La relation soignant-soigné avec un patient aphasique post

Transcription

La relation soignant-soigné avec un patient aphasique post
IFPS Besançon
Formation en soins infirmiers
Promotion 2011-2014
GAINNET Camille
LAB Clémentine
NICOLIER Rachelle
PRETRE Florian
/ʒe de ʃukʀut a vu
poze/
La relation soignant-soigné avec un patient aphasique post-AVC
en EHPAD.
Formatrice de guidance : Mme Stéphanie ANDREY-PROST
Travail d’initiation à la recherche en soins infirmiers présenté en vue de la validation des UE :
3.4.S6 : Initiation à la démarche de recherche
5.6.S6 : Analyse de la qualité et traitements des données spécifiques et professionnelles
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Remerciements
Nous voulons tout d’abord remercier Mme Stéphanie Andrey-Prost qui nous a guidé tout
au long de ce TIRSI, pour sa grande patience et sa tolérance.
Nous remercions toutes les personnes nous ayant soutenues durant nos années de
formations : nos familles, nos amis, nos amours et nos colocataires. Ce travail
représente pour nous l’accomplissement de trois années de labeur où vous avez été
d’un soutien indéfectible.
Merci à tous les infirmiers qui nous ont formés et faits de nous de futurs professionnels.
Avec un léger nombrilisme nous voulons mutuellement nous remercier. Entre le travail,
les débats d’idées, les incompréhensions nous avons toujours su maintenir une très
bonne entente ce qui nous a permis de produire ce travail.
Un merci tout particulier à la chanson française nous ayant accompagnés tout au long
de la rédaction de notre travail : Bourvil, Georges Brassens et Mike Brant.
1
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
PLAN
1. Introduction…………………………………………………………………………
3
2. Situation d'appel, questionnement et question de départ……………………….. 4
A. Situation d'appel……………………………………………………..………... 4
B. Questionnement……………………………………………………………… 6
C. Question de départ…………………………………………………………… 7
3. Développement théorique et exploratoire…………………………………………. 8
A. Physiopathologie de l’aphasie post AVC………………………………..... 8
a. Physiologie du cerveau…………..…………………………………… 8
b. L'Accident Vasculaire Cérébral…………………....…….…………... 9
c. Les aphasies…………………………………………………………… 9
d. Analyse des entretiens………………………………………………... 11
e. Nous, notre cheminement, notre positionnement………………..
11
B. Concept de communication………………………………………………... 12
a. Cadre théorique et conceptuel……………………………………… 12
b. Analyse des entretiens………………………………………………. 14
c. Nous, notre cheminement, notre positionnement………………..
15
C. Concept de relation soignant-soigné……………………………………… 16
a. Cadre théorique et conceptuel……………………………………… 16
b. Analyse des entretiens………………………………………………... 18
c. Nous, notre cheminement, notre positionnement………………..
20
4. Problématique et question de recherche…………………………………………… 21
Annexes…………………………………………………………………………………… 24
Bibliographie……………………………………………………………………………… 63
Abstract et résumé……………………………………………………………………….. 66
2
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
1. Introduction
L’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) représente la première cause de handicap
dans les pays industrialisés. En France, on dénombre pas moins de 40 000 décès par
an ainsi que 30 000 victimes avec des séquelles dites “lourdes”. Ces séquelles sont de
toutes sortes et provoquent chez l’individu en question une perte plus ou moins
conséquente de son autonomie avec pour chacune d’entre elles des possibilités
relatives de rémission. Les lésions peuvent porter entre autres sur la motricité, le
langage, ou les capacités cognitives. Dans tous les cas, un AVC aura un impact sur la
vie quotidienne du malade. [1]
La situation de soins que nous allons aborder porte sur la relation soignantsoigné avec une résidente d’un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées
Dépendantes (EHPAD) atteinte d’aphasie post-AVC.
Nous allons donc, après avoir rapporté la situation en question, appréhender
celle-ci à travers une approche théorique des concepts de communication et de relation
qui en découlent, pour ensuite confronter nos connaissances à la réalité du terrain à
l’aide d’entretiens semi-directifs auprès de professionnels de santé. Nous avons
rencontré des infirmiers exerçant en Centre de Rééducation Fonctionnelle et en EHPAD
(la méthodologie est décrite en annexe 7). Nous conclurons chaque partie par nos
questionnements qui découlent de cette confrontation. Ces éléments nous permettront
finalement d’ouvrir notre réflexion et de poser une problématique de recherche.
3
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
2. Situation d’appel et questionnement
A. Situation d’appel
La situation se déroule en mai 2013, lors du dernier stage de semestre 4 en
établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Dans la
chambre d’une résidente : Madame J., 80 ans, gauchère, récemment admise dans
l’institution après un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique droit, survenu 3
semaines plus tôt. Auparavant très autonome et active, Madame J. subit désormais une
hémiplégie gauche ainsi qu’une jargonaphasie. Elle est admise dans l’EHPAD à la
demande du centre hospitalier où elle était hospitalisée, ne pouvant plus rester seule à
son domicile du fait de sa perte d’autonomie.
Il est 14 heures, l’équipe d’après-midi dont je fais partie vient de prendre son
poste. Madame J. m’appelle alors que je prodigue un soin à sa voisine de chambre. Elle
me dit avec difficulté et après un temps de réflexion : « J’ai des choucroutes à vous
poser ». Je finis donc le soin entrepris et vais m’asseoir à ses côtés. Madame J. semble
agacée et anxieuse : elle ne pose pas son regard et semble insupportée par sa perte
d’autonomie. Ne parvenant pas à dire ce qu’elle désire, elle se gifle.
Depuis son arrivée, il y a environ deux semaines, Madame J. semble perdue : ne
sachant visiblement pas où elle est, elle ne sait si elle est en centre de rééducation, ou
en attente de celui-ci, ni ce qui lui est proposé. Madame J. pense être en attente de
rendez-vous de kinésithérapie. Selon la résidente, elle serait dans une phase transitoire
vers un retour à domicile, phase se prolongeant et « n’en finissant plus ». Personne ne
semble avoir repris avec Madame J. les raisons et les suites de sa prise en charge. En
effet elle est présente dans l’établissement depuis maintenant deux semaines et ce de
manière définitive.
Je m’assieds donc à côté d’elle afin de lui permettre de prendre le temps de
parler et de reformuler si besoin lorsque les mots désirés ne viennent pas. Elle a un
cahier à sa portée qu’elle devrait utiliser pour communiquer avec nous mais elle veut
parvenir à parler oralement et donc ne l’utilise pas. Qui plus est du fait de son
hémiplégie gauche, l’utilisation de ce cahier lui est quasiment impossible: étant
gauchère Mme J. ne peut facilement écrire de la main droite restée valide.
4
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Son mal-être est perceptible, elle est démoralisée par la longueur de ses
journées sans but et sans sens, ne sachant pas ce qu’elle fait ici et ne parvenant pas à
parler avec les soignants, qui sont « trop pressés pour essayer de la comprendre» ditelle. J’ai donc pris ce temps, et elle a pu verbaliser, non sans efforts, qu’elle désirait
parler à un des deux médecins de la structure afin d’éclaircir sa situation. Je lui dis alors
que j’allais transmettre cela au médecin et à mes collègues infirmiers. Cependant
malgré mes cibles et mon insistance auprès de ces derniers et même du médecin, ils ne
prendront pas le temps de parler avec elle de ce sujet, pas même lors des brèves visites
uniquement tournées vers le somatique.
Quelques jours plus tard, Madame J. a sollicité lors de la distribution des
thérapeutiques du déjeuner l’aide d’un infirmier quant à la compréhension d’un
document à envoyer au Trésor Public concernant le financement de l’EHPAD. La
résidente ne comprenait pas de quoi il s’agissait et ne parvenait pas à remplir son
chèque. L’IDE a donc pris le temps de lui expliquer l’intérêt de ce document pour
«payer» l’établissement et le remplir avant de le faire signer à Madame J.
Suite à cela, et après une brève phase de contestation et de colère, la résidente
s’est lentement laissée « glisser » dans le quotidien calqué sur l’emploi du temps des
professionnels, dans un état de quasi mélancolie. La patiente se rattachait à ma
présence lors de mes jours de travail, venant me parler et me demandant ce qu’elle
pouvait faire. Je lui conseillais divers ateliers auxquels participer, divers résidents
agréables et ouverts à l’échange dont elle pouvait se rapprocher. Mais je ne pus
aborder avec elle le problème de son avenir : tout d’abord parce qu’elle ne voulait en
parler qu’à un médecin et ensuite parce que les soignants me disaient tous qu’ils
allaient le faire, que je n’avais pas besoin de le leur rappeler.
J’ai vécu très difficilement cette situation, j’étais dans une situation que je trouvais
inconfortable : coincé entre mon statut d’étudiant (devant coopérer et ne pouvant entrer
en conflit ouvert avec les professionnels du service), et mes valeurs personnelles ainsi
que professionnelles (indigné d’une telle violence insidieuse, que les soignants
justifiaient par une charge de travail trop importante).
5
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
J’ai sollicité tous les professionnels possibles afin d’accéder à la requête de la
patiente de parler à un médecin. J’ai laissé la traçabilité de mes démarches dans le
dossier de soins, afin que le mal-être de la patiente soit connu et si possible reconnu.
J‘ai également mis un point d’honneur à permettre à la résidente de
communiquer au mieux avec moi, oralement, comme elle le préférait. Je m’asseyais à
ses côtés et prenais le temps d’écouter et de comprendre tout ce qu’elle voulait me dire,
même pour ses requêtes les plus banales.
Face à cette situation il a donc fallu adopter un questionnement éthique
s’appuyant sur les principes d’autonomie, de justice, de bienveillance et de non
malfaisance, tout en se référant aux lois relatives aux réflexions éthiques actuelles. Ici
l’information aurait dû être préalablement donnée par le médecin puis reprise et
reformulée par l’IDE. Notre profession est en effet régie par des décrets qui délimitent
les compétences infirmières par rapport aux informations données au malade. D’autant
que selon la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du patient, tout doit être mis en
œuvre afin qu’il soit informé par rapport aux soins dont il bénéficie et il est impératif de
recueillir son consentement éclairé «par tous moyens y compris sous forme
dématérialisée». Or dans cette situation j’étais en droit de me demander si la patiente
était en possession de toutes les informations et si elle était en capacité de donner son
consentement.
B. Questionnement
Au vu de cette situation, nous, étudiants en soins infirmiers , auteurs de ce travail
d’initiation à la recherche, nous posons les questions suivantes :
> Quel cadre législatif régit l’information au patient, que ce soit par rapport au patient
(droit à l’information, droit de consentement ou de refus) ou par rapport à l’infirmier
(informations qu’il peut transmettre et modalités de transmission de ces informations).
> Quels sont les mécanismes de l’AVC ? Quelles répercussions possibles de l’AVC sur
la communication verbale/non verbale ? Quelles répercussions cognitives ?
> Quelles sont les conséquences d'une altération de la communication sur la relation
soignant-soigné ?
6
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
> De quels soutiens bénéficie une personne faisant face à son altération du langage ?
> Quels professionnels de santé sont confrontés à l’aphasie ?
> Quelle est la place de l’IDE dans la pluridisciplinarité de la prise en soins ?
> Le soignant cherche-t-il vraiment à comprendre ce qu’exprime le patient ou interprètet-il ses propres perceptions ?
> Quelle place a la communication non verbale lors des soins ?
> Comment s’assurer qu’une personne aphasique comprend et consent aux soins ?
C. Question de départ
En quoi une altération de la communication post-AVC d’un résident en EHPAD
influe sur les relations soigné-soignant ?
7
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
3. Développement théorique et exploratoire
A. Physiopathologie de l’aphasie post AVC
a. Physiologie du cerveau
Le cerveau est divisé en deux moitiés appelées hémisphères cérébraux gauche
et droit. L'hémisphère droit commande la motricité de l’hémicorps gauche tandis que
l'hémisphère gauche commande le droit. Le tout est divisé en quatre sections appelées
lobes qui comprennent un frontal (partie antérieure), deux pariétaux (partie supérieure),
deux temporaux (parties latérales) et un occipital (partie postérieure). [2] [Annexe 1]
Toutes les aires cérébrales participent à l’élaboration de la communication,
qu’elle soit verbale ou paraverbale. Cependant on trouve quelques aires bien
spécifiques au langage oral qui, si elles sont lésées, seront à l’origine de troubles bien
spécifiques.
L’aire de Wernicke joue un rôle important dans la réception, le traitement et la
compréhension de l’information. Elle est située dans le lobe temporal gauche, à
proximité du cortex auditif.
L'aire de Broca joue un rôle important dans la production de la parole fluente et
bien articulée. C’est elle qui commande les mouvements des lèvres, de la langue, du
palais, du pharynx et du larynx. L'aire de Broca est une aire corticale située dans le lobe
frontal gauche.
Le territoire de Geschwind, également appelé faisceau arqué, situé dans le lobe
pariétal ferait le lien entre les deux aires précédemment citées. [3]
Les connaissances sur le cerveau évoluent de jour en jour et sont sans cesse
remises en questions. Des recherches sont en cours et tendent à démontrer que
d’autres régions cérébrales seraient à l’origine du langage oral.
L’information initialement créée dans le cerveau est transmise à l’organe cible par
les nerfs crâniens. Des lésions cérébrales ou nerveuses seront un obstacle à la bonne
réception des informations extérieures (vue, audition, etc…), et à l’exécution de l'action
désirée (parole, motricité). La communication étant verbale et non verbale, chaque
mouvement du corps (haussement d’épaules, regard, mouvements des mains…) est
8
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
important. Toute lésion cérébrale sera une atteinte à la bonne communication du sujet
(réception, compréhension et traitement de l’information, élaboration et émission d’une
réponse).
b. L’Accident Vasculaire Cérébral [1]
Plusieurs lésions peuvent être à l’origine d’une aphasie, comme l’accident
vasculaire cérébral (AVC) ischémique ou hémorragique, le traumatisme crânio-cérébral,
une tumeur cérébrale, ou un processus inflammatoire. Nous nous intéresserons ici
uniquement à l’AVC ischémique, pathologie que présente Mme J.
Les facteurs de risque de l'AVC sont clairement repérés : hypertension, tabac,
hypercholestérolémie ou diabète. Dans le cas de Mme J, par manque d’informations,
nous ne pouvons savoir quels sont les facteurs qui ont pu être à l'origine de son AVC.
La physiopathologie des AVC
est largement
dominée par les
mécanismes
thromboemboliques, c’est à dire l’occlusion d’un vaisseau (par une thrombose locale ou
par la migration d’un embole) et la souffrance d’un territoire cérébral en aval par anoxie
des tissus.
Les signes cliniques des AVC sont multiples et variés, ils dépendent du réseau
vasculaire atteint : hémiplégie, hyposensibilité, dysarthrie, aphasie, etc. Notons que
certains troubles sont parfois réversibles grâce à la plasticité du tissu cérébral.
Néanmoins, chez le sujet âgé, les chances de récupération sont moindres. Les
répercussions peuvent concerner toutes les composantes de l’individu : biologique,
psychologique, sociale, familiale et professionnelle. C’est un véritable “coup de tonnerre
dans un ciel serein”. [1, diapositive n°12]. Pour la prise en soins, on parle plus de
réadaptation que de rééducation. En effet, le patient va devoir réapprendre à vivre, à se
mouvoir, à communiquer avec ses troubles qui seront certainement présents tout au
long de sa vie. [5]
c. Les aphasies [4]
Le mot aphasie vient du grec ancien “phasis” qui signifie “parole” et du “a” privatif:
celui qui n’a plus la parole. Elle désigne l’ensemble des désorganisations du langage
9
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
(oral ou écrit) provoquées par une lésion frappant l’une ou l’autre des structures
cérébrales responsables du langage ou les détruisant toutes à la fois.
