Chasse au corsaire

Transcription

Chasse au corsaire
Chapitres 19-20-21 – La République est un combat
Décembre 1940
La bataille de l’Atlantique (et autres mers lointaines)
Chasse au corsaire
1er décembre
Les aventures du Scheer
Atlantique Nord, 50 nautiques à l’ouest de Bathurst (îles du Cap Vert) – Le “cuirassé de
poche” Admiral Scheer coule le cargo isolé Tribesman (6 242 t). Cependant, le malheureux
transport parvient à émettre un message de détresse que capte la station radio de la Marine
Nationale à Yeumbeul (au nord de Dakar).
Sous dix drapeaux
Atlantique Sud, au large du Brésil – C’est au tour du croiseur auxiliaire britannique
Carnavon Castle d’être gravement endommagé lors un échange de tirs avec le Thor au sud-est
de Rio de Janeiro. Il parviendra à atteindre le 7 décembre le port de Montevideo, malgré une
gîte de 10°. Ironie du sort – sa coque sera réparée avec des plaques récupérées sur l’épave du
Graf Spee. Le croiseur lourd HMS Cumberland est envoyé à la recherche du raider allemand,
sans succès.
2 décembre
Les aventures du Scheer
Bataille des îles du Cap Vert
Dakar, 07h00 – Bien que tronqué, le message du Tribesman est jugé suffisamment grave
pour faire décoller le Laté-302 Cuverville, de l’escadrille E4, avec pour mission d’explorer la
zone présumée du drame. Parallèlement, les contre-torpilleurs Albatros et Milan, en cours
d’avitaillement dans la darse des torpilleurs du port de Dakar, sont mis en alerte à 6 heures
d’appareillage et préparent l’allumage de leurs chaudières.
………
Au large des îles du Cap Vert, 11h36 – Le Cuverville signale à Yeumbeul : « Un sillage
important faisant approximativement route au sud-ouest. » A Dakar, les deux contretorpilleurs passent en alerte à une heure, chaudières allumées, lignes d’arbres virées toutes les
15 minutes.
12h03 – Tout en restant prudemment hors de portée de flak, le Laté-302 s’approche assez
pour identifier « Un cuirassé de poche ou un croiseur lourd allemand » – c’est le Scheer ! Le
Cuverville piste l’ennemi jusqu’à sa limite d’endurance, puis retourne à Dakar refaire le plein.
………
Dakar, 12h42 – L’Albatros et le Milan doublent l’île de Gorée et commencent leur montée en
allure progressive pour atteindre 35 nœuds environ une heure plus tard. Ils savent que
l’adversaire est de taille, mais il n’y a personne d’autre dans le secteur pour intercepter le
raider et celui-ci va s’échapper s’ils ne font rien. Or, il suffirait d’une torpille heureuse pour
que ce soit la curée… « Ma décision a été facile, avouera le C.F. Plumejeaud, du Milan (qui
commande les deux bâtiments). Les Anglais avaient couru après le Graf Spee avec trois petits
croiseurs, nous nous devions de faire mieux ! »
………
Au large des îles du Cap Vert, 13h00 – Le Scheer, qui a détecté le Laté-302, sait qu’il a été
“ploté” et décide de se mettre à l’abri en filant vers l’ouest à 25 nœuds. Il ne peut que
difficilement dépasser cette vitesse, compte tenu des températures de l’air d’admission et de
l’eau de mer de réfrigération, qui font sensiblement baisser le rendement des moteurs diesel
sous ces latitudes. En début de soirée, profitant de l’obscurité et de la proximité des îles du
Cap Vert, Kranke décide d’aller se cacher entre les reliefs pour limiter toute détection radar de
la part de poursuivants qu’il sait sur ses talons.
19h30 – Le Cuverville a été relayé par son confrère le Guilbaud. Au soleil couchant, le raider
est recalé à mi-chemin entre Saõ Tiago et Boa Vista.
21h30 – Les deux contre-torpilleurs arrivent sur zone. Informés de la manœuvre du raider par
le Guilbaud, ils décident de cercler séparément autour de l’archipel, décalés chacun de 180°,
pour ne pas le laisser s’échapper à la faveur de la nuit.
