No pasarán, le jeu

Transcription

No pasarán, le jeu
L’émission du CNDP et de La Cinquième pour
les écoles, les collèges et les lycées
FRANÇAIS COLLÈGE
Enquête d’auteur
No pasarán, le jeu
LE JEU, RIEN QUE LE JEU,
Éric, Thierry et Andréas donneraient
tout pour un bon jeu vidéo. Ce jeu,
« L’expérience Ultime », c’est un
vieux marchand de Londres qui va
leur en faire cadeau ; un cadeau
dangereux face auquel chacun des
adolescents va révéler
qui il est vraiment.
« Expérience Ultime », un jeu qui va révéler
trois jeunes gens.
© CNDP
Amateurs passionnés de jeux vidéos, Éric, Thierry et Andréas quittent un jour le
groupe d’élèves en voyage scolaire à Londres pour se rendre dans une étrange
boutique : tout pour les joueurs fanatiques à des prix défiant toute concurrence.
Le marchand est bizarre, un vieux fou qui s’en prend à Andréas et finit par
donner à ses deux camarades un jeu qu’il ne connaissent pas, une petite
disquette fantastique qui contient un jeu incroyable, « L’expérience Ultime ».
Cette expérience va conduire les trois jeunes gens, ainsi que leur amie Éléna,
dans les guerres qui ont enflammé l’Europe au XXe siècle : la Première Guerre
mondiale, la guerre d’Espagne, la guerre en ex-Yougoslavie.
La trame narrative, révélée dans ses grandes lignes par l’enquête de cet
épisode de Galilée, les montages de citations et la mise en images du texte
nous permettent de suivre cette extraordinaire aventure dans laquelle sont
entraînés les trois jeunes gens et leur amie Éléna.
Quant à Christian Lehmann, l’auteur de No pasarán, le jeu, il intervient à
plusieurs reprises pour analyser le caractère de ses personnages et expliquer
les raisons qui l’ont poussé à écrire une telle fiction.
Informations
DÉCOUPAGE
00 min 00 s À Londres, lors d’un voyage scolaire, trois adolescents cherchent
une boutique de jeux vidéos (citations, pp. 11 et 13). L’enquêteur
de Galilée présente la situation initiale et les personnages : Éric,
Thierry et Andréas.
01 min 42 s Dans la boutique de jeux vidéos (citation p. 25), Christian
Lehmann définit le caractère de ses trois héros, leurs différences
et leurs points communs. Il annonce aussi l’intervention d’un
nouveau personnage, le marchand.
03 min 00 s Celui-ci introduit une nouvelle thématique (le passé) et réagit
violemment à l’insigne porté par Andréas (citations prises pp. 37 à
39). Il donne un jeu spécial à Éric et Thierry.
04 min 00 s À Paris, les trois adolescents essaient le jeu. Nouvelle intervention
de l’auteur pour évoquer le mystère de ce jeu.
05 min 34 s Au lycée, l’enquêteur présente un nouveau personnage, Élena. Un
cour est perturbé par le malaise de Thierry : il vit sa propre
exécution pendant la Première Guerre mondiale (citations des
pp. 114 et 115) : Thierry met en garde Éric contre le jeu. Christian
Lehmann analyse la prise de conscience d’Éric grâce au jeu.
07 min 52 s Élena et Éric se retrouvent chez Thierry. Une intrigue amoureuse
semble possible, mais l’adolescente est contrariée par ce que lui
révèle le jeu. En effet, elle est d’origine serbe et découvre que son
père est un meurtrier de guerre. Est-elle coupable ou non ?
Christian Lehmann la présente comme la victime d’une idéologie.
09 min 55 s C’est au tour d’Éric de jouer ; la guerre à laquelle il est amené à
participer est la guerre d’Espagne et il va s’y opposer à Andréas.
Des indices trouvent leur explication (l’insigne d’Andréas, le
tatouage du marchand et son but). Christian Lehmann explique
pourquoi il a écrit ce livre. Il ne reste plus à Éric qu’à affronter celui
qu’il croyait son ami.
2
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
CARTE D’IDENTITÉ
Disciplines, classes et programmes concernés en priorité
Français, 4e. Étude de caractères. L’interférence du passé et du présent, du jeu
et du non-jeu : un exemple de fantastique. Les intentions du récit : la prise de
position personnelle.