Les aphasies sont nombreuses et dépendent du territoire cérébral lésé : ”il y a
autant d’aphasies que d’aphasiques" [4, page 41]. Nous allons en distinguer quelques
unes.
La paraphasie : transformation phonologique du mot. Substitution ou omission,
ajout ou transposition de syllabes (néologismes) ou utilisation d’un mot qui fait partie du
lexique pour un autre (pas forcément du même champ lexical). Exemple : “On recevait
ça dans des /sk/ quelquefois dans des /saʃf/...sacs en jute qui /saRt/, qui sentaient le
/tRava/, le /kavjaR/, le /kadRav/, le cadavre…” [4, p153].
La jargonaphasie : l’articulation, la prosodie (intonation), le débit sont normaux
mais la paraphasie est importante et accompagnée d’une réduction du vocabulaire.
Exemple : “Mais alors, où j’ai été vraiment /kᴐRԑkte/, c’est quand je suis arrivée ici, que
j’ai eu tombé, que je m’étais esquintée, ici, un bout, un bout de, de /sᴐty/ - enfin /sᴐty/, je
ne sais pas si c’était /sᴐty/ enfin je ne crois pas.” [4, p.156].
Certaines pathologies regroupent plusieurs types d’aphasies :
-
L’aphasie de Broca : la compréhension du langage écrit et parlé est normale,
mais l’articulation est très perturbée: elle est lente et laborieuse, le patient
cherche ses mots. Ces troubles peuvent se retrouver à l’écrit.
-
L’aphasie de Wernicke : difficultés importantes à comprendre ce qui est dit et ce
qui est écrit. Néanmoins le patient parle normalement ou avec un débit accéléré
et fait des paraphasies.
Les patients sont en général conscients de leurs troubles. Le patient souffrant
d’aphasie n’a pas d’altération de la pensée, le verbal n’influe pas sur l’élaboration ou la
complexité de celle-ci. [5]. Mme J. avait conscience de ses troubles : si elle n’arrivait pas
à s’exprimer elle se giflait, elle savait que sa parole était altérée.
Il apparaît, dans notre recherche conceptuelle et théorique, que l’aphasie est une
des nombreuses séquelles de l’AVC, pathologie ayant des conséquences importantes
sur la vie quotidienne de l’individu. La prise en soins pour les soignants est complète et
10
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
s’inscrit dans toutes les composantes biologique, psychologique, spirituelle et sociale du
malade.
d. Analyse des entretiens
Lors de nos entretiens auprès des infirmiers, nous avons tout d’abord remarqué
des disparités au niveau de la formation professionnelle entre les différents soignants.
Certains ont bénéficié de formations sur la communication, d’autres sur les troubles
post-AVC, ce qui leur a donné l’avantage d’avoir plus de recul sur les situations de soins
auprès de personnes souffrant d’aphasie. Ces formations permettent aux soignants
d’évoluer sur leurs a priori quant à l’aphasie et de s’approprier un vocabulaire et une
attitude soignante spécifique. Les soignants formés font preuve de plus de réflexion et
de remise en questions lors des entretiens et disent adapter leur prise en soins à
chaque individu soigné. A contrario des professionnels de santé n’ayant pu bénéficier
d’une formation initiale ou professionnelle traitant de l’AVC et des troubles associés. Les
échanges interdisciplinaires évoqués lors des entretiens permettent de pallier les
manques de connaissances afin d’optimiser et adapter la prise en soins.
L’un des problèmes que mettent en exergue les infirmiers travaillant en EHPAD
est leur difficulté à acquérir des informations précises sur la physiopathologie exacte et
les séquelles associées de l’AVC du résident entrant. Les informations qu’ils obtiennent
sont très générales (AVC ischémique ou hémorragique, droit ou gauche) et concernent
rarement les éventuelles difficultés de langage. Ceci, combiné au manque de formation,
peut démunir les soignants.
e. Nous, notre cheminement, notre positionnement
A la suite de cette recherche exploratoire, nous avons pu constater que les
soignants souffrent du manque d’informations sur la pathologie du résident. Pour
Madame J. le manque de transmissions est notable ; en effet, au vu des symptômes,
cette dernière ne souffrait pas de jargonaphasie mais de paraphasie. Cette erreur, nous
l’avons nous mêmes commise. Nous avons pris pour argent comptant les informations
recueillies dans le dossier sans se poser la question du terme exact désignant sa
pathologie.
11
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
De plus, nous nous sommes posés par la suite de nombreuses questions sur les
connaissances du patient vis-à-vis de sa maladie. D’autant qu’il ne peut exprimer ses
propres questions du fait de l’aphasie. Nous n’avons pas assez exploré ce domaine lors
de nos entretiens.
Il apparaît que la connaissance de la pathologie et des difficultés du patient sont
indispensables pour une prise en soins optimale. Quelles sont les capacités, les
ressources, les besoins, les désirs du patient ? Sont- ils en adéquation avec le projet de
soins des soignants ? Répondre à ces questions est essentiel et doit faire l’objet de
négociations avec le patient. Dans le cas de l’aphasie, le soigné ne peut pleinement
s’exprimer et cela peut créer de la frustration. Dans notre situation, Madame J. ne
désirait communiquer qu’oralement malgré tous les efforts que cela induisait. Peu de
soignants prenaient le temps de respecter cette volonté, par manque de temps, de
volonté, de patience ou suite à un sentiment d’impuissance : la situation n’explore pas
assez ces raisons.
.
B. Concept de communication
a. Cadre théorique et conceptuel
La communication est inhérente à chaque rapport humain. Qu’elle soit verbale ou
non, consciente ou non, elle a une fonction de transmission, d’extériorisation et
d’identification. Le processus implique au moins deux personnes étant tour à tour
émettrices et réceptrices entre lesquelles circulent des informations par divers procédés.
Cette communication peut cependant être parasitée par différents éléments qu’ils soient
intrinsèques ou extrinsèques aux deux protagonistes. [6, 7]
Abordons tout d’abord la communication verbale. Elle vient du mot verbe, elle
peut être écrite ou orale. Cette forme de communication repose sur le langage. Elle se
base sur le fait que l’émetteur et le récepteur comprennent le même langage. Par
ailleurs C. Iandolo y associe “divers signes vocaux (le timbre, le ton, le volume et le
débit de la voix) : ceux-ci sont étroitement liés à l’élocution et sont par conséquent
associés à la communication verbale“ [7,p30]. Au-delà des mots que l’on prononce, ces
signes ont leur importance, ils sont vecteurs de sens. Par exemple en ce qui concerne
l’intonation, la question «Avez-vous fait votre toilette? » posée avec une intonation
12
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
ascendante, est interrogative. Prononcée avec une intonation descendante, elle sera
soupçonneuse et méfiante.
Abordons maintenant la communication non verbale : elle est responsable de 80
à 90 % de l’information que l’émetteur souhaite transmettre [7]. Prenons l’exemple de
Madame J. se giflant lorsqu’elle n’arrivait pas à trouver les bons mots: cela traduit une
frustration et une colère qu’elle n’arrivait pas à exprimer verbalement. Selon Argyle les
signaux non verbaux sont classés en dix catégories : contacts physiques, proximité,
orientation du corps et du regard, aspect extérieur (physique et vestimentaire), posture,
signes de tête, expression du visage, gestes, regards et aspects non linguistique du
discours.[7, p40]. Cette communication nous renseigne sur les émotions de l’émetteur et
peut parfois être contradictoire avec ce qui est transmis par la communication verbale.
Ce sera dans ce cas la communication non verbale qui l’emportera sur le verbal. Pour
exemple : un patient qui dit « Je vais bien » alors qu’il a les yeux embués de larmes.
D’autre part cette forme de communication est la plupart du temps dépendante du
contexte dans lequel se trouvent les deux protagonistes (classe sociale, liens sociaux
ou affectifs, culture). La proximité des deux protagonistes leur permettra de mieux se
comprendre : les discussions par téléphones ou par écrits peuvent être sujettes à
quiproquo puisque la possibilité de saisir la subtilité de la communication non verbale
est inexistante.
Ces deux types de communications peuvent cependant être parasités, ce qui
influera sur le passage du message. Ces perturbations sont de toutes sortes et
concerneront autant l’émetteur que le récepteur. Il peut y avoir des troubles dans
l’émission du message de la part de l’émetteur (langage trop spécifique par rapport à un
récepteur dont le langage est plus restreint, présupposés non partagés par le récepteur,
mauvaise formulation, problèmes d’élocution d’ordre physiques comme l’aphasie, ou
psychologiques comme l'état émotionnel). Concernant le récepteur ce sont les mêmes
freins qui empêchent la réception de l’information : un aveugle percevra différemment la
communication non verbale et un patient pourra ne pas comprendre un médecin qui
utilise un langage médical trop spécifique. De même l’altération cérébrale d’un patient
pourra l’empêcher de comprendre l’émetteur face à lui. Le feed-back désigne la réaction
du récepteur au message émit et son retour vers l’émetteur : soit il amplifiera la
communication jusqu’à ce qu’il y ait un effet boule de neige (énervement entre deux
13
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
personnes), soit il aura un rôle de régulation qui permettra de maintenir la relation dans
un état de stabilité et d’équilibre. En tant que soignant il nous permet, s’il est pris en
compte, d’avancer au rythme du patient et de lui fournir ainsi un soin de qualité. [8,
p108] Dans le cas de Madame J., il semble que ce feed-back n’ait pas été pris en
compte puisque peu d’informations lui ont été données par rapport à son
institutionnalisation alors qu’elle demandait régulièrement à en savoir plus.
De plus une disjonction de la communication peut avoir lieu en cas de dialectes
différents ce qui peut aller de la non compréhension au simple malentendu. Ce cas
arrive fréquemment lorsqu’un soignant s’adresse à un patient d’une origine étrangère.
Enfin la perturbation peut intervenir dans le canal de communication, par l’interruption
d’une conversation téléphonique, la mauvaise qualité d’une connexion internet ou
encore par un bruit, aussi infime soit-il, qui perturbera la compréhension du récepteur.
[Annexe 2]
En cas d’altération de la communication, comme l’aphasie post-AVC, les troubles
sensoriels et cognitifs sont un frein au bon échange d’informations. D’autant qu’un
résident en EHPAD peut également souffrir d’autres pathologies handicapant sa
communication. La prise en soins implique que le soignant délivre au patient toutes les
informations relatives aux soins afin de recueillir son consentement éclairé. D’autre part,
le patient doit pouvoir exprimer auprès des soignants ses besoins, ses maux, son malêtre, etc. Un trouble de la communication verbale (orale ou écrite) ou non verbale
(mobilité réduite) induira alors des moyens d’adaptation tant de la part des soignants
que des soignés pour maintenir le bon échange d’informations. Nous avons alors voulu
savoir comment les professionnels de santé prenaient en compte ce handicap au
quotidien dans leurs soins.
b. Analyse des entretiens
Lors des différents entretiens, les infirmières étaient unanimes sur un point : le
non verbal chez un patient aphasique joue un rôle essentiel dans la communication.
Selon les professionnels, les silences et les attitudes corporelles comme le regard sont
vecteurs de nombreuses informations : « on arrive à créer une vraie relation où le non
verbal prend le dessus ». En effet certaines émotions passent avant tout par des
14
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
signaux non verbaux. Cependant les séquelles de l’AVC forment un obstacle à cette
communication de part leur atteinte cognitive ou purement physique (hémiplégie,
dysarthrie…). Le ton, le timbre de la voix définissent également une part de la
personnalité de l’individu ; les personnes aphasiques en sont parfois privées et les
soignants éprouvent des difficultés à cerner les patients. L’altération du feed back
augmente la difficulté de l’infirmier à comprendre le patient. Ceci peut entraîner un
épuisement de la part des deux parties qui vont respectivement restreindre leur
communication. Chez le patient, cela pourra se traduire par un repli sur soi pouvant
entraîner des répercussions psychologiques qu’il ne pourra exprimer. Dans une
situation semblable certains professionnels interrogés mettent l’accent sur la nécessité
de passer le relais au reste de l’équipe soignante. Dans pareilles circonstances, c’est en
grande partie le soignant qui devra s’adapter et être à l’écoute, afin de trouver des
solutions pour rendre la communication possible. Par exemple, certains soignants
essaient de maintenir les mécanismes d’une communication normale, en marquant des
temps de pause, ce qui permet de montrer au patient que le soignant est à l’écoute, audelà du handicap.
Les personnes aphasiques peuvent utiliser divers médias pour communiquer :
tableaux imagés papiers, ardoises, ou des dispositifs plus sophistiqués (par suivi
pupillaire par exemple) ayant un coût non négligeable et ne pouvant être accessible à
tous. De plus, l’utilisation de ces outils nécessite au préalable une éducation
thérapeutique du patient.
D’autre part, les infirmiers expriment dans les entretiens leurs difficultés à
réutiliser des techniques qui fonctionnent d’un patient à l’autre. Le vécu de la maladie et
les troubles varient selon les personnes aphasiques ce qui influe sur leur
communication. En effet certains patients persévèrent, d’autres s’énervent ou encore
abdiquent. Ainsi certains professionnels préfèrent ne pas trop insister face à un patient
en difficulté afin d’éviter de le mettre en situation d’échec.
c. Nous, notre cheminement, notre positionnement
Avant de commencer nos recherches, il nous semblait que la communication était
plutôt spontanée, que selon la personnalité de chaque soignant, certains auraient plus
15
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
de facilités à entretenir le dialogue avec une personne souffrant d’altération de la
communication. Il s’est avéré que ce facteur est en effet déterminant. D’après ce que
nous avons pu observer sur le terrain, nous pouvons dire que le savoir-être, la
personnalité du soignant sont aussi importants que l’expérience ou les connaissances
acquises suite à des formations sur la communication ou l’aphasie.
L’un des facteurs que nous n’avions pas pris en compte dans notre
questionnement préalable était l’aspect financier dans la prise en soins du patient
aphasique. En effet un des infirmiers, lors des entretiens, a relevé le fait qu’un patient
ayant des moyens financiers suffisants pouvait se permettre d’investir dans des
dispositifs médicaux facilitant grandement la communication avec son entourage.
Malgré le système de santé français qui permet l’accès aux soins à tous, il reste donc
des disparités de prise en soins face au handicap.
L’aphasie est un gros handicap dans la vie de tous les jours et n’est pourtant pas
visible à première vue. Cela entraîne chez certains soignants ou chez les personnes qui
entourent la personne en souffrance (autres résidents, famille) un comportement ne
prenant pas en compte le handicap. Il est important de ne pas résumer la personne à sa
pathologie, mais celle-ci doit toutefois être connue et reconnue, et les comportements
qui en découlent, adaptés.
La communication, notamment en milieu de soins, n’est pas aussi aisée que l’on
pourrait le croire car elle englobe des dimensions beaucoup plus larges telles que les
représentations de chacun, les interprétations du verbal et du non-verbal ou le contexte.
En cas d’altération du langage elle persiste toujours : les soignants, s’ils y mettent de
l’énergie et de la patience, peuvent entrer en communication avec une personne
souffrant d’aphasie.
La communication est un élément important de la relation de soins mais ne la
conditionne pas totalement.
16
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
C. Concept de relation soignant-soigné
a. Cadre théorique et conceptuel
Il paraît tout d’abord nécessaire de définir ce qu’est une relation. D’après Le Petit
Robert, une relation est une “situation dans laquelle plusieurs personnes sont
susceptibles d'agir mutuellement les unes sur les autres. C'est un lien de dépendance
ou d'influence réciproque” [9, p113]. Dans notre situation, les relations ont lieu entre
Madame J., l’équipe médicale et paramédicale en EHPAD.
