n°110 Lyon-Mariste 4ème trimestre 2013 - Sainte

Transcription

n°110 Lyon-Mariste 4ème trimestre 2013 - Sainte
LYON
SAINT-PAUL
LES MISSIONS
LA SOLITUDE
LA VERPILLIERE
110
som
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18
Un professeur qui s’en va
Jean-Louis RAVISTRE
21
LIBRE PAROLE
Charles-Eric de SAINT-GERMAIN
Refonder la laïcité
Re
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LES
YEUX
FERTI
LES
36
Petit éloge de la coulure
Fabrice TREPPOZ
De Cimabue à Yan Pei-Ming
COL
LEGE
58 83
Homélie de la messe
de rentrée
des professeurs
Théâtre
représentations
2013/2014
60 84
120 ans,
Une fête, Un livre
70
Ciné-club
Programme 2013/2014
A bout de course
Voyages
Comenius
Mont Athos
100
Classes supérieureS
NOU
VEL
LES
112 117
Lyon
La Verpillière
123
Carnet
L’ensemble du système éducatif est remis
régulièrement en cause. Il n’est que de lire les sorties en librairie
à la veille de chaque rentrée scolaire 1 : c’est de la faute des
enseignants, ces intellectuels déconnectés qui ne comprennent
plus la jeunesse ; ou bien c’est de la faute des familles et de
leurs enfants, ces barbares qui envahissent l’espace civilisé de
l’école.
Or plus l’éducation est remise en cause, plus elle est
occasion d’angoisse : angoisse des parents à qui l’on dit qu’il
n’y a plus d’autorité, de figure d’autorité ; qui sont nés euxmêmes dans un temps de chômage massif, y compris pour les
diplômés, et n’ont que de sombres perspectives à offrir à leurs
enfants ; angoisse des garçons et des filles qu’une société plus
en quête de jouissance que de bonheur cherche à alimenter
en nouveautés plus qu’en repères ; angoisse des professeurs
perpétuellement remis en cause par le discours médiatique,
et qui attendent en vain un cap des politiques ; angoisse des
politiques qui ont l’œil rivé sur le rang de la France dans
les enquêtes PISA 2 et n’obtiennent des experts que des avis
contradictoires ; angoisse des pédagogues et autres didacticiens
Le dernier ouvrage de Gabriel Cohn-Bendit par exemple Pour une autre école, aux
éditions Autrement, n’y va pas par quatre chemins : il faut comme professeurs des
animateurs niveau BAFA qui dialoguent avec les élèves. On laisse tout le reste :
les disciplines, la notation, les exercices traditionnels...
1
Edi
to
rial
qui ont contribué à faire évoluer le système scolaire en France
à coup de réformes, grandes ou petites, mais fréquentes, et
qui ne constatent pas les améliorations annoncées pourtant dans
leurs ouvrages...
Quelles sont les racines de cette angoisse contemporaine ?
Tentons de répondre à cette question à partir de deux épithètes à
la mode : « durable » fait bien dans une société qui doute autant
du beau, du bien que du vrai ; quant à « urgent », elle s’impose
puisque l’efficacité et la rapidité sont les conditions de la survie
dans la compétition mondiale.
Mais qu’est-ce que le durable à l’école ? Qu’est-ce qui
est urgent pendant les douze à quinze années d’études ?
Jusque-là l’éducation était indubitablement œuvre
durable : transmettre, c’est-à-dire relier un passé à un avenir,
c’est bien avoir le sens de la durée, faire entrer dans la durée.
Mais le passé et l’avenir sont-ils encore figurables pour nos
contemporains ?
Program for international Student Assessment : la dernière enquête de 2012
auprès de quelques 70 pays montre que la Corée arrive en tête des meilleures
performances d’étudiants en mathématiques et en troisième position en lecture,
tandis que la France arrive seulement entre la douzième et la vingt-deuxième
position.
2
8
Le passé n’est plus désirable. Une civilisation qui a
mené à Auschwitz est à coup sûr discréditée et les sciences ont,
en un siècle, mis bien du désordre dans notre conception de
l’histoire, en montrant qu’elle était le fruit d’une interprétation
politique. On a donc imaginé, pour l’école, une histoire sans
chronologie, uniquement faite de documents analysés avec
objectivité. La mémoire a été discréditée : l’exercice scolaire
de la mémorisation serait à la fois vain quand des ordinateurs
nous soulagent de cette tâche, et inégalitaire puisqu’il est
vrai que chacun n’a pas la même capacité de se souvenir ; la
mémoire personnelle elle-même est sujette à caution comme
le dernier roman de Julian Barnes 3 l’illustre. Un vieil homme
qui s’était arrangé avec son passé le voit resurgir ; chacun des
souvenirs qui lui avaient servi à se construire une vie dont il
était fier devient, sous le nouvel éclairage d’un évènement, de
quoi lui faire honte désormais.
Michel Serres va jusqu’à affirmer 4 : « Le monde a
tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer ! »
Et d’ajouter, pour ne pas paraître conservateur ou dépassé :
« Faisons donc confiance à Petite Poucette pour mettre en
œuvre cette utopie, seule réalité possible ! ». Or adosser
un être au néant, c’est plus sûrement le livrer au vertige de
l’impuissance, à la terreur de l’inconnu d’une tabula rasa.
L’avenir n’est pas désirable non plus, comme au temps
où l’on attendait les bienfaits consécutifs aux progrès des
sciences et techniques ; il n’est pas plus prévisible tant les
prévisionnistes ont fait d’erreurs, tant l’évolution du monde
s’est accélérée ; il n’est pas même affrontable tellement
les catastrophes dues à la surpopulation, à la pollution, à
l’exploitation sans frein des ressources naturelles semblent
certaines. Donc sans avenir imaginable, au lieu de le penser,
Une fille, qui danse (en anglais : « The sens of an ending »), Mercure de France,
2013
4
Michel Serres, Petite Poucette, Le Pommier, 2012
3
9
quitte à se tromper, on se contente de gérer le présent. Toute
décision qui engage un futur est par conséquent, sinon
impossible, du moins angoissante car elle semble priver de la
liberté de changer.
Or, à l’école, la transmission est impossible s’il
n’y a ni passé ni avenir. Si l’on veut faire du professeur un
simple animateur, c’est bien pour entériner l’impossibilité de
commenter l’histoire, les textes fondateurs.
Notre première tâche pour rendre l’école vraiment
durable est donc de montrer la valeur et du passé et de l’avenir
pour sortir de l’étroitesse angoissante du présent. Notre
tradition éducative propose quelques pistes très simples.
Travailler la mémoire : on sait, depuis l’immense
effort proustien pour retrouver le temps et depuis les travaux
plus récents sur le cerveau, que le souvenir d’un fait ou
d’une idée n’est pas stocké à un endroit précis mais dispersé
dans plusieurs zones cérébrales. L’effort de mémoire est
donc un effort de mise en relation de ces zones qui, malgré
les différences de nature entre deux individus, se construit.
En aidant un élève à construire sa mémoire, nous l’aidons à
prendre conscience premièrement de sa singularité, puisque
nul n’a exactement les mêmes souvenirs, et deuxièmement de
son inscription dans la société dans la mesure où le corpus
de savoirs scientifiques, de textes et de souvenirs est partagé
par d’autres. Plus simplement encore, on l’aide à éviter
l’angoisse de la feuille blanche : ce qu’il doit faire en effet
à l’école, c’est retrouver sans l’aide de quiconque ce qu’il a
entendu, lu, vu, et même apprécié par ses autres sens. Réviser
une leçon au quotidien, c’est donc d’abord non pas relire puis
réciter, ce qu’une mémoire immédiate fait assez facilement,
mais apprendre à récupérer ce qui est stocké dans sa mémoire
longue. L’élève apprendra s’il retient plus spontanément ce
qu’il a entendu, ce qui a été écrit au tableau, des schémas,
un concept... Il apprendra à se connaître.
10
Raconter et interpréter : Charles Melman écrit :
« Nous vivons à une époque marquée par la dévalorisation du
textuel. Au profit du pouvoir, de l’efficacité et de la rigueur,
implacable, sans pardon, du nombre [...] » 5. Rien à dire de
la logique binaire d’un ordinateur ; tout à interpréter dans
un texte. L’idéologie cognitiviste, explique encore Melman,
nous « dé-saisit de toute référence verticale – notamment aux
grands textes – pour l’organisation de notre conduite. [...] Nous
nous trouvons en effet assimilés par cette approche, non pas à
un animal, mais à une machine [qui souffre de] défauts dans
le traitement des informations reçues » 6. Si la Bible n’est pas
un livre comme les autres, c’est bien qu’elle laisse libres les
rabbins de toute interprétation : plus je suis capable de narrer
des histoires d’une certaine profondeur et d’essayer de les
interpréter, moins je suis dépendant de l’interprétation à la
mode ou de celle du dominant.
Evaluer fréquemment : plus il y a de notes, moins
chaque note est un destin. Le passé est réparable. La fréquence
de nos carnets de notes n’a pas pour objectif de traumatiser les
enfants mais au contraire de les sortir du présent, qui ne permet
pas de s’évaluer, pour entrer dans la dimension temporelle,
de sortir du flou angoissant d’un système de notation non dit
ou absurde : des smileys, des feux verts, orange, rouges, des
flèches qui montent ou descendent...
Ne pas fermer l’avenir : à quoi sert-il d’émettre
un avis définitif sur un enfant, qu’on soit père, mère ou
professeur ? Il est si simple de limiter son jugement à un fait
limité. Il n’y a pas d’enfant paresseux, uniquement un enfant
qui n’a pas appris sa leçon... ; a fortiori il n’y a pas d’enfant
voleur ; seulement un enfant qui a volé.
A quoi sert-il de faire le lucide en décrivant un avenir
catastrophique ? Dans notre tâche éducative notamment, on
5
Charles Melman, L’homme sans gravité, Folio essais, 2002, p.164
Ibid., p. 144
6
11
peut dire avec Nicole Echivard 7 : « Il ne nous est pas demandé
de réussir : il nous est demandé d’aimer tout ce qui passe [...] Un
enfant, on l’élève ; un ami malade, on le soigne ; une mère, on
l’honore – jusqu’au bout. Aimer, jusqu’au bout : c’est réussir.
Persévérer dans l’amour, c’est n’échouer jamais ».
On voit où est le durable qui n’angoisse pas.
Jusque-là l’éducation était donc non seulement
durable mais aussi affaire de lenteur, de répétition, d’attention
dans la durée, et l’urgence semblait réservée aux malades,
aux gardiens de l’ordre, voire aux entreprises. La course à la
mondialisation semble l’avoir fait entrer dans une nouvelle ère :
on demande à l’école de l’efficacité. On éliminerait volontiers
des programmes ce qui ne créera à l’évidence pas d’emploi,
bref tout ce qui n’est pas utile.
Or « l’utilité, cette valeur floue, par définition relative,
par nature a-morale, justifie tout nouveau produit, maquille le
superflu, camoufle le visible [...] présente le tout comme du
« progrès », mot de passe dont l’imprécis achève d’anesthésier
la conscience » 8. L’urgence tend à l’utile, mais comme ce qui
est utile aujourd’hui ne l’est plus rapidement, une nouvelle
urgence se fait jour... et quand tout est urgent, quel choix
opérer ?
A l’urgence donc qui paralyse, rend fébrile ou fait
confondre vitesse et précipitation, la tradition chrétienne
préfère la patience. Qu’est-ce que la patience ?
C’est le contraire de l’impatience : les parents
souvent, mais nous aussi avons tellement tendance à outrer
notre langage, à parler de catastrophe quand c’est à peine une
petite bêtise, à dire que c’est irrémédiable quand cela prendra
7
Nicole Echivard, Vert comme l’espérance, Médiaspaul, 2012, p. 91,
Ibid., p.78
8
12
seulement du temps, à parler donc d’urgence quand il s’agit
tout au plus d’une priorité. Combien de mères déguisent,
parfois inconsciemment, leur collégienne en femme ; combien
de pères parlent du chômage à un petit qui a simplement eu une
mauvaise note... J’ai en mémoire, comme vous, des anecdotes :
cette maman de petit chanteur me demandant comment faire
pour que son garçon garde sa belle voix d’enfant... tandis que
le papa, inquiet à ses côtés, craignait qu’en laissant son fils
dans une telle classe il ne restât à jamais efféminé !
C’est le temps laissé à la contemplation plutôt qu’à
la consommation : vous voyez s’asseoir devant vous des enfants
peut-être seulement habitués depuis leur tendre enfance à
cliquer pour passer à autre chose, à jeter ce qui ne sert plus,
à avoir plus grands yeux que grand ventre, à consommer du
paysage pour en faire des photographies. La contemplation
dans l’éducation, c’est le choix d’une écologie chrétienne. Et
Nicole Echivard de poursuivre : « Le défi écologique n’est
pas d’abord, pour le chrétien, affaire de chiffres, d’effectifs,
de quantité, ni de survie physique. C’est bien plus : c’est
une question de vie éternelle, [...] [ce] n’est pas d’abord une
question d’intérêt. C’est une question de regard : d’attention,
d’admiration, de gratitude, de contemplation... » 9
Cela a des implications pédagogiques. Du plus simple
au plus élevé : soyons attentifs à ne pas gaspiller, les craies,
le papier, la nourriture, et faisons un effort de recyclage ; sachons
par là aider à voir ce qui nous entoure, aider à aimer notre
pays, notre planète ; à la crainte de ne pas finir un programme,
substituons celle de le survoler et, régulièrement, montrons
que nous sommes encore admiratifs, émus devant ce que nous
enseignons ; visons la profondeur : en latin un même mot dit
ce qui est profond et élevé tant c’est une question de point de vue ;
9
Ibid., p. 88
13
dans cette perspective nous échapperons à ce que j’appellerais
l’écologie idéologique ou compulsive qui adore la nature ; or,
nous rappelle Claudel, « la création est ambivalente. Elle est
ce qui nous est donné par Dieu [...] elle est aussi ce à quoi le
chrétien ne saurait s’arrêter puisqu’il faut toujours, sous peine
d’idolâtrie, passer de la création au Créateur. » 10
C’est la préférence du solide sur l’éphémère :
on dit parfois des bâtiments d’Adilon que ce sont des bunkers.
Pourquoi pas ? Car le béton est à la fois carapace pour protéger
de l’agitation et de la violence de la société, matrice pour faire
naître au monde (et les allusions matricielles sont nombreuses
dans le vocabulaire architectural de Georges Adilon) et signe
qu’un matériau pauvre et commun peut donner une création
riche et singulière.
Comme un domicile est le prolongement de
l’enveloppe charnelle de la mère, de la solidité protectrice du
père, l’architecture de notre école se veut l’image de la solidité
intérieure des adultes qui y enseignent et éduquent. Certes les
professeurs et éducateurs ont le droit au doute, à la fragilité ;
mais ils doivent les assumer, montrer qu’ils les ont apprivoisés
et qu’on ne peut vivre heureux que si l’on a affronté sa faiblesse.
S’assumer comme maître.
Le pape François 11 dit la même chose des prêtres :
« Il faut une solidité humaine, culturelle, affective, spirituelle,
doctrinale pour les pasteurs : il est important de promouvoir
et de soigner une formation qualifiée qui fasse des personnes
capables de descendre dans la nuit, sans être envahies par
l’obscurité ni se perdre ; d’écouter les illusions d’un grand
nombre, sans se laisser séduire ; d’accueillir les désillusions,
Jean-François Chiron, Claudel, maître spirituel pour notre temps, Conférences de
Carême de Fourvière, 2005, Editions Parole et silence, p. 27.
11 Discours du pape François aux évêques brésiliens, le 27 juillet dernier, lors des
JMJ à Rio.
10
14
sans se désespérer ni tomber dans l’amertume ; de toucher ce
qui a été détruit chez les autres, sans se laisser dissoudre ni
décomposer dans sa propre identité. »
Je sais qu’on se sent toujours un peu limité pour
prétendre dans une société du jetable viser le durable ; un peu
coupable de ne pas parer à des urgences vraiment médiatiques ;
un peu indigne de se reconnaître comme un modèle quand on
n’ignore pas ses faiblesses et même ses défaillances. C’est la
raison pour laquelle nous avons à nous former, à profiter des
compétences des uns et des autres pour affermir notre âme
dans ce combat spirituel qu’est d’avoir charge d’âme. Mais,
en même temps, il est bon de se redire que ce métier est beau,
qu’il est noble, parce que nous pouvons porter, peut-être
malgré nous, une parole plus haute et plus profonde que ce
que nous imaginons souvent.
Il nous arrive de recevoir des lettres de remerciements.
Spontanément, on se dit : c’est trop. Notre humilité ne le permet
pas. 12 C’est pourquoi, en guise de conclusion, je vous livre la
réaction de Dominique Ponnau, professeur d’art 13, après avoir
reçu, de la part d’un ancien élève, une lettre du même genre.
Il prend la précaution de dire que ces lignes sont « vraies
pour les professeurs, pour les parents, pour les conseillers
psychologiques et spirituels. »
« [Les lignes de cette lettre] vous emplissent
de bonheur. D’où viennent-elles ? De quels témoignages, de
quelle source pure ? Elle jaillit du creux d’un roc très caché.
Pourtant, comme le dit encore Claudel : « L’humilité n’est pas quelque chose
de chétif, de triste et qui plie les épaules. Au contraire, c’est quelque chose de
surabondant et de joyeux (...) Se rendre compte de nos ridicules et de nos vanités,
c’est amusant en même temps qu’attristant. Ce serait dommage que nous n’ayons
pas constamment avec nous un observateur prêt à se moquer de nos grimaces. »
In Claudel, Journal, tome 2, Gallimard, 1941, p.379
12 15
Au mieux, vous vous êtes trouvé sur le cours de son ruissellement
et sans doute ne lui avez-vous pas fait obstacle. Ce n’est que
justice de l’admettre : pour l’honneur de tels messagers.
Ils placent très haut la barre de la fidélité. [...] Trop haut pour
vous ? Bien sûr. Beaucoup trop haut. [...] Et pourtant [...].
Car ce sont eux qui, sur vous, voient juste. Bien sûr, mieux
qu’ils ne vous connaissent, vous vous connaissez ! Bien sûr...
est-ce bien sûr ? Ce que vous connaissez le mieux de vous,
ce sont vos faiblesses, vos petitesses, votre ignorance, votre
égoïsme, votre paresse. Et vous voyez juste : tout cela est en
vous. Mais eux, qui voient de vous autre chose, vous voient
sans doute mieux que vous. En effet, qu’ont-ils saisi, ou mieux,
qu’ont-ils capté de vous ? Ce que vous avez laissé échapper de
l’eau de la source. Les vannes qu’à un moment ou un autre,
le plus souvent sans le savoir, vous avez ouvertes à son flux.