Autres disciplines ou classes possibles
Français, 4e-3e. Travail d’argumentation sur le thème des jeux vidéos, de la
guerre, du mal.
Objectifs de l’émission
L’émission est construite autour des trois adolescents et de leurs réactions. Il
s’agit de faire réagir les élèves et de les mener à prendre conscience qu’eux
aussi doivent prendre position face aux expériences des personnages, face aux
guerres présentées et, au-delà, dans leur vie présente et à venir, face à ce qui
ce présentera à eux.
Principaux thèmes abordés
La prise de conscience de chacun face aux guerres, la nécessaire prise de
position de chacun face au mal.
Différentes guerres apparaissent tour à tour : la Première Guerre mondiale, la
guerre en Yougoslavie, la guerre d’Espagne (le roman se termine par une
évocation de la déportation).
Représentations préalables à prendre en compte
Le récit de Christian Lehmann est un récit complexe, qui confronte le présent
des adolescents à différentes époques d’un passé plus ou moins proche.
Il semble important de vérifier que les élèves parviennent à distinguer ces
différentes époques et fassent la différence entre ce qui relève du jeu (avec ses
époques) et ce qui n’en relève pas (voyage à Londres, lycée, amour naissant
entre Éric et Éléna). Il est donc nécessaire que les élèves aient déjà été
confrontés à des récits complexes.
Vocabulaire pré-requis
Vocabulaire de la narration : auteur, personnages, caractères.
Vocabulaire à expliquer
Point de vue (dans une argumentation), argument, thèse.
Vocabulaire à mettre en place
Engagement, implicite.
3
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
En classe
SUGGESTIONS PÉDAGOGIQUES
Ø Démarche : prendre position et argumenter
Français, 4e-3e
• Les raisons de l’écriture : une idée d’engagement. Après avoir montré
l’émission dans son ensemble, on pourra demander aux élèves de résumer
brièvement ce qu’ils ont retenu de l’histoire racontée dans No pasarán, le jeu ;
ce qui permettra de mettre en lumière le mécanisme fantastique qui transforme
le jeu en réalité, dans laquelle évolue les joueurs, mais surtout de faire ressortir
le thème de la guerre à laquelle tous les personnages sont confrontés.
Suite à ce premier retour sur l’émission, on demandera aux élèves un second
travail de mémoire et de reformulation, centré, cette fois, sur les interventions
de Christian Lehmann. Qu’ont-ils retenus de ses apparitions à l’écran (à propos
des personnages, des thèmes et surtout de ses intentions d’écriture) ? Cette
reformulation pourra être l’occasion d’un premier débat : se sentent-ils
impliqués, pris à parti par Lehmann ? Pensent-ils qu’une telle histoire peut les
amener à réfléchir et prendre position ? Ce pourra être aussi l’occasion de leur
présenter ce qu’a été et ce qu’est encore l’engagement des écrivains.
• Faire réagir et réfléchir. On montrera une nouvelle fois l’émission en
demandant aux élèves de s’intéresser essentiellement aux interventions de
Christian Lehmann (cf. Fiche élève 1). Il s’agira désormais de leur demander de
préciser leurs souvenirs vus précédemment, de les vérifier et d’analyser plus
précisément les moyens employés par l’auteur pour défendre sa conception de
la littérature et ses intentions d’écriture.
Puis, on les amènera à exclure les deux premières prises de paroles de
Lehmann pour se concentrer sur les trois suivantes : dans l’ordre, en effet, il
analyse les caractères et le fonctionnement du groupe des adolescents, puis il
évoque la « bizarrerie » du jeu donné par le marchand ; mais c’est lorsqu’il
évoque la prise de conscience de Thierry de la réalité de la guerre qu’il
commence à prendre à parti ceux à qui il s’adresse (« nous », questions) ; il
développe ensuite un argument selon lequel Élena, d’origine serbe et fille d’un
meurtrier, est une victime de la guerre ; enfin, la dernière apparition de
Lehmann est l’occasion pour lui de s’adresser directement aux adolescents, à
ses lecteurs. Il sera intéressant de prolonger un exercice de lecture de
l’argumentation et de ses moyens par des mises en situation d’argumentation :
position des élèves par rapport aux propos de Lehmann. L’enseignant pourra
aussi proposer, si le livre a été lu par la classe, une confrontation de ces
déclarations d’intention avec le livre tel que les élèves l’ont lu.