La relation de soins est un moyen d’aider le patient à vivre sa maladie et ses
conséquences
sur
sa
vie
personnelle,
familiale,
sociale
et
éventuellement
professionnelle, c’est un mode de communication à visée thérapeutique. [10] La relation
de soins est principalement basée sur la confiance que l’infirmier peut inspirer au
patient, au fur et à mesure de l’hospitalisation et des échanges, alors qu’une relation
avec un proche sera plus naturelle du fait de la connaissance préalable des deux
parties. Il est nécessaire de respecter dans la relation de soins ou d’aide certaines
règles telles que la considération positive, l’authenticité, l’empathie, la bienveillance et
surtout l'absence de jugement. Toute relation nécessite que les protagonistes
s’engagent autant physiquement que psychologiquement afin de permettre l'instauration
d'un échange authentique pouvant être bénéfique pour les deux parties.
Une relation se développe et gagne en légitimité petit à petit, mais elle peut
paraître complexe sur différents points. Le premier point de difficulté est l’énergie que
demande l’implication de chaque partie dans cet échange. En effet, il faut que l’infirmier
puisse prendre le temps de parler à la personne dans sa planification de soins. Une
relation d’aide demande aussi de l’énergie au patient, qui étant en état de souffrance
(somatique ou psychologique), ne sera pas forcément disposé à consacrer son temps et
son énergie à un éventuel échange.
Le deuxième point de difficulté concerne l'institution, la famille, ou encore les
membres de l’équipe qui peuvent être des freins à la relation : ceux-ci peuvent mettre de
côté l’intérêt de ce soin “informel” au profit d’actes techniques en occultant
complètement l’humain. Trois cas de figure peuvent alors émerger : soit, il se crée une
relation d’alliance qui correspond à une collaboration entre le soignant et le soigné mais
qui frustre chaque partie car elles ne peuvent s’exprimer librement par gène l’un envers
17
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
l’autre, de peur de briser cette relation. Soit une relation d’opposition qui correspond à
un conflit entre les deux parties, et qui est néfaste à tout échange. Soit, un partenariat
qui permet d’établir un contrat entre le soignant et le patient où chacun doit réaliser des
compromis, pour permettre à cet échange d’être profitable et de se pérenniser, avec
comme points clés la confiance et le libre-échange. La relation évolue à chaque instant
car l’échange d’informations se fait constamment via la parole, les gestes, les mimiques
et les attitudes.
Avec Mme J., la relation était surtout dans l’opposition, avec d’un côté les
soignants ne répondant pas aux demandes de la patiente, et de l’autre, elle, ne se
sentant pas écoutée. Aucune confiance n’a pu s’établir entre les deux parties.
La relation d’aide est abordée dans différents articles de loi, notamment dans le
décret infirmier qui stipule l’aide que peut apporter une relation [annexe 3]. L’infirmier est
au cœur de la prise en soins et sert de liant, de repère entre la personne et les autres
intervenants qui gravitent autour de lui. La relation ainsi établie permettra au patient
d’être acteur de sa santé, comme le définit la loi du 4 mars 2002, “Hôpital, Patients,
Santé, Territoires” qui vise à améliorer les connaissances du patient, en éclairant ses
choix dans les traitements, la convalescence, et en communiquant de façon claire et
précise [annexe 4]. Au niveau local, la relation est aussi mentionnée dans la charte du
patient hospitalisé du centre hospitalier régional de Besançon [annexe 5], par plusieurs
articles qui visent à prendre le patient en soins dans sa globalité et à tenir compte de
toutes ses composantes biologiques, psychologiques, spirituelles, sociales et familiales.
La circulaire du 2 mars 2006 [annexe 6] vise à mettre à jour la charte du patient
hospitalisé pour lui permettre de participer plus activement à sa santé. Ce texte souligne
les adaptations que le personnel hospitalier doit mettre en place lorsque la personne
souffre de quelques difficultés de communication que ce soit et en mettant en avant le
rôle des directives anticipées établies lorsque la personne est encore en passe de
communiquer.
La relation entre le soignant et le soigné, de par ses obligations législatives et
son importance dans la prise en soins, est complexe mais indispensable. Elle est la
garantie d’une qualité et d’une personnalisation des soins.
18
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
b. Analyse des entretiens
Selon les infirmiers interrogés, la relation de pleine confiance où le patient
aphasique se sentira en sécurité est compliquée à atteindre. Chaque patient est
différent et il est par conséquent nécessaire de faire preuve de souplesse et
d’adaptabilité. Le lien avec la famille est très important : dans certains cas c’est
l’entourage du patient qui va aider les soignants à mieux connaître le patient, les
habitudes de vie, la personnalité et les goûts qu’il avait avant l’AVC et qui sont toujours
encrés en lui, même s’il ne peut plus les exprimer. « Si on n’a pas d’histoire de vie, si on
n’a pas de relations avec la famille, quand on a des gens seuls […] c’est plus difficile,
[…] on est cantonné au formel. » En effet la connaissance de la personne permettra
d’entrer plus facilement en relation avec elle mais cela prendra plus de temps et
d’énergie. La connaissance de l’individu est facilitée en EHPAD car la prise en soins de
ces établissements à l’avantage de se dérouler sur le long cours. Elle permet ainsi aux
soignants de connaître les habitudes de vie, le langage de la personne aphasique qui
sont des composantes nécessaires à la mise en place d’une relation de confiance.
L’infirmier sert également de lien pour la famille, il sera le garant de l’état de santé du
malade, il pourra leur expliquer ses progrès, les choses auxquelles il est
particulièrement réceptif et qui peuvent amener à plus de dialogue. L’un des
professionnels souligne dans l’entretien que les outils mis à disposition par les
orthophonistes ne répondent qu’aux besoins vitaux (manger, dormir, éliminer etc.) et
sont donc incomplets. Le risque est de limiter la relation à ces besoins ce qui
entraînerait une frustration de la part du soignant et du soigné.
Une des infirmières nous a également rapporté la gène que ressentent les
patients aphasiques lorsqu’il s’agit de communiquer avec les autres résidents, lors des
repas notamment : « c’est très difficile pour eux le regard des autres ». Ils ont tendance
à limiter leurs dialogues, ce qui complique la construction de nouvelles relations.
La difficulté dans la relation avec un patient aphasique est une remise en
question permanente de la part du soignant et demande de la patience, de la vigilance
et de la persévérance. Cela peut entraîner un sentiment d’impuissance, compliquer le
soin et parfois mener à une relation plus restreinte. Ce type de relation apprend aux
soignants à mieux connaître leurs limites. Et pour cela il est nécessaire qu’une bonne
19
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
communication ait lieu entre les différents professionnels afin que la prise en soins soit
homogène et propice à l’instauration d’un projet de vie individualisé.
L’interdisciplinarité prend ici tout son sens. En effet, lorsqu’une difficulté est
émise par un membre de l’équipe soignante, quelle qu’elle soit, il peut faire appel à ses
collègues pour prendre le relais ou obtenir des informations sur le patient et sa
pathologie. Il est essentiel de transmettre les informations concernant le patient, que
celles-ci soient obtenues en parlant avec lui, en dialoguant avec ses proches ou encore
avec les médecins, à tout le personnel gravitant autour de la personne soignée, dans le
but de mieux la connaître et donc d’adapter sa prise en soins.
c. Nous, notre cheminement, notre positionnement
Malgré les quelques articles de loi cités ci-dessus, nous avons pu constater qu’il
n’existe pas de loi ou de décrets qui définissent et encadrent à proprement dit, ce qui
pourtant nous semble être la base du soin infirmier : la relation. Les soignants ont une
relation prolongée, se rapprochant de l’intime des malades, c’est donc un élément
essentiel au sein de la prise en soins de la personne. Des progrès notables ont été
réalisés en France pour que la volonté des malades soit respectée en dépit de leur
incapacité à communiquer, notamment les directives anticipées. Mais actuellement, très
peu de choses sont mises en place pour que les personnes puissent s’exprimer par
rapport à leurs volontés s’il y a présence de troubles de la communication mécanique
non démentiels.
Nous avons pu constater que le soignant fait le lien entre le quotidien du malade
et la famille, il est au centre d’un schéma qui le place à un endroit stratégique de
coordination, de transmission que ce soit aux médecins ou aux proches. Il peut être
frustrant pour l’entourage de devoir se fier uniquement à l’équipe paramédicale. Il nous
apparaît alors indispensable qu’une relation de confiance se mette en place entre
l’équipe paramédicale et la famille.
20
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
4. Problématique et question de recherche
Au travers de notre recherche conceptuelle et des entretiens exploratoires menés
auprès de trois infirmiers, nous avons pu constater que faire de la relation soignantsoigné une relation de confiance avec une personne souffrant d’altération du langage
post-AVC, est le résultat d’un travail de tous les jours. L’AVC a des répercussions sur de
nombreuses composantes de l’individu qui voit sa vie bouleversée. Nous avons choisi
de ne travailler que sur l’altération du langage oral, mais toutes les séquelles
(dysarthrie, hémiplégie, hémiparésie…) auront un impact sur la communication de la
personne malade. La communication entre le soignant et le soigné doit répondre à des
mécanismes prenant en compte toutes les capacités de la personne, mais également
les ressources à disposition du soignant telles que les médias techniques ou la famille.
A la suite de l’analyse de nos entretiens, il nous est clairement apparu que la
prise en soins varie selon les infirmiers, selon leur expérience, leur vécu… Mais aussi
en fonction des formations auxquelles ils ont participé. Nous avions minimisé cette
notion. Nous pensions qu’il était important d’être formé aux pathologies prévalentes du
service, mais nous ne pensions pas que les formations annexes portant sur la
communication et la relation de soins jouaient un rôle aussi primordial dans la prise en
soins.
Au niveau du concept de communication, nous portions dès le départ un grand
intérêt à la partie non verbale, aussi n’avons-nous pas été étonnés lorsque les trois
infirmiers interrogés nous ont signalé toute l’importance qu’ils accordaient à la
communication corporelle et paraverbale.
L’une des grandes évolutions de notre réflexion porte sur la relation de soins sur
laquelle nous nous interrogions au départ. En effet, au commencement de nos
recherches nous avions situé la relation de soins au cœur d’une relation duelle entre le
patient et l’infirmier, acteur quasi unique de la prise en soins. Cependant, au fil de nos
recherches et de nos entretiens, il s’est avéré que cette relation de soins ne se limite
absolument pas à l’infirmier et au patient aphasique mais inclue tout l’environnement
(famille, amis, aide-soignant, agent de service, médecins…) dans lequel il s’inscrit. Les
proches du patient, lorsqu’ils sont présents, permettent de par leurs mots, voir même
21
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
par leur simple attitude auprès de lui, de parfaire les connaissances du soignant quant
au soigné et aux modes de communication à adopter.
Qui plus est, nous avons poursuivi notre évolution sur nos représentations de
départ, en élargissant encore plus le cadre de la relation soignant-soigné pour y inclure
l’ensemble des professionnels intervenant auprès du patient aphasique. Ainsi, la
collaboration et la traçabilité nous apparaissent aujourd’hui comme des éléments
indispensables à la bonne continuité des soins.
Cette collaboration est essentielle notamment pour soulager les soignants qui
côtoient au quotidien les patients, le fait de « passer le flambeau » à un autre soignant
ou à la famille si elle est présente, peut être une solution afin d’éviter l’épuisement des
professionnels. Cette fatigue peut apparaitre suite à une asymétrie dans les rapports
soignant-soigné (décalage entre ce que souhaite le patient et ce que le soignant lui
propose par exemple) et conduit à une perte d’envie et à la dégradation de la relation
entre les deux personnes. On note que les patients ont parfois leurs préférences quant
aux soignants les prenant en soins, souvent parce que ces professionnels auront
développé des techniques de communication qui fonctionnent avec ce résident en
particulier. Il nous parait alors nécessaire pour les autres soignants de prendre en
compte les conseils et la manière de faire du professionnel ayant permis l’instauration
d’un mode de communication efficace. Pour ce faire, il est important de tracer toute
évolution ou histoire de vie du patient, toute technique ou toute attitude du soignant
ayant favorisé la communication.
Avant de commencer notre travail nous pensions diriger notre hypothèse et la
suite de nos recherches sur l’existence de moyens matériels afin de mieux
communiquer avec le patient. Toutefois la recherche de ces outils ne permet pas une
mise en relation affinée : ils permettent un début de contact avec la personne aphasique
mais le limite à une relation primaire (expression de ses besoins fondamentaux, réponse
à des questions fermées, absence de propos spontanés, vocabulaire restreint…).
Ce travail nous a permis de nous rendre compte que l’interdisciplinarité, la
formation des soignants, la famille et le patient lui-même sont à l’origine de la création
d’outils de communication pour enrichir la relation soignant-soigné. C’est un travail
22
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
d’assemblage des connaissances, des savoirs procéduraux, des savoir-faire et des
savoirs tirés des expériences vécues qui permettent une relation de soins optimale.
Au vu de ces réflexions, il serait intéressant de réfléchir à : en quoi le rôle propre
de l’infirmier allie-t-il interprofessionnalité et recueil des ressources disponibles dans
l’environnement familial du patient, afin d’instaurer une relation de soins bénéfique au
soignant et au soigné ?
23
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Annexes
ANNEXE 1 : Schéma cérébral de la production du langage
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_10/i_10_cr/i_10_cr_lan/i_10_cr_lan.html
ANNEXE 2 : Schéma de la communication
S. ANDREY-PROST, inspiré du schéma de SHANNON et WEAVER, et M. PEYROU, formation
INFIPP
24
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
ANNEXE 3
(http://legifrance.gouv.fr consulté le 15/04/14)
CODE DE LA SANTE PUBLIQUE
Partie réglementaire-Professions de santé-Livre III : Auxilliaires médicaux, aidessoignants, auxiliaires de puériculture et ambulanciers-Titre Ier : Profession d’infirmier ou
d’infirmière
Art. R. 4311-2 - “Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité
technique et qualité des relations avec le malade. [...] Ils ont pour objet, dans le respect
des droits de la personne, dans le soucis de son éducation à la santé et en tenant
compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique,
psychologique, économique, sociale et culturelle : [...] 5° De participer à la prévention, à
l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et
psychologique des personnes [...].”
Art. R. 4311-5 - “Dans le cadre de son rôle propre, l’ infirmière accomplit les actes ou
dispense les soins suivants [...] 41° Aide et soutien psychologique [...].”
ANNEXE 4
(http://legifrance.gouv.fr consulté le 15/04/14)
LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé
Art. L. 1111-2. - Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette
information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention
qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques
fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres
solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. [...]la personne
concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette
information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et
dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou
l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. [...]
25
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Art. L. 1111-4. - Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune
intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans
que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un
de ses proches ait été consulté.
ANNEXE 5
Charte du patient hospitalisé du centre hospitalier universitaire régional Jean
Minjoz (http://www.chu-besancon.fr/charte_a4_couleur_ppp.pdf)
Chapitre 2 : Les établissements de santé garantissent la qualité de l’accueil, des
traitements et des soins
Paragraphe 2 : « [...]la dimension douloureuse, physique et psychologique de la prise en
charge des personnes hospitalisées, ainsi que le soulagement de leur souffrance,
constituent une préoccupation constante de tous les intervenants. »
Chapitre 3 : L’information donnée au patient doit être accessible et loyale
Paragraphe 6 : “Afin que la personne malade puisse participer pleinement, notamment
aux choix thérapeutiques qui la concernent et à leur mise en oeuvre quotidienne, les
médecins et le personnel paramédical participent à son information et son éducation,
chacun dans son domaine de compétences.”