22h00 – Kranke décide de stopper dans le chenal entre Mindelo et Saõ Antaõ, à l’abri des
radars et même de la lune. La silhouette du navire est indétectable.
3 décembre
Les aventures du Scheer
Bataille des îles du Cap Vert
05h30 – Les deux contre-torpilleurs français sont exacts au rendez-vous au sud-ouest de l’île
de Saõ Nicolau.
06h40 – Le Cuverville est à nouveau à pied d’œuvre, alors que Kranke tente de s’échapper par
le sud.
07h15 – Guidés par l’hydravion, l’Albatros et le Milan sont en route de chasse au 220° à 35
nœuds pour barrer la route du Scheer, qui poursuit plein sud à 25 nœuds. Les radars allemands
ont repéré les bâtiments français et Kranke sait qu’il n’échappera pas au combat.
08h02 – Gisement 230°, distance 15 nautiques – le Scheer ouvre le feu de ses 280 mm. A
cette distance, le tir est peu précis mais gêne l’adversaire.
08h17 – Les Français poussent les feux et montent à 40 nœuds en zigzaguant légèrement pour
éviter les gerbes des 280 qui montent de la surface à intervalles réguliers. Les quinze nœuds
d’écart de vitesse leur permettent de se placer directement sur l’arrière du raider, dont une
tourelle de 280 et une partie de l’artillerie secondaire se retrouvent masquées. Le Scheer tente
d’abord de zigzaguer à son tour pour démasquer tous ses canons, mais cela permet aux contretorpilleurs de se rapprocher encore plus vite, et l’Allemand renonce bientôt.
08h43 – Les 138 mm des contre-torpilleurs donnent de la voix. Les 150 mm du corsaire
ouvrent le feu au même moment.
09h10 – Les contre-torpilleurs sont maintenant régulièrement entourés de gerbes qui se
rapprochent dangereusement. Déjà un obus de 150 a arraché un affût de 37 mm du Milan.
09h29 – Les Français se déploient brièvement sur deux routes divergentes, l’Albatros sur
bâbord, le Milan sur tribord, pour pouvoir croiser le tir des torpilles.
09h32 – Feu ! Onze torpilles sont lancées simultanément (six pour l’Albatros, cinq pour le
Milan) et les contre-torpilleurs tentent d’échapper rapidement aux obus du cuirassé. Dans sa
fuite, le Milan voit encore sa plage arrière et les lance-grenades ASM qui s’y trouvent
sérieusement endommagés par un obus de 280 qui explose à bâbord, dans l’énorme vague de
sillage provoquée par les 68 000 chevaux déchaînés de ses machines, tandis que la plage
avant de l’Albatros présente un vide béant jusqu’au puit aux chaînes. Heureusement pour les
Français, Kranke ordonne une manœuvre brutale qui dérègle quelque peu le tir de ses
artilleurs.
09h35 – La manœuvre d’évasive du Scheer réussit de justesse. Deux torpilles explosent sur
l’arrière du raider. L’une des explosions arrache le pare-hélice bâbord, l’autre défonce le
bordé d’un cofferdam et provoque une voie d’eau rapidement maîtrisée.
Kranke laisse échapper un soupir de soulagement : « Ces Français ne manquent pas de
courage non plus… » commente-t-il au Kaleunt Lubanski. « Entre le bulldog qui sort les
crocs et le coq qui se dresse sur ses ergots, je crains que cette guerre ne se prolonge. Il va
falloir que nous coulions vraiment beaucoup de transports. »
Pendant ce temps-là, les deux Français font le bilan des dégâts. Ils seront tous deux envoyés
aux Etats-Unis pour réparations et modernisation. Ils en reviendront en septembre 1941,
transformés en escorteurs océaniques à grande autonomie.
Sous dix drapeaux
Mer du Nord – Le Kormoran (capitaine Detmers) est le premier navire de la deuxième vague
de raiders allemands à partir en opérations. Le navire a terminé ses essais en compagnie du
Bismarck. C’est le premier raider équipé d’un radar, mais celui-ci n’est qu’un prototype qui
ne donnera jamais satisfaction et devra être abandonné. Comme le Pinguin, le Kormoran a été
camouflé en navire soviétique et emporte un lot de mines et de torpilles pour ravitailler des
sous-marins. Son terrain de chasse sera d’abord l’Atlantique central, puis l’Océan Indien.
