SCENARIO 1- EXT – DUNE / JOUR Vasco, un jeune adolescent, est

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SCENARIO 1- EXT – DUNE / JOUR Vasco, un jeune adolescent, est
SCENARIO 1- EXT – DUNE / JOUR
Vasco, un jeune adolescent, est assis en haut d’une grande dune. Le vent
joue avec ses cheveux et soulève des amas de sable. Vasco regarde au
loin. Devant lui s’étend l’océan immense. En plissant les yeux, Vasco
croit percevoir que la ligne d’horizon, noire sur fond blanc, se meut.
De fait, la ligne tremblante séparant le ciel de la mer semble constituée
d’une myriade de créatures: c’est un ballet de baleines, ondulant les
unes sur les autres, louvoyant doucement comme une huile à la surface
de l’eau.
Et Vasco les entend aussi. Leur chant emplit finalement tout son être et
le fait vibrer.
Derrière lui, une voix rententit:
LA MERE (OFF)
Vasco !
Vasco regarde en arrière.
LA MERE (OFF)
Vasco ! À table !!
Vasco rejoint de nouveau l’horizon. L’appel des baleines est de plus en
plus présent.
LA MERE (OFF)
Vaaaaascooo !!
Vasco soupire, il endosse une casquette de marin et se lève, bien
décidé.
Il dévale la pente qui le conduit droit à la mer. Ses pieds dérapent un peu
sur le sable, il se ratrappe de justesse.
Il est au bas de la dune et s’engage sur la plage le séparant de l’océan.
Mais une nouvelle dune se forme sous ses pieds, il est contraint de la
gravir. Une dune de plus en plus haute. Déconcerté par cette apparition, il
lève le regard vers le sommet du monticule de sable. Le soleil l’aveugle,
mais il parvient à distinguer la silhouette d’une femme perchée, qui
le fixe de son regard noir. Ses cheveux claquent au vent, ses épaules
relevées encadrent un visage dont on ne peut distinguer les traits, ses
hanches souples reposent fermement sur le sable, elle est nue, assise, les
jambes repliées sur le côté.
Vasco, après un instant d’hésitation reprend son chemin, même s’il lui
faut endurer une ascension avant le grand plongeon. Mais la femme
perchée au somment de la dune fond sur lui, ouvrant les cuisses,
provocante. Entre ses jambes, une ligne blanche, bien droite bien
verticale, se détache du fond sombre. Vasco n’a pas d’échappatoire,
cette ligne le saisit tout entier.
VASCO (OVER)
Rosa.
De verticale, la ligne bascule sur le côté, devient horizontale, nouvel
horizon de Vasco, blanc sur fond noir.
2- INT – APPARTEMENT DE VASCO – NUIT
La ligne horizontale blanche sur fond noir devient l’embrasure d’une
fenêtre, à côté de laquelle se trouve une autre fenêtre, puis une autre,
puis des dizaines d’autres formant un édifice très haut et très noir. A
côté de cet édifice, d’autres semblables.
C’est ce que voit Vasco de sa fenêtre à laquelle il est accoudé.
Non loin de lui, dans le lit, dort Rosa. Ou plutôt a-t-elle les yeux fermés.
Elle l’observe en silence, redresse la tête et se lève finalement, toujours
belle et sauvage, les hanches larges et les cheveux longs. Elle s’approche
de lui. Il la regarde.
Une rumeur se fait entendre, venant d’en bas. Ils regardent en direction
de la rumeur, vers la place au pied de l’immeuble.
3 – EXT – PLACE DE LA VILLE / NUIT
Là git une énorme baleine couchée en travers. Elle respire péniblement.
De la fumée s’en échappe. Des badauds la contemplent et font des
commentaires à voix basse.
Vasco regarde la baleine. Rosa regarde Vasco.
Puis d’un coup elle enjambe la fenêtre et saute dans le vide, atterrit sur
la tête de la baleine couchée sur le flanc. L’œil de la baleine regarde
Rosa. Elle s’approche de cet œil, le caresse. La baleine ferme l’œil,
comme apaisée par cette caresse.
Soudain, Rosa sort un couteau, prend son élan et le plante dans la chair
de la baleine qui hurle alors, se tordant de douleur. Rosa découpe un
morceau qu’elle tient maintenant dans ses mains, dégoulinant de sang
rouge.
En haut, Vasco regarde la scène, sans bouger.
4 - INT – APPARTEMENT VASCO / NUIT
Bientôt l’a rejoint Rosa, les mains chargées de son présent sanguinolent.
Elle le lui présente. Il hésite. Elle l’encourage. Il va pour le prendre mais
s’arrête en chemin. Elle en croque un morceau. Un filet de sang coule
de ses lèvres et le long de son cou. Elle avale. Elle présente à nouveau
la chair fumante à Vasco qui en mord un petit bout, pour goûter.