Chapitre 4 : un acte médical ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et
éclairé du patient
Paragraphe 5 : “[...] Par ailleurs, il (le médecin) prend en compte les souhaits
précédemment exprimés par la personne quant à sa fin de vie. Cette volonté doit être
recherchée notamment dans d’éventuelles directives anticipées [...]”
Paragraphe 8 : “Toute personne majeure a la possibilité de rédiger, pour le cas où elle
ne serait plus en état d’exprimer elle-même sa volonté des directives anticipées [...]”
26
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
ANNEXE 6
(http://legifrance.gouv.fr consulté le 15/04/14)
Circulaire du 2 mars 2006 (mise à jour de la charte du patient hospitalisé)
“ [...] III- L’INFORMATION DONNÉE AU PATIENT DOIT ÊTRE ACCESSIBLE ET
LOYALE
Les établissements doivent veiller à ce que l’information médicale et sociale des
personnes hospitalisées soit assurée et que les moyens mis en oeuvre soient adaptés
aux éventuelles difficultés de communication ou de compréhension des patients, afin de
garantir à tous l’égalité d’accès à l’information. [...]
Le médecin doit, au cours d’un entretien individuel, donner à la personne une
information accessible, intelligible et loyale. Cette information doit être renouvelée si
nécessaire. Le médecin répond avec tact et de façon adaptée aux questions qui lui sont
posées. L’information porte sur les investigations, traitements ou actions de prévention
proposés ainsi que sur leurs alternatives éventuelles. Dans le cas de la délivrance d’une
information difficile à recevoir pour le patient, le médecin peut, dans la mesure du
possible, proposer un soutien psychologique. [...]
Afin que la personne malade puisse participer pleinement, notamment aux choix
thérapeutiques qui la concernent et à leur mise en oeuvre quotidienne, les médecins et
le personnel paramédical participent à son information et son éducation, chacun dans
son domaine de compétences.[...]
Le secret médical, institué pour protéger la personne malade, s’impose au médecin.
Dans ces conditions, le médecin ne doit divulguer aucune information médicale à une
autre personne qu’à la personne malade. Toutefois, en cas de diagnostic ou de
pronostic grave, et sauf opposition de la personne malade, la famille et les proches
reçoivent les informations leur permettant de soutenir directement la personne malade
et doivent pouvoir disposer d’un temps suffisant pour avoir un dialogue avec les
médecins responsables.[...]
La personne de confiance (cf. infra IV) doit également bénéficier d’une information
suffisante pour pouvoir donner valablement son avis dans le cas où la personne malade
n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté.[...]
27
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
V- UN ACTE MÉDICAL NE PEUT ÊTRE PRATIQUÉ QU’AVEC LE CONSENTEMENT
LIBRE ET ÉCLAIRÉ DU PATIENT
[...]Afin de garantir l’expression de la volonté du malade, deux dispositifs sont prévus : la
désignation d’une personne de confiance et les directives anticipées.[...]
Elles constituent un document essentiel pour la prise de décision médicale. Elles
témoignent en effet de la volonté d’une personne, alors que celle-ci était encore apte à
l’exprimer et en état de le faire.[...]”
28
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
ANNEXE 7
Trame d’entretiens
Afin d’interroger les professionnels infirmiers quant à leur quotidien auprès des
personnes aphasiques, nous avons choisi de mener des entretiens semi-directifs dont
voici la trame. Les professionnels n’avaient pas connaissance du sujet de recherche, ni
de la situation d’appel.
NB : Les premières questions seront posées à notre interlocuteur afin d’entamer
l’entretien. Les questions situées en dessous, en italique, sont des questions qui
pourront permettre de recentrer le débat sur des sujets proches de notre travail de
recherche, si nécessaire.
-
Avez-vous déjà rencontré une situation où un patient souffrait d’une altération de la
communication post-AVC ?
-
Pouvez-vous nous raconter cette situation ?
-
Qu’avez-vous ressentie face à ce patient ? (difficultés, gênes ?)
D’un point de vue relationnel, qu’avez-vous développé au contact de cette personne
aphasique ?
Avez-vous pu conserver la communication avec ce résident ?
Avez-vous une situation de patient où l’aphasie a apporté un bénéfice dans la relation
soignant-soigné ? (à reformuler en fonction des propos de l’interviewé)
Pensez-vous que ce résident limitait sa communication à cause de l’aphasie avec les
médecins/les soignants/la famille ?
Selon vous en quoi l’aphasie d’un résident influe-t-elle sur la relation et sur le soin?
29
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Entretien avec Mme Elodie, IDE en EHPAD à Besançon , le 24 avril 2014
Clémentine Lab : Alors ben du coup euh, donc euh Camille et moi on est avec deux
autres personnes.
Elodie, IDE : Oui.
Clémentine Lab : Et on travaille, notre thème de recherche c’est la relation soignant
soigné.
Elodie, IDE : Oui.
Clémentine Lab : Avec une personne souffrant d’aphasie post AVC en EHPAD. On va
essayer d’être bien précis pour cibler le sujet. Et du coup on a des questions en lien
avec ça et nous notre objectif c’est vraiment de savoir ce qu’il se passe sur le terrain,
c’est pas la théorie qu’on a déjà retrouvé dans la littérature. Donc vous ce que vous
faites. Si vous voulez garder l’anonymat, on peut, y’a pas de problème. [ndlr : nous
n’avions pas notion de l’obligation d’anonymat lors de l’entretien]
Elodie, IDE : Of ça m’est égal (rires), c’est pas un problème.
Clémentine Lab: Ce que, ce que vous rencontrez au quotidien et puis les difficultés euh,
ce qui est bien, ce que vous arrivez à mettre en place etc.
Elodie, IDE : D’accord.
Camille Gainnet : C’est vraiment la réalité du terrain, non édulcorée qu’on cherche à
avoir.
Elodie, IDE : D’accord. C’est vrai qu’on n’a pas beaucoup d’aphasiques suite à AVC
actuellement mais bon sur la carrière j’en ai eu, mais c’est vrai qu’actuellement sur les
deux services on a…
(Interruption par l’ASH) Ah pardon
(Rires)
Clémentine Lab : Donc du coup juste pour bien vous cibler (rires), ça fait combien de
temps du coup que vous êtes infirmière ?
Elodie, IDE : Ça fait 34 ans, ça fait 32 ans que je suis ici.
30
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Clémentine Lab : Ici ? [Afin d’anonymiser l’entretien, le lieu a été éludé]
Elodie, IDE : Oui.
Clémentine Lab : Et vous avez fait que Faivre ?
Elodie, IDE : Non non, et en plus on a vécu des déménagements et des constructions
donc j’ai navigué.
Clémentine Lab : Mais toujours en EHPAD ou USLD ?
Elodie, IDE : Non toujours en EHPAD parce que l’USLD c’est assez récent.
Camille Gainnet : Et avant ça vous étiez en maison de retraite au tout début ?
Elodie, IDE : Non j’étais en maternité, 2 ans en maternité.
(Rires)
Clémentine Lab : Ah oui les deux extrêmes.
Camille Gainnet : Et est-ce que vous avez suivi des formations à côté, des DU ou des
euh..
Elodie, IDE : Non j’ai pas fait de DU mais oui formation, euh formation en
communication, formation Alzheimer, euh formation soins palliatifs quoi vous dire d’autre
? Bah beaucoup de formations qui touchent à la personne âgée, voilà après tout ce qui
est pédicure, euh communication j’en ai fait plusieurs, euh oui quoi vous dire d’autre ?
Camille Gainnet : C’est bien dans le thème ça tombe bien.
Elodie, IDE : Oui oui.
Clémentine Lab : Ben du coup, nous ce qu’on s’était dit, est-ce que vous auriez une
situation euh de mémoire comme ça, pas au mot près.
Elodie, IDE : Oui.
Clémentine Lab : D’une personne que vous avez prise en soin qui souffrait d’une
aphasie post AVC.
Elodie, IDE : Oui.
Clémentine : Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
31
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Elodie, IDE : Oui je peux vous parler d’un monsieur, ça fait quelques années déjà donc
qui était euh aphasique suite à un AVC, euh c’était un monsieur qui était relativement
jeune, il avait.. 70 ans, je sais même pas s’il avait 70 ans quand il est arrivé chez nous
euh, il avait une hémiplégie droite, aphasique et ceci dit quand même encore très
connecté avec la réalité, voilà, qu’est-ce que je peux vous dire de plus ?
Camille Gainnet : C’était une aphasie de quel type ? Il parlait plus du tout ou… ?
Elodie, IDE : Si, y avait le mot oui et non, c’est tout, c’était vraiment.
Clémentine Lab : D’accord, il pouvait…
Elodie, IDE : Oui et non c’est tout.
Clémentine Lab : D’accord.
Elodie, IDE : Et après des sons qui sortaient, qui sortaient pour euh pour montrer pour
essayer d’exprimer mais c’était tout, y avait pas d’autre, pas d’autre euh, rien de verbal
en fait à part le oui et non.
Camille Gainnet : D’accord. Mais vous sentiez qu’il comprenait ce que vous disiez et
euh..
Elodie, IDE : Oui alors là c’était toute la difficulté, on avait l’impression qu’il comprenait
tout, par contre quelques fois les, les réponses étaient pas toujours en cohérence avec
euh, avec ce qu’on attendait. C'est-à-dire qu’effectivement euh, déjà on se posait la
question de savoir si le oui et le non étaient adaptés, est-ce que le oui voulait toujours
dire oui, est-ce que le non voulait toujours dire non ? Et pis après c’est vrai que, on avait
vraiment le sentiment, enfin, moi je l’ai vu très longtemps ce monsieur et quelquefois y
avait quand même des réponses qui n’étaient pas cohérentes. Donc on pouvait se
poser la question de savoir s’il avait compris. Mais quand on le voyait on avait
l’impression qu’effectivement il comprenait tout. Mais si on creusait un petit peu on
pouvait quand même se poser la question. Et c’est vrai que quelqu’un qui ne le
connaissait pas du tout pensait qu’effectivement y avait vraiment que la parole qui
manquait. Après moi je pense que euh… Enfin effectivement quand on est soignant
avec ce genre de personne, on se rend compte quand même qu’il y a des choses qui ne
sont pas enregistrées, pas comprises. Y’a quand même des troubles…
Clémentine Lab : De la compréhension ?
32
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Elodie, IDE : De la compréhension, euh, qu’on a du mal à définir mais oui, quand on vit
longtemps, enfin il faut vivre avec et voir sur un certain temps, c’est vrai qu’une
personne, qu’un soignant qui arrive, pense vraiment que la personne est en capacité de
tout comprendre et d’avoir des réactions complètement adaptées.
Camille Gainnet : D’accord.
Clémentine Lab : Et du coup est-ce que la réaction du soignant, elle prend en compte
euh… Cette possible non compréhension ? Et comment on fait quand on n’est pas sûr
qu’il comprenne. Est-ce qu’on fait répéter, est-ce qu’on essaye ?
Elodie, IDE : Ben oui… Est-ce que le soignant fait toujours ça ?0 Non le soignant qui
n’est pas aguerrie à ce genre de choses. Non il… On travaille avec des aides-soignants,
des ASH, c’est vrai que euh…. Il sont pas toujours en capacité d’analyser ce genre de
troubles, ce genre de situations. Après euh c’est vrai que c’est en discutant en équipe
qu’on arrive à faire passer certaines analyses qu’on fait certaines réflexions euh, après
avec le résident lui-même comment on fait ? Et bien euh, je sais pas quand il veut vous
expliquer quelque chose, ben il faut, il faut essayer de l’amener à montrer les choses,
faut essayer d’avoir une communication non verbale et puis d’avoir une observation
aussi, y’a beaucoup l’observation qui va, qui va jouer, c'est-à-dire que quand un
soignant vous dit ben tiens M. untel par exemple il a ça ou il veut ça ou ça il faut
observer, vous pouvez pas prendre tout ça pour argent comptant il faut et quelque fois
c’est une longue observation, c’est pas… C’est pas au bout de quelques jours que vous
vous dites oh ben ça y est j’ai compris son mécanisme, il faut tous les jours euh ben
essayer d’analyser, réfléchir enfin…
Camille Gainnet : C’est pas quelque chose d’acquis pour vous de… Parce que
l’avantage que vous avez en EHPAD c’est de voir justement les patients au long cours
et…
Elodie, IDE : Oui
Camille Gainnet : Et du coup euh… On pourrait penser qu’il y a plus de facilités quand
on connait la personne de dire “ah ben là il utilise ce mot là pour ça”.
Elodie, IDE : Effectivement c’est possible quand on est des années avec les personnes,
ce qui s’est passé avec ce monsieur, on l’a gardé quelques années, c’est vrai qu’il y a
33
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
certaines réactions qui reviennent donc oui c’est aidant mais en même temps euh on se
retrouve quand même confronté à des difficultés tous les jours, c’est pas euh, oui c’est
pas au bout d’un moment on se dit tout est acquis y’a pas de soucis. Il faut à chaque
fois se reposer des questions.
Clémentine Lab : Et du coup vous disiez que vous utilisez beaucoup la communication
non verbale et montrer les choses est-ce que du coup la communication se limitait à des
choses formelles, je sais pas, les besoins primaires etc, ou c’était possible d’aller un peu
plus loin dans la discussion avec lui ? Bien qu’il ne puisse pas communiquer mais…
Elodie, IDE : Alors c’est vrai que quelques fois c’est vrai on allait plus loin, bon c’est un
monsieur dont je connaissais un petit peu l’histoire de vie en même temps parce que
par hasard il avait travaillé avec mon beau-frère par exemple ça je le savais et j’arrivais
quelque fois à amener des discussions sur des terrains autres que la maladie enfin que
vraiment ce qui se passe en EHPAD on arrivait à discuter sur son travail ou sur des
choses comme ça. Donc effectivement alors il me disait oui, il me disait non fin, c’était
moi qui parlait et on essayait d’évoquer les choses du passé, quelques fois avec
humour quand on faisait les soins. Donc c’est vrai que ça euh ça arrivait par exemple
pendant les soins, hein, si je faisais sa toilette c’est vrai qu’on arrivait à discuter d’autre
chose que vraiment du soin ou de ce qu’il se passait ici et j’avais l’impression qu’il était
réceptif parce que du coup les « oui » c’était vraiment des oui accompagnés de
gestuelle euh, mais après je suis pas sûre non plus que j’arrivais à tout comprendre et
puis que lui euh il me répondait toujours juste aux questions enfin aux… oui je peux pas
dire que tout était toujours bien compris et juste. Mais de euh… oui je voulais rebondir
là-dessus c’est vrai que le fait de connaître les personnes ça permet effectivement
d’aller plus loin dans la discussion, ce qui est difficile aussi avec ces personnes là, si on
n’a pas d’histoire de vie, si on n’a pas de relations avec la famille euh, quand on a des
gens seuls c’est vrai que c’est plus difficile aussi parce que on est cantonné ben plutôt
au formel du coup.
Camille Gainnet : Oui…
Clémentine Lab : Et du coup la relation qu’on a avec un patient comme celui-ci est-ce
qu’elle est différente d’une autre qu’on a avec un autre résident et comment ?
34
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Elodie, IDE : Ben c’est… différente ben oui c’est sûr parce que en plus euh, il a besoin,
ce genre de personne a besoin de beaucoup de sécurité, beaucoup de confiances, donc
ça c’est vrai qu’il faut instaurer énormément de confiance. C’est pas gagné du premier
coup, donc c’est vrai que c’est moins facile, ça demande plus de euh… comment je
dirais, ça demande d’être plus vigilant, plus patient, plus persévérant. Voilà. La question
c’était ?