Vous avez presque raison de penser que vous n’y êtes pour
rien. Mais seulement « presque ». [...] Peut être n’êtes-vous
que le bâton du coudrier entre les mains du sourcier qui luimême est la source ? Rassurez-vous. Ces jeunes gens savent
bien qu’il faut chercher plus haut la source et le sourcier [...].
Ils voient bien que vous êtes comme eux. Ils voient aussi que
vous ne vous résolvez pas à vos à-peu-près ; que vous ne cessez
d’aspirer à la justesse ; que si vous perdez parfois le chemin,
vous ne doutez pas qu’il y ait un chemin ; que vos désarrois ne
sont pas durables ; que pour vous l’espérance et la conviction
du sens sourdent toujours et jaillissent soudain. »
M arc Bouchacourt
Né en 1937, il a été directeur de l’école du Louvre, président du Centre européen
d’art sacré et président de la Commission pour la sauvegarde et l’enrichissement
du patrimoine cultuel. Ce texte est extrait de Célébration de la gratitude, Presses
de la Renaissance. 2008, chap. Partages, pp. 47 - 49
13 Un professeur...
Libre parole
petit éloge
de la coulure
ré
flex
ions
UN PROFESSEUR
QUI S’EN VA
Dans cette rubrique Lyon-Mariste propose à votre
réflexion un texte ayant trait à la conduite scolaire.
Un professeur, quand il s’en va, abandonne son
troupeau comme un mauvais berger ; il remise son vieux
cartable, renouvelé tous les trois ans pour cause de pesante
fatigue, ses stylos rouges, ses feuillets indéchiffrables, ses
cahiers capharnaüm ; un professeur qui s’en va donc ne laisse
pas de testament ; il a participé à la fête de l’esprit et du
cœur ; il fut du bond et du festin, comme l’écrirait Char ; il
laisse à d’autres le soin de faire résonner avec une folle raison
l’alphabet des astres, d’offrir de nouvelles agapes en fonction de
leurs talents. Il ne peut oublier que s’il fut présent à cette tâche
(et il aurait pu faire mille autres choses !), c’est avant tout par
admiration pour les instituteurs et quelques rares professeurs
qui lui ont enseigné l’émerveillement et le goût pour le savoir,
parce qu’aussi il y aurait une misère plus grande que celle du
corps à ne pas partager le pain poétique et spirituel et qu’en
outre, en entrant dans la maison mariste, il y a trente-six ans,
il fut ému par celui qui l’engagea. Ce dernier eut sur lui un
regard bienveillant, rempli d’espérance et de confiance en ce
qu’il pourrait faire. Et, de fait, au fil des saisons d’école, il ne
put que tenter d’être fidèle à cette confiance première.
19
refe
ren
ce
Une mélancolie native de Saturnien misanthrope, un
caractère ronchon, bougon, « jamais content » paradoxalement
ne l’empêchent pas de donner de la joie et de paraître un
tantinet gentil. Il s’étonne même que sa parole puisse susciter
le plaisir de penser, qu’il y ait du bonheur à enseigner des
méthodes, à tracer des sentiers de savoir ; la vie de l’esprit,
c’est « tirer des bords » sur des mers houleuses de dogmatisme,
de suffisance, de bêtise, d’ignorance et de clichés, ou c’est, en
randonneur, s’élancer vers quelque cime pour se rapprocher
de son étoile et du vrai et du beau... Le prof de prépa qui
est le spécialiste de rien (du moins le pense-t-il) est un
« passeur » qui fait traverser sur l’autre rive des êtres qui le
dépasseront et qu’il abandonnera à leur liberté rieuse et à la
promesse faite d’être eux-mêmes. Il sait, comme un certain
saint Christophe légendaire, qu’il ne peut porter celle ou
celui qu’il doit faire traverser, qu’il est bien imparfait dans
sa tâche, qu’il est plein de fragilités, de manques et de nuit.
Mais alors qui l’aide dans ces moments de fatigue du corps et
de l’âme ?
20
Qui l’aide dans ces moments-là ? Cette part en le cœur
qu’on appelle l’espérance ou Celui que d’aucuns ignorent ou
refusent et dont il croit qu’il est seul juge de ses mérites ? Tout
professeur est un « prophète » et non un maître séducteur ; si
savant qu’il soit, il parle d’une voix qui n’a pas pour origine
son seul savoir, ni sa maîtrise, ni ses compétences ; être de
parole, de craie et d’encre, s’initiant mal à Power Point ou
à Picasa, il est parfois inspiré et sème, sous le soleil des
livres, ce qu’il ne moissonnera pas... comme les paysans des
tableaux de Van Gogh peints en Arles. Parfois il est nullissime
et s’en veut de ne pas être à la hauteur des heures confiées.
Il adore les mots et les tableaux de maître, sans jouer l’esthète
dandy ; il s’interroge encore et tente de ne jamais être dans
la répétition stérile ; il redécouvre parfois ce qu’il a depuis
longtemps découvert et le livre comme au premier jour ; du
moins essaie-t-il de le faire. Finalement il a gardé une âme
d’enfant et sa lucidité et sa raison s’efforcent de laisser place
à la simplicité et à la limpidité. Il sait, tout en dispensant
un savoir et des méthodes, qu’il a beaucoup appris des
jeunes têtes auxquelles il enseigna et que, s’il a participé à
la vie intellectuelle de cette maison, c’est aussi elle qui l’a
construit.
J ean-Louis Ravistre
Extrait de son discours d’adieu aux élèves de khâgne,
le 5 juin 2013
libre
paro
le
Refonder
la laïcité pour une laïcité
positive et éclairée
Dans cette rubrique la forme et le contenu du texte
sont de la seule responsabilité du signataire.
Le modèle français de laïcité, qui fait figure
d’exception dans le monde, me paraît aujourd’hui dépassé car
il ne permet plus de résoudre les défis que la présence massive
de religions diverses dans le paysage français multiculturel
pose à notre modernité.
Depuis la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et
de l’Etat, la croyance religieuse s’est trouvée reléguée dans la
sphère privée, et la laïcité s’est voulue, en France, garante du
respect de la liberté de culte et de la liberté religieuse, incluant
notamment la liberté de conscience de chaque citoyen. Il s’agit
là, assurément, d’un acquis fondamental de notre modernité.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat, vécue de manière
violente par beaucoup de catholiques, s’est aujourd’hui
imposée à tous, y compris aux catholiques eux-mêmes, comme
bénéfique pour les Eglises puisque c’est un moyen de protéger
la liberté de culte contre toute intrusion de l’Etat et contre
tout risque d’instrumentalisation de la religion par la politique.
Parallèlement, l’Etat a aussi retiré un bénéfice direct de cette
22
séparation puisqu’il s’est désormais émancipé de l’autorité qu’il
puisait autrefois dans la religion pour trouver aujourd’hui en
lui-même le fondement de sa souveraineté. Les trois principes
de séparation de l’Eglise et de l’Etat, de neutralité de l’Etat et
de ses institutions, et du respect de la liberté de conscience et
de culte, constituent bien trois principes communs à toutes les
démocraties laïques.
Mais s’il semble légitime, pour cette raison, de
s’opposer vigoureusement à l’idée d’un « Etat confessionnel »,
en vertu du principe de « neutralité » de l’Etat démocratique et
au nom du respect de la liberté religieuse de chaque citoyen,
faut-il pour autant reléguer la croyance religieuse et son
« expression » dans la sphère purement privée ? Ne faudrait-il
pas plutôt opter aujourd’hui, ce qui va clairement dans le sens
de la logique des démocraties libérales, pour un « pluralisme
religieux de l’espace public » (sachant que l’espace public, à la
différence de la sphère politique de l’Etat et de ses institutions,
n’a pas nécessairement vocation à être « neutre ») ?
Les raisons des limites du modèle
laïque français actuel Il semble que le modèle français, celui d’une laïcité
« négative » reléguant la croyance religieuse dans la seule
sphère privée, a montré ses limites aujourd’hui pour au moins
cinq raisons :
1
Il se heurte à la montée en puissance de
l’islam, et se révèle souvent incapable de gérer
les conflits liés au port du voile, sinon par une réaffirmation
incantatoire de ses principes (parfois jugés liberticides par
certaines instances mondiales soucieuses du respect de
23
la liberté religieuse). Or l’une des difficultés rencontrées
aujourd’hui vient autant de la difficulté de l’islam à intégrer
les principes laïques qu’à l’incapacité de la laïcité française à
comprendre l’islam. Interpréter le « port du voile » en termes
d’aliénation de l’individu au groupe, revient à ignorer que, pour
les femmes musulmanes, la liberté religieuse se décline moins
en termes de « libre choix » que dans la possibilité offerte par
l’Etat de pratiquer librement et sans entraves ses « devoirs
sacrés », y compris au sein de la sphère publique, du fait de la
forte exigence de l’islam en terme de « visibilité » au sein de
la société.
2
Très souvent, la laïcité se transforme en
laïcisme, c’est-à-dire en « idéologie de combat »
à l’encontre des croyances religieuses. Au contraire, une saine
laïcité se veut respectueuse de toutes les croyances religieuses,
qu’elle doit plutôt veiller à faire cohabiter pacifiquement.
Dans sa version la plus extrême, ce « laïcisme » va jusqu’à
reléguer la croyance religieuse dans le simple domaine
de la « superstition ». Il manifeste par là son incapacité à
comprendre de l’intérieur le « phénomène religieux » et son
ignorance des efforts déployés par toutes les grandes religions,
notamment monothéistes, pour tenter d’articuler le rapport
entre la foi et la raison, en vue d’aboutir à une rationalisation
de la croyance.
Une idéologie athée et matérialiste tend ainsi, en
France, à coloniser progressivement l’espace public sans
jamais avouer officiellement son nom. Elle se caractérise
essentiellement par son refus de la croyance religieuse sous
toutes ses formes et par son « intolérance » à l’égard du
« phénomène religieux », pourtant consubstantiel à l’humanité
de l’homme si l’on en croit les études socio-ethnologiques à ce
sujet.
24
Mais peut-on s’émanciper de la religion sans créer
aussitôt de nouvelles formes de religiosité, souvent d’autant
plus dangereuses qu’elles sont en réalité instrumentalisées par
l’Etat à des fins idéologiques ? Si la religion a ses « fanatiques »,
la laïcité – ne l’oublions pas – a aussi ses « intégristes », ce qui
explique que les instances internationales puissent s’inquiéter
et juger la laïcité française « très agressive » à l’égard des
croyances religieuses, en comparaison de ce qui se fait dans
d’autres démocraties, pourtant « laïques » elles-aussi.
3
En outre, l’inculture religieuse croissante de
la plupart des jeunes conduit à leur rendre
inassimilable la majeure partie du patrimoine culturel
européen, dont le judéo-christianisme constitue une
composante essentielle. Rappelons que Régis Debray avait
publié en 2002 un rapport accablant sur l’inculture religieuse
de la jeunesse, en stigmatisant cette « laïcité d’incompétence »
qui maintient les jeunes dans l’ignorance vis-à-vis de l’apport
des religions à la culture. Cela est vrai sur le plan littéraire,
philosophique ou artistique ou qu’il s’agisse de l’apport
proprement politique des religions, notamment vis-à-vis des
grands « idéaux démocratiques » (l’idéal de liberté, celui
d’égalité et de fraternité, ou encore les « droits de l’homme »,
ont puisé leur source dans le terreau du judéo-christianisme).
Enfin, privé de ses racines religieuses, l’individu moderne
risque fort d’être la proie de toutes les idéologies à la mode et
de toutes les manipulations médiatico-politiques, faute d’avoir
pu s’enraciner dans une culture qui a largement façonné la
figure du monde dans lequel il vit, mais à laquelle il devient,
aujourd’hui, de plus en plus étranger. Plus préoccupant
encore : une grande partie des jeunes d’aujourd’hui qui n’ont
pas pu bénéficier, dans leur famille, d’une éducation religieuse
digne de ce nom, assimilent bien souvent la religion à des
« clichés » extrêmement réducteurs, clichés souvent véhiculés
25
par des médias partiaux et par ce « laïcisme » dont nous
soulignions plus haut la profonde malhonnêteté intellectuelle
à l’égard des religions – une malhonnêteté qui confine parfois
à l’obscurantisme que cette « pseudo-laïcité » prétendait
pourtant combattre.
4
La privatisation de la croyance religieuse conduit
aussi à faire le jeu des sectes et à favoriser le repli
communautariste pourtant si décrié. N’ayant pas le sentiment
d’être représentés dans l’espace public, dès lors que celuici est privé de toute référence religieuse et que les décisions
publiques sont prises en faisant abstraction des convictions
profondes qui animent les citoyens, le danger peut être, pour
certains individus, de se replier sur leur communauté, avec
le risque de violence et de fanatisme généré par ce « repli ».
Ce n’est pas un hasard si ce sont les représentants des croyances
les plus « fondamentalistes » qui souhaitent préserver la
croyance religieuse dans la sphère privée, sans doute par peur
du « débat démocratique » au sein de l’espace public. Et ce
sont également les sectes qui profitent de cette « privatisation »
du religieux, c’est-à-dire de cette totale absence de repères
religieux, notamment chez des jeunes sans culture religieuse
et sans identité forte, et dont la quête de sens fait d’eux la proie
idéale pour toutes les formes d’endoctrinement.
5
Enfin, l’un des principaux principes de la laïcité
est celui de la neutralité de l’Etat et de ses
institutions. Or il arrive souvent que l’enseignement laïque à
l’école soit le premier à violer le principe de neutralité laïque.
C’est le cas dans le domaine de l’histoire, lorsqu’on présente
le Moyen-âge comme un âge « obscurantiste » (mesurant
le progrès à travers le seul critère de l’industrialisation),
lorsqu’on fait l’apologie de la Révolution française de 1789
sans parler de la Terreur de 1793 et du massacre des paysans
26
vendéens (incluant les femmes, les enfants et les vieillards)
avec pour seul prétexte que leurs idéaux n’allaient pas dans le
« sens de l’histoire ». C’est aussi le cas lorsque l’enseignement
scientifique tombe dans un scientisme étroit, qui méconnaît les
présupposés méthodologiques et les limites de la rationalité
scientifique pourtant fortement soulignés par les plus grands
philosophes modernes de Kant à Merleau-Ponty. C’est le cas,
par exemple, lorsque le cours de biologie présente comme
« scientifique » une théorie comme celle du Gender, qui n’est,
tout au plus, qu’une hypothèse sociologique, par ailleurs
contestable et contestée. Ou encore lorsque le même cours
de biologie affirme péremptoirement que l’apparition de la
vie et son évolution, aussi bien que celle de la conscience,
sont le seul fruit du « hasard », sans s’interroger sur le statut
épistémologique de cette affirmation.
La philosophie, en revanche, est moins tenue à cette
exigence de neutralité, tant il est vrai que la pensée en quête
de sens et de vérité est toujours située et engagée. Mais un
enseignement philosophique qui, par exemple, ne parlerait
que de Marx, Nietzsche ou Sartre, sans évoquer saint Augustin,
saint Thomas d’Aquin, Pascal, Hegel, Kierkegaard, Bergson...,
serait pour le moins partiel et franchement idéologique. Lutter
pour la neutralité de l’enseignement laïque, c’est donc plutôt
commencer par reconnaître que beaucoup de discours sont
idéologiquement situés et que la revendication de « neutralité »
n’est bien souvent que le masque d’une idéologie officielle.
27
vers une laïcité ouverte : « l’éthique
de la discussion » et la justification
publique des croyances
Le problème se pose ainsi de l’interprétation que nous
faisons en France de la laïcité, car la liberté de conscience est
inséparable de la liberté d’expression, y compris dans l’espace
public. Or l’espace public démocratique est parfois perçu, en
France, comme un espace qui serait « neutre », au sens où
toute conviction religieuse serait exclue. Il y a là une confusion
entre la nécessaire neutralité de l’Etat et de ses institutions
(corrélat nécessaire de la liberté religieuse, qui implique le
refus de toute religion d’Etat) et l’espace public démocratique,
qui doit au contraire, selon nous, être « ouvert » à l’expression
de toutes les convictions, qu’elles soient « religieuses » ou
« athées ». Le modèle de « l’éthique de la discussion » et de
la « pluralité religieuse de l’espace public », que l’on doit au
philosophe Habermas, nous paraît beaucoup plus adapté au
développement de la démocratie libérale, alors que le modèle
dominant en France nous semble participer d’une vision
archaïque.
Habermas montre en effet que l’espace public
démocratique doit permettre à toutes les convictions,
religieuses ou non, de s’y exprimer, pourvu qu’elles soient
« rationnellement argumentées ». Il s’agit donc d’obliger les
croyants (comme les athées) à défendre leurs convictions en
les argumentant, et en évitant les « arguments d’autorité » du
type : « la Bible a dit que... », « le Coran a dit que... ». C’est
la condition pour que celles-là soient « audibles » par tous, y
compris par ceux qui ne partagent pas ces croyances, mais qui
peuvent reconnaître – ou non – la validité de l’argumentation
déployée par tous ceux qui entendent participer au processus
de « délibération publique ». Au final, la « décision politique »,
qui est le résultat de ces délibérations, doit s’appuyer sur
28
un « consensus par recoupement » qui permet à l’argument
le plus convaincant rationnellement, autrement dit le plus
« raisonnable », de l’emporter.
A titre d’exemple, supposons qu’il faille débattre,
à l’Assemblée, sur un sujet « éthique », comme celui de
l’avortement : s’il est souhaitable que tous les représentants
des différentes religions puissent participer à la délibération,
doivent d’emblée être exclus les « arguments » des croyants
s’appuyant sur le caractère sacré de la vie humaine, car un tel
argument est inaudible dans l’espace public pour celui qui ne
partagerait pas la croyance, religieuse, dans le caractère sacré
de la vie humaine. En revanche, s’interroger raisonnablement
sur le « statut » de l’embryon, sur le « flou » et l’arbitraire
de la loi (qui autorise l’avortement jusqu’à douze semaines
– pourquoi douze ?) et son absence apparente de fondement
rationnel, ne peut qu’être profitable aussi bien aux croyants
qu’aux non-croyants, sommés les uns comme les autres de
justifier devant la raison leurs positions respectives. On voit
qu’il s’agit d’étendre à toute discussion publique le modèle
qui est déjà pratiqué, à échelle réduite, au sein des comités
d’éthique, en évitant, notamment, de soumettre la « décision
politique » au seul vote arbitraire de l’Assemblée. En effet,
le « consensus par recoupement » ne peut s’obtenir que sur la
base d’un accord qui, parce qu’il est « raisonnable », ne peut
que tendre à l’unanimité, et ce alors même que la décision ne
sera pas forcément partagée par tous : ce qui compte, ce n’est
pas tant d’adhérer à la décision prise que de reconnaître la
validité de l’argumentation qui la justifie, en supposant que
tous les protagonistes de la discussion soient capables de faire
un usage « public » de leur raison. Au final, ce que doit faire
émerger ce processus de justification, c’est moins une vérité
dogmatique, comme telle toujours contestable et sujette à
caution à cause du « polythéisme des valeurs », qu’une opinion
éclairée par ce processus lui-même.