• Prolongement sur l’engagement. Puisque les nouveaux programmes de 3e
préconisent l’étude de la poésie engagée (au XIXe ou au XXe siècle), l’étude des
4
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
intentions de Lehmann pourra ouvrir sur une séquence sur l’engagement et sur
différents exemples d’œuvres engagées, ce qui permettra d’étudier les
mécanismes de cette expression littéraire et ses diverses expressions
(cf. Compléments).
Ø Activité : étudier les personnages
Français, 4e
• Portrait groupé de trois adolescents d’aujourd’hui. Lors du visionnement du
film, on attirera l’attention des élèves sur les personnages tirés du roman
(cf. Fiche élève 2). Une première étape du travail consistera alors à faire établir
les liens qui existent entre Éric, Thierry et Andréas. Les trois personnages de
No pasarán sont très liés par leur âge ; ils sont dans la même classe au lycée
(cf. la séquence du malaise de Thierry) ; ils partagent bien sûr une passion
commune, celle des jeux vidéos. Remarquons enfin que, lorsqu’ils vont à la
boutique londonienne dans laquelle leur est donné le jeu fantastique, c’est
parce qu’ils ont quitté ensemble le groupe du voyage scolaire qui les a menés à
Londres.
• Le groupe et l’individu. Toutefois, si les personnages sont présentés en
groupe, et si leurs ressemblances sont importantes, cela ne sert qu’à mieux
faire ressortir leurs différences et leurs individualités. Lorsqu’il apparaît pour la
première fois dans le film, Christian Lehmann souligne ce double rapport de
proximité et d’éloignement des trois garçons. Les élèves pourront étudier tout
ce qui les différencie : dans leur rapport au jeu, dans leurs attitudes, voire
même dans l’aspect physique et vestimentaire des comédiens choisis. Une telle
étude débouchera sur de nouvelles alliances, entre Thierry et Éric, entre Éric et
Éléna, alliances dont semble exclu Andréas, le solitaire du groupe si l’on peut
dire.
On pourra aussi demander d’étudier comment le groupe, uni au départ, se
déssoude peu à peu pour laisser apparaître les individualités : trois amis se
dégagent d’un groupe plus important, l’un d’eux est désigné par le marchand,
mais les autres le soutiennent et font corps contre le vieil homme ; à son tour,
Thierry met Éric en garde contre d’Andréas ; enfin, le dernier face à face des
deux adolescent n’est plus amical, mais se présente sous la forme d’un
affrontement forcément mortel pour l’un d’eux.
• La guerre, lieu de l’individualisation maximale. On pourra enfin étudier plus
précisément ce que le jeu révèle de chaque personnage et, notamment, de
l’histoire familiale de chacun d’eux.
– Boisdeffre, le nom de famille de Thierry dans le roman de Christian Lehmann,
est aussi celui d’un général de la Première Guerre mondiale dans laquelle le
jeune garçon va être plongé.
– Éléna est directement liée à la guerre en ex-Yougoslavie par les exactions de
son père auxquelles la confronte le jeu.
– Quant à Éric, il s’intéresse à la guerre d’Espagne, en partie grâce à son frère,
casque bleu en ex-Yougoslavie.
5
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
– Reste Andréas dont le prénom porte en lui des sonorités germaniques et dont
le père a des accointances avec l’extrême droite (cf. pp. 95 à 98).
Bien sûr, ce sont les valeurs propres à chacun des personnages que ce jeu va
révéler au lecteur, mais aussi, en quelque sorte, à eux-mêmes : les qualités de
stratège et de chef de troupe de Thierry, les qualités humaines de dévouement
d’Eric et les valeurs égoïstes, le goût du pouvoir d’Andréas. Il semble que
chacun des trois garçons accède, grâce au jeu, à la conscience de ce qu’il est
et de ce qu’il aime, et, en fait, passe de l’enfance à l’âge adulte. Et ce passage
s’opère par un choix « politique », un positionnement dont parle Lehmann pour
finir ses interventions.
Ø Activité : lecture de l’image : le réel et le jeu
Français, 4e
• Les deux univers. On pourra demander aux élèves de définir ces deux
univers : le monde réel et celui de l’ordinateur. D’un côté, des êtres vivants, des
lieux connus, quotidiens et familiers et, en cela, rassurants (Londres, une rue,
un lycée, chez Thierry, etc.) ; de l’autre, des chiffres (ceux sur lesquels s’ouvre
l’émission ou ceux qui défilent lorsque Thierry vérifie la disquette), des images
virtuelles (les roquettes), le monde de l’ordinateur.