Clémentine Lab : Euh les différences qu’on a en relation soignant soigné avec un
patient aphasique.
Elodie, IDE : Oui donc il faut vraiment gagner la confiance de la personne mais je crois
aussi que la personne a confiance dans une équipe euh parce que je pense à un autre
monsieur aussi, je pense que ces personnes aussi euh donnent leur confiance à
certains soignants mais peut être aussi en fonction de la relation qu’on a avec eux mais
ils ont vraiment tellement tellement besoin de confiance et de sécurité.
Clémentine Lab : Est-ce que la confiance du coup elle vient avec la personne avec
laquelle il communique le plus ou pas forcément ?
Elodie, IDE : J’imagine que oui, il me semble oui il me semble. Elle vient je pense que le
résident, le patient, euh, doit se sentir mieux compris avec certaines personnes qu’avec
d’autres du coup. Euh… Oui je pense que la relation euh doit lui paraître plus facile avec
certaines personnes qu’avec d’autres oui.
Clémentine Lab : Et du côté soignant est-ce que c’est une relation qu’on essaye de
travailler ou puisque vous disiez qu’il fallait plus de vigilance, plus de patience, est-ce
que en tant que soignant on est enfin.. est-ce qu’on y va enfin ? Est-ce qu’il y en a qui
se disent bon il est aphasique, la communication est difficile, je vais essayer de
passer… enfin je vais prendre mon temps avec.
Elodie, IDE : Oui ben ça j’imagine que oui, je peux pas parler pour moi mais dans une
équipe y’a des gens qui sont plus en difficulté mais en même temps c’est vrai que dans
une équipe euh.. Bon moi je suis infirmière c’est quand même assez facile j’ai une
formation, j’ai après c’est vrai que y’a des soignants qui sont pas formés, bon y’a des
aides-soignantes qui sont quand même plus formées après y’a des ASH dans une
équipe c’est vraiment mélangé donc ça vrai que c’est plus difficile pour un ASH qui n’a
pas de formation d’appréhender ce genre de relations ça je pense que c’est la réalité. Et
35
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
puis aussi il faut se dire aussi que la personne aphasique a moins de patience je crois
aussi, donc si elle se rend compte qu’en face il n’y a pas de répondant et pas d’écoute
ben, fin le monsieur dont je parle là effectivement si il se rendait compte que la
personne en face n’était pas capable de comprendre ce qu’il voulait et ben il se fâchait,
il partait il se, il se mettait un peu en colère donc euh, après ben y’a des soignants qui
ben qui oui qui s’éloignent un peu qui passent la main, qui laissent les personnes plus à
l’aise quoi.
Clémentine Lab : Je voudrais rebondir sur la formation. Est que ce vous pensez que la
connaissance du trouble de l'aphasie et du système cérébral, etc... ou une formation sur
la communication, sur la relation, etc... Enfin, c'est quoi qui aide le mieux ? Est-ce que
c'est connaitre le trouble ou apprendre à ...
Elodie, IDE : Je pense qu'il faut les deux. Je pense qu'il faut les deux. C'est important
parce que c'est vrai qu'il y a eu... c'est vrai que quand on sait pas...euh... les lésions qu'il
peut y avoir au niveau du cerveau, après on peut pas analyser vraiment la situation.
C'est vrai que cette personne semblait tout à fait normal entre guillemets à part la parole
mais c'est pas du tout comme quelqu'un qui n'a pas la parole, qui est muet et qui a
toutes ses facultés cognitives pour analyser les choses. C'est pas du tout pareil mais
quand on la voit cette personne dans un fauteuil, on pense pas qu'il ya ces troubles
cognitifs, on pense qu'il n'y a que la parole qui ne fonctionne pas, et puis le bras, la
jambe. Mais c'est vrai que quand on a pas étudié ça, je pense que c'est très difficile
de... d'analyser ça correctement. Et donc je pense que ça c'est indispensable. Et puis
après il y a la communication aussi, parce que c'est vrai que quand cette personne
s'énerve, que cette personne envoie promener un soignant, parce que ça arrive, et bien
il faut aussi savoir avoir le répondant et ça ça s'apprend dans les formations de
communication.
Camille Gainnet : Vous pensez que ça a été utile toutes ces formations sur la
communication que vous avez eues ?
Elodie, IDE : Oh bah oui c'est évident oui. Bon après il y a aussi peut être, ya aussi un
savoir être, hein quelque fois qui est aussi indispensable pour un soignant. Après on se
rend compte que tout le monde n'a pas les mêmes facultés de communiquer au départ,
même avec quelqu'un qui n'a pas de difficultés. Donc je pense que ça au départ c'est
36
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
effectivement le savoir-être c'est une chose. Mais la communication c'est vrai que ça
nous apprend beaucoup de choses. Moi la première communication, la première
formation en communication que j'ai fait ça s'est fait sur quasiment une année où on
allait une ou deux journées par semaine et on a commencé depuis le bébé jusqu'à
vraiment...On avait étudié la communication de la famille et donc ça c'est c'était
vraiment une grosse...un gros travail en psychologie. Et c'est vrai que ça a été très
formateur parce que on avait en même temps une formation de management et aussi
toute la communication que l'infirmière- on était que des infirmières, que les infirmières
peuvent avoir au long de leur carrière. C'est à dire avec le résident, avec le soignant,
voilà en équipe et tout. C'était vraiment une grosse grosse formation qu'on avait fait . Ca
j'étais très jeune, ça fait, je pense ça fait 20 ans à peu près si c'est pas plus. Donc ça ça
m'a effectivement beaucoup aidée mais on avait surtout beaucoup travaillé sur la
psychologie de la personne.
Camille Gainnet : D'accord. Et avez vous ressenti après cette formation un changement
au niveau de la réponse du patient ? Parce que je suppose qu'à la suite de la formation
vous avez du changer un petit peu votre comportement. Que ça vous a...
Elodie, IDE : Bah oui, oui. Euh... bon c'est vrai que c'est très loin, mais oui c'est évident.
Surtout que j'étais beaucoup plus jeune donc c'est vrai que c'est très formateur d'avoir
ce genre de formation. Et oui, après on aborde le résident autrement. Mais je me rends
compte encore aujourd'hui que tout ça je l'ai encore en moi, et que ce soit un aphasique
ou un autre, c'est quand même vachement important oui. Et ça après ça vous suit
toujours.
Camille Gainnet : Moi je voulais rebondir sur la connaissance de la pathologie, parce
qu'au niveau des AVC, il y a plein d'aphasies, il y a plein de conséquences de l'AVC...
Est-ce que quand le patient revient de l'hôpital vous avez des connaissances...Est-ce
que vous savez précisément ce qu'il a eu comme AVC ?
Elodie, IDE : Pas toujours non. Non, c'est vrai que c'est souvent noté "AVC". Après c'est
vrai qu'on en parle avec le médecin...euh...on a des réunions de synthèse, on en parle
en équipe où le médecin reprend toute la pathologie. Après il essaye d'expliquer un peu
ce qu'il s'est passé mais c'est vrai qu'on a pas toujours ces éléments. Mais moi ça fait
longtemps que je n'ai pas fait d'entrées de personnes avec AVC. Bon on a une ou deux
37
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
personnes qui ont eu des petits AVC mais c'est sans séquelle vraiment et c'est vrai que
là on a pas de grosse pathologie. Mais ça fait quand même quelques temps qu'on a nos
réunions qu'on appelle pluridisciplinaires, donc le médecin est vraiment là quand on fait
nos réunions et explique vraiment les troubles justement intellectuels, cognitifs. Parce
que ça c'est quand même drôlement important aussi pour après appréhender la
communication. Ca vaut pour les AVC, ça vaut aussi pour les autres. Mais c'est vrai que
ça on peut le retrouver avec le médecin et en discuter. Mais quelques fois c'est pas
évident. Dans une lettre c'est pas évident de vraiment voir exactement ce qui été
diagnostiqué, ça c'est pas, c'est souvent assez succinct et pis bon "AVC" quoi. Alors
c'est souvent soit l'AVC ischémique, soit hémorragique.
Camille Gainnet : Ouais vous n'en savez pas plus finalement. (silence)
Clémentine Lab : Sans trop de liens (rires), est ce que vous pensez qu'un patient qui
souffre d'aphasie post AVC, dont on soupçonne la compréhension et toutes les facultés
cognitives, restreint sa communication ? Ne cherche pas à parler plus parce qu'il sait
que c'est difficile ou il y en a qui parlent comme normalement ?
Elodie, IDE : (silence) Automatiquement ils sont un petit peu en retrait, ils s'isolent
quand même. Enfin moi, les cas... le cas de ce monsieur il était effectivement un peu en
retrait. Bah c'est toujours pareil, quelque fois ils sont plus à l'aise avec certaines
personnes qu'avec d'autres, ils se permettent de s'ouvrir un petit peu plus avec certains
qu'avec d'autres. Mais quand même c'est difficile parce que c'est vrai qu'ils doivent
s'ouvrir...ils se rendent compte qu'ils prennent plus de temps pour expliquer les choses,
pour se faire comprendre. Et puis nous les soignants on est toujours très pressés. Donc
si en face d'eux ils n'ont pas quelqu'un qui prend un peu de temps de les écouter, alors
petit à petit ils vont se fermer et puis s'isoler. Mais je pense que c'est pas juste avec le
soignant, ça peut être aussi avec la famille, l'entourage. Parce qu'en famille je pense
que c'est un peu la même chose, c'est à dire que comme on est pas compris, ben.... on
insiste pas.
Clémentine Lab : Et est-ce que ça vous est déjà arrivé qu'il vous parle de cette difficulté,
de cette souffrance ? (silence) Un mal-être par rapport à la difficulté de communication ?
Elodie, IDE : J'ai pas d'exemple vraiment précis. Le monsieur en question dont je parle,
il ne pouvait vraiment pas expliquer ça, il pouvait pas... Si ! Des fois je me souviens il
38
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
disait "Merde" parce qu'il...Quand il arrivait pas à dire, c'est vrai qu'il disait "merde"
aussi. Alors bon c'était "merde" pis il foutait un coup . Quand il disait "merde" voilà,
parce qu'il y arrivait pas quoi. Mais après non j'ai pas vraiment ... Là j'ai pas d'exemple
de personnes qui ont pu... Mais on le ressent quand même. Ca se ressent. Mais après
des gens qui l'ont vraiment expliqué j'ai pas d'exemple.
Camille Gainnet : Est-ce que ce monsieur il avait une communication non verbale ? Estce que malgré son hémiplégie, son bras, il pouvait le mobiliser ? Est ce que, je sais pas,
quand il disait "merde", il arrivait à avoir des gestes ?
Elodie, IDE : Oui, oui oui. Bah il montrait hein les choses, il montrait. Mais alors c'est
pareil, quand il montrait des fois on arrivait pas à savoir ce qu'il voulait montrer. C'est
vrai que ce bras fonctionnait, je le vois... Oui mais quelque fois on restait sur notre fin,
on arrivait pas à comprendre. Mais bon, d'autres fois oui. Dans les soins, je me rappelle
il avait un cathéter sus-pubien, si il avait une douleur il savait montrer d'où ça venait, ça
il savait encore le montrer. Mais c’était des gestes qui étaient quelque fois flous, il avait
du mal du côté hémiplégique mais on arrivait pas à savoir si c’était plus le bras la jambe,
si c’était plus… C’était toujours très flou le mouvement était toujours très ample, on
savait pas trop… C’était vraiment très difficile d’apprécier…
Camille Gainnet : Ce monsieur vous l’avez eu en charge seulement après son AVC,
vous l’aviez pas eu avant ?
Elodie, IDE : Non. Je l’ai pas connu avant non.
Camille Gainnet : D’accord.
Clémentine Lab : Et du coup il arrivait à écrire ?
Elodie, IDE : Non
Clémentine Lab : Et vous aviez des outils pour communiquer avec lui ?
Elodie, IDE : Je me souviens, on mettait en place les outils de … l’ardoise, l’ardoise
magique. Mais il n’y arrivait pas. Je me souviens qu’il n’y arrivait pas puis quand il
arrivait pas, c’était vite le découragement. C’était une hémiplégie droite et effectivement
c’était très difficile d’écrire.
Clémentine Lab : Ca le mettait en échec finalement.
39
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Elodie, IDE : Oui. (silence)
Clémentine Lab : Et quand il arrivait pas à s’exprimer, que le soignant ne comprenait
pas, est-ce qu’il y a un acharnement et quelles sont les limites de l’acharnement pour
comprendre ?
Brigittte Grivel : Du soignant pour comprendre ?
Clémentine Lab : Oui
Elodie, IDE : Les limites ? Bah… je sais pas comment vous dire.
Clémentine Lab : Est-ce que vous vous obstinez ou à un moment vous dites “bon bah
tant pis” et puis voilà ?
Elodie, IDE : S’obstiner non. Enfin moi je … Bah quelque fois moi ça m’arrivait de
passer le relais, d’appeler quelqu’un d’autre. Pour euh… quelque fois il y avait des gens
qui avaient une idée lumineuse. Tout d’un coup bah oui. Quelque fois, pourtant même
en essayant de bien observer, d’essayer de bien comprendre, on comprenait pas. Oui
moi ça m’arrivait de passer la main. Après il y a des gens qui abandonnent aussi. C’est
à dire “bon je comprends pas, je m’en vais quoi”, mais sans plus de … une fois deux fois
trois fois, pis c’est l’abandon. C’est pire que l’acharnement je trouve. Parce que… après
sans jugement parce que c’est vrai que c’est pas facile. Mais je pense qu’effectivement
il faut pas s’acharner trop parce que après la personne désespère, perd patience et ce
monsieur en l'occurrence il se fâchait. On voyait que ça l'énervais quoi. (silence).
Camille : Euh… Est-ce que vous avez une situation où ça a apporté un bénéfice dans la
relation soignant-soigné que le patient soit aphasique ? (silence) Que je sais pas le
patient soit plus attachant si on peut dire.
Elodie, IDE : Oui c’est vrai il y a un autre monsieur qui était très attachant. Alors lui il
arrivait à... il était aphasique mais il arrivait à chanter par contre. Donc il chantait, on
arrivait à chanter avec lui et c’est vrai que c’était un monsieur qui avait énormément
besoin de, pareil, d’être sécurisé. Mais effectivement il était très attachant. C’était un
monsieur qui était très agréable, toujours avec le sourire, tout le temps tout le temps.
Différent du cas dont je parle, parce que l’autre monsieur on sentait qu’il était plus
crispé, plus ennervé. Et ce monsieur était toujours très cool. Et il chantait. quand
euh...voilà. Donc quand on faisait les soins on le faisais chanter. et c’est vrai qu’il était
40
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
effectivement très attachant. Toute l’équipe était attachée à lui. En plus il avait une nièce
qui était infirmière, et qui venait souvent, qui était très agréable. Et on avait c’est vrai
une relation très agréable avec ce monsieur. Effectivement, le fait qu’il soit aphasique et
qu’il chante c’était vraiment un bonheur quoi. Parce que tout le monde était content de
le faire chanter.
Clémentine Lab : Mais il chantait des chansons toutes faites ou c’est lui mettait ses mots
?
Elodie, IDE : Non y avait, qu’est ce que c’est… Y avait une chanson qu’il chantait. Euh
je saurais plus dire quoi parce que ça fait très très longtemps oui ! (rires) Euh… je
saurais plus dire quoi mais il chantait vraiment une chanson, oui oui. C’était toujours
pareil, ça revenait toujours.
