Sa majesté des mouches (1963),Peter Brook

Transcription

Sa majesté des mouches (1963),Peter Brook
Sa majesté des mouches (1963), Peter Brook
I.
Introduction :
C’est un film tiré du livre éponyme de William Golding qui est paru en 1954 et dans lequel l’auteur
évoque indirectement son expérience de la seconde guerre mondiale.
1. L’auteur et l’œuvre
Peter Brook est né en 1925. Il a aujourd’hui 91 ans. C’est surtout un homme du théâtre anglais. Il
n’a pas réalisé beaucoup de films dans sa carrière.
Sur scène comme au cinéma il cherche à retrouver une réalité proche de la vérité des sentiments,
des émotions et des situations.
En 1962 il est influencé par le cinéma documentaire proche du reportage télévisé. Son film est une
fiction mais il s’inspire du courant que l’on appelait le Cinéma-Vérité. Dans ce cinéma on essaye
de montrer la réalité sans la transformer.
Le film a été tourné en 1962 mais il est sorti sur les écrans en 1963.
2. L’histoire :
Pendant la seconde guerre mondiale des élèves d’une Public School anglaise fuient les
bombardements nazis sur Londres. Mais l’avion qui les transporte s’écrase sur une île
apparemment déserte.
Sains et saufs, les enfants, seuls rescapés, vont être livrés à eux-mêmes. Malgré ou à cause de leur
éducation anglaise stricte, ils vont rapidement tomber dans une forme de sauvagerie Ils finiront
par s’entre-déchirer sur la façon de survivre dans l’île. Deux clans s’affrontent menés par deux
chefs que tout oppose.
3. Problématique :
Le cinéma a tendance à enjoliver les choses. Peter Brook veut décrire la violence et la cruauté des
enfants. Décidera-t-il de rendre cette sauvagerie esthétique grâce au cinéma ? Est-il moral de
rendre beau quelque chose que l’on veut dénoncer ?
4. L’extrait :
L’extrait se situe au début du film. Les enfants se rassemblent pour la première fois sur la plage. Ils
se présentent et votent pour élire leur chef. Deux candidats sortent du lot naturellement.
Le destin de ces enfants se joue dès cette scène.
Extrait
Justification personnelle du choix de l’œuvre.
II.
Analyse de la mise en scène :
Comment va-t-il représenter la violence des enfants ?
Un film se fabrique en 2 grandes étapes : le tournage et le montage
1. Le tournage
a. La méthode documentaire
Influencé par le Cinéma-Vérité Peter Brook va mélanger la fiction avec le style documentaire. Au
moment du tournage Peter Brook utilise deux caméras. L’une sera la caméra officielle aux cadres
bien choisis.
L’autre caméra sera légère et mobile. Elle filmera les enfants-acteurs à la manière d’un reportage
sans soucis du cadrage ou des mouvements qui donnent des images flous. Ainsi cette deuxième
caméra se faufilera entre les enfants sans qu’ils s’en aperçoivent. Elle va capturer la réalité comme
si elle filmait les dessous du tournage. Peter Brook utilise les méthodes documentaires pour
alimenter sa fiction. Exemples :
Photogramme 1
Photogramme 2
La deuxième caméra-épaule bouge et passe L’enfant rigole spontanément, sa joie déborde du cadre.
derrière les enfants, créant un mouvement
naturel de foule au moment de l’arrivée des
choristes.
b. Le sens du cadrage :
Au contraire la deuxième caméra prend des images soigneusement cadrées. Mais ces images
ne sont pas prises au hasard. Elles disent toutes quelque chose.
Photogramme 3
Photogramme4
Photogramme 5
Ici, le travelling latéral est synonyme d’ordre
et de discipline
Piggy forme une croix derrière l’arbre : il est
déjà une cible.
Le cadrage montre au premier la conque qui
symbolise le pouvoir et la démocratie aux
mains de Ralph.
Les regards des enfants donnent le sens de
lecture de l’image.
Photogramme 6
L’opposition manichéenne entre Ralph et
Jack en renforcée par la diagonale formée de
l’arbre qui sépare les 2 personnages : Ralph
en blanc, Jack en noir, l’un avec le pouvoir,
l’autre le voulant, un dans l’ombre, l’autre
dans la lumière. La lutte a déjà commencé
sans qu’elle soit énoncée. La mise en scène
annonce la suite sans mots.
La mise en scène cinématographique parle avec les images.
2. Le montage et les effets de faux-raccords
Le montage va mélanger les images des deux caméras pour mieux décrire la réalité que vivent
les enfants.
Photogramme 7
Photogramme 8
Photogramme 9
Le faux raccord de montage et la contre-plongée inquiétante.
Ce plan est comme un insert (une image à l’intérieur de 2 images identiques). Il a un côté étrange par
le cadrage en contre-plongée qui prend le point de vue des enfants assis.
Le montage au cinéma c’est la façon de raconter l’histoire. Or Peter Brooke n’hésite pas à
« brutaliser » le spectateur par un montage dérangeant qui colle au drame qui se joue.
Œuvre de comparaison :
L’école emportée de Kazuo Umezu
Couverture
Extrait du livre, page 209, tome 1
Les enfants d’une école japonaise se retrouvent au milieu de nulle part après une catastrophe
inexpliquée. Ils sont obligés de s’organiser pour leur survie.
La lutte pour le pouvoir est sans pitié entre Shô, l’équivalent de Ralph, et la « matronne » prenant
dans ce manga la place de Jack par sa cruauté. Le dessin est cru, sanglant presque « gore », ne
cachant rien de la violence des rapports humains.
Le thème de la catastrophe est souvent présent dans les mangas. Il témoigne des dangers qui ont
traversé l’Histoire du Japon. Tsunamis, séismes, typhons, irruptions volcaniques ont influencé la
culture japonaise. Le traumatisme des bombes d’Hiroshima et Nagasaki s’est inscrit dans cette
tradition littéraire utilisant les catastrophes comme toile de fond. L’univers de l’Ecole emportée est
une métaphore de toutes ces épreuves et plus particulièrement les bombes atomiques de la
Seconde guerre mondiale. Ainsi le manga, comme Sa Majesté des mouches, se situe dans un
monde Post-Apocalyptique, conséquence d’une guerre qui a livré les enfants à eux-mêmes. Les
questions de survie et d’éthique sont présentes dans les 2 œuvres dont les parallèles sont
récurrents.
Conclusion :
Les erreurs techniques comme les faux raccords ou les mouvements de caméra servent le propos
de Peter Brook pour mieux décrire un monde inquiétant et violent. La mise en scène est
volontairement inaboutie et approximative parce qu’elle vise la vérité des personnages et des
événements. Peter Brook ne recherche donc pas la beauté par la maîtrise d’une grammaire
cinématographique trop lisse. Il choisit de faire un film moral sur la cruauté.