4-5 décembre
6 décembre
La croisière du Hipper
Bergen – Après une immobilisation forcée d’un mois à Hambourg pour réparer sa propulsion
défectueuse, le croiseur lourd Hipper quitte le fjord pour passer dans l’Atlantique. Il est prévu
qu’il relâche à Brest avant de partir en corsaire sur les océans.
7 décembre
Les aventures du Scheer
Alger – Alors que Kranke, qui commande l’Admiral Scheer, s’inquiète pour sa sécurité,
l’Amirauté française estime manquer affreusement de navires pour chasser les corsaires
allemands ; mais chacun voit midi à sa porte. A la suite de la bataille des îles du Cap Vert, les
Français décident de renforcer leur dispositif naval dans l’Atlantique Sud.
8 décembre
Sous dix drapeaux
Océan Indien – Les corsaires allemands Atlantis et Pinguin ont rendez-vous en pleine mer.
Le pétrolier capturé Storstad les rejoindra le lendemain, car le SKL a prévu de prolonger la
mission des corsaires grâce au carburant capturé. Rogge, commandant de l’Atlantis, apprend à
ce moment qu’il a reçu la Croix de Chevalier (Ritterkreuz) 1. Une fois le ravitaillement achevé
et les prisonniers transférés sur le Storstad (qui doit passer dans l’Atlantique sud pour
ravitailler le Scheer et le Thor avant de regagner la France), les deux corsaires se séparent :
l’Atlantis fait route vers les Kerguelen, tandis que le Pinguin se prépare à donner la chasse
aux baleiniers de l’Antarctique.
1
Krüder recevra lui aussi la Ritterkreuz quelques jours plus tard.
Micronésie, Pacifique – En trois jours, les corsaires allemands Orion et Komet ont envoyé
par le fond plusieurs navires qui attendaient leur chargement de phosphate autour de l’atoll de
Nauru. Ce confetti (une ancienne possession allemande administrée par le Royaume-Uni,
l’Australie et la Nouvelle-Zélande depuis la Première Guerre) exporte 700 000 à 800 000
tonnes de phosphate par an. Le seul regret des deux capitaines allemands est de ne pas avoir
pu débarquer d’équipe de sabotage sur l’île, la mer n’étant pas favorable. Les deux corsaires
se séparent alors pour chercher d’autres cibles.
9 au 13 décembre
14 décembre
Les aventures du Scheer
350 nautiques à l’est du Surinam – L’Admiral Scheer ravitaille auprès du Nordmark et
effectue quelques réparations. Le ravitailleur indique qu’il a beaucoup de mal à éviter les
mauvaises rencontres, Anglais et Français semblent quadriller l’océan, les écoutes radio
notamment sont très inquiétantes. Qui plus est, un message de Berlin a informé Kranke que le
Dunkerque et le Strasbourg, tous deux à la fois bien plus puissants et plus rapides que son
navire, sont à présent basés à Gibraltar, visiblement pour lui faire un mauvais parti…
Tout ce ci est bien inquiétant. Malgré la présence de nombreuses proies sur des latitudes
voisines (les convois New York - Casablanca, qui transportent le matériel américain vers
l’Afrique du Nord, et les convois apportant de la viande et du blé d’Argentine, qui traversent
l’Atlantique Sud entre Natal et Dakar avant de monter vers Casablanca ou l’Angleterre),
Kranke décide de descendre plus au sud sans se faire remarquer.
