Deux ambassadrices du bon goût…et de charme
Transcription
Deux ambassadrices du bon goût…et de charme
Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! Au départ, et peut-être parce qu’il s’agit de deux femmes, la cuisine se révèle être une empreinte inconsciente, ancrée dans leur histoire personnelle comme un affect indélébile. On voit se profiler derrière elles l’ombre tutélaire et bienveillante de deux femmes exceptionnelles auxquelles toutes deux reconnaissent un rôle essentiel : la grand-mère de Choumicha prénommée Rahma d’une part, et la mère de Fatema, Mansouria, à laquelle sa fille rendra hommage en donnant naturellement son nom au restaurant qu’elle finira par créer. Toutes deux évoquent dans leur démarche l’importance de l’héritage des traditions, des gestes ancestraux, qui les influenceront considérablement dans l’amour qu’elles voueront ensuite à la cuisine. Toutes deux sont connues également pour être des travailleuses infatigables, soucieuses de rigueur, et capables de jongler avec différentes casquettes. « Avec du travail et de la volonté, déclare sobrement Fatema Hal, on finit toujours par y arriver . » Une différence peut-être, de taille, c’est que la rencontre avec la cuisine est un bel accident dû au hasard pour Choumicha, tandis qu’elle constitue l’aboutissement presque logique du parcours de Fatema Hal. Choumicha, la star de la cuisine cathodique. Le hasard a, en effet, voulu que Choumicha, qui travaillait en tant qu’animatrice radio et productrice après des études de marketing et de communication, ait été choisie en 2000 pour animer une émission de cuisine sur 2M, « Ch'hiwate Choumicha », une émission quotidienne diffusée du lundi au vendredi dans laquelle elle présente des recettes diverses et variées à ses 1/6 Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! téléspectateurs. Cette émission sera reprise sur la télévision italienne Babel TV sous le titre « la cucina di Choumicha ». La suite, on la connaît ! Trois ans plus tard, en 2003, Choumicha décide avec une nouvelle émission diffusée le samedi, -« Ch’hiwates Bladi »-, de sillonner le Maroc en quête des trésors de la cuisine du terroir, et se passionne pour faire revivre les spécialités parfois oubliées des différentes contrées du pays : du couscous à la ziata de Ouezzane en passant par le m’hazzam khiyou de M’Hamid El Ghizlane, ou encore de la pastilla baqqala de Safi au halwa dial tabaâ de Téotuan et du tajine mecheber d’Essaouira…Le désir de Choumicha est, en effet, de ressusciter des pans parfois oubliée de la cuisine régionale. Depuis, l’animatrice passionnée de cuisine a fait du chemin. Elle a publié une trentaine de livres, en arabe ou en français. Celle qui, petite, regardait religieusement tous les vendredis aux côtés de sa grand-mère Rahma les émissions culinaires de feu Abderrahim Bargach, est désormais devenue à son tour l’icône du petit écran de la télévision marocaine. Elle poursuit cette aventure également sur les chaînes du câble avec l’émission « La cuisine de Choumicha », diffusée sur Cuisine+, la filiale de Canal+. Mais, non contente de s’arrêter en si bon chemin, elle est aussi celle à qui l’on doit le premier magazine culinaire marocain, le bimestriel « Saveurs et Cuisine » du Maroc. En 2012, en prolongement logique de son expérience culinaire, la voilà qui crée également une gamme de composition marocaine d’épices commercialisée sous la marque Dar Choumicha . Avec un prénom qui, dès le départ, sortait de la norme, Choumicha a réussi à se fabriquer un nom qui, pour tous, évoque la convivialité d’une cuisine authentique et généreuse. Ses participations à de nombreux jurys d’événements prestigieux dédiés à célébrer la cuisine comme celui du festival Gourmet Voice à Cannes en 2006, ou sa participation à des émissions étrangères de renommée internationale comme le 2/6 Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! Anna & Kristina's Grocery Bag sur la chaîne Oprah Winfrey Network, ont largement contribué à faire découvrir la cuisine marocaine hors des frontières. Fatema Hal, une cuisine affective nourrie de culture et d’histoire. Si la popularité sied à Choumicha, c’est à la reconnaissance en revanche que Fatema Hal est sensible, car elle sait qu’elle lui doit la possibilité de continuer à pouvoir œuvrer utilement vers la concrétisation de ses objectifs. Fatema Hal est, en France, celle qui véhicule certainement le mieux l’aura de la gastronomie 3/6 Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! marocaine. Décorée de la Légion d’honneur, elle se réjouit en effet qu’à travers elle se lise la reconnaissance de son pays, et donc de sa cuisine. Abandonnant ses études d’ethnologie, Fatema Hal a choisi de dédier sa vie à cet autre pan de culture que représente la tradition culinaire marocaine. Depuis 1984, c’est donc aux fourneaux d’un restaurant dont la renommée a rapidement grandi, qu’elle fait partager quotidiennement cette passion dévorante et son énergie créatrice. A deux pas de la Bastille, le Mansouria est devenu ainsi une adresse incontournable pour tous les amoureux de la cuisine traditionnelle marocaine et de famille, dirait-on. C’est au marché d’Aligre que Fatema va s’achalander en produits, mais Le Mansouria est également dans la pratique une sorte de laboratoire où s’exerce son insatiable