29
On peut objecter que fonder la « décision politique »
sur la seule rationalité d’une procédure argumentative
risque fort de reconduire à des débats et à des délibérations
interminables, car qui peut dire ultimement qu’un argument
est « meilleur » qu’un autre argument ? Mais sans doute
l’erreur est-elle ici de réduire la rationalité à sa seule
dimension argumentative. En tant que faculté de juger et de
discerner, la raison est aussi ce « bon sens » qui permet, entre
deux options également argumentées, de trancher en faveur
de l’option la plus « raisonnable », parce qu’elle a fait, dans
le temps, « l’épreuve » de sa validité. Ainsi, le principe de
précaution devrait s’appliquer aux décisions politiques quand
le recul n’est pas suffisant pour juger que l’option nouvelle est
parfaitement viable, ou que ses conséquences, à long terme,
ne sont pas suffisamment maîtrisées par des enquêtes et des
études sérieuses, conduites par des experts qui interviennent
pour « éclairer » la décision.
En tout cas, la procédure argumentative reste
nécessaire, comme étant la condition de la recevabilité de
la décision politique dans l’espace public. A ce titre, une
conviction d’origine religieuse, lorsqu’elle est rationnellement
argumentée, est digne de considération, et la rejeter a priori,
sous prétexte que les convictions d’origine religieuse n’ont pas
à intervenir dans un « débat public », revient à faire comme
si le croyant était incapable de faire un « usage public » de
sa raison, ou comme si l’athéisme était de soi plus rationnel,
ce qui reste un jugement à discuter. En ce sens, disons-le
clairement : si manque de foi il y a chez ceux qui s’inquiéteraient
de cette laïcité positive, ce manque de foi est d’abord un
manque de foi dans la raison et dans sa puissance unificatrice
et réconciliatrice, grâce à « l’épreuve de l’argumentation »
à laquelle tous doivent se soumettre.
30
Les avantages de la laïcité
positive et de la réhabilitation
publique des religions
Ce processus de justification par la discussion et la
délibération au sein de l’espace public présente, en outre, de
multiples avantages :
Il renforce le lien social et met fin au repli
communautariste : si chaque croyant peut se sentir « représenté »
dans ses croyances par la délibération publique, il acceptera
d’autant plus la décision finale, même s’il ne la partage pas,
qu’il aura le sentiment que ses avis ont été pris en compte
et écoutés. Par là même, il se sent davantage partie prenante
du « consensus démocratique » qu’une démocratie digne de
ce nom doit chercher à promouvoir. Car c’est bien souvent le
manque de reconnaissance des croyances d’un individu ou d’un
groupe qui génère, par réaction, la violence et la ghettoïsation
communautariste, ce qui délite le lien social et affaiblit, du
même coup, la participation à la vie publique démocratique.
Un exemple de ce délitement, lié à la non-prise en compte de
la perspective des croyants, peut être illustré par la récente
loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels.
Les croyants de diverses confessions, qui étaient presque
tous opposés à cette loi à cause de ses conséquences sur la
filiation (le risque étant de créer de nouvelles discriminations
contre les enfants élevés par des couples homosexuels, privés
par la loi de la bipolarité parentale pour la construction de
leur identité), ont eu le sentiment que leurs positions étaient
caricaturées, étouffées et méprisées dans l’espace public.
La conséquence de ce « non-débat » est la fragilisation
du lien social, certains croyants se méfiant désormais de plus
en plus des « médias » et commençant à perdre confiance dans
la légitimité des institutions républicaines. En effet, si c’est
désormais le groupe le mieux « représenté » dans l’espace
•
31
public, celui dont le lobbying est le plus puissant, qui impose
sa loi avec le relais complice des médias, se dénature du
même coup l’idéal démocratique en une sorte de « tyrannie
des minorités » qui fait sombrer l’Etat dans le « clientélisme »,
tout en créant, dans la société, des fractures de plus en plus
profondes, qui mettent en péril la paix civile.
Certes, dans une société devenue très hétérogène, les
valeurs divisent les citoyens. Cependant, une « communauté
de citoyens » ne peut se souder durablement sans s’accorder
sur certaines « valeurs minimales », partagées de manière
consensuelle par tous (comme par exemple la liberté, l’égalité
et la fraternité en France), car c’est autour de telles « valeurs »
qu’il est possible de fonder un « vivre ensemble » et un véritable
« lien civique », qui puisse élever l’individu au-dessus de
sa communauté particulière – et ce malgré les interprétations
très différentes que l’on peut faire de ces « principes de base »,
selon la communauté d’appartenance qui est la nôtre.
•
Cette « laïcité positive » conduit à une « réhabilitation
publique » des religions au nom de la raison. Comme l’a montré
Marcel Gauchet, le pluralisme religieux de l’espace public
démocratique, lorsqu’il est intégré par l’ensemble des citoyens,
conduit à la pacification des croyances, en neutralisant
le potentiel de violence qu’elles contiennent de par leurs
visées absolutistes. Ce n’est pas la « foi » en elle-même qui
génère le fanatisme, mais la tendance à l’exclusivisme de la
croyance, c’est-à-dire la tendance à exclure de son champ les
autres formes de croyances. C’est d’ailleurs aussi le cas du
laïcisme (qui est une forme de « fanatisme non-religieux »)
lorsqu’il ne respecte plus cette diversité des croyances, et
tend à vouloir imposer son hégémonie dans l’espace public,
en discréditant toute expression publique d’une conviction
religieuse. Le « pluralisme religieux de l’espace public »
garantit, en revanche, la tolérance mutuelle et la pacification
32
des croyances, grâce à la rationalisation impliquée dans le
processus de justification et dans la discussion publique.
Par là même pourrait se développer une « culture
démocratique » de la relativisation. Cette relativisation
ne concerne que l’expression des convictions et non les
convictions elles-mêmes. Elle est le moyen permettant à
l’autre de penser ou de croire différemment, et la condition
d’un véritable « vivre ensemble ».
En outre, cette « relativisation » de ses croyances,
se fera d’autant plus facilement que l’Etat aura encouragé
les citoyens à la connaissance d’autres traditions et d’autres
convictions que les siennes, s’il est vrai, comme nous le
montrions plus haut, que c’est l’ignorance et l’enfermement
de l’individu dans ses seules croyances exclusives qui sont
source de conflit. En vue de la réalisation de ce « projet
éducatif », on pourrait imaginer la mise en place d’un « cours
de religion », à partir de la sixième et jusqu’à la terminale,
qui puisse transmettre à l’ensemble des élèves l’histoire des
différentes religions actuellement existantes, leurs fondements
théologiques, le sens de leurs « rites » et de leurs pratiques
cultuelles, leur apport culturel, etc. On pourrait, pour cela,
faire appel à des intervenants issus de ces différentes religions
pour présenter leurs propres croyances, avec assez de distance
et en évitant de critiquer les autres attitudes spirituelles.
A l’étude ordonnée des grandes religions s’adjoindrait un
cours sur l’athéisme et ses développements, étant entendu que
la laïcité implique aussi, nous l’avons dit, le droit de ne pas
croire.
En revanche, il faut s’opposer à l’idée, qui a
prédominé jusqu’à la Révolution française, que les grandes
religions pourraient encore structurer l’ensemble de la vie
sociale, en s’attribuant dogmatiquement le monopole du
croire et en régulant l’organisation générale du sens de la vie.
L’individualisation moderne de la croyance, le processus de
33
sécularisation et la perte de vitesse des grandes institutions
traditionnelles comme l’Eglise, au moins en Europe, semblent
montrer le caractère irréversible du processus entamé. Marcel
Gauchet a d’ailleurs montré que ce processus de sécularisation
et de « sortie de la religion », a été initié par le christianisme
lui-même. Le christianisme a, en effet, rendu possible
l’émancipation de l’Etat vis-à-vis de la religion, d’abord par
la désacralisation du Roi (qui tiendra désormais son autorité
de sa fonction, et non plus de sa personne, comme c’était le
cas dans les religions romaines ou égyptiennes), ensuite par
la reconnaissance de l’autonomie du pouvoir politique, dans
son ordre propre, vis-à-vis de toute tutelle religieuse, à cause
de la « séparation » introduite par le Christ entre « ce qui
est à César » et « ce qui est à Dieu ». Il ne s’agit donc pas
d’attendre ou d’espérer que les religions viennent structurer
de nouveau la vie sociale, mais seulement de faire que chaque
citoyen puisse se repérer dans le « monde des religions » sans
s’y perdre, et qu’il puisse choisir sa religion – ou choisir de ne
pas croire – librement, donc grâce à une connaissance réelle
de la pluralité des options religieuses possibles.
•
Enfin, cette « laïcité positive » conserve ce qu’il y
a de meilleur dans les religions, en tant qu’elles sont source de
sens et favorisent le dépassement de l’individu vers le souci de
l’autre ainsi que l’engagement en faveur de la justice et de la
solidarité sociale. Les sociétés actuelles sont devenues hyperindividualistes, et cet individualisme exacerbé gangrène la
société actuelle, uniquement soucieuse des droits de l’individu,
mais l’amenant souvent à négliger ses devoirs envers la
société. En tant qu’elles apportent un sens à son existence et
une espérance dans l’avenir à l’homme moderne, les religions
ne sont pas simplement constituées de croyances arbitraires,
elles véhiculent une certaine forme de « sagesse spirituelle »
mûrie par une expérience souvent ancestrale. Ainsi ont-elles
34
souvent contribué à développer, en chacun, le souci de l’autre,
le sens du service et de l’amour du prochain, le sens des
devoirs de l’individu envers la communauté. On peut d’ailleurs
se demander si une société d’athées, sans religion pour souder
ses membres, peut encore être une société humainement
« vivable », si elle n’est pas plutôt condamnée, à plus ou
moins long terme, au délitement progressif du lien social et au
chaos, faute d’un « idéal transcendant » auquel se consacrer
ou se dévouer. Quoi qu’il en soit, la réhabilitation publique
des religions, moyennant l’intégration de leur pluralité et le
renoncement de celles-ci à toute visée « hégémonique » dans
l’espace public, ne peut au contraire que favoriser l’intégration
de l’individu dans la société, en lui donnant le désir de s’y
engager, de la servir, et d’y exercer des responsabilités qui
vont au-delà de la seule poursuite de son intérêt individuel et
privé, favorisant également la solidarité sociale par le « sens
du partage » qui est souvent au cœur de la foi religieuse.
A ce titre, on peut s’indigner légitimement de la
présentation très simpliste et unilatérale qui est souvent
faite des religions, en tant qu’elles seraient vectrices de
« guerres » et de « conflits », alors que, dans les faits,
les régimes et les idéologies ouvertement athées ont été
infiniment plus meurtriers, en moins d’un siècle, que toutes
les religions existantes réunies en plus de vingt-six siècles. En
outre, la plupart des grandes religions (notamment le judéochristianisme) ont été, bien au contraire, à l’origine de la
construction d’hôpitaux, d’hospices pour les orphelins, de la
prise en charge des personnes malades, de la lutte contre la
pauvreté et pour la dignité de l’homme. Songeons, au-delà de
quelques figures médiatisées comme Mère Térésa de Calcutta,
l’abbé Pierre ou sœur Emmanuelle, à toutes les associations
religieuses non-lucratives, et les innombrables personnes qui
agissent dans l’ombre, et dont le dévouement puise sa source
35
dans une relation à Dieu nourrie par la prière et la foi. Toutes ces
énergies déployées au service de l’homme révèlent ce qu’il y a
de « meilleur » dans l’humanité. Aussi la volonté « d’arracher
l’homme » à ses prétendus « déterminismes religieux »,
volonté que l’on rencontre chez certaines personnes qui font
de la « laïcité » une sorte de nouvelle « religion d’Etat », ne
peut finalement se faire qu’au prix d’une violence inouïe contre
ce qui fonde l’identité humaine. Car cette identité n’est pas
une abstraction désincarnée, elle s’enracine dans une culture
particulière qui la façonne et qui contribue à lui donner un
« visage » authentiquement humain.
Mais il faut aussitôt ajouter que l’Etat doit aussi
permettre à l’individu qui le désire de s’élever au-dessus de sa
religion d’origine, de rejoindre une nouvelle famille de pensée
ou de devenir athée, en lui ouvrant la connaissance des autres
options possibles...
Charles -Eric de Saint-Germain
Ancien professeur de philosophie à Sainte-Marie Lyon ; a publié
récemment : « Cours Particuliers de Philosophie », I et II, Ellipses
Cet article a été proposé par Xavier Dufour qui a participé
à sa mise en forme.
LES
YEUX
FERTI
LES
Petit éloge
de la
coulure
de Cimabue à Yan Pei-Ming
Jackson Pollock au travail
1
39
« Ce qui est en jeu n’est ni plus ni moins qu’une
irruption, comme un jaillissement singulier,
de la vérité... au risque de défaire un moment
toute vraisemblance représentative. » *
Un prolongement du corps
Quand Jackson Pollock (fig.1) utilise à partir de 1946
le procédé du dripping, il porte l’art de la coulure à son point
d’acmé. Le dripping consiste à faire couler de la peinture audessus de la toile étalée sur le sol, à partir d’une boîte percée
ou d’un long pinceau. La peinture s’écoule goutte à goutte
pour former un réseau de lignes qui s’entrecroisent, libres de
toute représentation, seulement guidées par le bras et le corps
de l’artiste dans une sorte de danse instinctive. Plus encore
que les autres artistes américains de l’action painting ou de
l’expressionnisme abstrait de l’après-guerre tels que Clyfford
Still, Robert Motherwell, Franz Kline ou Willem de Kooning,
Jackson Pollock incarne une nouvelle façon d’envisager
l’espace du tableau, non comme un espace mental, mais comme
un prolongement du corps qui exalte la spontanéité de l’artiste
et manifeste avec éclat que la peinture est d’abord un élément
liquide qui produit de l’informe, alors que l’art occidental s’est
efforcé, tout au long de son histoire, de donner forme à cette
liquidité, de maîtriser cette matière par essence indomptable.
En effet, dans la peinture classique ou néo-classique,
la coulure n’est pas de mise. Elle fait tache. Elle est impure.
La trace du pinceau sur la toile est la plupart du temps bannie.
L’artiste se doit d’éliminer tout ce qui est ressenti comme une
* Georges Didi-Huberman in Devant l’image, Les Editions de Minuit, 1990
40
maladresse, un « ratage » ou une faute de goût, voire une
souillure : nulle coulure ne doit entacher la facture lisse et
la perfection formelle de l’œuvre, nulle éclaboussure ne doit
compromettre l’idéal artistique du peintre qui, depuis la
Renaissance, affirme la supériorité du dessin sur la couleur et
proclame la nature intellectuelle de l’activité picturale. C’est
pourquoi la liquidité informe de la matière doit disparaître au
profit d’une forme pure qui reflète la pensée de l’artiste. C’est
ce que les théoriciens italiens du Beau idéal comme Vasari
et Bellori ont appelé le disegno. A rebours de la peinture
traditionnelle, l’œuvre de Pollock donne à voir l’essence de
son médium, ses qualités de liquidité, que la plupart des
artistes avant lui s’employaient justement à dissimuler, comme
s’ils voulaient à la fois débarrasser la peinture de sa pesanteur
matérielle et prouver qu’elle est d’abord et avant tout une
œuvre de l’esprit et non une simple technique artisanale :
« La Pittura e cosa mentale », déclare Vinci, soucieux
d’affirmer son statut d’artiste. Cependant, à force de viser une
sorte d’impassibilité marmoréenne, sans trace ni tache, sans
coulure ni éclaboussure, la peinture finira par s’enliser dans
les perfections sclérosées et les froids glacis de l’académisme.
A la fin du 19e siècle, un écrivain comme Huysmans prendra la
mesure de ce naufrage en critiquant vertement les thuriféraires
de l’art officiel, et il sera impitoyable à l’égard de la peinture
d’un Cabanel ou d’un Bouguereau : « Ce n’est même plus de
la porcelaine, c’est du léché flasque. » Or, les écoulements
créés par Jackson Pollock nous rappellent simplement (et
magistralement) que la peinture est d’abord un sport de combat,
le combat toujours recommencé de l’artiste avec la matière une matière changeante, ductile, insaisissable, une matière
vivante qu’il faut prendre à bras-le-corps avec la plus grande
énergie pour éviter qu’elle ne s’épuise dans les conventions
émollientes et doucereuses de l’art pompier.
41
Le corps du Christ
Cependant il serait faux de prétendre que la coulure
est absente de la peinture traditionnelle. On en trouve des
traces, si l’on peut dire, dès les 12e et 13e siècles, dans la
peinture florentine et siennoise de Cimabue et de Duccio, en
particulier dans les crucifixions, quand il s’agit de représenter
le sang du Christ qui jaillit de ses stigmates et s’écoule
le long de la croix jusqu’au crâne d’Adam. Par la suite,
quelques-uns des plus grands artistes des siècles passés, et
parfois même des artistes dits mineurs, utiliseront la force
expressive et dynamique de la coulure pour donner vie à
leur composition, comme s’ils voulaient échapper ainsi aux
stéréotypes et aux codes immuables qui régissent la peinture
à chaque époque et la sauver d’un formalisme ennuyeux qui
paralyse l’imagination. En effet, pour représenter le sang du
Christ, l’artiste laisse la peinture s’écouler sur la toile de façon
presque aléatoire, comme si, l’espace d’un instant (mais un
instant décisif, essentiel), il donnait libre cours à sa fantaisie.
Certes, une fantaisie maîtrisée et signifiante, mais libératrice.
L’informe, parfois invraisemblable, de cet écoulement sauve
la peinture de ses formes figées et stéréotypées, et souligne
que l’art religieux ne vise pas seulement la ressemblance,
mais aussi la Dissemblance, pas seulement l’imitation, mais
plus profondément l’Incarnation, pas seulement l’imagerie,
mais avant tout le Mystère. Dans les peintures de crucifixion,
la coulure a donc une valeur symbolique et religieuse de
première importance, mais aussi une valeur esthétique qui
n’est pas négligeable, puisqu’elle dynamise la composition
et révèle à la fois la nature liquide du médium que l’artiste
travaille et le génie du peintre dont la rapidité d’exécution se
distingue du geste laborieux et répétitif de l’artisan ; elle n’est
plus une maladresse, elle est le signe de son brio et de son
incomparable ingenium.