Clémentine Lab : D’accord.
Elodie, IDE : C’était tout le temps pareil, mais bon c’était quand même un bonheur de le
faire chanter parce qu’il avait une bonne grosse voix pour le coup mais, effectivement il
était complètement aphasique. Et il était pas demandeur. C’était un monsieur qui était
vraiment...Il était pas renfermé, pas… Mais il était pas demandeur. C’est à dire que dés
qu’il était installé, qu’on avait fait sa toilette, qu’il avait mangé, il était très patient,
très...très agréable avec l’équipe. Si il demandait quelque chose c’est que vraiment il en
avait besoin, il était très peu en demande, mais pas vraiment en retrait. Mais je pense
qu’il avait aussi un bel accompagnement de sa famille que l’autre monsieur n’avait pas
pour le coup. Donc aussi ça aussi ça nous aide nous les soignant parce que c’est vrai
que ça permet quelque fois que la communication soit plus facile.
Clémentine Lab : Justement avec la famille, est ce que vous en discutez de ce trouble ?
Euh… de l’aphasie, que ce soit avec le monsieur qui chantait ou l’autre ? Et est ce que
vous essayez de leur expliquer comment ils peuvent communiquer eux ?
Elodie, IDE : Bah oui… De toute façon ça … Oui je me souviens plus exactement
comment on faisait parce que c’est quand même assez loin. Mais de toute façon par
principe oui. Moi j’essaye toujours avec les familles de voir un petit peu si ils ont des
difficultés pour entrer en communication, leur donner des pistes, et éventuellement
qu’on le fasse ensemble. Oui.
41
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Camille Gainnet : Et à l’inverse, est ce que la famille peut vous donner des petits trucs à
vous les soignants pour…
Elodie, IDE : Oui, surtout au niveau des habitudes, au niveau des… Ils peuvent nous
éclairer sur leurs rituels, les rituels qu’ils ont. Donc oui on a besoin d’eux pour avoir
certaines pistes sur certaines choses qu’ils vont nous dire qu’on ne comprendra pas.
Oui la famille peut comprendre sur le coup.
Camille Gainnet : D’accord
Elodie, IDE : Parce que c’est rattaché à des rituels qu’ils avaient auparavant. Mais oui la
famille est importante. Ca vaut pour ça, comme pour toute pathologie. Et c’est vrai qu’on
se rend compte effectivement, j’ai pas fais exprès mais, ces deux personnes n’avait pas
le même accompagnement.
Clémentine Lab : Très bien. (silence, rires) Je crois qu’on a tout ce qu’il nous faut. C’est
très intéressant, on refait les liens avec tout ce qu’on a vu dans la littérature, on va
pouvoir bien analyser.
Camille Gainnet : Merci beaucoup, d’avoir pris le temps pour nous parler de vous et de
tout ça.
42
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Entretien avec Mme Marie, IDE en Centre de Rééducation
Fonctionnelle à Besançon, le 24 avril 2014
Florian Prêtre : Alors...notre sujet porte sur la communication avec un patient post-Avc
aphasique…
Marie, IDE : Oui
Florian Prêtre : Avez-vous suivie des formations sur ce sujet?
Marie, IDE : Oui, pas sur le soigné spécialement, ça portait sur, euh, l’ensemble, euh,
des AVC.
Rachelle Nicolier : D’accord
Florian Prêtre : D’accord. Et aussi, euh, c’est pour aussi, euh, qu’on puisse se
représenter puis comparer avec les autres infirmières. Vous êtes, euh, infirmière depuis
quand?
Marie, IDE : Ici?
Florian Prêtre : En général. Et après ici.
Marie, IDE : 11 ans, et ici 10 ans.
Florian Prêtre et Rachelle Nicolier : D’accord!
Rachelle Nicolier : Vous avez fait quoi pendant l’année, si c’est pas indiscret?
Marie, IDE : Chirurgie orthopédique.
Rachelle Nicolier : D’accord
Florian Prêtre : Ah ouais!
Marie, IDE : Mais ici, c’était pas,euh, on n’était pas euh, y avait pas autant de neuro que
maintenant. Quand je suis arrivée il y avait beaucoup de traumato.
Rachelle Nicolier : Des polytraumas, qu’elle nous disait…
Marie, IDE : Et en fait, moi y a 11 ans, j’ai été en chir ortho, et je voulais comprendre
pourquoi toutes les…, les… les prothèses de hanches, de genoux, ça se luxait et euh, je
43
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
voulais voir l’éducation surtout qu’on donnait au patient, en rééducation et en fait c’est
pour ça que je suis arrivée là et pis après on a, on a beaucoup de, de neuro.
Florian Prêtre : Très bien ! Donc, déjà, est ce que vous avez déjà rencontré une
situation où un patient souffrait, qu’il souffrait d’une alt..., qui souffrait d’une altération de
la communication post-Avc?
Marie, IDE : Ah bien sûr oui !Oui , oui. Plus d’un quand même.
Florian Prêtre : Bin oui mais ça dépend et si l’infirmière est...
Marie, IDE : Oui
Florian Prêtre : ...Plus ou moins ..
Marie, IDE : Oui, oui.
Rachelle Nicolier : Hum
Marie, IDE : Oui, oui
Florain Prêtre: D’accord, et est-ce que vous pouvez nous raconter, une situation, par
exemple…
Rachelle Nicolier : Qui vous a marquée...
Marie, IDE : Oh ben c’était un monsieur, je m’en souviens très bien, euh, c’est un
monsieur qui avait fait donc un AVC hémorragique, et pis il était aphasique tout
simplement, donc pour s’exprimer c’était très difficile, on avait utilisé un tableau mais
euh il était euh dans le déni en fait, donc euh, euh, il était très en colère contre
tout...voilà.
Florian Prêtre : Donc...
Rachelle Nicolier : Et vous faisiez comment du coup pour entrer un petit peu en relation
avec lui, enfin vous faire comprendre… Que lui..
Marie, IDE : Avec des gestes! Comme on pouvait.
Florian Prêtre et Rachelle Nicolier : Hum
Marie, IDE : Comme on pouvait voilà! C’est souvent avec des tableaux, des ardoises, ça
dépend pis en plus, des fois c’est compliqué parce que s’ils étaient droitiers ou
gauchers, si c’est le côté qui est atteint, c’est, c’est super compliqué quoi!
44
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : Hum
Marie, IDE : On essaye vraiment , c’est au cas par cas, donc...dire de façon générale,
euh ou même pour lui parce que ça remonte, euh oui, des tableaux, des ardoises, des
choses comme ça quoi.
Rachelle Nicolier : Il arrivait, lui à se faire comprendre ou c’était quand même euh
assez…
Marie, IDE : Difficile, oui difficile
Florian Prêtre : Et…
Marie, IDE : Parce que mais lui, il pensait qu’il arrivait à s’exprimer correctement et nous
on comprenait rien à ce qu’il disait.
Florian Prêtre : Parce qu’il était aphasique, mais est ce qu’il pouvait….
Marie, IDE : “Hin hin” qui faisait, des bruits quoi !
Rachelle Nicolier : Ouais
Floraian Prêtre : D’accord!
Marie, IDE : On a parfois des gens qui pensent non mais qui disent oui, c’est..
Rachelle Nicolier : Hum
Marie, IDE : C’est compliqué…
Florian Prêtre : Et on a aussi une question qu’est un peu plus personnelle, mais qu’est
ce que vous avez ressenti, vous, face à cette situation ? En termes de difficultés, ou
alors si on peut parler de gêne ?
Marie, IDE : De gêne nan, difficultés non plus, je me suis simplement dit, j’me dis, euh,
le mec il a toute sa tête, ça doit être super difficile à vivre d’être enfermé dans son corps
quoi ! En comprenant, en, en sachant ce qu’on a envie de dire aux autres pis en n’y
arrivant pas quoi. Alors après j’ai vu d’autres cas, c’était pas sur un AVC, c’était une
autre dame qui avait une maladie neurodégénérative, donc c’est une dame qui avait de
l’argent, donc elle, elle avait un système pour communiquer avec la pupille, donc là, y
avait pas de problème, voilà...elle avait de l’argent…
Florian Prêtre : Ah! Je connaissais pas du tout.
45
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Marie, IDE: Si, si ! En fait elle avait réglé en fait… L’infirmière de l’hôpital de jour, elle
pourra vous en parler parce qu’elle l’a eu beaucoup en charge cette dame là, nous elle
était venue juste pour un tout petit séjour et pis euh. Elle avait un truc qui était réglé par
rapport au diamètre de sa pupille et tout et elle avait accès à un clavier et elle regardait
les lettres clac, clac! Pis en fait elle nous faisait des mots, des phrases.
Rachelle Nicolier : (S’adressant à Florian Prêtre) Oui, oui, y a une personne qu’a écrit un
livre comme ça.
Marie, IDE : (Elevant la voix) Mais bon tout est pareil (se frotte les doigts pour indiquer
de l’argent). Voilà, bin oui.
( Rires)
Florian Prêtre : En ce qui concerne, par contre c’est toujours dans l’AVC hein, votre
point de vue, par contre c’est purement relationnel, est-ce que vous avez pu développer
quelques petites choses, qui ont pu permettre, euh..
Rachelle Nicolier : D’entrer en communication avec euh...
Marie, IDE : Oh ben avec ce patient là je m’en souviens plus…(Fait tomber ses mains
sur ses genoux). Ça fait longtemps…
Florian : Ou alors avec d’autres patients aphasiques.
Marie,: Ou alors avec les autres, euh, ben ils sont pas toujours aphasiques, hein, y a
quand même des… Ils ont des soucis phasiques, mais pas forcément aphasie totale
quoi.
Florian : Hum…
Marie, IDE : Des fois, ils cherchent leurs mots, euh..
Florian Prêtre : Oui
Marie, IDE : Mais euh...on arrive toujours à entrer en relation, en communication avec,
après c’est compliqué de, de...
Rachelle Nicolier : Ouais,ouais, hum.
Marie, IDE : Nan mais c’est compliqué de, de vous donner des exemples concrets en
fait… Parce que après y a beaucoup aussi quand on rentre dans une chambre, y a
46
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
beaucoup aussi l’intuition, l’expérience qui fait que ben voilà! On va, on, on, on connaît
nos patients, on sait comment il va réagir…
Florian Prêtre : Ok
Rachelle Nicolier : Quand vous faites l’accueil, ici, d’une personne qui a des problèmes
phasiques, vous ‘fin, vous l’acceuillez comment? Y a des choses spécifiques que vous
mettez à chaque fois en place ou c’est vraiment du cas par cas?
Marie, IDE : Cas par cas.
Rachelle Nicolier : Ok.
Florian Prêtre : C’est pas qu’il n’y a aucun protocole dans ces cas-là, c’est vraiment
personnel.
Marie, IDE : Ah bah.
Florian Prêtre et Rachelle Nicolier : Ok.
Marie, IDE: C’est vraiment au cas par cas, ça peut être quelqu’un qui va être isolé
qu’aura plus la parole, quelqu’un qui sera marié ou euh voilà, donc on aura toujours des
infos, ou si on n’en a pas ben on essayera de creuser quand même de trouver des
solutions quoi. C’est vraiment du cas par cas quoi, à protocoliser, c’est, c’est impossible
ça...C’est impossible. Ou alors faut mettre des si, si, si quoi.
Florian Prêtre et Rachelle Nicolier : Rires
Marie, IDE : (Sourire) Nan mais voilà. Parce que là, nous le patient qui était totalement
aphasique, qui avait ça, il y avait sa femme qui pouvait nous renseigner sur ce qu’il était,
ce qu’il aimait quoi!
Florian Prêtre : Donc la famille intervient...
Marie, IDE : Ah bin oui.
Florian Prêtre : ...Revient après.
Marie, IDE : Ah ben énormément.
Florian Prêtre : Ah oui.
Marie, IDE : Ah ben bien sûr ! Enormément, mais pas rien de là dedans, sur la douleur
aussi ! Moi je suis responsable en douleur ici, donc euh je peux vous dire que les
47
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
patients qui sont dyscommuniquants, on a créé un outil d’évaluation de la douleur où on
fait comme l’échelle de San Salvadour qui est dédiée aux enfants polyhandicapés, on a
un dossier de base qu’on remplit avec les gens, ben pour connaître les habitudes des
gens. Donc soit on remplit avec la famille, soit, y a personne qui connaît mieux la
personne que la personne. Donc là c’est un peu la même chose sauf que c’est sur ses
habitudes, ce qu’il aime écouter, ce qui.. Enfin tout quoi ! Ses habitudes de vie en fait !
Rachelle Nicolier : Est-ce que vous avez déjà rencontré une situation avec une
personne qui avait des problèmes de ‘fin, de communication et que, est-ce que il y a
une situation qui vous a apporté...
Florian Prêtre : Ah oui.
Rachelle Nicolier : Euh, en vous disant, ouais, avec euh, avec ce patient j’ai appris ça et
du coup je vais pouvoir le remettre en place avec d’autres patients ou...?
Florian Prêtre : C’est vrai, c’est pour savoir si on arrive à en en tirer quelque chose.
Marie, IDE : Oui mais on se le dit pas, en fait c’est super dur de répondre à vos
questions.
Florian Prêtre : Oui.
Marie, IDE : Parce qu’on se le dit pas euh, pff, on se dit pas ben tiens avec le prochain
je ferai comme avec lui parce que ça a été bien, la fois d’après ça peut très bien foirer
quoi. C’est vraiment l’expérience qui fait que, et ben , voilà euh, on sait comment les
prendre, on sait comment ils réagissent, on sait comment ils évoluent pour la plupart,
dans la plupart du temps, on sait à, à quel moment, où ça va, où ils auront moins le
moral, enfin voilà, on sait tout ça mais après à retranscrire et vous dire tiens ça avait
marché sur lui, je vais essayer euh de communiquer avec celui-là euh,de la même
façon, ça marchera pas forcément, donc euh….je sais pas quoi vous dire.
Florian Prêtre et Rachelle Nicolier : Rires gênés
Florian Prêtre : Hum, hum, hum. Ah oui! Est ce que vous pensez aussi que le résident
ou autre, ça, ça fait appel à ce que j’ai dis tout à l’heure, pouvait se mettre à limiter sa
communication du fait de euh, non pas qu’il essaye, mais la limite...du fait de euh…
Marie, IDE : Je comprends pas
48
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : De, de pas être compris, ça lui donne pas envie de euh, plus se faire
comprendre au contraire d’attacher...
Marie, IDE : Ça dépend ! Ça dépend du caractère de la personne, y en a ils vont
s’énerver en montrant du doigt et tout en nous disant “vous comprenez rien à ce que je
vous dis” mais euh ils vont parler en chinois et nous on comprend pas, pis ils vont
continuer, ou y en a d’autres qui vont complètement se prostrer, ça dépend de qui on a
en face. Ça dépend vraiment de la personne qu’on a quoi. Soit ça peut les énerver mais
ils vont continuer de parler, c’est des gens qui sont volontaires ou y’en a d’autres qui
vont se prostrer en se disant c’est pas la peine, euh, ils me comprennent pas quoi !
Sachant que c’est très compliqué parce que, eux, ils imaginent qu’ils sont en train de
nous dire quelque chose de compréhensible, hein.
Rachelle Nicolier : Hum
Florian Prêtre : J’ai rencontré une personne comme ça.
Marie, IDE : Ah oui?
Rachelle Nicolier : Du coup, vous avez, euh, hum, comment ça s’appelle? Pour la
parole, un orthophoniste?
Marie, IDE : Ah bin, bin oui!
