabétiques âgés sont nombreux et ne constituent pas un groupe homogène de patients.
La reconnaissance de la trajectoire de vieillissement du patient, notamment par une évaluation gériatrique est
capitale pour choisir aux mieux les objectifs thérapeutiques.
Les complications du diabète ont un impact plus lourd sur l’autonomie du sujet âgé. D’un autre côté, les
modifications physiologiques liées au vieillissement et la polymédication augmentent le risque hypoglycémique
chez le sujet âgé. L’adéquation entre les objectifs et les moyens thérapeutiques est donc souvent délicate. La
surveillance de l’efficacité et de la tolérance des traitements chez le sujet âgé doit être renforcée et la pertinence
des thérapeutiques régulièrement réévaluée.