• Une frontière qui n’en est pas une. Mais, en réalité, à cause du jeu offert par le
vieux marchand, ces deux univers vont se rejoindre, s’imbriquer et effacer la
frontière qui devrait les séparer :
– d’un côté, bien sûr, le jeu devient réel : les roquettes sortent de l’écran ; en
classe, Thierry se fait mitrailler par des soldats de 1914-18 ; le visage du père
d’Éléna se voit en surimpression sur le sien ; Éric n’a même plus besoin de
regarder l’ordinateur et ferme les yeux pour se plonger dans la guerre
d’Espagne.
– de l’autre, plusieurs images montrent les personnages vus depuis l’intérieur
de l’ordinateur, ce qui inverse la perspective (comme s’ils étaient entrés dans la
machine, et devenus leurs prisonniers).
6
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
FICHE ÉLÈVE 1
Provoquer la réflexion
[À utiliser en français, 3e, après avoir visionné une première fois l’émission.]
1. Dans cette émission, vous avez vu Christian Lehmann parler de son livre.
Qu’avez-vous retenu de ces apparitions à l’écran ?
[Les élèves doivent prendre connaissance de la suite des questions avant de revoir
l’émission en étant particulièrement attentifs aux propos de l’auteur.]
2. Remplissez le tableau suivant.
1
2
3
4
5
Thème de l’intervention
Résumé ou phrase
marquante
S’agit-il d’un argument ou
d’une prise de position ?
Lehmann attend-il une
réaction ou une réflexion
de votre part ?
3. Lorsqu’il évoque la guerre de 14-18 et la prise de conscience de Thierry,
Lehmann emploie un adjectif possessif qui vous implique directement dans ce
propos.
Quel est cet adjectif possessif ?
Quel autre moyen emploie-t-il pour que vous réagissiez ?
Que vous demande-t-il ?
4. De quoi Élena est-elle une « victime » ? Pourquoi ?
Pour quelle raison peut-on se demander si elle est bien du côté des victimes de
la guerre bosniaque ?
5. Dans la dernière apparition de Christian Lehmann, c’est un nouveau pronom
personnel qui est employé pour s’adresser à vous ? Lequel ? Quel effet produit
ce changement ?
7
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
FICHE ÉLÈVE 2
Le groupe et l’individu
[À utiliser en français, 4e, après un premier visionnement de l’émission.]
1. L’émission que vous venez de voir vous a présenté les trois personnages
principaux du roman de Christian Lehmann, No pasarán, le jeu.
Pour dresser le portrait de ces personnages, complétez le tableau suivant.
Éric
Thierry
Andréas
Aspect physique
Détails
vestimentaires
Type de jeu préféré
Éléments de
caractère
Guerre rencontrée
2. Pouvez-vous trouver pour chacun des trois personnages principaux une
raison justifiant dans quelle guerre il est projeté ?
3. Les trois adolescents forment-ils un groupe au début de l’émission ? Et à la
fin ? Comment expliquez vous l’évolution des relations entre eux ?
4. Quel rôle joue le vieux marchand dans cette évolution des rapports entre les
trois jeunes gens ? Expliquez ce que veut dire Christian Lehmann quand il
explique que ce personnage est en quelque sorte « une sentinelle ».
8
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
Documentation
COMPLÉMENTS
1. Jeux vidéos et débat sur la violence
Florent est un passionné de jeux vidéos : le dernier modèle, tower keeper,
particulièrement violent, le réjouit au plus haut point.
« Il y revenait. C’était lourd. Antonin n’aurait pas trop su dire pourquoi. Après
tout, c’était un jeu vidéo éclatant, Tower Keeper. Il avait assez fait la scie pour
l’avoir. Et ne l’avait pas eu. C’était le jeu du siècle, comme ils disaient dans
Joystick. 19 sur 20 en jouabilité.
– Tu peux attacher la fille sur la table, reprit Florent, les yeux fixes comme s’il
voyait la scène. Elle se tortille quand tu la baffes. Mais si tu la baffes trop, elle
crève. Faut doser. […]
– Ma sœur est contre, bougonna Antonin. C’est à cause de la pub du jeu : “Fais
le mal. Réveille le monstre qui est en toi.”
– Et alors ? s’étonna Florent, qui ne voyait pas où était le problème.