Rachelle Nicolier : D’accord
Florian Prêtre : (Rires)
Marie, IDE : Oui, heureusement! Troubles de déglutition, parce que y a pas seulement
des troubles de communications dans les AVC. Y a beaucoup, beaucoup de choses…
Rachelle Nicolier : Et du coup l’orthophoniste, il intervient tous les jours?
Marie, IDE : Ça c’est le médecin qui prescrit.
Rachelle Nicolier : D’accord.
Marie, IDE : C’est suivant, ils arrivent ici , y a rien de mis en place, le médecin les voit,
vous avez besoin d’ergo, de neuropsy, vous avez besoin d’orto, de kinés, de balnéos,
etc.. C’est eux qui disent, suivant leurs diagnostics en fait.
49
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : D’accord, ok. Et pis, euh, moi, la dernière question que je voulais
vous poser, c’était, vous pen..enfin, si une personne a une aphasie post-AVC, vous
pensez que ça peut intervenir, jusqu’à, enfin que l’aphasie peut bloquer jusqu’à quel
point la communication qui peut avoir entre une relation sur…
Florian Prêtre : Une relation sur le soin.
(Silence)
Marie, IDE : Alors on la refait là.
(rires)
Marie, IDE : Je suis en train d’essayer de me la remettre en tête.
Rachelle Nicolier : A quel point, euh, l’aphasie peut venir interférer, euh dans la relation
soignant-soigné et du coup c’est quelles sont les répercussions que vous, vous avez pu
rencontrer, euh, de, de l’aphasie sur le soin ?
Marie, IDE : Han, c’est super dur comme question (silence). C’est toujours pareil, c’est
du cas par cas, je peux pas répondre à une question comme ça, nan mais c’est vrai! Ça
dépend si, si, je sais pas moi, ça dépend dans quel état, dans quelle phase de sa
réeducation il est en plus le patient. Han.. Oui ça peut intervenir comme ça peut ne pas
intervenir, je, je, je sais pas quoi vous répondre là…
Rachelle Nicolier : Dans certains cas, une aphasie ça gênera pas du tout, euh…
Marie, IDE : Ben ça la gênera toujours, pour communiquer, euh, ça gênera forcément.
Mais après, une aphasie hein? Totale? Qu’on parle, hein?
Florian Prêtre : Y a aussi la jargonaphasie, etc
Marie, IDE : Oui mais parce que y a des fois y en a qui disent quelques mots, qui
percutent quand même un peu, faut voir exactement ce qu’on dit parce que si c’est une
aphasie totale, j’ai du en voir 1 ou 2 dans ma carrière.
Florian Prêtre : Totale, nan, nan, nan.
Marie, IDE : Où la personne était totalement...
Rachelle Nicolier : Jargonaphasie
50
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Marie, IDE : Ben c’est le monsieur là, où j’avais découvert sa voix, en appelant sa
femme et j’étais tombé sur le message du répondeur, et c’est là que j’avais découvert la
voix du patient en fait. Mais sinon ils arrivent toujours à dire quelques mots, euh, pas
dans le bon sens mais, euh, on arrive quand même à, à se comprendre quoi! Mais lui
c’était vraiment mutique.
Rachelle Nicolier : Et du coup, question très concrète mais euh, euh, ‘fin si, voilà y a une
personne qui dit un mot pour en remplacer un autre ‘fin vous, vous arrivez comment à
comprendre vraiment ce que la personne elle veut?
Marie, IDE : (Silence) Euh, ça dépend la situation, si par exemple, le mec y me dit : je
veux me brosser les dents, je veux me brosser les dents en montrant le café, on va lui
dire : “mais c’est pas un peu de café que vous voulez” ? Ben il va nous dire si! On arrive
toujours à… On avait le cas avec un patient qui voulait qu’on le change de chaise, donc
le temps qu’on trouve laquelle c’était...on faisait toutes les chaises. Après il nous faisait
(met le pouce en l’air et l’agite de haut en bas)...Ça dépendra de qui on a en face. C’est
dur vos questions.
Florian Prêtre : On avait vu dans un ouvrage qu’on a lu, il y a autant d’aphasies que
d’aphasiques.
Marie, IDE : Hum
Florian Prêtre : Voilà, c’est vrai, qu’il faut pouvoir s’adapter...
Marie, IDE : Mais, mais, déjà le métier d’infirmier il faut s’adapter.
(Rires)
Marie, IDE : Ça c’est sûr ! Ouais. C’est compliqué, encore plus les AVC. On a des gens
quand je suis arrivé ici, pis maintenant ils sont de plus en plus jeunes, c’est incroyable.
Florian Prêtre : Ah oui?
Marie, IDE : Ben oui. Les AVC avant ça touchait les personnes qui étaient très âgées,
maintenant on a des jeunes qui en font , par rapport à des, des gens qui, qui sont trop
stressés à leur boulot, euh et paf ! AVC ! De plus en plus jeunes on a.
Rachelle Nicolier : Est-ce qu’ils récupèrent plus vite ou pas forcément ?
(Rires)
51
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : Vous allez me dire ça dépend de ce qui est touché…
Marie, IDE : Oui, c’est toujours pareil, qui, qui seront, qui, qui auront une hémiparésie,
d’autres une hémiplégie franche, euh, ça dépend… Y en a voilà, ils pourront marcher
parce qu’ils auront rien aux membres inférieurs mais le bras sera pendant, enfin… Ça,
ça dépend, ça dépend beaucoup aussi de la volonté de la personne hein, ça joue
beaucoup aussi. Bon après, y a le diagnostic qui est là, si on vous annonce je sais pas à
un mec qu’est para , il peut avoir toute la volonté du monde, il sera para, il sera
para….Parce qu’on a aussi beaucoup de paraplégiques.
(Silence)
Rachelle Nicolier : On a demandé tout ce qu’on voulait ?
Florian Prêtre : Oui.
Rachelle Nicolier : Bon et ben merci de vos réponses.
Marie, IDE : Ben de rien, j’ai trouvé ça un peu difficile mais j’ai essayé d’y répondre
comme je comprenais les questions.
Florian Prêtre : Pas de soucis, on a les informations que l’on voulait.
52
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Entretien avec Mme Manon, IDE en Centre de Rééducation
Fonctionnelle à Besançon, le 24 avril 2014
Florian Prêtre : Bonjour, merci beaucoup d’accepter cet entretien. Juste avant de
commencer, nous voudrions savoir depuis combien de temps vous êtes infirmière,
depuis combien de temps vous travaillez ici et puis si vous avez eu des formations
spécifiques en rapport avec la communication…
Manon, IDE : Bah ça fait dix ans... à peu près, que je suis infirmière, et un peu plus de
trois ans que je travaille ici.
Florian Prêtre : D’accord.
Manon, IDE : Et donc ouais, quelques formation sur le centre euh… donc troubles du
langage, euh… tout ce qui est séquelles AVC en général donc un peu aussi le langage
donc pas mal de choses.
Florian Prêtre : Des formations ici ?
Manon, IDE : Oui des formations du centre.
Florian Prêtre : D’accord.
Manon, IDE : En interne.
Rachelle Nicolier : Hum.
Florian Prêtre : Très bien. Et donc pour commencer, est-ce que vous avez déjà
rencontré, la question bateau, la question d’une situation où un patient souffrait d’une
altération de la communication post-AVC ?
Manon, IDE : Oh oui très fréquemment. (sourire)
Florian Prêtre : Fréquemment ? (sourire)
Manon, IDE : Ouais, non mais j’ai pas mal de patient euh… Neurologie, euh pas mal
d’AVC euh…
Florian Prêtre : Ouais, nous c’est vraiment axé sur l’AVC.
Rachelle Nicolier : Hum, ouais. Ouais ouais. Ce qu’on va vous demander c’est de vous
concentrer sur une situation…
53
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Manon, IDE : Ouais ?
Rachelle Nicollier : ... Qui vous a marquée…
Manon, IDE : Ouais.
Rachelle Nicollier : … Et où il y a eu une altération du langage suite à un AVC.
Manon, IDE : Hum…
Florian Prêtre : Donc une situation quelle qu'elle soit que vous pouvez nous raconter
pour que nous ayons… euh...
Manon, IDE : Hum…
Rachelle Nicolier : Des élèments pour la compréhension…
Florian Prêtre : Et caetera.
Manon, IDE : Vous voulez que je vous raconte une situation ?
Rachelle Nicolier : Ouais. Posez le cadre un petit peu qu’on ait…
Florian Prêtre : Hum.
Manon, IDE : Ouais ouais. Alors qui est-ce que l’on va prendre ? Hum… Une dame qui
est restée chez nous longtemps et qui était totalement… euh… quasiment aphasique
en faite.
Florian Prêtre : Hum.
Manon, IDE : Donc une personne aphasique qui, euh… Comme souvent post-AVC, la
dame était très dépressive, une personne très triste, quasiment aucun moyen de
communication verbale et très très peu de mots qui sortaient, ‘fin… Des sons en fait,
très peu de sons qui sortaient. Donc c’était très compliqué, c’était une personne qui était
pas très âgée. Elle devait avoir quoi ? La cinquantaine.
Florian Prêtre : Ah.
Manon, IDE : Donc c’était difficile ouais.
Rachelle Nicolier : Hum…
Manon, IDE : Euh… Petit à petit, au fur et à mesure de son hospit’, elle a récupéré
quelques mots, mais elle est rentrée avec un langage… encore très très… très simple.
54
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : Hum. C’était un AVC hémorragique ou ischémique ?
Florian Prêtre : Après ce n’est pas forcément important, c’est…
Manon, IDE : Ouais ? Je ne m’en souviens plus… (rires) Malheureusement vous
voudriez savoir mais… (rires à nouveau)
Florian Prêtre : Non, ce n’est rien, ce n’est rien.
Rachelle Nicolier : ‘y a pas de soucis.
Florian Prêtre : Elle avait juste des séquelles au niveau de la communication ou euh….
Manon, IDE : Non non, le corps aussi.
Florian Prêtre : Ah oui. Elle ne pouvait plus se déplacer ? C’était les jambes, les…
Manon, IDE : Euh… Elle est arrivée hémiplégique et…
Florian Prêtre : D’accord.
Manon, IDE : ...Il me semble qu’après elle pouvait faire ses transferts.
Florian Prêtre: Ah oui ?
Manon, IDE : Donc elle a récupéré les appuis du membre inf’, et le membre sup’ c’est
souvent celui qui reste le plus atteint donc euh…
Rachelle Nicolier : Ouais.
Florian Prêtre : Hum.
Rachelle Nicolier : Ok.
Florian Prêtre : Et donc avec cette d… Cette patiente, euh… Quasiment… mutique,
qu’avez-vous ressenti ? Les gênes, les difficultés relationnelles et caetera, au contact.
Et dans la prise en soins.
Manon, IDE : Hum. C’est compliqué parce qu’on se sent impuissant en fait : on voit à
travers son regard, que dans leurs regards, tous ceux qui ont des troubles comme ça…
On voit qu’ils ont envie de dire plein de choses, que...Qu’ils ont des besoins, qu’ils ont
besoin d’aide et que l’on ne peut pas leur apporter de réponses surtout quand ils
arrivent. Après on sait que un geste veut dire : “ben je veux la table, je veux la télé”,
mais un début d’hospit’ c’est très très compliqué.
55
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Une infirmière rentre dans la salle pour demander un renseignement à l’infirmière
intérrogée. Puis ressort.
Manon, IDE: Donc euh… (cherche le fil de la conversation)
Florian Prêtre : C’est compliqué…
Manon, IDE : Donc ouais, on prend beaucoup de temps, oui c’est compliqué, puis ben
après on reste…. le service on fonctionne comme ça : on reste deux mois sur le même
secteur. Donc c’est-à-dire qu’en deux mois on commence à connaitre, euh, on connaît
rapidement les habitudes de chacun, donc on arrive à créer une vraie relation où le non
verbal prend le dessus finalement. Après avec un regard arriver à comprendre ce qu’elle
ressent vraiment au fond d’elle c’est difficile quoi. Quand dans un moment ben elle
aurait besoin qu’on l’aide, elle a pas le moral tout ça, on se sent impuissant et puis la
personne aussi finalement. Je crois que la première phrase depuis la maladie de cette
dame, je crois que c’est le plus dur d’ailleurs, c’était que j’étais gentille. C’était la
première fois que j’entendais le son de sa voix. Alors là ce sont des petites intentions
qui font que mais…Ouais c’est difficile ! Beaucoup de questionnements : est-ce que ça
suffit ? Est-ce qu’on en fait assez ? Ben voilà, est-ce que finalement… on peut répondre
qu’aux besoins de bases quoi : mettre les choses à porté de main, euh, lui parler… On
peut pas l’écouter quoi.
Le téléphone sonne, elle le pose sur la table sans y répondre et nous regarde en
souriant.
Florian Prêtre : Et là, et donc d’un point de vue relationnel aussi, qu’est-ce que vous
avez pu développer face à une personne qui a des troubles de la communication ?
Manon, IDE : Oui on arrive avec... bien sûr. On arrive à établir des liens avec des
personnes qui ont eu des AVC… Non verbal de leur part quoi. Nous on est là on parle,
on parle, on parle, et puis… C’est rigolo, on marque pareil des temps de pause, on nous
dit faut marquer des temps de pause, et on va les marquer pareil quand on parle avec
eux et ils vont nous répondre avec un sourire, un regard, souvent avec un regard, et
voilà. Bien sûr la relation elle se crée : on va voir un patient qu’on croise dans le couloir,
qui nous fait un grand sourire, qui parle… Y'a pas besoin de parler pour dire qu’on va
pas bien au final par rapport à nos yeux. Et… Voilà quoi. (rires)
56
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Florian Prêtre : Ouais ?
Manon, IDE : Mais la relation elle est quand même un peu plus restreinte, mais… Ouais
bien sûr elle est là. Et heureusement ! (sourire)
Rachelle Nicolier : Ouais, sinon ça serait compliqué… (rire) Euh… euh… oui, du coup,
on voulait vous demander… Hum… Enfin, qu’est-ce que ça vous apporte de bénéfique
une relation avec une personne.. Enfin, est-ce que vous avez pu en tirer quelque chose
de bénéfique vous avec cette dame ou pas…
Florian Prêtre: Oui enfin, ce que vous avez pu en tirer, vous le professionnel de cette
situation ?
Manon, IDE : Là c’est compliqué… (rires) C’est compliqué car on n’en tire pas forcément
des choses bénéfiques,enfin, euh… Ben on apprend sur soi, sur sa patience, ses limites
aussi… Parce que on a des fois envie de se projeter dans la personne quoi, on a
beaucoup de personnes qui ont cinquante ans, qui font des AVC, ça pourrait être mes
parents, ça pourrait être moi, ça pourrait être n’importe qui. Et on a envie de creuser
davantage je pense, se dire qu’après tout cette personne elle est humaine. Après ce
que j’en tire comme bénéfices ben… Peut être pas plus que dans une formation
finalement. Vous êtes satisfaits de voir que la personne elle est, ben, elle sourit quoi,
elle est voilà… Même si on n’a pas toutes les cartes en main on arrive à faire son travail.
Voilà. (sourire)
Florian Prêtre : Après, est-ce que vous pensez que le résident, il va limiter sa
communication avec l’aphasie. Pardon : avec le médecin, le soignant ou avec sa famille.
Manon, IDE : Hum, oui je pense ouais.
Florian Prêtre : Volontairement ?
