L`interview Les tracteurs sont devenus intelligents

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L`interview Les tracteurs sont devenus intelligents
l’écho
“
DIMANCHE 20 FEVRIER 2011 / REG01
L’ interview
Les tracteurs
sont devenus intelligents
A l’occasion de l’ouverture hier
du Salon de l’agriculture à Paris, et
celui du machinisme agricole à
Villepinte demain, Hubert Lecoq,
PDG du groupe éponyme,
principal vendeur de machines
agricoles en Eure-et-Loir est notre
invité du dimanche.
réée il y a 153 ans, l’entreprise familiale Lecoq
s’est transformée, durant les trente dernières
années, en un véritable groupe performant de la
distribution de matériel agricole, où la famille
garde sa place à la direction. Lancée dans le village de Boisville-la-Saint-Père, l’activité s’étend aujourd’hui
sur cinq départements. Environ 230 personnes travaillent
quotidiennement dans les différentes structures du groupe.
Quelles sont les principales évolutions technologiques que
l’on peut découvrir au SIMA ?
Le SIMA (NDLR : Salon international du machinisme agricole), c’est l’occasion pour les agriculteurs et les distributeurs
d’être au contact avec les constructeurs et les fournisseurs.
C’est aussi l’opportunité pour eux de faire valoir leurs
attentes, leurs réflexions, sur les évolutions techniques et sur
la qualité qu’ils sont en droit d’attendre. Depuis une dizaine
d’années, nous subissons une véritable révolution. Tant sur le
plan technologique, que sur la structure de l’agriculture ellemême. Si nous étions un million d’agriculteurs il y a une
quinzaine d’années, aujourd’hui il n’y en a plus que 300 à
400 000. Nous sommes dans une région où les agriculteurs
recherchent de la productivité, l’efficience et les résultats
agronomiques. Il y a vingt ans, il y avait deux bras pour
80 hectares. Aujourd’hui, il y en a deux pour
150 à 200 hectares.
Ce salon accueille majoritairement des professionnels,
mais peut-être est-ce aussi l’occasion pour le grand public
de découvrir ces nouvelles technologies...
C
Un jeune qui est en recherche de contacts avec les technologies, peut découvrir des choses sensationnelles.
On n’est en effet plus à l’époque du tracteur de papy...
Non. C’est évident. Le Som 40, ou le Société française, c’est
terminé. Il y a des collections pour cela, notamment au
Compa à Chartres. Aujourd’hui, c’est l’aide à la conduite,
ordinateurs de bord, cartographie GPS, etc.
Vous dites que depuis dix ans c’est une révolution. Quels
sont les facteurs qui ont amené à un tel développement ?
Les tracteurs sont devenus intelligents. L’agriculteur a dû
s’adapter aux fonctionnalités du matériel, aux automatismes,
aux réglages de rendement pour différents travaux dans les
champs... Il y a aussi le confort et l’ergonomie de conduite
qui ont progressé.
Le tracteur se conduit-il tout seul aujourd’hui ?
Oui. Avant, l’agriculteur était obligé de jalonner son champ.
Aujourd’hui, le GPS donne les répétitions de passage et le
tracteur est guidé tout seul dans le champ.
Demain arrivera-t-on à ce que le paysan puisse être au
bout de son champ en train de bronzer pendant que le
tracteur fonctionne tout seul ?
Je ne pense pas. Parce qu’il y a un toujours des problèmes de
sécurité.
Ces évolutions technologiques ontelles un impact sur la
précision des quantités d’intrants dans la terre ?
Absolument. L’agriculteur est de plus en plus respectueux de
l’environnement. Il a même parfois devancé les normes,
notamment en terme de stockage des produits phytosanitaires. Les appareils sont aujourd’hui très précis et vérifiés
régulièrement.
Depuis un certain Napoléon Lecoq
En 1858 est né le groupe Lecoq, avec un premier responsable, Napoléon Lecoq. Avec un nom pareil, on ne peut que
réussir...
Pas besoin d’aller aux Invalides pour voir la tombe de
Napoléon, elle est à Boisville-la-Saint-Père... Je suis la cinquième
génération. Ma fille, ingénieur en génie civil, a rejoint la société
il y a une petite dizaine d’années. Nous avons jalonné les progrès de l’agriculture. Mes arrière-grands parents ont été
des constructeurs, avec des batteuses, des gratouillettes, des coupes-racines. En tout cas,
des matériels propres à notre région. C’était
une agriculture bien différente qu’il fallait
accompagner avec des outils eux aussi
bien différents.