2
3
4
43
Dans la Crucifixion de Lorenzo Monaco du musée
Lindenau d’Altenburg (fig.2), la couleur sang de la coulure
se détache sur le fond d’or et donne vie à la peinture. Avec
quelle agilité gracieuse et allègre les anges récoltent la matière
précieuse qui s’écoule du corps du Christ, juste au-dessus des
têtes de saint Benoît et saint Romuald qui, enveloppés dans
leurs grands habits blancs de camaldules, s’abîment dans
la contemplation ! Avec quel recueillement saint François,
agenouillé au pied de la croix, embrasse le bois le long duquel
se répand la coulure salvatrice ! Cette coulure semble exprimer
à la fois ce qui nous échappe, ce que nous ne comprenons pas,
ce qui est indicible et mystérieux, ce qui nous tourmente et
nous console, ce qui nous sauve et nous libère. Quant à Fra
Angelico (fig.3), c’est avec un art consommé de l’épure qu’il
fait apparaître sur les murs du couvent de San Marco les
coulures sacrificielles : ça coule, ça gicle, ça dégouline sur le
fond monochrome, mais avec une sorte de grâce et de légèreté
vraiment angéliques. Il y a de l’ineffable, mais point d’effroi,
dans ces coulures de sang que contemple saint Dominique avec
l’humilité et la confiance de celui qui sait le sens de ce sacrifice
et qui le reçoit comme un don de Dieu. Dans le Retable de
saint Denis (fig.4) commandé, avant 1416, pour la chartreuse de
Champmol aux portes de Dijon, à l’un des derniers représentants
du style gothique international, Henri Bellechose, peintre en
titre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, la force plastique
de la coulure souligne la dimension sacrificielle du sujet :
à la longue traînée de sang qui s’écoule, invraisemblable, de
la poitrine du Christ jusqu’au bas de la croix en passant par
son ventre et ses jambes (longeant ainsi l’axe central de
l’œuvre qu’est la croix), répondent en un écho symbolique et
mystique les petites coulures qui s’échappent du chef tranché
de saint Denis, décapité avec ses deux disciples Rustique
et Eleuthère. Au sacrifice du Christ répond plus modestement
le martyre du saint dont la tête semble embrasser humblement
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6
le bas de la croix. Dans un feuillet isolé du Schnütgen Museum
de Cologne (fig.5), datant du 14e siècle, une effusion de liquide
rouge recouvre le Christ jusqu’à la défiguration. A peine
reconnaissable, son corps est devenu une plaie béante. L’artiste
anonyme – un moine cistercien – ne s’intéresse pas vraiment
à la mimésis : dans un acte presque instinctif de peinture qui
violente l’iconographie traditionnelle, il donne à voir la chair
sanglante du Sauveur. Le Christ n’est pas représenté au sens
classique du terme, il est littéralement oint avec de la couleur
rouge. La peinture fait tache, non par provocation, mais comme
pour martyriser le regard mystique du dévot et laisser couler en
lui la blessure saignante de son cœur 1.
Au fil du temps, en particulier dans la peinture
flamande et germanique du 16e siècle, puis dans la peinture
La racine grecque du mot «Christ» signifie «oint». Pour une analyse plus complète
de ce feuillet, on peut lire les pages remarquables que lui consacre Georges DidiHuberman dans son ouvrage intitulé Devant l’image.
1
45
7
baroque du 17e siècle, le motif de la coulure devient de plus en
plus présent et gagne encore en expressivité. Voyez avec quelle
rugueuse délicatesse le sang s’écoule du clou qui transperce
les pieds du Christ dans le célèbre Retable d’Issenheim de
Grünewald (fig.6), voyez comme les gouttes de sang tombent
des doigts de pieds du Supplicié et résument à elles seules
le drame qui se joue. Voyez avec quelle vigueur horrifiée les
pinceaux d’Altdorfer (fig. 7) et de Cranach exacerbent dans
leurs tableaux la souffrance du Christ en laissant couler la
peinture à plusieurs reprises sur le visage et le corps du Crucifié
dans un dripping qui combine hasard et maîtrise. On pourrait
multiplier les exemples de ces coulures qui dynamisent ainsi
les représentations picturales de la Passion. Citons comme
dernier exemple (fig.8) l’étonnant tableau baroque de Brugghen
(Crucifixion avec la Vierge et saint Jean, The Metropolitan
Museum of Art, New York) dont la verticalité de la composition
est ponctuée avec vigueur par quatre grandes coulures rouges
46
qui ne visent aucunement la ressemblance, comme si l’artiste
mettait cet écoulement en apesanteur (entre ciel et terre) afin
de signifier le pouvoir salvateur du sacrifice et le Mystère de
la Passion. Chaque fois que l’on s’approche d’une crucifixion
pour en admirer les détails, on est étonné par la variété de
ces coulures dont certaines sont d’un (ir)réalisme stupéfiant
et paradoxal : parce qu’elles ressemblent vraiment à du sang
(elles en ont la couleur et la matérialité, elles sont une pure
illusion) ; parce qu’elles ne ressemblent pas du tout à du sang
(elles ont la liquidité et la fluidité de la peinture, elles sont de
la peinture et se donnent pour ainsi dire à voir comme telle).
Certaines se terminent parfois par une goutte de peinture en
relief qui ressemble si bien à une goutte de sang séchée que,
tel saint Thomas, on aimerait la toucher du doigt pour mesurer
la matérialité concrète de cette illusion picturale, de ce mentir
plus vrai que nature, qu’aucune reproduction ne saurait rendre
véritablement. Et dans le même temps l’œil appréhende cette
goutte comme un morceau de peinture qui émeut le regard par
sa pure présence et qui semble nous susurrer malicieusement :
« Ceci n’est pas une goutte de sang ». Dans les peintures de
crucifixion, la coulure, par ses dissemblances plus ou moins
invraisemblables, dit à la fois l’impuissance de la peinture
à figurer l’Infigurable qu’est le corps du Christ quand elle
vise la simple imitation, et sa mystérieuse vertu quand elle se
donne à voir humblement comme un vestige de la vraie image,
comme une esthétique de l’approximation qui a simplement
le désir de tendre vers l’inaccessible image. Selon G. DidiHuberman, dans l’ouvrage qu’il consacre à Fra Angelico,
il s’agirait d’« une esthétique ad imaginem Dei, la particule
ad indiquant tout à la fois son imperfection – son impossible
objet, l’inaptitude de ses moyens –, et la perfection de son
enjeu ; ce que saint Thomas appelait lumineusement, toujours
parlant de l’image, finis sine termino. »
8
48
Avec le temps, plus la peinture se fige dans les recettes
convenues et toutes faites de l’académisme, moins la coulure
est présente ; il semblerait même qu’elle disparaisse dans la
peinture sulpicienne du 19e siècle. Malraux date la naissance
de la peinture sulpicienne avec l’oeuvre des peintres baroques
de l’Ecole bolonaise, comme les Carrache et Guido Reni : « Le
style Saint-Sulpice commence à Bologne, de même que celui de
la bourgeoisie triomphante et celui des Etats totalitaires : tous
les pompiers sortent de la même caserne », dit-il avec sévérité
et drôlerie, et, il faut bien le dire, une certaine mauvaise
foi 2. Cependant, est-ce un hasard si la coulure a, semble-til, disparu d’un grand nombre de crucifixions qui ornent les
églises au 19e siècle comme si les artistes préféraient en donner
une image édulcorée et, pour ainsi dire, aseptisée, quitte à lui
ôter force et signification, quitte à lui faire perdre sa réelle
présence, quitte à rendre incompréhensible ce scandale qu’est
la Passion du Christ ? Dès lors, faut-il s’étonner qu’à l’aube
du 20e siècle la principale ambition des artistes modernes soit
de renouveler une peinture engluée dans ses conventions et
devenue obsolète ? Comment la faire renaître ? Comment lui
redonner un peu de cette vitalité qu’elle a perdue ? Quel rôle
la coulure peut-elle jouer dans cette renaissance ?
Rien de moins pompier que La Crucifixion, dite des Capucins, de Guido Reni,
l’un des plus beaux tableaux de la pinacothèque de Bologne, à la fois puissant
et sobre, et sans aucune coulure... Rien de moins académique que Le Christ
mort d’Annibale Carrache (Staatsgalerie, Stuttgart) qui donne à voir, dans un
saisissant raccourci, le corps du Supplicié couvert d’une multitude de coulures
sanguinolentes qui dégoulinent des stigmates. Deux peintures dignes d’appartenir
à notre Musée Imaginaire…
2
49
Le cri du corps
Dans les dernières années de sa vie, avant de mourir
tragiquement dans un accident de voiture, Jackson Pollock
revient à la figuration 3, comme s’il pressentait soudain que
l’abstraction lyrique risquait d’aboutir à une impasse. Tout en
gardant sa technique du dripping, il fait surgir du chaos des
coulures la figure humaine, qui, telle une apparition, émerge
lentement de la matière. Des visages surgissent, encore informes,
mais d’une grande intensité, comme engendrés par la matière
liquide. Le peintre américain n’aura point de disciple ni de
suiveur à proprement parler. Néanmoins, si la peinture figurative
renaît aujourd’hui de ses cendres (encore brûlantes), elle le doit,
en particulier, à cet art de la coulure qui fut mis en pratique
par Jackson Pollock et les maîtres de la peinture gestuelle.
Aujourd’hui, on assiste à un renouveau de la peinture figurative
qui est largement redevable aux recherches picturales initiées
par l’action painting. La coulure en est l’une des composantes
essentielles, quel que soit le sujet traité (paysage, portrait,
peinture d’Histoire...). L’un des artistes les plus représentatifs de
ce renouveau de la peinture occidentale nous vient... de Chine.
Il s’agit de l’artiste franco-chinois Yan Pei-Ming, qui pratique la
peinture comme un art martial. Il faut l’avoir vu attaquer la toile
avec force coups de brosse pour mesurer combien la peinture
est pour lui un cri de guerre qui est pure libération d’énergie,
combien éclaboussures et coulures sont les traces – les stigmates
– d’un combat à la fois violent et parfaitement maîtrisé.
Deux exemples caractéristiques de ce retour à la figuration : Number 7, 1952
(Metropolitan Museum of Art, New York) et Portrait and a Dream, 1953 (Dallas
Museum of Fine Arts).
3
9
51
Arrivé en France en 1980, Yan Pei-Ming se fait connaître
en peignant la seule figure chinoise que les Occidentaux
sont capables de reconnaître : Mao Tsé-Toung (fig.9). Tout en
reprenant certains codes des portraits officiels qui idéalisent
le Grand Timonier, il les dynamite de l’intérieur. Tout à coup,
Mao, figé qu’il était sous le poids sclérosant de la peinture de
propagande, (re)prend vie sous les assauts énergiques du
pinceau de l’artiste. Les coulures blanches, projetées sur la toile
avec la précision des calligraphes chinois et la fulgurance des
expressionnistes abstraits, sont doublement une provocation :
à l’égard de la propagande communiste chinoise qui impose
un art lisse et aseptisé, une vision mortifère de la peinture
figurative ; à l’égard d’une certaine peinture occidentale qui, en
refusant la figuration, s’enferre parfois dans un art décoratif et
autoréférentiel tout aussi mortifère. Dans l’œuvre de Yan PeiMing, Mao n’est plus une simple image, il n’est pas non plus
un portrait au sens traditionnel du terme : morceau de matière
en un savant désordre assemblé, il frappe le spectateur par
l’affirmation brutale d’un être dont le faciès, strié de coulures,
acquiert une aura de mystère incomparable, celle d’une
humanité demeurée primitive et bestiale, mais auréolée des
prestiges atrocement fascinants du pouvoir.
La force de la coulure, c’est qu’elle permet à la fois
de convoquer l’émotion et de la maintenir à distance, de créer
du pathétique sans pathos. C’est le cas dans les portraits qui
représentent le père de l’artiste sur un lit d’hôpital, quelques
jours avant sa mort. Une version a été montrée dans les galeries
52
prestigieuses du Louvre à l’occasion de son exposition intitulée
Les Funérailles de Mona Lisa. Une autre a été exposée à la
fondation Maeght (fig.10) : c’est une peinture de très grand
format qui présente le visage du père fixant le spectateur. La
tête, isolée, se détache sur le fond blanc de l’oreiller et des
draps. Le vieil homme est très malade, mais il se tient droit, les
yeux grands ouverts, face à la mort qui vient le chercher. Dignité
du visage dans le pressentiment douloureux de sa disparition
prochaine, dans le dévoilement de sa vérité ultime. Derrière le
rideau des coulures noires et blanches qui tombent en pluie
drue sur le visage du vieillard, c’est la fragilité d’une existence
qui disparaît à tout jamais. L’émotion pointe, violente, tragique,
presque insoutenable. Un père regarde son fils, un fils regarde
son père, et de ce dernier face à face, inévitable et nécessaire,
naît un moment d’éternité picturale où chaque coulure résonne
comme un cri dans la chair silencieuse de la peinture...
Cette force dramatique de la coulure est manifeste
dans le superbe triptyque récemment exposé dans la chapelle
de l’Oratoire à Nantes (fig.11). Dans cette œuvre, à la manière
de Dürer dans ses autoportraits, Yan Pei-Ming se représente
sous les traits du Christ livré aux affres de la crucifixion. La
croix a disparu, mais le corps nu du Supplicié, les bras écartés
ou la tête penchée comme le Christ en croix de Vélasquez du
musée du Prado, suffit à suggérer l’image de la Passion. Bien
sûr le génie de l’artiste ne peut se contenter de reproduire
l’iconographie traditionnelle ; dans cette version confucianojanséniste de la Passion, Ming nous donne à voir sa propre
vision : celle d’une figure christique aussi épurée qu’un tableau
de Philippe de Champaigne, un corps souffrant en lévitation
dans l’espace qui exprime dans le même temps l’acceptation
de la mort et son dépassement, la pesanteur et la grâce, la
gravité du corps mourant soulignée par les coulures et la
possibilité d’une ascension. Qu’un artiste d’origine asiatique,
élevé dans un monastère bouddhiste, éduqué sous la férule du
10
54
Grand Educateur, ait l’audace de s’attaquer à l’un des sujets
les plus importants de la peinture religieuse occidentale, ne
manque pas de stupéfier le spectateur. Rares sont les peintres
d’aujourd’hui qui osent se confronter au sujet. Il est vrai que la
peinture de Ming réinvestit sans complexe les motifs les plus
classiques de l’art pour leur redonner puissance et vigueur.
Grâce à sa force expressive, la coulure contribue à cette
régénérescence de la peinture figurative et insuffle aux œuvres
du peintre chinois une intensité et un dynamisme qui animent la
toile en profondeur 4.
Fabrice Treppoz
Il y a malheureusement dans l’art contemporain un fétichisme de la coulure qui
tend parfois à devenir chez certains peintres une nouvelle forme d’académisme
un peu vaine et superficielle.
4
11
messe de rentrée
ciné-club
voyages
classes supérieures
.
collè
ge
messe de rentrée
des professeurs
Paul ne veut pas laisser dans l’ignorance les
Thessaloniciens en ce qui concerne le but de la vie et
l’espérance qui en découle et en est le « moteur ». En cette
période d’anniversaire du concile Vatican II, on peut se rappeler
ces mots :
« On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains
de ceux qui auront su donner aux générations de demain des
raisons de vivre et d’espérer. » (GS 31,3)
« Le but que poursuit la véritable éducation est de former la
personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute. »
(Déclaration sur l’éducation chrétienne n°1)
Voilà donc notre rôle : témoigner, révéler que le but de la vie, c’est
d’être avec le Seigneur et avec tous nos frères, toujours, et dès
maintenant. Face aux difficultés, au mal, nous nous souvenons
qu’avec le Christ il n’a pas le dernier mot. C’est l’espérance que
nous donne la résurrection de Jésus. Oui, ça vaut le coup de
lutter contre le mal ! C’est ainsi que nous sommes déjà unis au
Christ, et que nous participons à son œuvre, à sa mission.
Quelle est-elle ? Jésus dit que s’accomplit avec lui ce qui est
annoncé dans le livre d’Isaïe : porter la Bonne Nouvelle aux
pauvres ; annoncer aux captifs la libération, aux aveugles le
retour à la vue ; apporter aux opprimés la libération ; annoncer
une année de bienfaits.
HO59
me
lie
Jésus n’est pas venu annoncer des contraintes auxquelles il
faudrait se plier, mais il donne sens à la vie, à la lutte contre
le mal, contre tout ce qui empêche l’homme de vivre en
communion avec Dieu et ses frères. C’est aussi notre mission.
Et nous rendons grâce pour cette mission qui nous est confiée.
Nous rendons grâce car nous ne sommes pas seuls pour la vivre :
le Seigneur nous accompagne ! Mais la mission ne va pas sans
difficultés. Jésus rencontre l’opposition, l’indifférence : face à
lui des gens blessés, ancrés dans leurs habitudes, qui croient
tout connaître, qui n’ont plus rien à découvrir de l’autre. Peutêtre sommes-nous à certains moments de ceux-là ?
Alors, Seigneur, en ce début d’année scolaire, nous te
demandons la grâce de ne pas être blessés, encombrés d’idées
toutes faites, d’être ouverts à la rencontre, à l’accueil de l’autre,
de toi à travers les autres. Donne-nous de n’avoir pas peur de
nous laisser toucher, transformer par toi ! Et permets-nous de
donner goût aux autres, aux jeunes, de te rencontrer, de te
connaître, d’être avec toi toujours !
ère François Cristin,
P
ancien élève, prêtre diocésain, responsable national des pèlerinages
Lectures du jour : 1Th 4, 13-17 ; Lc 4, 16-30
cent vingt Ans
31 mai - 1er juin 2013, La Solitude
120
ans de
quadrature
du cercle
Cela fait donc cent vingt ans, comme le proclamait
l’immense banderole accrochée pour l’occasion et visible des
quais de Saône, voire de la colline d’en face, qu’ « inconnus et
comme cachés dans le monde », les Pères Maristes se mirent
à accueillir en leur maison de jeunes esprits à instruire en
toutes choses et en Dieu ; depuis cette première poignée de
galopins nichés au creux de la maison de Puylata, gîte des
Pères Maristes au pied de la montée Saint-Barthélemy, jusqu’à
l’immense maison de plus de quatre mille élèves taquinant,
par La Solitude, le sommet de la colline de Fourvière et, par
La Verpillière, perçant l’Isère d’un coin d’académie de Lyon :
cent vingt ans !
Cent vingt ans pour que, modeste héritier de ce lampion
de 8 décembre que fut la naissance de notre maison, je puisse
ironiser tendrement sur une banderole aux allures de bannière,
sous laquelle, un beau jour de juin 2013, purent se rencontrer
élèves, parents d’élèves, professeurs, éducateurs et employés
actuels et anciens, sans parler d’un sénateur-maire socialiste
et d’un archevêque primat des Gaules, le tout sous le regard de
reporters du Progrès et de caméras de France 3-Rhône-Alpes.