Sous dix drapeaux
L’affaire des Kerguelen
Iles Kerguelen – Le corsaire allemand Atlantis arrive aux Kerguelen, qui font partie des
possessions françaises de l’Océan Indien (l’archipel dépend du Gouvernement général de
Madagascar), mais qui, pour autant que le sache le capitaine Rogge, sont désertes. Après 252
jours de mer, le navire doit être révisé à l’abri des regards indiscrets, modifier son camouflage
et faire le plein d’eau douce. Rogge a décidé de mouiller dans la baie de la Gazelle. Cette baie
est connue de l’amirauté allemande depuis 1874, lorsque la corvette du même nom était venue
mouiller dans ces parages, suivie par un navire hydrographique une vingtaine d’années plus
tard. Dans cet environnement difficile, c’est l’endroit le plus sûr où accoster, il a d’ailleurs été
baptisé Port-Couvreux. S’ouvrant sur le nord-est et donc protégée à la fois des vents d’ouest
dominants et des bourrasques de neige venues du sud, la baie favorise aussi les opérations de
déchargement. Cependant, son entrée est dominée par une bergerie qui est tout ce qui reste
d’un élevage de moutons fermé en 1932. Les ruines du bâtiment pourraient abriter un poste de
surveillance français et Rogge se méfie.
………
Il a raison ! Depuis le Grand Déménagement, le gouvernement français a décidé de montrer
les couleurs sur le moindre bout de terre français, histoire d’affirmer à ses alliés, à ses
ennemis et surtout aux Etats-Unis, que la Vraie France est présente aux quatre coins du globe.
L’archipel n’a qu’un intérêt stratégique mineur, car il est situé très au sud des voies de
navigation entre l’Afrique du Sud et l’Australie. De plus, il est difficile d’y baser de façon
permanente des avions ou hydravions, car le vent y souffle quasi continuellement : sa vitesse
moyenne est de 35 km/h, mais elle monte fréquemment à 150 voire 200 km/h. Néanmoins,
l’intérêt d’une station météo couvrant le sud de l’Océan Indien est évident (une expédition
comprenant plusieurs scientifiques avait déjà été envoyée sur place en 1939 à bord de l’aviso
Bougainville) et c’est la principale fonction du poste français.
Malgré l’environnement hostile et un intérêt économique plus que discutable, il a été décidé
de relancer un élevage de moutons, afin d’assurer un certain ravitaillement à la garnison, voire
d’expédier le surplus de viande à Madagascar ou la Réunion. Un projet similaire concernant la
pêche a été écarté – si les eaux sont poissonneuses, elles sont trop dangereuses pour de petits
chalutiers et les gros navires n’auraient pas besoin d’accoster aux Kerguelen.
La garnison, de la taille d’une compagnie, joue aussi le rôle d’unité disciplinaire pour
quelques fortes têtes. La nouvelle “compagnie disciplinaire des Kerguelen” a donc été
envoyée sur place au début de l’automne, avec dans ses bagages du bois de construction
(l’archipel est dépourvu de tout arbre), deux générateurs diesels, des fûts de gasoil et deux
émetteurs HF avec leurs mâts 2. Sa mission consiste initialement à remettre en état l’ancienne
bergerie, construire quelques baraques supplémentaires, installer les antennes radio et un
poste de surveillance météo et préparer l’arrivée des courageux bergers.
Le ravitaillement provenant de La Réunion doit être apporté deux à trois fois par… an par le
chalutier armé Aspirant Brun (matricule P45, 65 m de long, 11 nœuds, 3 x 100 mm,
2 x 13,2 mm, 24 grenades), affecté – en attendant mieux – à la liaison avec les Terres
Australes Françaises (l’archipel de Crozet, l’archipel des Kerguelen, les îles Saint-Paul et
Amsterdam).
En cette matinée du 14 décembre, une partie de la garnison française chasse le lapin (introduit
par les Anglais au siècle dernier) pour améliorer l’ordinaire, tandis que l’aménagement de la
petite installation se poursuit.
………
Pour Rogge, la situation ne laisse guère de choix : les abords de l’archipel sont
particulièrement traîtres, interdisant toute approche nocturne. De plus, le commandant du
corsaire n’a pu utiliser son hydravion He-114A-2 pour reconnaître les lieux – le vent soutenu
aurait rendu le décollage et l’amerrissage très hasardeux et l’appareil aurait à coup sûr été
repéré. Ne voulant prendre aucun risque, il a donc fait modifier depuis la veille l’aspect de son
navire en le maquillant en un cargo délabré battant pavillon norvégien, en raison de la
présence dans l’Antarctique des flottes norvégiennes de pêche à la baleine.