Alors, Marianne avait fait à son frère tout un prêchi-prêcha de fille, qu’on ne doit
pas s’identifier au mal, qu’il ne faut pas incarner un héros négatif, que c’est
affreux de torturer les gentils. […]. Elle avait dit : “Le bien, le mal, ça existe.
Des gens qui torturent des femmes et des enfants, ça existe aussi. Alors, il y a
des choses qu’on ne fait pas, même pour jouer sur un écran.”
– T’as fait la rédac’ pour Tarin ? demanda Florent.
– Commencé.
En fait, Antonin n’avait écrit que la première phrase : “Faut-il avoir peur des
livres qui font peur ?” Après, il n’aurait plus qu’à replacer tous les arguments de
Mme Ratin. Elle avait fait deux colonnes : le pour et le contre. Contre, c’était :
“Attention à la surenchère d’horreur. On s’habitue à des scènes de plus en plus
violentes, on recherche des sensations de plus en plus fortes et on a le
jugement faussé.” Elle avait dit ça : “Le jugement faussé”. Personne n’avait
compris et personne n’avait demandé à comprendre. Parce que tout le monde
s’en fout du jugement faussé. C’est du prêchi-prêcha de fille, et si on ressort
des trucs pareils à la récré, on se fait traiter de lopette.
Plus tard, Antonin discute a nouveau avec elle de sa rédaction.
Il commençait à penser qu’il était un peu grand pour qu’on l’envoie se coucher à
neuf heures et demie. Du reste, il était devenu expert dans l’art de se trouver
quelque chose d’urgent à demander à neuf heures vingt-sept.
– Marianne, t’es pour ou t’es contre les livres d’horreur ? questionna-t-il, sur le
seuil de la chambre de sa sœur. […]
– Je pense que… les enfants ont toujours lu des histoires qui font peur. BarbeBleue, ça fait peur. Mais il y a une limite à ne pas dépasser.
– Quelle limite ?
9
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
Marianne réfléchit encore. Neuf heures trente. Antonin guettait les chiffres
rouges du radioréveil.
– Avoir peur, quand on maîtrise sa peur, c’est amusant, reprit Marianne. Mais
dans les romans d’horreur, il y a souvent une dimension sadique qu’on ne
maîtrise pas.
Elle scruta son frère du regard. Pouvait-elle s’aventurer jusque-là ?
– Il y a des scènes fascinantes… et dégoûtantes, de torture, de mutilation, de…
de… On peut lire ça avec un certain plaisir, un plaisir malsain. Tu comprends,
prendre plaisir à la souffrance des autres, s’habituer à ce sentiment-là, c’est
dangereux. Après, dans la vie, dans la réalité, on peut en avoir le jugement
faussé.
Antonin rigola. “Le jugement faussé” : les adultes se donnaient le mot ou quoi ?
Neuf heures trente-cinq.
– Ce n’est pas parce qu’on a vu un film où un type fouette une fille qu’on va
faire la même chose en classe, le lendemain, argumenta Antonin.
– Nnnnon, hésita Marianne. Mais ça peut te rendre brutal ou indifférent. Tu
peux penser que les filles aiment être battues.
De nouveau, elle observa son frère. Il était trop jeune pour ce genre de
conversation.
– Certaines images de violence, de sadisme, peuvent choquer, reprit-elle, et
même vous influencer. On garde ces images devant les yeux. Ça tourne à
l’obsession. Certaines personnes, qui ont été traumatisées ou qui n’ont pas été
aimées dans leur enfance, peuvent passer à l’acte. Faire comme sur cette
image. »
Marie-Aude MURAIL, Amour, vampire et loup-garou, © L’École des loisirs, 1998.
2. Une approche de l’engagement : Didier Daeninckx
« L’engagement tel qu’il a été vécu par les intellectuels français pendant plus
d’un demi-siècle est marqué par le geste magnifique de Zola avec le texte
J’accuse au moment de l’affaire Dreyfus. La figure de Zola hante l’inconscient
des écrivains, comme sa manière de se dresser à un certain moment, d’être
dans le refus et de dire : “J’ai choisi et mon combat est le bon.” Or, si, pour
Zola, le choix a été juste et légitime, en revanche, pour bon nombre
d’intellectuels qui, comme lui, se sont dressés et ont dit : “J’accuse et je montre
le chemin”, le chemin se révéla moins bon car moins rectiligne qu’ils ne le
prétendaient. […]
Voici donc les impasses d’une telle attitude : généreux dans ses prises de
position, un écrivain peut se brûler à la flamme qu’il tend pour éclairer les
autres. Je me vois, pour ma part, beaucoup plus comme une sorte d’irrégulier
et de franc-tireur, je n’ai jamais voulu délivrer un message, je n’ai jamais voulu
dire aux gens : “Pensez comme moi.” Mon engagement, il est dans les sujets
que j’aborde, le choix des Canaques, du 17 octobre 1961, des mutins de 1917.
