Il y a à la cathédrale de Chartres un vitrail célèbre qu`on appelle
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Il y a à la cathédrale de Chartres un vitrail célèbre qu`on appelle
Il y a à la cathédrale de Chartres un vitrail célèbre qu’on appelle vitrail typologique du Bon Samaritain, et qui donne une interprétation courante à l’époque médiévale de la parabole du Bon Samaritain que nous venons d’entendre. On y voit tout en haut un Adam triomphant, un peu benêt mais beau comme un Apollon....Très vite, ça se gâte en descendant dans le vitrail….La chute, l’affaire de la pomme, le meurtre d’Abel par Caïn, on connait la suite. La descente de Jérusalem à Jéricho, d’une ville située sur une montagne à la ville la plus basse du monde, moins 250 mètres, est interprétée comme une figure de la chute de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu et bien vite tombé dans le gouffre de la haine, du crime, de l’envie...en un mot du péché. Mais Dieu ne laisse pas l’homme rouler à sa perte, c’est toute l’histoire des alliances successives, d’Abraham à Moïse et aux grands prophètes, jusqu’à l’alliance nouvelle en Christ. Dans le vitrail, le Samaritain de l’Evangile est une figure ouvertement christique ; pour qu’il n’y ait aucun doute, il porte un nimbe crucifère. Il monte l’homme blessé sur sa monture, le prend en charge et le conduit à l’auberge, une auberge qui, à Chartres a une forme caractéristique d’Eglise. L’Eglise est donc cette auberge où on lave les plaies du blessé, symbole du baptême, où on lui verse de l’huile, symbole de l’onction ou de la confirmation, où on le nourrit, symbole de l’eucharistie. Une belle image de l’Eglise, proche d’ailleurs de celle qu’aime donner le pape actuel quand il parle à propos d’elle d’hôpital de campagne, destinée à accueillir et à soigner les hommes et les femmes abîmés par les multiples blessures sociales, psychologiques, spirituelles de notre temps. L’interprétation, à la fois christologique et sacramentelle du vitrail de Chartres est belle, elle prend sa place dans une tradition ancienne, celle des Pères qui reçoivent les textes bibliques à plusieurs niveaux, trois pour faire simple : -le sens littéral, ici l’histoire, largement fictive, de cet homme agressé lors de sa descente de Jérusalem à Jéricho ; -le sens moral, qui manifestement est celui que privilégie ici Jésus, puisque cette histoire est racontée en réponse à la question du docteur de la loi : qui est mon prochain ? -le sens christologique, le plus profond, le sens ultime selon les Pères, qui est celui que privilégie le vitrail de Chartres, l’homme blessé étant le symbole de l’humanité blessée, le Samaritain étant celui du Christ, le vrai médecin, l’auberge celui de l’Eglise, corps du Christ pour reprendre la belle image que nous avons réentendue dans la seconde lecture. Mais les Pères ont constamment souligné qu’il fallait toujours honorer les premiers sens, y compris le sens littéral, et surtout ne pas les court-circuiter avant d’aller au sens christologique ultime. C’est probablement un peu ce que fait le vitrail...et que ne fait évidemment pas Jésus. Le sens moral de cette parabole est essentiel. Elle nous invite à nous faire le prochain des hommes et des femmes blessés que nous croisons sur notre route. Jésus laisse entendre que c’est sur cela que nous serons jugés : le samaritain, un étranger plus ou moins hérétique, est ici davantage fidèle à la loi que le prêtre et le lévite qui en étaient pourtant les gardiens jaloux mais qui se détournent de l’homme blessé. La leçon est évidemment valable pour nous, probablement plus encore pour nous les curés, les prêtres du nouveau Testament, mais pour nous tous, disciples du Christ et tous porteurs depuis notre baptême de la marque du sacerdoce nouveau. Qui sont donc ces hommes blessés qui gisent sur nos chemins et dont nous sommes appelés à nous faire les prochains ? Nous ne le savons que trop bien, même si souvent nous nous détournons d’eux. Les migrants, les exclus de tout poil, mais aussi peut-être tous ces hommes et femmes blessés dans leur corps, leur cœur, leur affectivité qui ne manquent pas dans nos sociétés contemporaines. La parabole du Bon Samaritain, l’expression est même entrée dans le langage courant, ne dit-on pas avec parfois un zeste, probablement déplacé, d’ironie, de quelqu’un de généreux qu’il est un Bon Samaritain, la parabole du Bon Samaritain conserve, intacte, un potentiel d’interpellation pour chacun d’entre nous. N’ayons pas peur d’être taxés de Bons Samaritains, il vaut mieux être un peu trop naïfs que d’avoir le cœur sec, évidemment ! Mais le vitrail de Chartres nous permet d’approfondir notre accueil de la Parabole, sans pour autant fuir son côté dérangeant et très concret, c’est le risque ! Il nous dit que le vrai mal dont souffre l’homme est d’ordre spirituel, et que le seul médecin est le Christ. Oh, une fois encore, cela ne nous dispense en rien de nous constituer médecins de nos frères, ne serait-ce que parce que « Tout ce que vous avez fait au plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait », mais attention, sachons bien rester à notre place, seul le Christ guérit le mal à sa racine, radicalement ! Il nous présente aussi l’itinéraire de cet homme comme une descente de Jérusalem à Jéricho, l’exact opposé de l’itinéraire de pèlerinage, qui est celui du croyant, magnifié par exemple dans la Bible par les psaumes des montées, un itinéraire qui est d’ailleurs celui de Jésus en saint Luc, de Jéricho à Jérusalem. La vie chrétienne est une montée vers Jérusalem, lieu de rencontre du Dieu vivant, lieu du pardon, lieu de la paix ; et, laissés à nos propres forces, nous sommes plutôt entrainés à dévaler vers Jéricho plutôt que de monter vers Jérusalem. Le Christ est celui qui réoriente notre vie vers son véritable but. La topographie évangélique est d’ailleurs parlante, Le Chris Jésus, le Verbe de Dieu, est celui qui s’est fait pécheur avec les pécheurs, au plus bas, à Jéricho ou tout à côté au jour de son baptême, pour remonter avec la foule des pécheurs pardonnés, des boiteux et des aveugles guéris et les entrainer vers Jérusalem, où il sera élevé...sur une Croix, « faisant la paix par le sang de sa Croix » comme l’écrit saint Paul aux Colossiens. Relisons cette parabole et surtout écoutons la conclusion de Jésus qui s’adresse à nous, docteurs de la loi du XXIè siècle : « Va, et toi aussi fais de même. » Faisons de même, et en même temps laissons le Christ agir en nous, à travers nous. Nous sommes d’abord des blessés remis en selle, et si nous sommes appelés à nous faire le prochain de nos frères cabossés, c’est d’abord comme des compagnons d’infortune et comme des serviteurs guère utiles du seul Vrai Médecin. Amen !