À l’entrée du Bras de la Fonderie, Rogge envoie à terre des hommes en reconnaissance, pour
vérifier si les Français n’ont pas établi une station radio. Sa prudence est récompensée, car le
détachement revient rapidement annoncer la présence de soldats vraisemblablement français,
ainsi que celle de deux grands mâts d’antennes et de nouveaux bâtiments en bois jouxtant la
vieille bergerie en pierre. Le capitaine allemand ordonne aussitôt d’activer le matériel de
brouillage radio, dont il fait un usage régulier. Rogge est prêt à une confrontation. Il doit en
effet absolument ravitailler en eau douce et remettre son navire en état. L’Atlantis pénètre
donc dans la baie de la Gazelle.
Chez les disciplinaires, l’approche du navire est aussitôt remarquée. Le passage de leur
ravitailleur n’est prévu que dans deux mois, mais la présence du pavillon norvégien fait taire
les inquiétudes, d’autant plus qu’ils ne comptent parmi eux aucun marin susceptible de
remarquer que leur visiteur ne ressemble pas vraiment à un navire-usine.
La chance semble sourire à Rogge quand tout à coup, malgré les chaloupes qui le précèdent et
sondent la profondeur de l’étroit chenal, l’Atlantis subit le même sort que le cargo français
Lozère douze ans auparavant 3. Il s’empale sur des hauts-fonds et le choc ouvre une déchirure
2
Ces émetteurs, similaires à ceux d’un navire, permettent de communiquer en graphie (morse) sur de longues
distances (les ondes HF se réfléchissent sur les basses couches de l’atmosphère et ont ainsi une portée largement
supérieure aux émissions VHF ou UHF).
3
Le 12 février 1928, au terme de sa troisième campagne de chasse à la baleine, comme il quitte l’archipel avec
un chargement de 1 200 t d’huile produite l’été précédent et estimé à 500 000 francs-or, le Lozère (Compagnie
de 6 mètres de long sur 2 de haut dans la coque externe. La trentaine de soldats français
présents aux abords de la bergerie se rassemblent sur le rivage pour observer le spectacle et
éventuellement porter assistance, inconscients du danger, car les canons du corsaire allemand
sont masqués derrière des sabords. Cependant, l’officier de quart ordonne de signaler la
nouvelle par radio à Madagascar, mais le brouillage radio de l’Atlantis est déjà à l’œuvre.
Rogge envoie une chaloupe à terre pour faire mine de réclamer de l’aide, mais ses hommes
sont lourdement armés. Un bref combat éclate, plusieurs Français sont tués et les autres
capturés, tandis que l’Atlantis pulvérise les bâtiments de quelques salves de 150 mm.
Les Allemands restent maîtres du terrain. Les rescapés de la garnison, en infériorité
numérique et équipés uniquement d’armes légères, se sont repliés sur le Mont de la Vigie,
rejoints par leurs camarades partis chasser et qui ont été alertés par les détonations. Sans abri
et pratiquement sans ravitaillement, ils ne sont pas en mesure de tenter une action contre les
assaillants et doivent se contenter d’espérer que l’absence du rapport quotidien transmis par
radio finira par alerter Madagascar.
Trois jours d’efforts épuisants seront nécessaires aux Allemands pour dégager l’Atlantis du
piège des hauts-fonds, avec l’aide d’une tempête qui soulève le navire. Une fois celui-ci ancré
à Port-Couvreux, entre la réparation de la coque, l’entretien de la machinerie et le plein de
1 000 tonnes d’eau douce, l’équipage ne profitera guère de son premier séjour à terre depuis
neuf mois. Il lui faut aussi se ravitailler en nourriture fraîche (lapins, choux de Kerguelen,
moules), tout en surveillant les alentours pour empêcher toute interférence des rescapés de la
garnison. De son côté, l’hydravion du navire prend des photographies aériennes de l’archipel
et effectue des reconnaissances en mer pour prévenir de l’arrivée éventuelle de navires (le
journal de l’unité a révélé le contact radio régulier avec Madagascar).