Il consiste à dire : “Voilà ce qui s’est passé, il y a des gens qu’on a privés de
parole, il y a tout un tas de failles dans l’histoire qui doivent être regardées de
près parce qu’elles expliquent en partie ce qu’on est, ou ce qu’on aurait pu être
aussi.” Je mène des combats, mais je dis toujours que je les mène non en tant
qu’écrivain, mais en tant que citoyen. »
Didier DAENINCKX, Meurtres pour mémoire, © La Bibliothèque Gallimard, 1999.
10
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
POUR EN SAVOIR PLUS
À lire
DAENINCKX Didier, Meurtres pour mémoire, Gallimard-Éducation, coll. « Folio
noir » ou « La Bibliothèque Gallimard », 1999. Pour étudier une certaine
conception du récit engagé contre le nazisme et ce qu’il en reste aujourd’hui
encore. Du même auteur on peut citer entre autres Les Figurantes (Librio), La
Mort n’oublie personne (Folio) ou ses nouvelles (Passages d’enfer, Denoël).
LOU Virginie, Le Miniaturiste, Gallimard-Jeunesse, coll. « Page noire», 1998. On
retrouve dans ce roman noir un jeu qui révèle les joueurs et qui se fait en
échange de la perte d’un élément de son humanité.
L’ordinateur pour lire et écrire au collège, CRDP de Lille, 1999, réf. 590 MP045,
130 F. Brochure de 176 p.
Je... Tu... Ils... lisent des histoires jusqu’au bout, pédagogie différenciée pour la
lecture d’un roman, CRDP de Nancy, CDDP de la Meuse, 1996. Tome 1 :
réf. 550 B0007, 140 F, 110 p. Tome 2 : réf. 550 B0004, 160 F, 149 p. Tome 3 :
réf. 550 B0008, 160 F, 121 p.
À utiliser
La Poursuite infernale, CNDP, 1998, lic. mono. réf. 755 02578, 220 F, lic. établ.
réf. 755 02579, 600 F. Logiciel PC : récit dont le lecteur est le héros. Pour
susciter l’envie et le plaisir de lire, un choix de situation et de lecture
authentiques et motivants.
ð Les références renvoient aux productions du CNDP.
11
Galilée : No pasarán, le jeu © CNDP 2000
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
Ouvrage étudié
Diffusion
Conception
Auteur/réalisateur
Durée
Public
Indexation
Christian Lehmann, No pasarán, le jeu, Écoles des
loisirs, coll. « Médium », 1996.
Vendredi 4 février 2000 / La Cinquième / à partir de 9 h
Claudine Cerf assistée d’Émilie Faggianelli
Christophe Barraud
13 minutes
Français, 4e
Descripteurs Motbis : Fantastique : genre – Jeu vidéo –
Littérature de jeunesse – Militantisme – Roman
OBJECTIFS DE LA SÉRIE ENQUÊTE D’AUTEUR
Cette série se veut une incitation à la lecture de romans de genres différents
(policier, fantastique, aventure, historique…), mais qui appartiennent tous à la
littérature contemporaine pour la jeunesse, et dont les auteurs figurent sur la
liste recommandée par le ministère. Il s’agit donc de faire voir pour faire lire.
L’évocation des intrigues est elliptique et se présente sous forme de puzzle :
des bribes d’histoires s’assemblent peu à peu, se croisent avec des fragments
de lecture ; l’auteur lui-même vient arpenter les lieux de sa fiction et nous
familiarise avec ses outils d’écrivain. Curiosité en alerte, construction de sens,
anticipation…, les moteurs principaux de la lecture active sont mis en marche et
le fin mot de l’intrigue, bien sûr, n’est pas dévoilé.
Auteur : Marianne Genzling
Coordinateur pédagogique : Yvan Amar
Correctrice : Catherine Maugé
Assistante d’édition : Séverine Blondeau