esprit d’innovation, elle qui voit la cuisine comme le miroir de ses humeurs, de ses joies comme de ses peines. « Si j’en crois ma mère, n’hésite-t-elle pas à rappeler, il existe un plat comme remède à chacun de nos maux… » En découle une cuisine à la fois raffinée et subtile qui se goûte comme une palette de couleurs et d’atmosphères diverses, à partager sans modération. Un verbe qu’elle affectionne particulièrement. D’ailleurs, le Ramadan lui-même l’inspire pour ce livre au titre évocateur qu’elle a publié il y a 5 ans aux éditions Agnès Viénot : « le Ramadan, la cuisine du partage ». Elle y voit l’occasion de restituer l’atmosphère festive des rituels du Ftour en éclairant les rites et les symboles du Ramadan de ses souvenirs, dans lesquels transparaît sa vision affective et conviviale de ces moments si particuliers, que cristallisent 100 recettes choisies. De ses études d’ethnologie, nul doute que Fatema en a retenu le désir de revenir aux sources de la cuisine en consacrant presque 30 ans de sa vie à recueillir les recettes traditionnelles auprès de celles qui en étaient les gardiennes. Avec une infatigable curiosité, elle s’est intéressée aux multiples influences dont la cuisine marocaine a opéré une sorte de syncrétisme, en tant que carrefour de civilisations : berbère, africaine, arabo-andalouse, juive, européenne, chinoise... "Le Grand livre de la cuisine marocaine", qu’elle publie chez Hachette en 2005 est devenu depuis un classique, parce qu’il est aussi le livre de la grande cuisine marocaine. Un basique recensant plus de 500 recettes, muni d’un glossaire, d’index, et d’une multitude de conseils techniques pour rendre la belle cuisine accessible à tous, en révélant, au-delà, des secrets de famille généreusement transmis… 4/6 Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! Pour une Académie culinaire du Maghreb et de la Méditerranée. Fatema Hal a une exigence de simplicité, aussi sa cuisine se doit-elle de respirer la même sincérité. S’il est un grand plat qui l’a marquée dans son enfance, c’est la sfiriya à base de viande et d’amandes. « Une viande rôtie avec un flan d’amandes, ce n’est pas très commun et en même temps très ancien, » mais lorsqu’on lui demande quel est son plat préféré, elle vous répond qu’il s’agit tout bonnement des pommes de terre à la menthe sauvage, le « fliou » qui pousse à la fin du printemps et au début de l’été. Son obsession : les épices. Elles sont les symboles mêmes du voyage et font de la cuisine un terrain d’expérimentation quasi-alchimique, à ses yeux. « Sur les routes des épices se croisent les hommes du monde entier. », souligne-t-elle. Entrer dans le monde des épices, c’est partir pour une extraordinaire aventure, il faut savoir doser les alliances, un parfum doit respecter l’équilibre des saveurs, savoir se fondre sans se confondre. » écrit-elle dans son premier livre « Les Saveurs et les Gestes ». En attendant, la web-TV de Fatema Hal propose, hauts en couleur, ses voyages sur la route des épices à travers des vidéos des recettes de son cru. Faire rêver les gens et les emmener en voyage, telle est l’ambition qu’elle place dans la cuisine marocaine dans laquelle elle reconnaît l’authenticité d’une riche histoire qui se transmet oralement, de mère en fille. On peut la voir également sur la chaîne Cuisine+ évoquer « sa » cuisine marocaine, en référence au titre de l’émission : « Ma cuisine marocaine ». « Avec les femmes traditionnelles, j’ai appris la modernité, et le goût du travail bien fait, et je répète à qui veut l’entendre que, sans connaître parfaitement cette tradition, on ne peut pas la moderniser », a-t-elle coutume de dire. Les nombreux Prix reçus tel le Prix du meilleur restaurant étranger Marco Polo en 1990, puis le Prix du meilleur livre de cuisine étrangère en 2005, ou encore l’Officier de l’Ordre du Mérite qui lui a été décerné par le Roi en 2009 ne lui auront pas fait perdre de vue ses objectifs, qui demeurent très concrets, et tournés entièrement vers sa passion. .Aujourd’hui, il consiste à vouloir mettre en place une Académie Culinaire du 5/6 Deux ambassadrices du bon goût…et de charme ! Maghreb et des Pays Méditerranéens dans le but de « donner un éclairage supplémentaire sur ce patrimoine, d’écrire, de consigner, faire de la formation, d’organiser des actions auprès des écoles hôtelières, de donner des conférences, de favoriser les voyages d'initiations et de travailler à la valorisation des produits du terroir. » Elle dit rêver de se réveiller un jour et de découvrir que cette Académie existe. Mais en rêver, c’est aussi se préparer à le faire. En attendant, la toute prochaine action menée,c’est aux côtés des Maîtres Restaurateurs qu’elle la met en oeuvre, en lien avec le mouvement des Restaurateurs Sans Frontières qui se mobilise pour créer une cantine à Haïti, tandis que de l’autre, elle s’applique à préparer le Concours des Jeunes talents qui doit avoir lieu à la rentrée avec les Maîtres Restaurateurs, l’Association dont elle fait partie. « Mais chez nous, les Maîtres sont des Maîtresses », glisse-t-elle en contrepoint final, avec un zeste d’humour. En effet, alors que partout ailleurs, la plupart des Chefs aux commandes en cuisine sont des hommes, au Maroc, il est clair que les femmes continuent d’en être les plus belles ambassadrices… 6/6