« Inconnus et comme cachés dans le monde »... S’il
est pourtant un mot d’ordre qui ne saurait s’afficher sur une
banderole géante ni se marteler devant des caméras, c’est bien
63
celui-là. Peut-on vraiment, sans une ridicule fausse modestie,
voire une bonne dose d’hypocrisie, se réclamer d’une telle
devise à la face de toute une ville, en présence des autorités
civiles et religieuses, tout en gardant, autrement que des lèvres,
sa fidélité à un tel mot d’ordre ?
« Voyez comme nous étions petits, voyez comme nous
sommes devenus grands ! » Naïve fierté qu’il n’est pas si facile,
à la faveur de la joie d’une fête, de reconnaître comme une
tentation. Pourtant, ce qui fit en ce jour de juin la profondeur
de notre joie, c’est précisément de n’être pas devenus autre
chose que ce que nous étions et ne saurions jamais achever
d’être. Dès la pelouse d’entrée, c’est par l’histoire d’une
congrégation que tout commence ; une poignée d’hommes
dotés du grand courage né de la grande humilité, qui leur
fit entreprendre avec la même simplicité l’évangélisation de
l’Océanie et le sauvetage du petit séminaire de Belley. C’est de
ces hommes-là que furent, jusqu’au père Perrot, les directeurs
successifs de notre maison, dont les portraits ornaient les
piliers du bâtiment des troisièmes, légendés d’une phrase
emblématique de leur engagement. Jamais ils ne se mirent en
quête d’un « concept éducatif » révolutionnaire ni de méthodes
pédagogiques spectaculairement novatrices. Leur richesse,
64
c’étaient les élèves eux-mêmes, dont les photos, récentes
ou anciennes, parsemaient la cour des cinquièmes, et cette
conviction qu’éduquer, c’est grandir soi-même en humanité,
condition absolue pour pouvoir éveiller quiconque à sa propre
humanité.
C’est aussi ce que montraient avec la force de la
conviction et de l’humour la conférence de Jean-Noël Dumont
et sa petite illustration théâtrale : l’œuvre éducative des Pères
Maristes a traversé bien des statuts, bien des bouleversements
sociologiques, techniques, pédagogiques ; elle a dû s’adapter
dès ses débuts à l’institution d’une laïcité républicaine
alors ouvertement hostile aux congrégations, plus tard à
la sécularisation des enseignants, aux rigueurs du contrat
d’association avec l’Etat, aux bouleversements d’après 1968,
à la mixité des élèves, à la féminisation du corps professoral.
Chacune de ces évolutions des conditions d’enseignement aurait
pu être vécue comme une agression ; aucune ne l’a été, parce
que la direction donnée dès l’origine par les Pères fondateurs
était pétrie d’une humilité assez solidement confiante pour
pouvoir trouver, dans ces bouleversements successifs des
habitudes, plus de promesses que de renoncements.
C’est dans cette humilité que la devise du père
Colin, « inconnus et comme cachés dans le monde », garde
aujourd’hui autant de sens que jamais. Nous n’avons jamais
cru que notre rôle fût de pétrir ou de modeler nos élèves ; d’en
faire ceci ou cela ; rien d’autre que de les aider, selon le mot de
saint Paul, à « devenir ce qu’ils sont », en nous tenant auprès
d’eux à l’exemple de Marie auprès de son Fils, sous le regard
de Dieu, dans une bienveillante exigence, ou une exigeante
bienveillance. Jamais non plus nous n’avons voulu fondre au
même moule nos différents professeurs et éducateurs. Quand
s’immiscent dans les conversations des figures de professeurs
anciens, ce n’est jamais à l’exhumation de modèles taillés dans
65
le roc auxquels il faudrait à tout prix tâcher de ressembler,
que l’on est alors convié, ni, non plus, à l’évocation de vagues
silhouettes figées dans le paysage jauni des attendrissements
nostalgiques. C’est un tourbillon de fortes personnalités, à la
présence toujours vive dans leurs engouements, leurs excès,
leurs grandeurs et leurs échecs, à l’empreinte toujours fraîche
au cœur de ceux qui les ont connus, ce dont témoigna plus
d’une réaction d’ancien élève reconnaissant sur les photos
exposées tel ou tel visage marquant. Ni hier ni aujourd’hui
ni demain, le rêve d’un enseignement aux méthodes et au
langage aseptisés, à l’uniformité rassurante, ne peut être le
nôtre, convaincus comme nous le sommes que nul respect des
personnalités infiniment diverses des élèves ne pourrait être
possible dans une institution qui dénierait à ses éducateurs
l’expression de leur propre singularité.
« Il faut être à la fois rond et carré », m’a-t-on dit
il y a vingt-et-un ans, lorsque je suis venu enseigner chez
les Maristes, où j’avais été un lycéen heureux. Mystérieuse
injonction qui, loin d’inciter à un tiède juste milieu, tend
plutôt à rappeler au jeune professeur qu’il a deux mains qui
ne sont ni deux mains gauches ni deux mains droites. Ce que
nous avons fêté en juin, c’est donc l’heureuse pérennité de la
quadrature du cercle. De quoi voudriez-vous donc que l’on se
glorifie quand on passe une journée à fêter pareil miracle ? Il
n’y a plus qu’à rendre grâce à Dieu !
Vincent Ricard
Sainte-Marie Lyon
Sainte-Marie Lyon
une école
enracinée
*
Un livre est un temps d’arrêt. Comme un
dimanche.
La tradition juive 1 l’enseigne : il est bon de s’arrêter
pour jubiler 2 ; la joie des souvenirs est de celle qu’on éprouve
devant un arbre. Ses racines puisent dans un terreau de
mémoire, son tronc nous rassure et nous fait lever les yeux, ses
branches explorent librement le ciel et ses feuilles frémissent
à tous les vents, entourant la promesse des fleurs.
Célébrer notre tradition mariste à Lyon et à La
Verpillière n’a cependant de sens qu’à certaines conditions.
Chaque souvenir est plus une signification qu’une date. Audelà des belles illustrations, de la nostalgie sépia, c’est le
cœur et l’intelligence des nouveaux ouvriers dans notre
maison, comme des plus anciens, qui doivent s’éveiller au
sens de leur travail, à l’esprit reçu des pères, transmis par tant
de laïcs. Nous choisissons d’ailleurs nos vestiges : émergent
quelques faits au-dessus de tant d’autres qui ont été et restent
« inconnus et comme cachés » 3, mais supportent tout autant
notre quotidien. Chaque fois que nous évoquons une histoire
1
2
Genèse, 2,2-3 ; Exode, 20, 8-11 ; ou Deutéronome, 5, 12-15
Lévitique, 25, 8 et suiv.
Dans les Constitutions de la Société de Marie, c’est l’attitude que le père
Jean-Claude Colin, le fondateur, souhaite pour les maristes, à l’image de Marie.
3
68
particulière, un moment, un lieu, un homme, une décision,
loin de glorifier un passé ou un présent, par paresse ou par
vanité, nous recherchons son fondement, nous nous frottons à
son exigence pour mieux forger notre identité d’aujourd’hui.
La métaphore de l’arbre est riche : qui peut porter des
fruits s’il oublie la sève reçue ? Qui peut être sensible aux
vents du monde s’il est vite déstabilisé ? Qui peut chercher
le ciel s’il n’a les pieds sur terre ? Elle ne doit pas toutefois
nous emprisonner, pas plus que la révérence à notre héritage.
Ainsi l’architecture des bâtiments sur les différents sites,
longtemps incomprise ou rejetée, et d’abord par les pouvoirs
publics, court le risque d’être idolâtrée : gardons-lui sa place
éminente au service d’une vision de l’éducation. Ainsi notre
souci d’une exigence intellectuelle peut nous enfermer
dans une tour d’ivoire, notre tradition littéraire devenir
académisme : gardons, avec l’aspiration à la profondeur,
le goût de la simplicité, gardons « nos oreilles et nos cœurs
circoncis » 4. Nous nous disons volontiers ouverts à la diversité
des élèves et des familles : comment renouveler cette fidélitélà à l’Evangile ?
Ce livre n’est donc pas notre Génie du Christianisme.
Nulle volonté d’autosatisfaction en disant ce qui est fait ;
nulle trahison de la modestie mariste en exposant des images
de personnes, des témoignages d’acteurs de la maison. Il
s’agit au contraire de rappeler à ce peuple d’éducateurs qui
l’habite quotidiennement, à ces familles qui nous confient
leurs enfants, que Marie est notre « première et perpétuelle
supérieure » 5 : comme dans la menuiserie à Nazareth, c’est le
quotidien, soigné dans le détail, qui sera la pierre de touche ;
comme au pied de l’arbre de la croix, Stabat Mater, une juste
Allusion au discours d’Etienne dans les Actes des Apôtres, au chapitre 7, 51 :
Etienne reproche à son auditoire de ne pas être docile à la parole de Dieu en
utilisant l’image : « Oreilles et cœurs incirconcis ».
5
In article premier des Constitutions de la Société de Marie.
4
69
fermeté nous permet d’espérer en chaque enfant ; non dans
les gémissements et l’esquive, mais plantés pour aider la
société à chercher paix et vérité ; comme à la Pentecôte, nous
cheminons pour que l’unité dans notre propre maison soit un
encouragement à l’unité dans l’Eglise et dans le monde.
Dans cet ouvrage, quatre chapitres : les racines, le
tronc, les branches et les feuilles.
Il n’y a pas de chapitre « Fruits ». Cela ne nous
appartient pas.
M arc Bouchacourt
* Titre
du livre réalisé en 2013
à l’occasion des 120 ans de
l’établissement. L’ouvrage
est disponible en librairie
(Decitre, La Procure, Saint-Paul)
au prix de 49 2. Y figurent les noms
de tous les personnels et élèves
de l’année 2012-2013.
Programme
2013 / 2014
71
CIneclub
A bout de course
jeudi 10 octobre
Sidney Lumet
USA 1988 / 1h55 v.o.
avec Christine Lahti, Judd Hirsch,
River Phoenix, Martha Plimpton
Depuis le début des années 70, la famille Pope est en
fuite suite à un attentat commis contre une fabrique de napalm.
Traquée par le FBI, parents et enfants sont contraints de
déménager, de changer d’identité et d’apparence. Pour Danny,
le fils aîné, la situation devient de plus en plus pesante.
Ce film réalisé par S. Lumet en 1988 interroge –
comme ses films précédents, Douze hommes en colère, Serpico,
Un après-midi de chien – les rapports de l’individu avec la loi et
la morale. Que peut-on être prêt à sacrifier pour voir son idéal
se réaliser ? Que reste-t-il des utopies des années 70 ? Les
nouvelles générations ont-elles à porter et supporter la défaite
du combat de leurs aînés ? A bout de course est à la fois un
road movie, un film policier, un drame et un mélodrame. Sur la
scène intime de la famille les conflits idéologiques s’épuisent
pour plonger dans les profondeurs de l’âme adolescente
romantique et rebelle.
Présenté
par
J. AUCAGNE
et
P.E. CHAVELET
72
Rêves
jeudi 12 décembre
Akira Kurosawa
Japon 1990 / 1h55 v.o.
avec Akira Terao, Mitsunori Isaki, Toshihiko Nakano,
Misato Tate, Martin Scorsese
Film composé de huit courts-métrages, huit rêves (ou
cauchemars) dont chacun, tel un poème ou un tableau, porte un
titre : « Soleil sous la pluie », « Le vergers aux pêchers », « La
tempête de neige », « Le tunnel », « Les corbeaux », « Le mont
Fuji en rouge », « Les démons rugissants », « Le village du
moulin à eau ». « Ce sont huit histoires, dit Akira Kurosawa, qui
racontent des rêves. Les émotions assoupies dans nos cœurs,
les espoirs secrets que nous tenons bien cachés en nous, les
sombres désirs et les craintes que nous recelons dans un recoin
de notre âme, se manifestent avec honnêteté dans nos rêves.
Les rêves traduisent ces sentiments, et les expriment, de façon
fantastique, dans une forme très libre. Dans ce film, je veux
essayer de relever le défi de ces rêves. Certains proviennent
de l’enfance, mais il ne s’agit pas d’un film autobiographique,
plutôt de quelque chose d’instinctif ».
présenté par
F. MARTIN-SCHERRER
73
Pandora
jeudi 23 janvier
Albert Lewin
USA 1951 / 2h v.o.
avec James Mason, Ava Gardner, Sheila Sim,
Nigel Patrick, Harold Warrender
Pandora Reynolds, magnifique chanteuse attirant tous
les hommes qu’elle met à l’épreuve, bascule dans un monde
teinté de fantastique après la visite d’un navire du petit port
Esperanza et la rencontre de son marin, le Hollandais volant.
Tel est le récit situé sur la côte espagnole estivale que nous
livre l’oncle Geoffrey. La mythologie antique se mêle alors à
la légende scandinave colorée par des aspects chrétiens pour
nous instruire sur la vie, l’amour, la mort, la réalité... Ava
Gardner, envoûtante de beauté, pour la première fois filmée
en couleur, forme un couple à l’alchimie parfaite avec James
Mason, sous la caméra d’Albert Lewin.
présenté par des étudiants de khâgne
74
Bagdad Café
jeudi 20 février
Percy Adlon
Allemagne - USA 1988 / 1h30 v.o.
avec M. Sägebrecht, C. Pounder, J. Palance
Musique : Bob Telson
« Colling you » est interprétée par Jevetta Steele
Après une dispute, Jasmin, une touriste allemande en
vacances aux USA, est abandonnée par son mari sur la route
66 en zone désertique. Elle trouve refuge au Bagdad Café,
un motel délabré. Mal accueillie par la patronne Brenda, elle
parvient à briser la glace, en dépit et grâce à sa personnalité.
S’en suit alors une renaissance de cet établissement à la dérive.
Grâce à une forme aussi créative qu’enlevée, cette comédie
dramatique est particulièrement réjouissante.
présenté par
M. GAUCHERAND
ciné-club TARIFS
Parents, amis et anciens : place : 5 2
Abonnement : toute la saison : 15 2 ; 3 films : 12 2
Montée des Carmes-Déchaussés
Horaire : 20h
75
La Grande Illusion
jeudi 10 avril
Jean Renoir
France 1937 / 1h54
Assistant : Jacques Becker ; musique : Joseph Kosma
avec Jean Gabin, Dita Parlo, Pierre Fresnay, Erich
von Stroheim, Marcel Dalio, Julien Carette
1916. L’aviateur Maréchal et le capitaine de Boeldieu,
officier d’état-major, sont capturés ensemble. Tout dans leur
éducation les sépare. Mais ils se font un devoir de s’évader du
camp où ils sont détenus…dussent-ils se sacrifier pour libérer
leurs camarades. Ce ne sont pas les appartenances nationales
qui divisent les hommes, mais les antagonismes de classes.
Voilà le point de doctrine communiste que La Grande Illusion
propose d’illustrer, en plein Front Populaire. Cependant,
loin de s’enfermer dans une idéologie partisane, Jean Renoir
livre une galerie de portraits pleine d’humanité où chaque
personnage, fût-il un prétendu ennemi de classe, dévoile un
noble caractère. Déjouant tous les pièges du didactisme, ce
chef-d’œuvre du septième art transcende tous les clivages.
présenté par
F. CROUSLÉ
A BOUT
de COURSE
Running on empty (vo)
Sidney Lumet
USA 1988
Scénario : Naomi Foner
Photographie : Gerry Fischer
Musique : Tony Mottola, James Taylor
avec Judd Hirsch (Arthur Pope),
Christine Lahti (Annie Pope),
River Phoenix (Danny Pope),
Martha Plimpton (Lorna Phillips),
L’Histoire
Depuis le début des années 70, la famille Pope est
en fuite après un attentat commis contre une fabrique de
napalm. Traqués par le FBI, parents et enfants sont contraints
de déménager, de changer d’identité et d’apparence. Pour
Danny, le fils aîné, la situation devient de plus en plus
pesante et la nécessité tout autant que le désir de vivre
autrement s’imposent quand il tombe amoureux de la fille de
son professeur de piano.
77
Ce film réalisé par S. Lumet en 1988 interroge
– comme ses films précédents, Douze hommes en colère,
Serpico, Un après-midi de chien – les rapports de l’individu
avec la loi et la morale. Que peut-on être prêt à sacrifier pour
voir son idéal se réaliser ? Que reste-t-il des utopies des
années 70 ? Les nouvelles générations ont-elles à porter et
supporter la défaite du combat de leurs aînés ?
A bout de course est à la fois un road movie, un film
policier, un drame et un mélodrame. Sur la scène intime de
la famille les conflits idéologiques s’épuisent pour plonger
dans les profondeurs de l’âme adolescente romantique et
rebelle.
Eléments du film
« Play it again, Sam »
Cette phrase écrite sur le gâteau d’anniversaire
du père est aussi celle prononcée quarante ans plus tôt par
Ingrid Bergman dans Casablanca de Michael Curtiz. Le regard
mouillé de larmes, elle implorait Dooley Wilson de jouer son
air d’amour avec Humphrey Bogart, « As time goes by», en
souvenir du passé. En choisissant cette célèbre phrase du
cinéma américain, Sidney Lumet rend hommage à un film
où les personnages se quittent sans jamais cesser de s’aimer.
Dans A bout de course aussi chansons et musique se teintent
de reflets nostalgiques. Mais cette morsure du passé est rendue
moins vive par le pouvoir unificateur de la musique. En effet,
elle est ce qui unit ce qui sépare. Grâce à elle, Danny se
prépare un avenir riche de belles promesses – elle lui ouvre
les portes de l’université – et, grâce à elle encore, les grandsparents retrouvent leur petit-fils. De sa mère, Danny hérite de
sa passion pour la musique classique, rejetée on le devine, pour
des raisons sociales et idéologiques, par son père qui préfère le
78
rock. Partagé entre ces deux sensibilités musicales, Danny ne
choisit pas puisqu’il joue un morceau de chaque lorsque son
professeur lui demande de jouer. L’adolescent fait se réunir
sous ses doigts par la mélodie les oppositions parentales.
La très belle scène où la mère de Danny rejoint son fils au
piano pour interpréter une partition à quatre mains laisse
entendre la complicité et l’amour unissant mère et fils. Elle est
dialogue des âmes, sans les mots.
La chanson de James Taylor, « Fire and rain »,
extraite de l’album Sweet baby James de 1971 est entendue
deux fois dans le film, lors de l’anniversaire et à la fin.