Ça lui plait, il mord plus franchement, une bouchée, deux bouchées. Il
se rue sur cette viande qu’il semble apprécier par dessus tout. Rosa rit.
Elle le caresse et l’oint de sang. Ils roulent tous deux sur le sol, mêlant
leurs corps à la chair rouge de la baleine.
5 – EXT – IMMEUBLE VASCO / NUIT PUIS JOUR
Les fenêtres de l’immeuble de Vasco. C’est la nuit.
VASCO (OVER)
Rosa.
Ou bien s’appelait-t-elle Flore. Ou Cerise. Ou Olive.
Rosa.
Peut-être s’appelait-elle Marguerite, Pomme, ou bien Églantine.
Rosa.
Je crois qu’elle s’appelait Chêne, Onde, Bourrasque, Miel, Vallée, Tempête, Sève, Blé, Caverne, Falaise, Sucre, Amande, Canopée, Ruisseau, Banquise, Gouffre,
Geyser, Cascade, Abîme, Néant, Immensité, Absolu, Demain... Toujours.
Durant cette litanie, la nuit a laissé place au jour.
VASCO (OVER)
Jamais je ne serais... Vasco de Gama.
Et je sais qu’elle...
ne s’appellera jamais...
Horizon.
6 – INT – APPARTEMENT DE VASCO / JOUR
Allongés par terre, les corps épuisés respirent profondément. Rose a
les yeux fermés. Vasco la regarde. Tout a été mangé. Vasco se glisse
jusqu’à la cheville de Rose où subsiste une ultime trace de sang rouge.
Il lèche le sang. Et se rendort.
VASCO (OFF)
Vasco !
Vasco ouvre soudain les yeux.
VASCO (OFF)
Vaaaaascoooo !
Il se redresse complètement, tentant de localiser l’origine de la voix.
VASCO (OFF)
Vaaascoo...
Il s’approche de la fenêtre.
7 – EXT – VILLE / JOUR
Dehors, il fait grand jour. Lorsque Vasco arrive à la fenêtre il est aveuglé
par le soleil.
Mais il parvient à distinguer la forme gigantesque de la baleine, flottant
dans les airs à hauteur de sa fenêtre. Baleine morte, flasque.
Vasco remarque alors que, debout sur le dos de la baleine se trouve
son autre lui-même qui l’appelle. Ce deuxième Vasco met alors une
casquette de marin.
VASCO
Vasco...
Et la baleine se met à s’éloigner doucement. Les hauts immeubles alors
s’écartent ou s’abaissent pour la laisser passer, et le monde défile: la
baleine chevauchée par le double de Vasco survole champs et collines,
rivières et forêts, aplanit les montagnes, passe au-dessus des plages et
s’en va vers l’horizon où d’autres baleines l’attendent et l’appellent de
leurs chants.
8 – EXT – APPARTEMENT DE VASCO / JOUR
Contemplant à nouveau cet horizon qui lui était caché, Vasco, toujours
à la fenêtre reste un instant pétrifié. Rose arrive alors, l’enlace et
l’embrasse. Mais Vasco se dégage, et enjambe la fenêtre. Rose tente de
le retenir, il la repousse. Elle tombe en arrière. Il saute.
9 – EXT – PLACE / JOUR
Il se réceptionne sur ses deux pieds, se redresse et court. Il est tout petit
au pieds des immeubles. Il les dépasse, sort de la ville.
10 – EXT – JOUR
Il court sur une route longeant des champs. Il traverse une forêt. Il monte
sur une colline, s’arrête un instant. Au loin les baleines l’appellent
toujours. Mais il ne les voit pas, une montagne lui bouche la vue. Il
redescend la colline, court dans l’eau d’un ruisseau. Le voilà rapidement
au pied de la montagne. Il la jauge un moment, et la gravit. La montée
est pénible, la tempête le surprend. Il se réfugie dans une caverne. Les
chants des baleines se mêlent aux sifflements du vent. Vasco trépigne.
Son genou tressaute. Il ne peut attendre.
Il sort finalement de la caverne, bravant la tempête.
11 – EXT – SOMMET DE LA MONTAGNE / JOUR
Lorsqu’il arrive au sommet de la montagne, il a vieilli. Ses traits sont
tirés et il a une barbe blanche. Le ciel est maintenant dégagé. Il règne
un silence pesant. Un coassement lui fait lever la tête au ciel. Il voit les
silhouettes de quelques charognards planant au-dessus de lui.
Il avance tranquillement. Petit à petit, sa marche s’accélère: il trottine,
puis court franchement, il court, il court, comme un fou, comme un pantin
désarticulé, une course démentielle, faite de saccades, de soubresauts...
Cette fuite en avant s’accompagne d’une déstructuration de sa forme.
Bientôt il n’existe plus.
Il n’est alors plus que grains de poussière.
De cette poussière inerte qui fait les horizons.