Manon, IDE : Ben… Pfff…. Ouais. De sûr dans un premier temps, après au fur et à
mesure de l’hospit’ … eeeh… On va essayer de passer outre mais c’est très très
difficile, quand on a vraiment aucun moyen de communication verbale euh… Ben les
gens ils se renferment beaucoup beaucoup sur eux hein. Donc, ouais du coup je pense
qu’il y a beaucoup de choses qui passent par là. En terme euh… C’est un peu fort
mais… On peut pas voir tout parce que… Ils ne nous disent pas tout non plus et…
euh… La plupart du temps on constate un repli sur eux quoi d’ces personnes là. Donc
57
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
euh… Ca devient difficile pour eux. Car chez nous les patients vont manger en salle à
manger le matin, le midi et le soir donc c’est très difficile pour eux le regard des autres
enfin… Tout. Et euh… Ouais, ouais, il y a un bon repli sur eux-même.
Florian Prêtre : Et même, donc, avec leurs proches ?
Manon, IDE : Hum.
Florian Prêtre : Et... euh… En ce qui concerne les proches, est-ce qu’il y a des choses
qui sont remarquables par rapport à des relations qui se créent ? Un renforcement des
relations ? L’inverse ?
Manon, IDE : Ben… On a eu différents types de cas de figure, mais c’est vrai que… ’fin,
faut se mettre aussi à la place… Vous allez voir votre épouse, votre époux, la visiter
trois heures dans la journée dans un lit d’hôpital, elle reste assise, elle dit rien à la
personne. Donc euh… C’est très très compliqué, mais euh… Mais il y a aussi chez
certains patients, c’est pareil pas pour tous, mais il y a aussi du coup une relation qui se
crée de non-verbal entre les proches. Donc on a eu le cas y a pas longtemps d’un
monsieur, c’est pareil, gros troubles phasiques et sa femme était là tout le temps, tous
les soirs avec lui, elle vient avec ses gamins, il rentre tous les week end et il y a une
autre communication, une autre relation qui se crée finalement. Mais ouais c’est
compliqué, on est dans leur intimité ; quand ils nous parlent de leur vie intime c’est
quand même très… Eux-aussi du coup ils ont eu un repli sur soi enfin… C’est un deuil
de la personne qu’ils ont connu avant, la personne sera plus jamais la même, la
communication n’est plus présente donc c’est une autre relation.
Rachelle Nicolier : Hum.
Manon, IDE : Et après c’est comme dans toutes les autres maladies quoi, il y a des gens
qui partent, les gens restent et ils sont encore plus forts après, c’est… Ca c’est en
fonction des cas de chacun quoi.
Rachelle Nicolier : Hum.
Florian Prêtre : Et après on a une petite question… p’tite dernière mais elle est très
générale : selon vous, en quoi l’aphasie d’un résident influe-t-elle sur la relation et, on
fera sur un deuxième temps, sur le soin ?
Manon, IDE : Ben sur la relation soignant-soigné ?
58
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : Ouais, ouais.
Florian Prêtre : Oui.
Manon, IDE : C’est ce que je vous disais : ben c’est à nous de creuser hein. Ca c’est à
nous, après je pense que chacun a son point de vue là-dessus mais là c’est au soignant
de creuser car le patient… Le patient aphasique il viendra pas vers nous quoi. Donc
c’est à nous de prendre le temps, d’essayer de comprendre, d’essayer de créer cette
relation.
Rachelle Nicolier : Et vous la créez comment ? ‘fin vous avez des moyens ou...’fin…
Vous, vous… On a vu qu’il était possible d’utiliser des tableaux après vos formations
qu’est-ce qu’elles vous ont apportée ?
Manon, IDE : Ben c’est euh.. Après c’est des formations assez générales sur les
différents troubles phasiques, sur pas mal de chose… la relation elle se crée bah
d’abord sur la présence, être à l’écoute ‘fin… A l’écoute de leurs besoins tout du moins,
et à leur écoute aussi… Il y a les ergo’ qui dans certains cas mettent en place les
tablettes avec euh… Les tablettes avec des pictogrammes pour les besoins simples
mais euh… Les soucis quand on arrive à utiliser ces outils là c’est que la relation elle
reste après fermée : il veut faire pipi, il nous montre les WC, quand il veut manger il
nous montre un verre…
Florian prêtre : Ouais.
Manon, IDE : La relation elle est vite figée en fait dans ces pictogrammes et je l’utilise
assez rarement…
Rachelle Nicolier : D’accord.
Manon, IDE : C’est pas un outil qu’on utilise fréquemment à cause de ça.
Florian Prêtre : Ah oui ? Vous partez sur autre chose donc ?
Manon, IDE : Bah oui : le non verbal, tout ce qui est à côté quoi. C’est… On a eu une
dame il y a pas longtemps, c’était une petite dame de quand même soixante-douze ans
à peu près, elle confondait tous les mots elle. Elle nous disait qu’elle voulait un verre de
vin rouge c’était la sonnette, c’était le bouton rouge de la sonnette.Eh ben à force c’est
ça, on connait les besoins, elle…
59
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Florian Prêtre : Elle disait : “un verre de sonnette” ?
Manon, IDE : Un verre de vin rouge, parce que le bouton était rouge. Elle utilisait des
mots différents, vous voyez c’est…
Rachelle Nicolier : D’accord.
Manon, IDE : Et c’est.. Ben faut creuser quoi, faut être patient ! (rires) Le jour où on est
fatigué ben on est… Ben c’est d’accord, on se dit “allez tu respires un coup” et…
Florian Prêtre : Mais ça peut être une entrave aussi l’aphasie à la relation ?
Manon, IDE : Ben oui, aux soins aussi !
Florian Prêtre : Ouais…
Manon, IDE : Une entrave à la relation ouais c’est sûr, aux soins ça peut l’être aussi
parce que si la personne n’est pas capable, si vous voyez qu’elle grimace ou n’importe,
et que vous voyez qu’elle n’est pas capable de vous dire où elle a mal c’est… ben voilà,
après c’est à… Si elle vous dit non et que c’est l’inverse, si elle vous dit non parce que
c’est son truc qui fait ça, ben c’est à nous de chercher hein. Ben on va taper l’épaule,
faire tous les endroits… Donc ouais, ça peut être très compliqué. Elle a… hum… Elle
pourra peut être pas nous dire si elle a mal si elle est déprimée si… Ouais, dans le soin
c’est très très compliqué. Donc pour l’évolution du coup aussi du coup, les personnes
qui ont des troubles phasiques en général elle restent plus longtemps, après un AVC
avec troubles phasiques, leur hospit’ risque d’être beaucoup plus longue.
Florian Prêtre : Ah oui ?
Manon, IDE : Ouais parce que c’est… Il y a beaucoup de choses. Il y a d’une part au
niveau des besoins où… Voilà, c’est compliqué… Euh… L’orthophonie c’est très long à
rétablir, et puis le… hum… J’ai oublié ce que je voulais dire. Et puis le repli sur soi aussi
qui peut énormément jouer hein. Quelqu’un qui est déprimé, qui est triste, va pas avoir
la même motivation à aller bosser, aller se lever, à faire ses transferts, sa toilette euh…
(rire) Mais c’est vrai.
Rachelle Nicolier : Moi je voudrais vous poser une question peut être un peu
personnelle, vous me dites sinon, mais j’aimerais savoir ce que vous ressentez quand
60
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
euh… Quand il y a une personne aphasique en face de vous et que vous arrivez pas
à… A comprendre, ‘fin…
Florian Prêtre : Absolument pas ?
Rachelle Nicolier : ‘fin ouais, qu’y ait pas eu le temps d’établir la communication verbale
justement.
Manon, IDE : Ben ça arrive hein comme je vous disais, on tourne tous les deux mois
donc quand on arrive sur le secteur on est un peu dépourvu hein (rire) parce que… Je
me rappelle un patient, je me rappelle une fois qui montrait un… Ben je sais pas ce qui
montrait en fait. Puis au bout de cinq dix minutes c’est vrai qu’on perd nous aussi
patience et le patient… Enfin, lui aussi du coup. Et là du coup la communication est vite
fermée. Ben on va chercher une collègue hein… (rire)
Florian Prêtre : On passe la main oui.
Manon, IDE : On fait appel à un ami quoi ! On est obligé, parce qu’on peut pas laisser la
personne comme ça dans sa bulle et puis… Voilà, voilà, on respire un coup et on
comprend vraiment pas, voilà, montrez moi autrement… Et là c’est du temps,
heureusement les collègues sont là, heureusement, on n'est pas seul dans une équipe
quoi ! (rire) Il y a des avantages de bosser en équipe quand même…
Florian Prêtre : Ca peut être un gros frein à la relation en général donc. Vous pensez
qu’elle peut décourager la relation aussi ? En tant que professionnel ? Arriver à un
moment où, euh…
Manon, IDE : Ouh… Oui, ouais. Eh ben c’est… On est… On est humain quoi, on est…
Tous des jours où on a pas envie, ‘fin… Voilà, on a tous des jours où on est fatigué ou…
On n'a pas envie de venir au boulot, on est moins patient, où on n'a pas envie d’essayer
de comprendre pendant dix minutes ce que quelqu’un veut dire, mais voilà. Ben c’est
ça, c’est, on respire un coup c’est… Ben voilà on est là, non mais… On est là pour la
personne et puis euh… Ouais c’est compliqué. Et puis pour un rien. Voilà on a tous une
image en tête c’est voilà, je claque la porte et… (rires) C’est peut être horrible mais voilà
faut être… ‘fin… Mais non on peut pas faire ça et ça casserait tout ce qu’on a établi
avec la personne avant quoi, c’est important de… Ben de rester patient.
Florian Prêtre : Ouais.
61
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Rachelle Nicolier : Après c’est vrai que… Ici vous avez des formations spécifiques mais,
quand on est dans un service à l’hôpital c’est peut être euh… Peut être plus difficile
d’avoir ‘fin… Moi je sais que par exemple moi je vais en stage je peux être en soins
intensifs de cardiologie ou en traumato où c’est pas des services spécifiques à ces
troubles, ils ne prennent peut être pas…. le… temps aussi de… Ben ils ont peut être
pas la patience de… Après je sais pas si c’est dû à l’habitude ou…
Manon, IDE : Ouais, ça dépend du type de patient, si tu vas dans un service de
neurologie où ils accueillent vraiment les personnes post-AVC direct, dans l’immédiat où
il y a beaucoup plus de gens qui récupérent, ils ont l’habitude aussi et, elles savent au…
Un savoir peut être
plus spécifiques aussi, mais je pense pas que t’es besoin de
formation pour, euh… Pour établir une relation non verbale. C’est… C’est aussi au bon
vouloir de chacun malheureusement et c’est aussi une partie intégrante des soins quoi,
on n'est pas là que pour mettre des changes ou changer les protections quoi.
Rachelle Nicolier : Hum.
Manon, IDE : Donc euh… (rire)
Rachelle Nicolier : Ouais.
Florian prêtre : Bon, ben moi je n’ai rien d’autre à rajouter, je ne sais pas vous mais…?
Rachelle Nicolier : Non.
Manon, IDE : D’accord.
Florian prêtre : Bon, eh bien ce n’était pas si long. Nous vous remercions pour ce temps
que vous nous avez accordé.
62
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Bibliographie
[1] BOUAMRA B. Module neurologie - Les Accidents Vasculaires Cérébraux. UE 2.8 S3
Processus Obstructifs. Besançon : IFPS formation en soins infirmiers, septembre 2013
[2] Cancer.ca. Anatomy du système nerveux central consulté le 08/04/14
http://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-type/brain-spinal/anatomy-andphysiology/?region=on#ixzz2yEJhwP7n
[3] Le cerveau à tous les niveaux. Le langage et la parole. Consulté le 14/04/14
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_10/i_10_cr/i_10_cr_lan/i_10_cr_lan.html
[4] LECOURS A.R ; LHERMITTE F. L’aphasie. France : Flammarion, 1979, 657 p.
[5] CHARTIER M. Rendez-moi mes mots. France : L’ortho édition, 1998, 94 p.
[6] ANDREY-PROST S. Apports théoriques sur les concepts en soins relationnels. UE
4.2 S2 Soins relationnels. Besançon: IFPS formation en soins infirmiers, juin 2012.
[7] IANDOLO C. Guide pratique de la communication avec le patient. Techniques, art et
erreurs de communication. France : Masson, 2007, 224 p.
[8] MONHARDT B. ; PAPILLON P. ; THIRION J. Les soignants et la communication.
France : Lamarre, 2000, 157 p.
[9] LE PETIT ROBERT, Dictionnaires Le Petit Robert, édition 2011, 2837 p, p.113.
[10] MANOUKIAN A. ; MASSEBEUF A. La relation soignant-soigné. Lamarre, 2008, 223
p.
63
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Bibliographie annexe
Sites internet
-
Haute Autorité de Santé : www.has-sante.fr consulté le 14/04/14
-
Infirmiers.com. La relation d'aide : http://www.infirmiers.com/pdf/la-relation-daide.pdf consulté le 14/04/14
-
Ministère de la Santé : http://sante.gouv.fr consulté le 15/04/14
Articles de presse
-
Dossier La relation soignant-soigné / 1- A la racine du soin, Soins, Novembre
2003, n°680, pp 29-52.
-
FLOCHLAY E. La communication aux stades avancés de la vieillesse et de la
maladie. Gérontologie, 2002, n°123, pp. 34-35.
-
GROUSSET S. Définitions et concepts liés au toucher dans les soins. Soins,
Juillet 2009, n°737, pp 30-31.
-
POUSSINEAU G. La bientraitance des personnes âgées au quotidien. L’aidesoignante, Novembre 2009, n°111, pp 18-20.
-
RIOUFOL M.O. Etablir une communication efficace lors des difficultés
intellectuelles, culturelles et affectives. Soins, 2002, n°669, pp 57-58.
-
SAN JULLIAN, M. Relations soignant-soignés : être soignant s’apprend, être
malade aussi. Objectif Soins, Avril 2004, n° 125, pp. 18-19.
-
STRUMEYER C. La bientraitance en EHPAD, l’affaire de tous. Soins
gérontologie, Janvier 2009, n°69, pp 9.
-
TERRAT E. Communiquer, un apprentissage. L'aide-soignante, octobre 2013,
nº150, pp11-22.
64
GAINNET Camille, LAB Clémentine, NICOLIER Rachelle, PRETRE Florian
Ouvrages
-
VANOYE F. Expression communication. France : Broché, 1997, 241 p.
-
VIGAND P. ; VIGAND S. Putain de silence. France : Le Livre de Poche, 1999,
217 p.
Documents
-
APHP, Cabinet MCVA-CNAM. Certification interne des compétences « Relation
de soin en situation de communication altérée » V.7, 14 p.
Films
-
SCHNABEL J. Le scaphandre et le papillon, 2007.
Emissions TV
-
Le journal de la santé, France 5, émission du 4 avril 2011 “L’aphasie, quand la
parole s’enfuit”, invité : Dr Marc Teichmann, neurologue à l'hôpital de la PitiéSalpêtrière.http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-aphasie-unecomprehension-toujours-affectee--3686.asp?1=1
Personnes ressources
- IDE 3AE Neurologie CHRUB Jean Minjoz, 3 Boulevard Flemming, 25000 Besançon
- Heloïse Ducom, étudiante 3ème année orthophoniste UFR SMP 19 rue Ambroise
Paré, 25000 Besançon
- Carol Lab, ICUS (Infirmière cheffe d’unité de soins) Hôpital neuchâtelois, Centre de
Traitement et de Réadaptation, Rue Bellevue 42 2400 Le Locle, Suisse
- Nadine Gainnet, infirmière libérale, 25550 Bavans.
- Christine Barrachin, cadre de santé CHI Vesoul, 2 rue Heymès B.P 409 70014
VESOUL.
65