L’antithèse de ce titre est emblématique des contradictions
et dilemmes qui assaillent la famille Pope. A l’anniversaire
de la mère, elle est « in » – elle passe à la radio – et entonnée
par le père, puis par Lorna. Enfin, tous à l’unisson chantent
et dansent. Ce moment de joie et de communion musicale
est réentendu à la fin – les paroles et les rires sont intégrés
à la bande-son –, lorsque les Pope reprennent la route sans
Danny. Par un jeu analogique de l’image, le mouvement
circulaire de la voiture qui encercle Danny convoque celui
du vinyle qui tourne en boucle sur la platine. Ce miracle
de l’émotion vécue ce soir-là est gravé pour toujours dans
les sillons du disque, comme le dit le refrain de la chanson,
« I always thought that I’d see you again ».
« On the road again »
Peut-on parler de road movie pour ce film ? Le
genre du road movie est très en vogue dans les années 70 :
le succès d’Easy Rider de D. Hopper ouvre aussi celui du
genre. Le film de route met en scène souvent deux pôles
qui s’attirent et se repoussent : le fugitif et le policier, le
marginal, le représentant de la loi. Le point de vue adopté
est souvent celui du personnage traqué (Bonnie and Clyde
de A. Penn, Vanishing point de C. Zarafian, Profession reporter
79
de M. Antonioni, Un monde parfait de C. Eastwood...).
Si la route ouvre et clôt le film dans des effets d’échos et de
circularité manifestes – au début, la route défile et est avalée
par la voiture dans une image presque convenue du road
movie tandis qu’à la fin la route apparaît de nouveau mais sa
prise est retardée puisque la voiture tourne autour de Danny
– elle n’apparaît guère à d’autres moments. Au contraire d’un
voyage, le film de Lumet donne à voir une étape. Au contraire
d’un film de hors-la-loi, il montre des parents aux prises avec
l’éducation de leurs enfants. Les hors-la-loi ne sont plus des
jeunes gens quittant leur univers familial pour vivre libres
« en utopie » contre les conformismes de la société : ils sont
des parents déracinés malgré eux et malheureux d’imposer
cet arrachement incessant à leurs enfants.
Il faut dire que 1988 (date de sortie du film) n’est
pas / plus 1970 : plus de quinze ans ont passé, l’ère Reagan
a balayé les utopies des seventies, les modes de contestation
ont changé et le cinéma se fait l’écho de ce changement.
Les derniers mots du père : «Va changer le monde.
Nous avons essayé...» expriment certes l’échec de sa
génération, mais formule aussi le vœu d’un passage de relais
aux accents rimbaldiens.
Danny, entre Charlot et James Dean
Le jeu extraordinaire de River Phoenix est à
observer de près pour mesurer à quel point la subtilité de
cet acteur a été de sentir que Danny était un être changeant,
insaisissable pour les autres mais sur le point de se révéler.
Ce changement se voit dans ses gestes et dans ses postures :
le regard fuyant, caché derrière de grosses lunettes ou sa
mèche de cheveux, gagne en fixité et en détermination au
cours du film. Lui, si retenu au début dans ses prises de
parole, au point même qu’il se range du côté du silence
80
(il est au piano avec un casque et fait semblant de jouer de
la guitare à Lorna), le voici qui libère ses sentiments par des
mots, à l’image de sa mère face à son père.
Deux figures tutélaires du cinéma encadrent
l’adolescent : Charlot et James Dean. Ainsi, la porte du placard
de Lorna offre ces deux images qui sont celles de Danny.
De Charlot, il a le silence – l’affiche sous-entend que Lorna
sera muette –, la maladresse et l’émotion ; de James Dean,
le romantisme rebelle.
Danny est un acteur qui a appris son rôle pour jouer sur
la scène sociale. L’amour fera tomber les masques (accessoires,
faux noms...) et révèlera le personnage à lui-même.
Un film politique Celui-ci montre en effet une famille aux prises avec
la justice. L’Etat fédéral, qui recherche les Pope, est présent
comme une menace qui plane, mais jamais il n’apparaît à
l’écran, sinon dans la scène d’ouverture où l’on aperçoit des
voitures qui cernent la maison familiale. A part cela, outre
les pressentiments d’Arthur, aucun agent n’apparaît jamais,
et les Pope vivent leur vie comme des citoyens normaux. Cela
montre la réelle autonomie de la société civile relativement
à l’Etat : elle est l’expérience de la communauté elle-même
dont l’unité est vécue, reconnue par les consciences en
dehors de l’ordre que l’Etat y fait régner. Aux Etats-Unis,
il est donc possible de vivre à peu près normalement à
condition de vivre caché, c’est-à-dire avec des identités
d’emprunt. Cette duplicité constante, Danny ne la supporte
plus. S’il existe pour sa famille, il n’est rien au dehors
(aucune trace de son dossier scolaire nulle part). Lorna hurle
à son père : « C’est un être humain ! ». Mais précisément,
nous n’habitons pas l’humanité, nous avons besoin d’un
lieu pour nous contenir, avec des limites, une orientation,
81
une direction, sinon nous ne sommes que vent et fumée.
Certes, la famille est la cellule de base de toute communauté
politique, et en ce sens indépendante de l’Etat ; mais elle n’est
pas autosuffisante, elle a besoin pour exister de communautés
de familles plus vastes qui puissent assurer, par la nécessaire
division du travail, la vie quotidienne. Et cela même permet
certes de « vivre », mais ne suffit pas pour bien vivre. Les
communautés intermédiaires, pour fondatrices qu’elles
soient, ne permettent pas une existence proprement politique.
Seule la communauté politique, qui a pour objet la justice,
permet ce bien-vivre ensemble. Et la justice, c’est « rendre à
chacun son dû », à commencer par sa place dans la société.
Le politique est donc partout, même s’il n’est pas tout. C’est
pourquoi Danny ressent un profond sentiment d’injustice en
étant exclu de cette sphère d’existence pour un crime qu’il n’a
pas commis. C’est donc sa place qu’il recherche. Il ne peut
seulement être le fils de ses parents, et errer sans feu ni lieu,
il doit prendre sa place sur la scène du monde et ne le peut
qu’en s’arrachant à la sphère familiale pour jouer sa propre
partition. Rien que de très naturel au demeurant : si le couple
est durable, la famille est transitoire et vouée à la dispersion.
Ce faisant, Danny rend tangible la réussite paradoxale de ses
parents. Ces deux gauchistes pacifistes voulaient « changer
le monde », le rendre plus juste. Mais auraient-ils pu penser
que c’était en fondant une famille qu’ils élaboraient une
véritable cellule de résistance à l’oppression ? Le défi des
foyers, c’est de faire converger dans l’amour des différences
qui seraient incompatibles ailleurs : virilité et féminité, âge
adulte et enfance, mais aussi argent et gratuité, autorité
et tendresse. Ici s’apprend la mise en commun dans la
responsabilité. La famille est le creuset de cette éducation
à la vie communautaire dans la complémentarité et, à ce
titre, le modèle familial est le seul communisme susceptible
de triompher. Parce que film politique, Running on empty
82
est donc d’abord un film familial. Il y est question de deux
générations de parents et d’enfants, ainsi que de la difficulté
d’éduquer. Deux types de familles s’opposent : celle d’Annie,
fille de grands bourgeois aisés, et celle d’Arthur, que l’on
devine plus modeste. Jamais ni l’un ni l’autre ne sont jugés ou
considérés avec mépris. Aucun parti-pris, bien au contraire,
mais une grande délicatesse et une immense tendresse
dans le tableau dressé des familles déchirées. Le mariage
de l’aristo et du populo produira une nouvelle génération
écartelée entre deux parts d’elle-même. Danny par sa soif
d’enracinement, sa volonté de s’inscrire dans une généalogie
– ce que sa mère a fui toute sa vie – n’est pas pour autant le
symptôme d’une génération plus conservatrice, en réaction
contre les choix de ses parents ; son comportement rend
sensible un mélange d’attachement-arrachement qui, loin de
décrire une forme de marginalité, caractérise toute existence
proprement politique : les hommes sont à la fois les pères et
les fils de leur histoire. Ils ont besoin à la fois d’enracinement
et d’émancipation. Ils ont à la fois des racines et des ailes. On
ne peut couper les racines à moins de façonner des errants
libérés pour le vide. On ne peut couper les ailes, à moins
de façonner des individus immobiles, enfermés dans des
coutumes privées de sens. Danny ne renie rien de l’éducation
de ses parents. Et son père ne s’y trompe pas qui dans la
dernière scène pourrait dire comme le Père éternel de Péguy
à son enfant dans Le massacre des saints Innocents :
Demandez à ce père si le meilleur moment
N’est pas quand ses fils commencent à l’aimer
comme des hommes, Lui-même comme un homme,
Librement,
Gratuitement...
Julie AUCAGNE, Paul-Etienne CHAVELET
Théâtre
Représentations 2013-2014
Mercredi 9 octobre
à 19h 30 à l’Astrée (2h)
Richard III
Maimone/ Cie F. Maimone
(L et option-théâtre :
terminales et premières)
Vendredi 18 octobre
à 20h au TNP (2h30)
Une saison au Congo
Césaire/Schiaretti
Mercredi 20 novembre
à 20h au TNP (2h25)
Ali-Baba
Spectacle de Macha Makeïeff
(terminales seulement)
Mercredi 4 décembre
à 19h30 à l’Astrée
La Mouette
Librement inspiré d’Anton
Tchékov/Filip Forgeau :
Compagnie du Désordre
Samedi 18 janvier
à 20h au TNP
Le Roi Lear
Shakespeare/Schiaretti
Samedi 15 février
à 19h30 au TNP (2h)
Le triomphe de l’Amour
Marivaux/Raskine
Dimanche 23 février
à 16h au TNP (2h10)
Britannicus
Racine/Martinelli
Lundi 17 mars
à 19h30 à l’Astrée
Bulles, ou à quoi je pense,
et dans quel sens ?
Evènement théâtral de la
Nième compagnie
Ce programme est celui des
lycéens de l’option théâtre et
des élèves de 1re L de Lyon
COMENIUS
Londres, septembre 2013
85
voya
ges
86
J’ai eu le plaisir d’emmener avec Mme Vial une
dizaine de nos élèves dans un lycée de l’ouest de Londres, puis
à Bruxelles, au Parlement européen, du 20 au 27 septembre
dernier. Les dates de ce projet étaient choisies par l’Unesco et
le Parlement car elles correspondent à la semaine de l’Europe ;
elles tiennent également compte de la participation au projet du
lycée anglais de Twyford (qui nous a accueillis pour travailler)
et du lycée allemand Sankt Nowak à Dusseldorf.
Ainsi, à Londres, pendant cinq jours, en classe, nous
avons préparé une véritable session parlementaire. Cela se
présente sous la forme d’un dossier d’environ quinze pages
rédigées en anglais sur des thèmes imposés ; cette année :
l’immigration, l’énergie et l’éducation. Chaque groupe choisit
son sujet. A cela s’ajoute la création d’une présentation
Powerpoint, toujours rédigée en anglais, sur laquelle s’appuyer
lors de la session au Parlement. Nos élèves ont travaillé par
groupes trilingues (2 Français, 1 Anglais, 2 Allemands),
conversant nécessairement en anglais pour pouvoir se
comprendre. Le tout, sans relâche, tous les jours de 8h30 à
18h, mercredi et samedi compris, dans une salle de cours et
cependant avec un intérêt et un plaisir désarmants !
Au Parlement européen, ils sont montés à la tribune
pour présenter leurs « Propositions » à l’assemblée composée
de jeunes Allemands, Anglais et Français et de quelques
membres du Parlement de passage, selon les règles d’une vraie
session parlementaire, terminée par des votes. Tout cela s’est
fait sous les yeux d’un assistant-député ravi du travail accompli
et des idées avancées ! Si content d’ailleurs de l’enthousiasme
des élèves qu’il nous a proposé une visite improvisée de tout
le Parlement alors que, au départ, nous n’étions pas censés
quitter notre salle.
Il est vrai que représenter sa génération et son pays
au Parlement européen a bien été perçu à la fois comme un
honneur et un défi. Cet objectif de présentation au Parlement
87
a poussé nos élèves à se surpasser et à progresser en anglais,
tant à l’écrit qu’à l’oral – nécessité oblige –, surprenant bien
agréablement leurs professeurs, mais aussi nos homologues
allemands et britanniques. Nous avons pu bénéficier de la
richesse de cette expérience unique grâce au projet Comenius
sous l’égide de l’Unesco, qui souhaite éveiller, outre un
échange culturel et linguistique, un sentiment d’appartenance
européenne ; en un mot, ce fut fait : je n’ai ramené que de
jeunes citoyens européens dans mes bagages ! Cécile FONLUPT
Participants Brateau Augustin 1e S, Burger-Gillet Marine 1e ES,
Casse Aurelia 1e L, De Mazière Camille 1e L, Marrel Ninon 1e S
Bouchu Hector T L, Dumas Caroline T L, Goineau Charles T L,
Martineu Madeleine T L, Robbe Antoine T S
Quatre jours au Mont
89
voya
ges
Athos Impressions de voyage
90
Pour les Français, Athos est un mousquetaire
taciturne qui boit sec et habite rue Férou. Mais lorsqu’il dit son
nom au commissaire qui l’interroge, après son arrestation dans
l’appartement de d’Artagnan, celui-ci s’écrie : « Mais ce n’est
pas un nom d’homme, cela, c’est un nom de montagne ! » Et
en effet, le mont Athos est d’abord la plus orientale des trois
péninsules de la Chalcidique, entre Salonique et la frontière
turque. On dit (mais que ne dit-on pas ?) que Poséidon, au cours
d’un combat avec un géant thrace du nom d’Athos, souleva
cette masse rocheuse (qui culmine à plus de 2000 mètres) et y
ensevelit, en toute simplicité, son adversaire.
Mais les Grecs, lorsqu’ils parlent du mont Athos, ne
l’appellent jamais autrement que la Montagne Sainte, nom
populaire officialisé par un chrysobulle de l’empereur Constantin
Monomaque au milieu du XIe siècle. Car depuis le IVe siècle, des
moines, fuyant la civilisation, s’étaient installés dans ces lieux
déserts pour y mener une vie d’ascèse et de dévotion.
C’est ce même édit qui interdit l’entrée de l’Athos à toute
créature femelle : femme, mais aussi vache, chèvre ou brebis
(la chair est faible...). Les moines, nous en ferons l’expérience,
consomment beaucoup de fromage, mais il vient de l’extérieur.
A part quelques provocations sans lendemain de résistantes à
la Libération, l’interdit n’a jamais été véritablement remis en
question.
91
Dans les années 70-80, le mont Athos paraissait en
plein déclin : à la crise des vocations s’ajoutait la dégradation
des bâtiments, hâtivement et mal restaurés par des moines
peu soucieux d’esthétique (il faut lire ce qu’en dit Jacques
Lacarrière dans L’été grec). La jeune génération, très politisée,
parlait du mont Athos comme d’un repaire d’homosexuels,
parasites radotant et vivotant dans leurs monastères délabrés.
On dissuadait les amis étrangers de s’y rendre, arguant
qu’aucune révélation spirituelle ne pouvait advenir dans un tel
climat de déliquescence.
Ce temps n’est plus. L’orthodoxie apparaît aux Grecs
d’aujourd’hui, toutes tendances confondues, comme faisant
partie intégrante de leur identité : se sentant cernés par les
peuples musulmans limitrophes, Turcs, Albanais, Kossovars
(et lorsqu’on lit les toutes récentes déclarations du premier
ministre turc en visite au Kossovo, on conçoit qu’ils puissent
être inquiets), ils se sont repliés sur les valeurs chrétiennes : les
pèlerinages ont repris de plus belle, les vocations monastiques
92
également. Au couvent de Simonos Petra, les textes sacrés
étaient psalmodiés par des novices en civil.
Les pèlerins russes, eux aussi, sont en augmentation
constante (il y a plusieurs couvents russes, serbes et bulgares
sur l’Athos) : le premier jour, à la skite de Kapsokalyvia, tandis
qu’on nous offre le raki de bienvenue, nous voyons surgir un
jeune moine russe famélique, en robe effrangée du même
bleu très pâle que son regard halluciné, cherchant la tombe
d’un ermite. Je me retrouve tout à coup dans un roman de
Dostoïevsky.
Les autorités ecclésiastiques ont même endigué
volontairement cet afflux de pèlerins, craignant de voir l’Athos
subir le sort des couvents des Météores, submergés par les
touristes – c’est d’ailleurs des Météores que viennent la plupart
des quatre-vingts moines de Simonos Petra – : pas plus de cent
visiteurs par jour sur l’ensemble de la montagne, et les nonGrecs n’ont le droit d’y passer que trois nuits et quatre jours,
ce qui s’avérera très frustrant : au moment où l’on commence
à s’habituer au rythme de la vie monastique, où l’on se sent
pénétré petit à petit par cette atmosphère si particulière,
il faut déjà repartir ! ( Lacarrière, à son époque, avait pu rester,
au cours de ses trois séjours, le temps qu’il voulait, et visiter
les vingt couvents.). Sans compter que l’autorisation à ce
court séjour ne s’obtient qu’après un nombre incalculable de
démarches et un délai qui peut aller jusqu’à un an !
Le jeune pope de la communauté grecque de Lyon, qui
a organisé le voyage, a heureusement aplani ces difficultés, en
trichant un peu : nous sommes tous censés être ses paroissiens,
et sur notre « diamonitirio » (le passeport sans lequel on ne
peut pénétrer au mont Athos, et dont il faut recopier le numéro
avec son nom dans le registre des pèlerins, en arrivant à chaque
couvent), nous sommes tous étiquetés « chrétiens orthodoxes ».
Mais, à Aghiou Pavlou (Saint-Paul), le moine qui donne l’eau
93
1
et le pain aux fidèles à l’issue de la « divine liturgie » ne s’y
trompe pas et nous les refuse avec un sec « not orthodoxos ».
Peut-être n’avons-nous pas fait le nombre de signes de croix
requis ? Peut-être n’avons-nous pas baisé les icônes avec
ce curieux mélange de ferveur et d’indifférence routinière si
déconcertant pour les Occidentaux ? Il faut dire aussi que le
plus jeune du groupe et moi nous sommes faits violemment
rappeler à l’ordre pendant la messe : nous avions croisé les
jambes dans nos stalles, geste éminemment diabolique...
A notre arrivée au monastère de Simonos Petra 1,
le troisième jour, le pope va se révéler aussi brillant négociateur :
le couvent héberge très parcimonieusement les visiteurs, sans
doute parce que, vu sa situation exceptionnelle, véritable nid
d’aigle avec ses étages de balcons au-dessus du vide, il est
devenu l’emblème du mont Athos et, de ce fait, très demandé ;
la plupart du temps, lorsqu’on écrit ou téléphone pour réserver,
la réponse est négative. Nous arrivons à neuf, sans nous être
94
annoncés. On nous sert, bien sûr, le grand verre d’eau, le petit
verre de raki (excellent !) et le loukoum traditionnels, mais
lorsqu’il s’agit de coucher, pas question : le frère hôtelier fait
dire que tout est complet. Le pope alors, très habilement,
demande s’il ne serait pas possible d’accueillir au moins les
quatre plus âgés du groupe, déjà très fatigués par l’heure de
montée depuis l’embarcadère ; les autres se débrouilleront
et repartiront demander l’hospitalité à un couvent voisin.
