TRADING PLACES : BDF CONTRE BCE Le départ de M. Jean

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TRADING PLACES : BDF CONTRE BCE Le départ de M. Jean
TRADING PLACES : BDF CONTRE BCE
Le départ de M. Jean-Claude Trichet de la Banque de France pour la BCE, où il prendra la présidence
er
le 1 novembre prochain, a aussi donné l’occasion à une autre course à la présidence, celle de la
BdF même.
On le sait désormais: un pragmatique prudent et timide énarque dirigera la BdF, M. Christian Noyer,
l’ex vice-président de la BCE. Par un drôle hasard, les deux français ont presque changé de bureau
au même moment, un jeu de chaises très suivi dans un monde bancaire qui attend beaucoup des
deux leaders bancaires..
BCE VS. BDF …QUELLE MISSION?
Pour mieux comprendre qui doit faire quoi, rappelons-nous que la Banque de France n’est plus un
acteur de base de la politique monétaire, depuis qu’elle a délégué ce rôle à la BCE…
La BdF, maintenant seulement l’une des 12 BC de l’euro (donc 1 voix sur 18 au Conseil des
gouverneurs) est uniquement responsable de la surveillance de l’activité bancaire en France, tout en
assurant la distribution des liquidités et la fonction de collecte de données statistiques….
Par contre, toute responsabilité au niveau des taux d’intérêts, de la politique du taux de change, des
conditions de paiement et de règlement interbancaire dans la zone euro revient à la BCE, le vrai
maître du jeu…
MR. NICE GUY : LE CHARME DISCRET DE LA MODESTIE….
Parti comme favori dans la course à la BdF, M Noyer, 53 ans, haut fonctionnaire spécialiste des
affaires monétaires s’est finalement vu attribuer ce rôle de gouverneur, tellement convoité par une
dizaine de candidats, plus ou moins opportuns. Mais le professionnalisme et le tempérament discret
de M Noyer l’ont emporté, tout comme son carnet d’adresses à la BCE, datant de l’époque pas très
lointaine où il y était vice-président, main droite de M. Duisenberg.
C’est vrai, même si la BdF n’a plus le même poids, ni le même prestige qu’avant la création de l’UEM,
parce que depuis 1998 elle a dû abandonner au profit de la BCE ses prérogatives de politique
monétaire, la fonction de gouverneur reste toujours très désirée
On dit de M. Christian Noyer qu’il fait partie de cette rare race des hauts fonctionnaires très attachés
au service public…sans pour autant en avoir les subtilités politiques ou de décision de son
prédécesseur. On a affaire à un bon professionnel, un homme parfait pour la situation, surtout en
termes techniques, qui sait très bien gérer et dossiers et négocier en douceur…
Son parcours le recommande comme un spécialiste des affaires économiques : il avait débuté au
Trésor, en 1976, pour en prendre la direction entre 1993 et 1995 (l’ombre de l’affaire Crédit Lyonnais
pèse un peu … ), où il s’est affirmé comme une personne très estimée et très compétente. Sans
choquer par une personnalité trop brillante, M. Noyer est l’homme du juste milieu, un spécialiste qui a
les bonnes compétences techniques et les bons mots pour caractériser une situation.
Après le Trésor, il est passé en 1995 à un poste moins en vue, celui de directeur de cabinet du
ministre de l'Economie et des Finances Jean Arthuis, après avoir déjà conseillé les ministres des
Finances Balladur et Alphandéry. Après 1997, fin de sa mission auprès d’Arthuis, il s’est
temporairement éclipsé de la vie politique (retour de la Gauche au pouvoir oblige), pour y revenir (et
comment !) en 1998: vice-président de la BCE, jusqu’en mai 2002.
C’est pas pour rien qu’à la fin de cette période de 4 ans à Francfort, il est sorti avec un solide surnom,
celui de Mr. Nice Guy! … Le gentil M. Noyer reste mémorable par sa grande discrétion et son bon
sens, souvent en forte opposition avec l’exubérance et l’esprit gaffeur de son supérieur direct, Wim
Duisenberg. Disons qu’ensemble, les deux leaders de la BCE avaient formé un couple redoutable, qui
se complétait réciproquement très bien, un vrai épanouissement pour M. Noyer, l’ancien humble
fonctionnaire de Paris…
Seul épisode dubitatif, l'affaire Crédit Lyonnais et le procès de cet été qui avait laissé espérer à M.
Noyer de rentrer à la BCE en tant que président…mais la vie est faite comme cela, M. Trichet fut
relaxé depuis, alors voie libre pour lui à la BCE… tandis que M. Noyer a dû « se contenter » de la
BdF.
RESTRUCTURATION A LA BDF (LIRE : LICENCIEMENTS)
Alors même que M Trichet fait ses bagages pour Francfort, les jeux ne sont pas faits à la BdF pour M.
Noyer…Car il reste pas mal de boulot à faire rue de la Vrillière, du côté de la restructuration de la
banque centrale initiée par M. Trichet.
Gentil ou non, M. Noyer est maintenant devant une mission très délicate à la Banque de France. Il
s’agit de finaliser le plan de restructuration présenté en avril dernier par M. Trichet et qui concerne un
réseau territorial ancien et désuet d’une institution fondée 11 ans après la Révolution de 1789 ! .. Et
voilà que le temps de la révolution à la BdF arrive, une fois M. Noyer au pouvoir: il devra faire avec la
suppression de presque 2 600 jobs sur 15 000 et la réduction des succursales, de 211 à 96mesures fort impopulaires que M. Trichet avait évitées.
Le principal défi de sa mission de réformateur confirme une forte tendance en Europe: la Bundesbank
aussi s’apprête à fermer 56 petites filiales régionales d’ici la fin 2007, soit 1 800 jobs à éliminer… Mais
rassurons-nous, M. Noyer semble être à l’aise dans ce type de tâche: il avait déjà bien assuré la
réorganisation d’une autre citadelle «inexpugnable» de la bureaucratie financière, le ministère de
l'Economie et des Finances. A l’opposition de M. Trichet, vu comme un grand héros de la lutte antiinflation, M Noyer s’est imposé une réputation de défenseur des marchés libres… tout en étant un bon
négociateur, une personne charmante et très habilitée à aplaner les conflits.
NACH PARIS … VIA FRANKFURT!
Tout va bien qui finit bien: M. Noyer succède à M. Trichet à la Banque de France et il va ainsi
retrouver à la BCE, en tant que l’un des 12 gouverneurs des banques centrales de la zone euro, la
collectivité des leaders bancaires qu’il avait quittée en 2002. Rendez-vous, en pole position, au
Conseil des gouverneurs de la BCE, comme quoi finalement tous les chemins mènent à … Francfort!
CRISTINA VASILESCU