GUIDE DU VISITEUR 02A Mario SCHIFANO 1934 – 1998
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GUIDE DU VISITEUR 02A Mario SCHIFANO 1934 – 1998
Par la suite, dans les années 1990, ces motifs inspirés de la réalité disparaissent au profit d’ images souvent véhiculées par la télévision, et Schifano mêle la sérigraphie à la peinture et au signe pour imaginer un langage à la fois pictural et publicitaire, dans Tracce di minaccia par exemple, l’ image du champignon nucléaire, documentaire, est recouverte de peinture pour isoler le motif, et des flèches rouges pointent le danger, pour accentuer encore le message d’ une menace. Schifano utilise alors des images travaillées sur ordinateur et imprimées sur une toile plastifiée, qui est ensuite peinte par endroits. Une de ses dernières toiles, Sans Titre (Télévision) 1997, est frappante par sa simplicité. L’ objet est devenu icône, ce ne sont plus les images véhiculées qui inspirent mais l’ objet lui-même, dont Schifano signe un portrait imposant, dans un retour au pur pictural, dans lequel les touches et les coulures sont visibles. GUIDE DU VISITEUR 02A Mario SCHIFANO 1934 – 1998 Si le rêve de Warhol a été de devenir une machine, celui de Schifano est celui de devenir la peinture en tant que media de masse . Achille Bonito Oliva 21 février 2009 26 avril 2009 Mario Schifano Musée d’ Art Moderne de Saint-Étienne Métropole La Terrasse – BP 80241 42006 Saint-Étienne Cedex 1 Tél. +33 (0)4 77 79 52 52 [email protected] www.mam-st-etienne.fr No, 1960 Émail sur papier marouflé sur toile – 160 × 200 cm Coll. Giorgio Fornari IC&K Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h sauf le mardi. L’ œuvre de Mario Schifano est celle d’ un créateur déroutant, prolifique, qui rejette le consensus au profit d’ une liberté constamment réaffirmée. Peintre, mais aussi photographe et cinéaste, il fut considéré comme un des artistes phares de la scène italienne dans les années 1960 – 1980. Son œuvre pléthorique et protéiforme, mais aussi son tempérament et son mode de vie – prompt aux excès de toute sorte, il a subi quelques séjours en prison et en asile psychiatrique – ont permis de le qualifier d’ artiste maudit, ce qui a contribué à sa célébrité en Italie, mais aussi aux États-Unis où il fut très vite invité à côtoyer des artistes tels que Rauschenberg ou Jasper Johns. Mario Schifano est né en 1934 en Lybie où sont père est archéologue. De retour à Rome, il quitte l’école à 14 ans ; il décide alors de se consacrer à l’ art et assiste son père, restaurateur au Musée étrusque. Sa première exposition à Rome en 1959 est un succès et il devient l’un des acteurs incontournables de la scène artistique italienne. Personnage séduisant et ambivalent, proche de la Jet Set, sa vie autant que son œuvre en ont fait l’idole de la capitale italienne alors en pleine effervescence. Vues d’installation de l’exposition © Yves Bresson / Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole. Dans les années 1960, la peinture de Mario Schifano se révèle dans des grandes toiles monochromes ou presque, puis, très vite, il inclut des éléments de la culture populaire, tels que le sigle de Coca-Cola (Particolare di esterno, 1962). L’ artiste n’ est ni minimal, ni Pop, mais il se rapproche de ces deux tendances. Son style se caractérise aussi par une technique particulière puisqu’ il utilise fréquemment l’ émail dans ses toiles, ce qui donne une épaisseur de matière brillante. De plus, les supports sont travaillés : le dessin peut être réalisé sur un carton qui sera ensuite encollé sur une toile. Des coulures de peinture viennent recouvrir le dessin, en laissant apparaître des zones vides ou à peine ébauchées (En plein air, 1964), les traits dessinant les contours des formes sur une toile ne sont pas recouverts par la peinture, et d’ autres fois, la toile est laissée brute, en réserve, pour que la matière même du support participe au jeu d’ un contraste savamment orchestré (Incidente, 1962 ; Paesaggio anemico, 1965). Les expérimentations sur la matière et les effets visuels qu’ elles provoquent sont encore plus évidents dans les œuvres recouvertes de plexiglas coloré, tel que Io sono infantile (1965) : le tableau est composé de six châssis juxtaposés, chacun recouvert d’ un plexiglas teinté d’ une couleur différente. Cela provoque un effet dynamique d’ image en mouvement ou fragmentée, et la technique rappelle le goût de l’ époque pour les matériaux plastiques. Les années 1970 sont marquées par ces images récupérées, à la télévision ou dans la presse (Medal of Honor), mais c’ est aussi l’ annonce d’ une nouvelle bucolique, avec le tableau s’intitulant Tableau peint pour raconter l’ inquiétude amoureuse de Susie. Le plexiglas a disparu, les images préexistantes, sérigraphieés, sont mêlées à des motifs surpeints, des recouvrements colorés, et tout ceci évoque une ballade libérée, propre à l’ esprit du temps pop ou hippie. Les années 1980 se caractérisent par la production de tableaux de très grand format, dans lesquels la peinture déborde. Elle déborde d’ abord littéralement, le cadre est complètement recouvert et n’ existe plus pour isoler la peinture, mais fait partie de l’ œuvre pour mieux en signifier une impossible circonscription dans l’ espace. Mais elle déborde surtout métaphoriquement, les couches de couleurs se superposent, la touche est vive, intense, les couleurs sont éclatantes, et une certaine brutalité émane des Le dessin occupe également une grande partie de la production de Mario Schifano. Plus spontanées peut-être, les œuvres sur papier montrent une même soif d’ expérimentations (collages divers, réutilisation d’ enveloppes ou de papier d’ emballage, pochoir…). Plus modestes aussi sans doute, elles laissent davantage de respiration entre les motifs, et la surface du support se déploie dans plus de simplicité, depuis les dessins des années 1960 (Misterioso, 1964), jusqu’ à ceux des années 1980 (Sans titre, Aereo, 1986). L’ inspiration de Mario Schifano est celle de son quotidien, la rue, la nature, les slogans publicitaires, l’ histoire de l’ art dont il est imprégné (Futurismo Rivisitato, 1966), ou encore la télévision et les images qu’ elle déverse. La série des Paesaggio TV (1970) est significative : Schifano semble fasciné par cette nouvelle fenêtre sur le monde qui permet de voir autrement – le cadre dans le cadre isole un fragment du monde, lui-même réinterprété par la peinture de Schifano, puis mis une nouvelle fois à distance grâce à l’ enchâssement du châssis dans le plexiglas. « Un jour, après mûre réflexion, il a décidé d’ installer un téléviseur dans chaque pièce de son appartement. Dès lors, les fenêtres de l’ appartement sont restées fermées nuit et jour » écrit Alberto Boatto. œuvres, aux motifs pourtant simples (Biciclete, Ballerini), ou bucoliques (Fiori maschili, fiori femminili ; Orto Botanico). Dans les thèmes abordés comme dans la technique purement picturale, on ressent un certain classicisme. Mais Mario Schifano est un peintre de l’ excès, et ce classicisme n’ a rien d’ un retour à une sagesse ou un apaisement.