Quelques instants plus tard, on vient nous dire que nous avons
de la chance : un groupe de pèlerins qui devait arriver vient
de se décommander, et le couvent peut nous accueillir tous les
neuf ! Personne n’est dupe, évidemment.
C’est ici que nous aurons l’explication des gigantesques
travaux de restauration vus à l’œuvre dans les trois monastères
visités. L’Europe, depuis une quinzaine d’années, finance à
70% (le reste étant réparti entre l’Etat grec – 23% – et les
monastères – 7%) la réhabilitation des monastères, et le résultat
est impressionnant. La plupart des ouvriers sont des Albanais
spécialisés dans le travail de la pierre. Près de Dionysiou,
alors que je marche un après-midi avec un autre randonneur
impénitent – les autres font la sieste –, j’en interroge trois qui
restaurent une petite maison isolée dépendant du couvent : ils
sont en mission pour trois mois ; je n’ai pas osé leur demander
leur salaire...
La « divine liturgie » (la messe) athonite dure quatre
heures et commence à 3h1/2 ou 4h du matin. Au premier
couvent, saisis d’un beau zèle, la plupart d’entre nous décident
de tenter l’expérience. Dans l’obscurité presque totale du
catholicon (l’église au centre des bâtiments conventuels,
toujours peinte en rouge sang) à peine troublée par la lueur de
quelques cierges, nous nous installons dans les stalles libres et
découvrons un rituel très opaque pour les catholiques : un moine
psalmodie la Bible d’une voix atone, un autre tire un rideau,
95
un autre, par deux fois, fait le tour de l’église pour encenser
toute l’assistance ; d’autres se déplacent, baisent quelques
icônes, se rassoient, d’autres sortent, puis reviennent un quart
d’heure plus tard... L’aube blanchit peu à peu les vitraux rouges,
bleus et jaunes, nous somnolons vaguement, je compte les
« kyrie eleison » (soixante-quatre, dont quarante débités d’un
seul trait, à une vitesse telle que la première fois je n’entends
que « kyrech »). Pas de sermon – grâce à Dieu !
L’impression qui domine, une fois estompée l’espèce
de gêne d’être là en intrus, est d’être replongé dans les premiers
temps de l’Eglise, dans une liturgie qui n’a pas changé depuis
des siècles. Les moines athonites ont toujours été farouchement
opposés à l’union des deux églises, et ont lutté pour soustraire
l’église grecque à toute influence occidentale, malgré les
persécutions (notamment lors de la domination des seigneurs
francs).
Il nous faudra attendre les vêpres à Simonos Petra,
le troisième jour, pour entendre enfin d’admirables chants
liturgiques, portés par des voix de basse d’une justesse et d’une
ferveur impressionnantes. Le monastère est d’ailleurs renommé
pour ses chanteurs, qui ont enregistré deux CD.
Les repas des moines sont réglés sur les offices : un petit
déjeuner à 8h après la messe, le repas principal à 18h après les
vêpres. Repas rapides, cela va sans dire (je me suis souvenu
du dicton paysan souvent entendu dans mon enfance : « A la
Sainte-Luce, les jours grandissent du saut d’une puce, et à
la Saint-Antoine du repas d’un moine »), et frugaux. Jamais
de viande, du poisson parfois le dimanche. Pain et olives sont
la nourriture de base, avec parfois un peu de halva le matin,
et fromage et légumes ou soupe de semoule épaisse le soir.
Eau, thé et vin. Le deuxième jour, sur le petit bateau qui nous
menait de l’embarcadère de Saint-Paul à celui de Dionysiou,
affamés (ou croyant l’être), nous nous sommes tous rués sur les
96
2
croque-monsieur du bar. Mais on s’habitue étonnamment vite
à ce régime et à ce rythme. Comme on s’habitue à ce silence, à
cette nature encore sauvage, parcourue de sentiers où volètent
d’énormes papillons, à cette mer sans bateau ni nageurs (la
baignade est strictement interdite). Et l’on comprend que l’église
orthodoxe fasse tout pour préserver cet îlot de silence et de piété,
où l’on souhaiterait tout de même passer plus de quatre jours...
On ne peut parler du Mont Athos sans évoquer les
trésors artistiques qu’il renferme, mais nous n’en aurons eu
qu’une vision fugitive. Le psautier et l’évangile enluminé du XIIIe
97
3
siècle à Dionysiou, je ne les découvrirai qu’en photo, une fois de
retour en France : les moines ne se pressent pas de faire admirer
leurs objets précieux, ce ne sont pas des guides touristiques.
Les monastères de Saint-Paul et de Simonos Petra, entièrement
reconstruits au début du XXe siècle après des incendies
dévastateurs, ne possèdent pas de fresques intéressantes. En
revanche, les petites chapelles de Kapsokalyvia 2 et de SainteAnne, datant du XVIIe siècle, en sont couvertes : le moine qui nous
fait baiser les reliques (entre la main de sainte Marie-Madeleine,
le bras de sainte Anne, un fragment de la vraie Croix, je ne sais
plus tout ce que j’ai pu baiser en quatre jours) nous les commente,
hélas trop rapidement. La fascination la plus forte, c’est tout de
même au monastère de Dionysiou 3 qu’on la ressent, devant les
fresques hallucinantes qui ornent la galerie couverte menant
au réfectoire et au catholicon : œuvres d’un peintre de l’école
98
crétoise du XVIe siècle (Zorzis ou Merkourios), elles illustrent
différents versets de l’Apocalypse (les étoiles tombant sur la
terre, la fumée sortant du puits de l’abîme, les sauterelles et ne le
cèdent en rien aux peintures de Jérôme Bosch. On nous interdit
de les photographier (pourquoi ?), mais dès que les moines sont
à la messe, nous enfreignons allègrement l’interdicition.
L’autre grande surprise sera la rencontre, à Simonos
Petra, d’un moine français vivant là depuis trente-trois ans,
qui nous retrace brièvement son parcours, pour le moins
surprenant, puisqu’il a d’abord été gauchiste, très engagé dans
les combats politiques en mai 68. On souhaiterait, là encore,
avoir plus de temps pour comprendre toutes les étapes de sa
conversion, mais on a quelques scrupules à l’interroger sur un
sujet aussi intime. Et puis peut-on vraiment communiquer par
les mots une expérience mystique ou simplement spirituelle ?
Le soir de ce même jour, notre dernier sur l’Athos, un vieux
moine – le seul à nous adresser spontanément la parole durant
tout notre séjour – me fait le récit, en forme de parabole, de la
fin d’un très vieux moine athonite qui, sur son lit de mort, était
assailli de questions par les jeunes moines du monastère, avides
d’entendre de sa bouche la formule magique, le concentré de
sagesse qu’il ne pouvait manquer de leur délivrer ; tout ce qu’ils
obtiendront (et moi aussi, du même coup), c’est « Dieu, Dieu,
toujours Dieu ! »
Je ne cherchais rien moi-même, mais j’ai tout de même
souri et je l’ai remercié. C’était mon adieu au Mont Athos.
Didier PERCEVEAUX
cirque
Le cirque de l’Himalaya, spectacle monté par les 9e 1 et 9e 2 de Lyon, 28 mai 2013
CLASSES
SUPéRIEURES
LYON/SAINT-PAUL
Présentation des classes
A Sainte-Marie Lyon, les classes préparatoires se composent
de :
• Prépas commerciales, options scientifique (bacheliers S)
et économique (bacheliers ES) dans lesquelles les élèves
préparent, en deux ans, le concours des écoles supérieures de
commerce (les écoles de la Banque Commune d’Epreuves :
HEC, ESSEC, ESCP, mais aussi Grenoble, Toulouse... et les
écoles de la banque Ecricome...)
• Préparatoires littéraires qui sont l’antichambre de
l’Ecole Normale Supérieure de Lyon mais aussi, et depuis
2011, de beaucoup d’autres écoles grâce à l’écrit commun
de la Banque d’épreuves littéraires (BEL). Cette dernière
est en effet une banque d’épreuves destinée à élargir les
débouchés des khâgneux et, ainsi, à redonner souffle à la
filière littéraire.
Nos élèves viennent de tout près ou de très loin : ils sont
Lyonnais ou issus de tout l’hexagone, parfois même de lycées
français à l’étranger (Bolivie, Hong Kong, Tunisie)...
101
Esprit
Si le souci d’excellence et l’émulation intellectuelle
sont de mise dans toutes les classes préparatoires, nous avons
le désir, à Sainte-Marie, de les enraciner plus profondément
dans :
Un esprit de gratuité
Le concours – aussi exigeant soit-il – n’est pas une fin
en soi ! La recherche de la vérité, le goût de l’étude, la capacité
de tisser des amitiés sont de puissants stimulants durant les
deux années de prépa.
Les élèves qui nous choisissent sont, bien sûr, là pour réussir
– et pour bien réussir – mais il nous semble que la réussite n’a
de sens que si elle est servante et si elle dispose nos étudiants
à féconder ultimement la société civile.
C’est dans cette optique de gratuité que les élèves reçoivent
un cours de religion ou d’art ; sont invités au ciné-club de
l’établissement ou à d’autres manifestations culturelles : théâtre,
conférences ; sont conviés à fréquenter l’aumônerie dans
laquelle ils trouvent toutes sortes de propositions spirituelles,
liturgiques ou caritatives (tutorat de jeunes élèves, service
de repas à des personnes en difficulté, visite aux personnes
âgées, projet Kinshasa...) ; qu’ils sont, en un mot, invités à se
décentrer de leur seul et légitime désir d’intégrer la meilleure
école possible.
Une école de l’intelligence
Nous savons tous que l’intelligence se caractérise,
entre autres choses, par la capacité de distinguer l’essentiel
de l’accessoire.
Tout l’enjeu en prépa est d’avoir le regard assez pénétrant
pour aller à l’essentiel ; en début de première année, les
élèves sont souvent submergés par le volume, par la difficulté
102
à s’organiser ; le tutorat va les aider, grâce à l’accompagnement
plus personnel d’un professeur, dans trois registres :
• L’organisation du temps : comment structurer son travail
personnel ? son travail avec les autres ? profiter de ce que
la maison propose pour étudier : la bibliothèque jusqu’à
22h chaque soir et les mercredis et samedis après midi, par
exemple.
• L’équilibre de vie : l’alimentation, le sommeil, la détente
(place du sport, de la musique, de sas pour « se reprendre ») ; le gymnase de l’établissement est prêté deux soirs par
semaine aux élèves des classes préparatoires.
• L’intégration dans la prépa : il n’est pas toujours très simple
pour les élèves internes, qui viennent parfois de loin, de
prendre leurs marques en prépa.
Une école de l’humilité
Dans laquelle on touche parfois, pour la première fois,
des limites : l’enthousiasme des débuts, avec les premières
notes, a tendance à s’effriter... Il est parfois difficile d’accueillir
ces notes quand on se souvient de son Bac facilement décroché
avec mention TB !
La persévérance est alors convoquée car les efforts consentis
portent souvent du fruit seulement quelques semaines ou
quelques mois plus tard !
Nous le savons tous, il faut de l’humilité pour consentir à
nos limites et les accepter. Certains élèves auront le niveau
requis pour intégrer HEC ou l’ENS… au bout de deux années.
D’autres auront le niveau pour intégrer une école apparemment
moins prestigieuse. Qu’importe ! Nous rappelons souvent à
nos élèves qu’il convient de mettre à distance les palmarès,
les classements d’écoles... pour profiter pleinement de tout ce
qui peut contribuer à leur construction personnelle durant ces
deux années de classes préparatoires.
103
Résultats
• En classes préparatoires littéraires 32 élèves
Au concours de l’ENS Lyon
Sous-admissibles
20
Admissibles 7 (3 à l’ENS Ulm)
Admis 5 (1 élève bi admise à Lyon et Ulm a fait le choix de l’ENS Ulm)
2 en spécialité lettres classiques
2 en spécialité lettres modernes
1 en spécialité histoire-géographie
Au CELSA
A AUDENCIA A l’IEP de Lille
Admis
Admis
Admis
1
1
1
• En classes préparatoires économiques
et commerciales
Option scientifique
37 élèves
HEC
ESSEC
ESCP
EMLyon
EDHEC
AUDENCIA
Grenoble
Toulouse
2 cubages
13
5
5
3
4
2
2
1
M arie-Pierre BARBIER
Option économique
30 élèves
HEC
3
ESSEC
1
ESCP
1
EMLyon
3
AUDENCIA
3
Grenoble
6
Toulouse
2
Rouen
5
Reims
1
2 cubages , 1 réorientation
(école hôtelière de Lausanne)
104
LYON/LES MISSIONS
institut Marc Perrot
L’institut Marc Perrot est l’établissement d’enseignement
supérieur (hors prépa) de Sainte-Marie Lyon.
Il est installé depuis la rentée 2011 sur le site des Missions.
Il accueille les formations de BTS Prépa Gestion, licence
Sciences de gestion et Bachelor Européen Management
et Développement. Il accueillera à partir de la rentrée
2014 les Bachelor Management et Réseaux Numériques et
Bachelor Communication et Créations Numériques, délivrés
conjointement avec l’université Canadienne UQAT.
Résultats
• Licence Sciences de gestion
40 étudiants sur 41 ont obtenu leur licence.
19 étudiants ont choisi un master.
CCA : 1 ; Finance et Banque : 8 ; Marketing et vente : 5 ;
Ressources humaines : 2 ; Management : 2 ; Etranger : 1 ;
Master IDEA EM Lyon/ Centrale : 1.
21 étudiants souhaitant intégrer une école supérieure de
commerce sont allés à :
EM Lyon : 2 ; Audencia : 3 ; Grenoble : 1 ; Rouen : 1 ; Reims : 1 ;
Euromed : 2 ; Toulouse : 6 ; SKEMA : 1 ; Autres : 2
• BTS Prépa Gestion
Ce cursus est né de notre volonté d’assurer à nos étudiants une
orientation de qualité au terme de leur BTS. Ceux-ci, grâce à
un enseignement renforcé en culture générale et en technique
d’entretien, seront ainsi armés pour poursuivre des études de
qualité de niveau BAC+5.
105
31 étudiants sur 32 ont réussi leur BTS.
16 continuent dans la licence Sciences de gestion à
Sainte-Marie ; 2 sont en licence Sciences de gestion à Lyon
III ; 1 en licence 3e année d’Eco Gestion à Saint-Etienne ;
6 en ESC, dont 1 à Grenoble ; 2 sont en DCG ; 1 en Bachelor
Européen Management et Développement 3e année ; 1 en
alternance chez Ernst & Young.
• Bachelor Européen Management et Développement Ouverte en septembre 2010, la quatrième promotion affiche
complet avec 63 étudiants.
Ce diplôme a la spécificité d’être délivré conjointement par
une université anglaise et par Sainte-Marie Lyon. Le cursus
comprend un gros travail en anglais dès la première année afin
de pouvoir profiter pleinement de la deuxième année qui se
passe entièrement en pays anglophone.
Les résultats de la première promotion sont les suivants :
45 étudiants sur 46 ont obtenu leur bachelor.
19 étudiants poursuivent en master en IAE (Lyon, Paris, Aix,
Saint-Etienne) dans les domaines suivants : Marketing,
Management, Management international Finance et banque,
Management de projet, Banque et finance, Commerce
international.
14 étudiants ont intégré des ESC (4 à Audencia, 1 à Grenoble,
1 à Reims, 2 à Skema, 1 à Strasbourg)
12 étudiants ont suivi d’autres parcours (3 en Master IDEA EM
Lyon/ Centrale ; 3 en Humanitaire ; 3 en Césure Master ; 1 en
Master professeur des écoles).
106
• A la rentrée 2014, nous ouvrons deux nouvelles
formations :
Le Bachelor Management et Réseaux Numériques (délivré
conjointement par l’université canadienne de l’UQAT)
accessible après un BAC+2 (BTS, IUT, 120 crédits ECTS) et
permettant de préparer les concours d’ESC à BAC+3 et l’accès
aux masters universitaires.
• Le Bachelor Communication et Création Numérique (délivré
conjointement par l’université canadienne de l’UQAT)
accessible directement après le BAC et délivrant en trois ans
180 crédits ECTS.
Ce bachelor est destiné à des étudiants qui veulent convertir
leur énergie créative en projet professionnel dans un domaine
en plein essor : la vidéo, le web et le multimédia tout en
souhaitant continuer leurs études à BAC +5 (ESC, Grandes
Ecoles d’Art, Masters universitaires).
Jean-A rmand BARONE
107
La Verpillière
BTS Commerce international
Le BTS Commerce international à référentiel européen
s’adresse aux titulaires d’un baccalauréat général (séries L, ES
et S) ou technique (série STG).
Cette formation technique comprend aussi de nombreuses
matières générales. Spécialisée en commerce international,
elle ouvre ainsi à des carrières et des études très variées et de
haut niveau.
Nous accueillons cette année 35 étudiants en première année
et 31 en seconde.
Résultats obtenus par les étudiants de la promotion
2013 : l’an passé, sur 32 étudiants en BTS, 31 ont obtenu
leur diplôme, soit un taux de réussite de 96,8 %.
Devenir des étudiants des six dernières
promotions (2008-2013)
Sur 156 diplômés :
• 37 étudiants sont entrés en Licence Sciences de gestion ou
LEA dont 24 à Sainte-Marie Lyon ;
• 65 étudiants ont été admis en Ecole Supérieure de Commerce
(1 à Kedge Bordeaux, 3 à l’ESC Dijon, 4 à Chambéry Savoie, 4
à Clermont, 12 à Euromed Management Marseille, 1 à Skema
Sophia-Antipolis, 5 à Grenoble, 8 à Lille, 8 à Montpellier, 2
à l’ICN Nancy, 4 à Sup de Co Reims, 3 à Rennes, 4 à Rouen,
2 à Saint-Etienne, 1 à Strasbourg, 2 à Troyes et 1 à ToursPoitiers) ;
• 27 font une spécialisation en licence professionnelle ou
en Bachelor (Licence Commerce international spécialité
« marchés émergents » de Lyon III, Licence Marketing de
Lyon III, Licence Import-export à Saint-Etienne, Licence
Acheteur à Bordeaux...) ;
108
• 13 poursuivent des études en écoles spécialisées (Ecole
d’éducateur, Ecole d’infirmier, Ecole de transport, Licence
de sport, Ecole d’esthétique, Ecole hôtelière, ESTRI, Ecole
de design...) ;
• 6 sont entrés dans la vie active et 8 autres ont poursuivi
leurs études à l’étranger.