15 décembre
16 décembre
Les aventures du Scheer
00°00 N/S. 25°35 W. – Le Panzerschiff Admiral Scheer passe la “Ligne” – l’équateur.
L’équipage se livre aux traditionnelles activités qui permettent de faire des « néophytes
indignes et puants » de « nobles dignitaires du royaume de Neptune. »
17 décembre
18 décembre
Les aventures du Scheer
Atlantique Sud, 250 nautiques à l’ouest de l’île d’Ascension – L’Admiral Scheer capture le
cargo frigorifique Duquesa (8 651 t), venant d’Argentine, avec 3 000 tonnes de viande et…
14,5 millions d’œufs ! Un équipage de prise se rend à bord. Kranke projette d’utiliser le
Duquesa, bientôt surnommé « Les Delikatessen flottantes » ou encore « L’épicerie fine de
Wilhelmshaven Sud », pour ravitailler les navires allemands opérant dans les Mers du Sud.
Générale Transatlantique) s’échoue par très mauvais temps dans le détroit de la Gazelle. L’équipage est recueilli
par des chasseurs lors d’une accalmie mais le navire sombre un mois plus tard, perdant sa précieuse cargaison.
Les naufragés s’abritent dans la bergerie de Port-Couvreux jusqu’à ce que le vapeur Kildalkey les récupère, le
mois suivant.
19 décembre
Un sous-marinier chanceux
Au large du Cap Juby – Le pétrolier Rhône est coulé par le sous-marin U-37 (Oberleutnant
zur See Clausen) au large de l’enclave espagnole de Villa Bens (aujourd’hui Tarfaya), qui fait
partie des possessions espagnoles d’Afrique de l’Ouest. Malgré l’âge vénérable du navire
(1910), c’est une perte douloureuse pour la Marine Nationale.
Le sous-marin allemand est contre-attaqué par l’aviso Chevreuil et les chalutiers ASM
L’Algéroise et La Cherbourgeoise, qui escortaient le Rhône. Après plusieurs heures de
poursuite, Clausen est contraint d’échouer l’U-37, gravement avarié, sur les hauts-fonds sur
lesquels est bâti l’ancien fort britannique de Sea House (ou Casa del Mar), qui se trouve à
moins de cent mètres du rivage lui-même.
Interné par les autorités de Villa Bens, l’équipage sera exfiltré vers Madrid à bord d’un avion
militaire espagnol, au nez et à la barbe des Français. En effet, du fait de la guerre, l’Espagne
utilise régulièrement, pour relier les Canaries, l’ancienne piste du Cap Juby, installée dans les
années vingt par l’Aéropostale et dont Saint-Exupéry fut le chef de poste pendant un an et
demi 4.
Vexée, la France fera clairement comprendre à Franco que le renflouement du sous-marin, au
demeurant bien hasardeux, serait hors de question.
20 décembre
21 décembre
Sous dix drapeaux
Pacifique Sud-Ouest – Les corsaires allemands Komet et Orion se séparent après avoir
ravitaillé à Emirau, près de Kavieng (Nouvelle-Irlande, Iles Bismarck), où ils ont débarqué
plus de 500 prisonniers. Recueillis quelques jours plus tard par un navire britannique, ces
derniers fourniront des informations sur les activités opérationnelles des corsaires, leurs
camouflages et l’utilisation de points de ravitaillement secrets et d’installations japonaises.
25 décembre
La croisière du Hipper
Atlantique Nord, 600 nautiques à l’ouest du cap Finisterre – Le croiseur lourd Hipper est
passé sans problème dans l’Atlantique malgré les patrouilles alliées, grâce à une météo très
mauvaise gênant les reconnaissances aériennes. Dans la nuit de Noël, le Kapitan zur See
Wilhelm Miesel pense qu’il a droit à un cadeau : il repère au radar un superbe convoi de plus
de vingt navires se dirigeant vers le sud. Prudent, il tente un torpillage de nuit, sans résultat.