Le groupe Lecoq, c’est 75 millions
d’euros de chiffre d’affaires,
250 salariés, et 250 tracteurs
neufs vendus en 2007...
C’était une très bonne année.
Aussitôt après, 2008, 2009, ce
fut une chute terrible.
Comment se présente l’année
2011 ?
Ça va mieux. L’agriculture céréalière se porte mieux, eu égard à la
remontée des cours.
Les agriculteurs ont-ils encore
de l’argent pour vous acheter des
tracteurs ?
La crise leur a fait beaucoup de mal.
Comme notre trésorerie, notamment
à cause de la loi de modernisation de
l’économie. Il y a aussi eu des incidences de sur-stocks d’occasion...
Résultats, nos besoins en fonds de
roulement ont été terribles. Et on a fait
appel, comme les agriculteurs, aux
banques. Aujourd’hui, ça va beaucoup
mieux.
Sa vie, son œuvre
Hubert Lecoq est âgé de 60 ans. Pas encore retraité, il est à la tête de l’un des
plus grands groupes de vente de matériel agricole. Après avoir passé deux
bacs, un en 1968 (bac D), et en 1969 (bac C), il a effectué des études à l’école
supérieure de commerce d’Angers (Maine-et- Loire). Il entre dans le groupe
Lecoq, qui appartient alors à son père, en 1974 en tant que vendeur. Il devient
ensuite directeur d’une filiale consacrée à l’irrigation avant de prendre la tête
de l’entreprise familiale en 1991.
”
Quel est le prix d’un tracteur moyen ?
Ça peut valoir 80 000 ¤ et jusqu’à 200 000 ¤. La puissance
moyenne que nous vendons dans notre région d’exploitation,
qui part de la Sologne jusqu’au Perche ornais, est de 120 à
130 chevaux.
Y-a-t-il encore beaucoup de concurrence entre les marques,
et se valent-elles ?
J’ai plusieurs casquettes comme la marque Case par l’absorption des établissements Duret et Boulanger dans certaines
bases, mais nous vendons aussi un matériel qui est concurrent
de d’autres bases. Il n’y a pas de mauvais matériel. Là où se fait
la différence, c’est dans l’accueil des clients, notre considération
vis à vis de l’agriculture, et notre présence sur le terrain.
Votre développement sur le secteur s’est fait en rachetant
des concurrents...
Notre progression est horizontale depuis vingt-cinq ans par
absorption, parfois imposée par nos concédants. C’est un challenge que j’ai partagé avec mon père et nos responsables commerciaux. Il a fallu se donner les moyens de cultiver un territoire
qui était parfois délaissé.
Combien y a-t-il aujourd’hui de grandes marques
de tracteurs ?
Il y en a six ou sept majeures. Mais on voit poindre les Indiens...
Ils ont de bons tracteurs les Indiens ?
Non, non. Mais ils ne coûtent pas cher.
On assiste à de plus en plus de vols de tracteurs...
Tous les ans, il disparait trois cents tracteurs, que ce soit chez les
agriculteurs ou dans les concessions. Ils finissent ensuite dans
les pays de l’Est. Ils sont chargés dans des camions. Ils sont mis
volontairement en panne dans nos concessions. Mais aujourd’hui, la même clé peut servir à tout une gamme de tracteurs.
A vous écouter, on se dit qu’il y a un souci chez les constructeurs, si l’on compare le prix d’un tracteur et ce que pourrait
coûter des antivols fiables.
Nos organisations professionnelles sont en train de mener des
actions pour que cela change et qu’il y ait de vrais systèmes de
protection.
Vous êtes un homme proche de la terre, mais on dit aussi
que vous aimez vous envoyer en l’air régulièrement.
Je m’échappe. Je suis pilote privé depuis l’âge de 16 ans, et
formé à Chartres. J’ai été influencé par mon père qui a aujourd’hui 85 ans, et qui vient d’arrêter de piloter avec un bilan de
4 000 heures de vol. Je loue un avion à l’aéroclub de Chartres
et je me balade. Au mois d’août dernier,
je suis allé en Irlande.
Propos recueillis par
FRANÇOIS FEUILLEUX

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