A Sainte-Marie Lyon – La Verpillière, une séquence
hebdomadaire d’entraînement aux tests de langues vivantes
commerciales étrangères est intégrée à l’horaire. Outre la
préparation au TOEIC, test d’anglais internationalement
reconnu pour lequel nous sommes centre de passage agréé,
nous assurons aussi la préparation et la passation des tests
WIDAF (allemand), ELYTE (espagnol) et CLIP (italien) pour
les étudiants de seconde année qui ont validé un bon niveau
en anglais l’année précédente.
Les étudiants en BTS Commerce international
sont aussi amenés à passer le Passeport de Compétences
Informatiques Européen (PCIE). Nous avons un accord avec
la Chambre de Commerce et d’Industrie du Nord-Isère qui
est centre d’examen.
En seconde année, une heure hebdomadaire d’entraînement
aux épreuves des concours d’entrée en licence ou en Ecole de
commerce est complétée par une série de conférences et par
la possibilité qu’ont les étudiants volontaires de préparer le
concours « Passerelle » à l’ESC Grenoble plusieurs samedis
durant l’année scolaire.
Ce premier partenariat avec l’Ecole de management
de Grenoble a été complété en 2010 par deux autres
dispositifs : les conventions « Ascension sociale » et
109
« Face à l’avenir » peuvent permettre à une dizaine de lycéens,
sélectionnés sur critères sociaux ou de handicap, de passer
un concours d’entrée en Ecole de commerce dès la terminale.
En cas de réussite, ils pourront intégrer directement l’ESC
Grenoble après l’obtention de leur BTS.
Une préparation aux examens de Cambridge, un
enseignement de chinois de 3 heures sont également proposés
aux étudiants volontaires.
Enfin, depuis 2008, l’établissement a signé une Charte
universitaire Erasmus qui permet à certains étudiants de
bénéficier d’aides supplémentaires pour leur stage en Europe.
D
idier TOURRETTE
lyon
la verpillière
carnet
nou
.
vel
les
112
A.P.E.L.-Association familiale
28 septembre 16 novembre
Réunions des parents
correspondants
28 septembre
Assemblée générale
de l’A.P.E.L.
12 novembre
Réunion des parents
correspondants du primaire
30 novembre
Assemblée générale de
l’Association familiale
Animation spirituelle
12-19-26 septembre
Messes de rentrée pour
les collégiens
20 septembre
Soirée de rentrée de
la pastorale du lycée
1er octobre
Lancement du parcours
de Confirmation
5-6 octobre
Week-end spirituel à Taizé
pour les lycéens
8-17octobre
Messes de rentrée pour les
classes de 7e, 8e et 9e
17 octobre
Première rencontre
du groupe Saint-Irénée : « A la découverte de l’Eglise
protestante »
18-19 octobre
Retraite annuelle des
professeurs, catéchistes et
membres du personnel à
Notre-Dame de l’Hermitage
23-24 novembre
Week-end avec la
Communauté du Chemin Neuf
pour les élèves de première
26 novembre-8 janvier
Réunions de préparation à la
Première communion
29 novembre
Nuit de prière au lycée
pour les confirmés
9 décembre
Célébration de l’Immaculée
Conception, fête patronale
de l’établissement ; activités
ludiques, spectacles,
conférences et témoignages
16 décembre
Journée de récollection
des parents à Valpré
113
LYON
Conférences, interventions, réunions
9 septembre
Réunion d’information pour
les parents des élèves de
seconde
10 septembre
Réunion d’information pour
les parents des élèves de 6e
16 septembre
Pour les parents des élèves
de première
17 septembre
Pour les parents des élèves
de 4e
19 septembre
Pour les parents des élèves
de 3e
21 septembre
Pour les parents des élèves
du primaire
23 septembre
Pour les parents des élèves
de BTS et licence
24 septembre
Pour les parents des élèves
de terminale
26 septembre
Pour les parents des classes
maternelles et de la classe
ULIS
28 septembre
Pour les parents des élèves
des classes préparatoires
(lettres, ECS, ECE)
7 octobre
Conférence sur « Les
idéologies du Gender »
par Vincent Aubin et Olivier
Gosset
8 octobre
Réunion d’information sur
les différents échanges
linguistiques internationaux
collège et lycée
10-15 octobre
Réunions d’information Teen
Star
5 novembre
Réunion d’information sur
la psychomotricité
10 décembre
Réunion d’information
« admission post-bac »
pour les parents des élèves
de terminale
114
Echanges internationaux
Argentine
avec Buenos Aires
20 octobre - 3 novembre :
séjour de lycéens français,
accompagnés par Michelle
Buet, dans le cadre de
l’échange avec le lycée
La Salle
Allemagne
avec Berlin
6-16 novembre : accueil
des lycéens allemands du
Casinius Kollege
Australie
avec Brisbane
30 novembre - 14 décembre :
accueil des lycéens
australiens à Lyon
Etablissement
20 septembre
Journée d’intégration des
classes préparatoires ECE
27 septembre
Journée d’intégration des
classes préparatoires ECS
28 septembre
Accueil des parents des
nouveaux élèves du collège
2 octobre
Conseil de maison : choix
des thèmes de l’année
12 octobre
Accueil des parents
des nouveaux lycéens
15 octobre
Accueil des parents des
nouveaux élèves du primaire
7-8 novembre
Réunions des professeurs
des trois sites de Lyon
20 novembre
Conseil de maison : « accueil
et accompagnement des
professeurs en difficulté »
23 novembre
Journée pédagogique :
intervention de Fabrice
Hadjadj sur l’autorité.
Fête des Anciens ; remise des
diplômes, baccalauréat 2013
25-29 novembre
Festival du livre en primaire
13 décembre
Forum sur les formations
de l’enseignement supérieur
pour les terminales
115
Sorties, visites, voyages
13 septembre
Visite du Palais de Justice
pour les classe de 7e
23 septembre
Visite du musée des BeauxArts sur le thème de l’eau
pour la classe de 11e 1
25-27 septembre
Sorties géologie pour les
classes de terminale S, de
Bourg d’Oisans à La Grave
10 octobre
Sortie à la Croix-Rousse pour
la classe de 7e 1 : orientation et
traboules
14 octobre
Sortie des TS 3 à l’Opéra pour
le Dialogue des Carmélites
de F. Poulenc
22 novembre
Visite des grottes de la Balme
pour les 9e 1 et 9e 2
Ciné-club, théâtre
Pour les élèves de
première, terminale,
classe préparatoire,
parents, professeurs,
anciens et amis
10 octobre
A bout de course
de Sidney Lumet
12 décembre
Rêves
d’Akira Kurosawa
Pour les élèves de seconde
2-3-4 décembre
Le dernier métro
de François Truffaut
Pour les élèves de 3e
25-26 novembre
Les sentiers de la gloire
de Stanley Kubrick
Pour les élèves de 4e
23-24 septembre
La prisonnière du désert
de John Ford
3 octobre
Anga, fils du feu, spectacle
théâtral pour les maternelles
et les 11e 1
116
Chorale, concerts
12 décembre
Concert de Noël des
classes musicales à SaintBonaventure
Maîtrise
28-31 octobre
Stage musical à Lyon
3-22 décembre
Concerts de Noël à la
cathédrale
15-17 décembre
Concerts de Noël à l’église de
la Rédemption
20 décembre
Concert de Noël à l’église de
Sainte-Foy-lès-Lyon
Schola
9 décembre
Animation de la fête
patronale à Fourvière
9-10 décembre
Concerts à l’église SaintGeorges : les Ceremony of
Carol’s de B. Britten
22 décembre
Participation avec la maîtrise
et le chœur mixte au concert
de Noël de la cathédrale
24 décembre
Animation de la messe
des familles à Saint-Jean
Activités sportives
18 septembre
Réunion d’information
et de préinscription pour
l’Association sportive
117
la
verpil
liere
A.P.E.L.-Association familiale
12 novembre
Réunion des parents
correspondants
30 novembre
Assemblée générale de
l’Association familiale
2 décembre
Assemblée générale de
l’A.P.E.L. de La Verpillière
Animation spirituelle
11 septembre
Conseil pastoral pour
l’ensemble de l’établissement
13 septembre
Messe de rentrée de
l’établissement
16 septembre
Rentrée des catéchistes
23 septembre
Commission pastorale de
La Verpillière
27 septembre
Lancement de la pastorale
pour les internes et choix
des thèmes du « Café théo »
28 septembre
Sortie de catéchèse à Lyon
pour les 6e et 5e
4-15 octobre
Service à la maison de retraite
de La Verpillière proposé
aux 4e
5-6 octobre
Week-end à Taizé proposé
aux lycéens
8 octobre
Pour les 4e, rencontre
avec l’association « Voir
ensemble » pour le service
aux personnes malvoyantes ou
aveugles. Réunion du groupe
« Maristes en éducation »
10 octobre
Lancement des projets de
catéchèse pour les 3e
118
11 octobre
Rencontre de préparation
à la confirmation pour les
lycéens, au baptême pour
les élèves du primaire et
du collège.
Soirée Madagascar :
présentation et bilan du
voyage de juillet 2013
18 octobre
Lancement de la préparation
à la profession de foi pour
les 5e
18-19 octobre
Retraite proposée aux
professeurs, éducateurs et
membres du personnel
à N.-D. de l’Hermitage
8-19 novembre
Service à la maison de retraite
de La Verpillière proposé
aux 4e
9 novembre
Journée « Maristes en
éducation » : visite de
Fourvière, messe, puis parcours
du Palais Saint-Pierre
12-15 novembre
Rencontres avec l’association
« Voir ensemble » pour les
élèves de 4e
29 novembre
« Café théo » pour les lycéens
internes : « Le concept du
genre : aspects biologique
et psycho-sociologique »
par Adeline Degret
30 novembre
Temps fort proposé aux familles
du primaire
3-20 décembre
Service à la maison de retraite
de La Verpillière proposé
aux 4e
5-6 décembre
Célébration de l’Immaculée
Conception : messe, activités
ludiques, manifestations
des talents et témoignages
10-13 décembre
Rencontres avec l’association
« Voir ensemble » pour
les élèves de 4e
12 décembre
Rencontre de catéchèse
pour les 3e
16 décembre
Journée de récollection
à Valpré pour les parents
de l’établissement
17 décembre
Messe de préparation à Noël
pour les internes
18 décembre
Rencontres de catéchèse
pour les 6e et 5e
119
Conférences, interventions, réunions
6 septembre
Réunion d’information pour
les parents des élèves de CM1
et CM2
10 septembre
Réunion d’information pour
les parents des élèves de CE1
et CE2
13 septembre
Réunion d’information pour
les parents des élèves de 4e, 3e
et BTS
17 septembre
Pour les parents de maternelle
et CP
20 septembre
Pour les parents de 6e et 5e
27 septembre
Pour les parents de seconde
et première
4 octobre
Pour les parents de terminale
8 novembre-13 décembre
Conférences Découverte de
l’histoire de l’art par Jean-Luc
Gauchon
14 décembre
Les rencontres de La
Verpillière, réunion de parents
sur le thème de l’autorité
10-11 janvier
Réunions d’information
pour les parents des élèves de
terminale sur les procédures
d’orientation
Echanges internationaux
23 octobre - 9 novembre
Accueil des correspondants
allemands d’Heusenstamm
6-21 décembre
Accueil des correspondants
espagnols de Salamanque
Etablissement
20 septembre
Journée d’intégration des
secondes à Saint-Pierre-deBœuf
2 octobre
Conseil de maison : choix
des thèmes de l’année
120
3 octobre
Accueil des nouveaux
professeurs et éducateurs 2
Accueil des parents des
nouveaux élèves
Journée de sensibilisation à la
sécurité pour les élèves de 6e
7 novembre
Réunion des professeurs
20 novembre
Conseil de maison : accueil
et accompagnement des
professeurs en difficulté
22 novembre
« Repas philosophique »
pour les parents et professeurs
de terminale ; au menu :
philosophie et art
23 novembre
Journée pédagogique des
professeurs : intervention de
Fabrice Hadjadj sur l’autorité
30 novembre
Journée des Anciens, forum
sur l’orientation pour les
élèves de terminale, remise
des diplômes : baccalauréat,
BTS et Cambridge
4-11 décembre
Intervention de la Brigade de
Prévention de la Délinquance
Juvénile auprès des 3e
sur le thème « Drogues et
dépendances »
14 décembre
Arbre de Noël pour les
familles des membres du
personnel
18 décembre
Intervention de la BPDJ
auprès des 4e sur
« Les dangers de l’internet »
Sorties, visites, voyages
12-13 septembre
Sortie de géologie
pour les élèves de terminale S
17-20 décembre
Voyage à Freiburg pour
les germanistes de 5e 2, 5e 4,
4e LV2 de La Verpillière et 4e
LV2 de Lyon,
sous la responsabilité de
Solange Dubost et Françoise
Delorme
20 décembre
Dans le cadre du programme
d’éducation civique, audience
au tribunal correctionnel de
Lyon pour les élèves de 4e 1
121
Ciné-club, théâtre
12-17 décembre
Projection du film
Welcome in Vienna
d’Alex Corti
pour les élèves
de première, terminale
et BTS
Chorale, concerts
Petits chanteurs et
Préparatoires
28-29 septembre
Enregistrement d’un CD
21-26 octobre
Camp musical à Corrençonen-Vercors
5 décembre
Animation de la fête patronale
20 décembre
Concert de Noël à l’église de
La Verpillière
Activités sportives
2 octobre
Formation UGSEL
des arbitres pour le rugby
17 octobre
Demi-journée inter-classes
pour les élèves de 6e : foot et
hand-ball pour les garçons,
badminton et ultimate pour
les filles
Assalam alaykoum, N’o gemundi, xana Ibrahima*
« Au revoir, ami Ibrahima » en langue soninké, juin 2013
123
car
net
Naissances
Zélie, fille de David Legros,
professeur d’histoiregéographie à La Verpillière,
le 9 juin
Adrien, fils de Véronique
Lacharme, aide de laboratoire
à La Verpillière, le 2 juillet
Chiara, fille de Marie-Françoise
Andriano-Chollet, membre
du service administratif
à Saint-Paul, le 17 août
Agathe, fille de Nicolas Varlut,
éducateur en terminale
à La Verpillière, le 21 août
Geoffroy, fils de Marie
Peycelon, standardiste
à Saint-Paul, le 6 septembre
Laura, fille de David Venet,
professeur d’EPS
à La Verpillière,
le 18 septembre
François, fils de Domitille
de Boisgelin, ancienne
bibliothécaire de
La Verpillière, le 29 septembre
Suzanne, fille de Serge Noir,
maître d’internat à
La Verpillière, le 8 octobre
Gabriel, fils de Mathieu Jenny,
professeur d’EPS
à La Solitude, le 7 novembre
Eliott, fils de Stéphanie
Truffandier, professeur de
sciences économiques
et sociales à La Verpillière,
le 22 novembre
Elias, fils de Jean-Christophe
Paradis, responsable
du service informatique,
le 26 novembre
Mariages
Claire Bédouin, éducatrice
en classes préparatoires,
avec Pierre-Olivier Triviaux,
le 29 juin
Clotilde Petiton-Saint Mard,
professeur de lettres à Lyon,
avec Jean-Patrice Arduin,
professeur de philosophie
à Lyon, le 16 août
Emilie Coursault, secrétaire
à La Verpillière en 20122013, avec François Rouleau,
le 26 octobre
Laure Gauchon, professeur
de SVT à La Solitude, avec
Charles Verkest,
le 2 novembre
124
Vie religieuse
Stéphane Huard, ancien
maître d’internat des classes
supérieures à Lyon, a été
ordonné prêtre à l’abbaye
Notre-Dame des Dombes,
le 24 août
Départs
LYON
Ibrahima Soumaré, membre
du personnel de service
à Saint-Paul, entré en 1972
Nicole Vivaldi, membre du
personnel de service à SaintPaul, entrée en 1973
Stani Chaine, professeur de
lettres, entré en 1975
Jean-Louis Ravistre,
professeur de lettres, entré
en 1977
Thierry Martin, professeur
de lettres, entré en 1980
Nicole Fabre, professeur de
mathématiques et ancienne
responsable des 6e-5e
à La Solitude, entrée en 1986
Jean-Louis Chaix, membre
du personnel de service
à La Solitude, entré en 2003
Patrice Lamarque d’Arrouzat,
professeur de mathématiques,
entré en 2006
La Verpillière
Elisabeth Valour, professeur
d’anglais, entrée en 1976
125
Décès
Nous participons à la douleur
de
La famille de Jacques Nallet,
ancien éducateur et professeur
d’histoire-géographie à
La Solitude, prêtre diocésain,
décédé le 27 mai
Sandra Gulesseian, EVS
à La Solitude, qui a perdu
son père, le 28 mai
Xavier Chatanay, membre
du service technique
à La Solitude, qui a perdu
son père, le 30 mai
Frédérique Besson, ancienne
secrétaire à La Solitude, qui
a perdu son père, le 25 juin
Frédéric Cauet, professeur
de lettres à La Solitude, qui a
perdu son père, le 15 juillet
Alain Ohannessian, membre
du Conseil d’administration
de l’Association familiale, qui
a perdu sa mère, le 1er août
Frédérique Martin-Scherrer,
professeur de lettres
à Saint-Paul, qui a perdu
sa mère, le 6 août
Pascale Martinez, responsable
de l’accueil à La Verpillière,
qui a perdu sa mère,
le 17 août
Françoise de Petiville,
membre du service
administratif à Saint-Paul,
qui a perdu sa mère,
le 9 septembre
Jean-Christophe Aguettant,
président de l’Association
familiale, qui a perdu son
père, le 24 septembre
Nathalie Teulade, éducatrice
en 1ère à Saint-Paul, qui a
perdu son père, le 9 octobre
Sylvie Vial, professeur
d’histoire-géographie
à Saint-Paul, qui a perdu
son père, le 13 octobre
Patricia Beetschen, professeur
de lettres à Saint-Paul, qui a
perdu son père, le 16 octobre
Hugo Simplet, élève de 2nde 3
à Lyon, qui a perdu sa mère,
le 23 octobre
Brigitte Neyrand, professeur
de SPC à La Verpillière, qui a
perdu son père, le 25 octobre
Crédit photos :
Jean-Christophe Ballot : pages 16, 66, 112, 126
Xavier Dufour : page 122
Cécile Fonlupt : pages 84, 85
Blandine Heitz : pages 56, 99
Didier Perceveaux : pages 88-97
4 e TRIMESTRE 2013
SAINTE-MARIE LYON
4 MONTÉE SAINT-BARTHÉLEMY
69005 LYON
TÉL. 04 78 28 38 34
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DIRECTEUR DE PUBLICATION
Michel Lavialle
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IMPRESSION fr.consulting