À l’aube, il découvre avec consternation que ce convoi, le WS.5A (Winston Special 5A), est
fort bien protégé : le croiseur lourd Berwick est certes moins puissant que lui, mais il engage
son adversaire dans le respect des traditions de la Navy… et surtout, il reçoit au bout d’un
moment l’aide de ses équipiers, les croiseurs légers Dunedin et Bonaventure, ainsi que la
corvette Clematis. Après une heure et quart d’échanges de tirs dans d’épouvantables
conditions météo, le Hipper, légèrement touché, renonce. Il a assez sérieusement atteint le
4
Par la suite, la Lufthansa en avait également fait une escale vers l’Amérique du Sud.
Berwick (dont un coup direct sur la tourelle avant qui demandera plusieurs mois de
réparations) et placé quelques obus sur deux marchands malchanceux, qui s’en tireront
cependant sans trop de mal.
Les aventures du Scheer / Sous dix drapeaux
Atlantique Sud, Point Andalusien, 15°S. 18°W. (au nord de l’île Tristan da Cunha) – Le
croiseur auxiliaire allemand Thor et le pétrolier Eurofeld (qui l’a ravitaillé trois jours plus tôt)
sont rejoints par le cuirassé de poche Admiral Scheer et le pétrolier Nordmark. Le SKL
propose aux commandants des deux corsaires d’opérer ensemble, mais la proposition est
rejetée : les deux navires ont des vitesses trop différentes et Kähler, qui commande le Thor,
craint que son navire soit réduit au rôle de ravitailleur et navire-prison pour le Panzerschiff.
Cependant, le Duquesa, ses œufs et sa viande manquent à l’appel. Le Nordmark a de ses
(mauvaises) nouvelles. Il a capté un message du cargo capturé signalant qu’il était sur le point
d’être arraisonné par un patrouilleur allié et qu’il se sabordait. L’équipage de prise a été
pris… Le responsable est le croiseur auxiliaire français El Mansour, qui a eu un joli coup de
chance. Cloué quelques jours à Oran par un problème de machines alors qu’il devait faire
partie de l’escorte d’un convoi pour l’Amérique du Sud, le CF Pesqui, son commandant, en a
profité pour faire boulonner sur le pont un affût double de 25 mm AA (un modèle de l’armée
de provenance peu avouable) et a décidé filer vers l’Argentine sans passer par le Brésil,
prenant une route très inhabituelle qui lui a valu de tomber sur le Duquesa. Pour Kranke,
l’épisode semble confirmer que le réseau de surveillance allié se resserre.
26 décembre
La croisière du Hipper
Atlantique Nord – Le croiseur lourd Hipper , se dirigeant vers Brest, surprend et coule le
cargo armé Jumna.
Sous dix drapeaux
Atlantique Sud – Le Pinguin revient du Pacifique, où il a longé la côte sud de l’Australie,
traversé le détroit de Bass et mouillé des mines sur la côte de l’état de Victoria.
27 décembre
La croisière du Hipper
Brest – Le croiseur lourd Hipper entre au port. Il va y faire réparer les légers dommages subis
à Noël.
Sous dix drapeaux
Micronésie (Pacifique Sud-Ouest) – Après avoir renoncé à mouiller des mines au large de
Rabaul, le Komet va bombarder l’usine de production de phosphate de l’île de Nauru, dont
l’Australie a négligé d’assurer la sécurité. Les installations de chargement sont gravement
endommagées ; la production ne reprendra que dix semaines plus tard et ne retrouvera son
niveau d’origine qu’après la guerre. Le corsaire allemand prend ensuite la direction de
l’Océan Indien, via un large détour par les eaux de Polynésie Française.
Cet incident va avoir trois répercussions, deux prévisibles et la troisième plus inattendue. Tout
d’abord, des convois vont être institués entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ensuite, cette
dernière devra, dans les mois qui suivront, commencer à rationner les fertilisants qu’elle
utilise. Mais cette pénurie va également affecter le Japon, dont le gouvernement, irrité, va
menacer de réduire l’aide qu’il apporte à l’Allemagne !
28 au 30 décembre
31 décembre
Sous dix drapeaux
Micronésie (Pacifique Sud-Ouest) – Le corsaire allemand Orion est à nouveau ravitaillé
dans l’atoll de Lamotrek par le Regensburg et le pétrolier Ole Jacob. Sa machinerie a grand
besoin d’entretien.