nouveau mode de diffusion ou nouveau média ? » Philippe Couve

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nouveau mode de diffusion ou nouveau média ? » Philippe Couve
La radio sur Internet : nouveau mode de diffusion ou nouveau média ?
Philippe Couve, rédacteur en chef adjoint du site Internet,
Radio France International
Internet a introduit une dimension nouvelle pour la radio, car ce produit a été immédiatement
mondialisé sans aucun coût supplémentaire pour l’auditeur : aujourd’hui, on peut écouter
n’importe quelle radio à travers le monde sans aucun coût supplémentaire, si ce n’est le coût
d’un abonnement à Internet. Par ailleurs, il n’y a pas eu de production spécifique de la part du
diffuseur, seulement des éléments d’encodage technique qu’il a fallu mettre au point. Le
produit, en tant que tel, a pu ainsi être immédiatement mondialisé et mis à la portée de tous,
sans aucune contrainte géographique. Cette nouvelle dimension a permis d’abolir un certain
nombre de barrières qui existaient auparavant.
Cependant, l’audience de la radio sur Internet est encore restreinte aujourd’hui, si nous la
comparons à l’audience globale de la radio via les ondes. Quand nous voulons mettre en avant
le volume d’écoute de la radio sur Internet – comme aux États- Unis où il est dit que 40 % des
Américains ont déjà écouté la radio sur Internet, alors que 80 % d’entre eux écoutent tous les
jours la radio via les ondes – , force est de constater que le marché de la radio sur Internet
reste encore extrêmement limité. Écouter la radio par Internet introduit un certain nombre de
changements que je qualifierais de « révolutionnaires ». Ainsi, nous pouvons écouter un
programme de manière décalée, au moment où nous le voulons : cela exonère de la nécessité
d’être présent au moment où le programme est diffusé.
J’aborderai la question du point de vue des radios traditionnelles qui émettent sur Internet, et
non du point de vue des Web radios qui se sont créées spécifiquement pour l’Internet. Quelles
sont les étapes nécessaires à la mise en place d’une radio sur Internet ? La première étape est
celle de la vitrine de l’entreprise, comme pour toute entreprise ; la deuxième étape, celle du
streaming – système de codage des émissions par paquets permettant une transmission quasi
immédiate – ; la troisième étape, celle de l’audio à la carte, afin de pouvoir écouter son
programme au moment souhaité.
Pour la vitrine de l’entreprise sur Internet, l’apport essentiel est de pouvoir présenter à
l’auditeur des programmes de façon plus complète, par rapport à ceux de la radio via les
ondes.
Le streaming, quant à lui, constitue un nouveau vecteur de la diffusion. Prenons le cas de
Radio France International (RFI) qui émet en dix-neuf langues différentes.
Traditionnellement, les émissions en Chinois de RFI sont diffusées logiquement vers la Chine.
Quand elles sont diffusées sur Internet, les connections proviennent principalement des ÉtatsUnis, du Canada et d’Europe, du fait qu’il y a une diaspora importante dans ces régions du
monde à la recherche d’informations sur leur pays. RFI n’aurait sûrement pas les moyens
aujourd’hui de diffuser ses émissions en Chinois de façon traditionnelle – en FM ou en ondes
courtes – à destination des États-Unis, le public concerné étant trop disséminé. Le vecteur
Internet pour la radio est un idéal pour toucher ce type de public. Le streaming reste un des
premiers motifs de visite des sites de radio, loin devant tous les autres. De plus, le temps de
visite est long : les études américaines indiquent que la moitié des visiteurs sur les sites de
radios demeurent plus de vingt minutes à écouter des programmes.
L’audio à la carte permet de pouvoir écouter les émissions au moment souhaité, de télécharger
de la musique pour l’écouter sur différents supports, comme sur un lecteur MP3. La
désynchronisation permet à l’auditeur de préparer lui-même son programme de radio. La radio
améliorée offre à l’auditeur, outre le son et le programme, un certain nombre de données
complémentaires sur le programme – comme le titre de l’invité accueilli, la personne
interviewée sur l’antenne à un moment donné ou le nom de musique diffusée – , sans oublier
la possibilité de réagir et d’écrire aux différents responsables des émissions. Selon l’Union
européenne de radio-télévision (UER), dans le cadre de l’e-radio, l’auditeur peut composer
lui-même son programme. Un exemple : Yahoo propose des dizaines de milliers d’heures de
programmes parmi lesquels il est possible de choisir son propre programme.
À qui est destinée la radio sur Internet ? À ceux qui écoutent déjà la radio sur les ondes et à
ceux qui ne peuvent pas l’écouter. Pour ceux qui écoutent déjà la radio sur les ondes, cela
permet un accès à la radio sur le lieu de travail, par exemple. Pour ceux qui ne peuvent pas
l’écouter – comme c’est le cas de la diaspora chinoise aux États-Unis qui ne peut pas écouter
RFI –, cela permet de toucher un public clairsemé. Il y a également ceux qui ne connaissent
pas certaines radios et qui peuvent les découvrir via Internet.
Avec la radio sur Internet, tous les concurrents sont à un clic de distance. L’UER répertorie
aujourd’hui 50 000 radios diffusées sur le Net. Des limites financières empêchent cependant
certaines radios d’acheter une bande passante suffisante pour accueillir tout le monde. Il s’agit
là d’un véritable marché de niches. Nous pouvons considérer qu’un auditeur sur deux écoute
aujourd’hui une radio non traditionnelle, celle-ci pouvant lui offrir une palette importante de
programmes. C’est le cas de < Life 365.com > qui est une agrégation de mini-radios faites par
des DJ – aujourd’hui, des milliers de DJ proposent leurs programmes sur le Net.
Pour conclure, je dirais que la radio sur Internet est d’abord du texte – ce qui peut paraître
paradoxal –, et non du son, du fait que le son n’existe pas pour les moteurs de recherche.
Quand on met en ligne un fichier audio, personne ne peut savoir que ce fichier audio existe et
de quoi il parle, s’il n’y a pas un texte qui l’accompagne. Cette donnée clef est une véritable
révolution pour les radios qui doivent apprendre à produire du texte. Certes, jusqu’ici, la radio
n’a pas été fondamentalement modifiée par Internet. Cependant, il existe des initiatives
nouvelles qui méritent une attention particulière. Parmi les radios internationales, la radio
suisse, par exemple, a décidé de renverser complètement la problématique, en devenant un
producteur de contenus dont la radio n’est que l’un des vecteurs. Autre cas, celui de la BBC –
que nous qualifierons plutôt de métamédia – qui a réussi le mariage de la télévision, de la
radio et de l’Internet pour produire autre chose que la simple addition de ces différents
vecteurs.