Écnrrs EN cARAcrÈnns ARABES

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Écnrrs EN cARAcrÈnns ARABES
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES SUR
LES MANUSCRITS EN LANGUE TAMAZIGHT
Écnrrs EN cARAcrÈnns ARABES
AIi AMAHAN
Ministere de la Culture -
Rabat
L'interêt des chercheurs pour les manuscrits tamaZighl en caractères
arabesremonte au XIXe siecle.Dejà en 1856, Baron de Slane, traducteur de
I' Histoire des Berbèresd'lbn Khaldln, avait traduit deux chapitresde Bahr al
D u m u ' < L ' O c é a nd e sP l e u r s >( G a l a n d - P e r n e t1, 9 7 3 ,p . 3 7 0 ) .A l a f i n d u X l X e
siècle(en 1896 et 1897), D. J. Luciani publia dans la Revue Africaine, une
cuvre entièrement ecrite en tamazight : al-Hswd <Traite de Fiqh> de
'Ali AwzáI. Cette ceuvre avait ete composeeau debut du
Muhammad ben
XVIIIe siècle. D.J. Luciani a publie la transcription du texte en caracteres
latins, accompagnéed'une traduction en frangais et d'une note de présentation sur I'auteur et sur son cuvre, qui met en relief les relationsexistantentre
Awzál et le maïtre de Tamgrut (Luciani, 1986, pp. 93-245,304-351et 1987,
pp.34-67).
Dans son Essaisur lu littérature des Berbères, H. Bassetrévele d'importantes informations sur les écrits en tomazight aussi bien chez les Mozàbites
que chez les Imazighn du Sud marocain (H. Basset,1920,pp. 64-66et 75-81).
A. Bassetconsacredeux articles à des extraits en berbère du Sud algérien, tirés
d'une chronique ibádite anonyme (T. Lewicki, Revue des Etudes Islamiques,
1934, pp. 275-305). Cette chronique arabo-amazigh ibádite n'est pas sans
rappeler la fameuse Mudawwana d'lbn Gháním, non encore publiée mais
mentionnéepar de nombreux auteurs (C. Motylinski, 1983,p. 94; H. Basset,
1920, pp. 64-66), et que j'ai eu la chance de consulter dans une bibliotheque
privée : il s'agit de I'cuvre arabo-berbèrela plus importante que je connaisse
à ce jour. C'est un volume de plus d'un millier de pages.Cependant,la copie
que j'ai examinee,relativementrécente,remonte aux années1830.
Les extraits étudiés par T. Lewicki évoquent, de même, ceux contenus
dans le Kitab al-AnsZá, chronique almohade de al-Baydaq (Lévi-Provengal,
1928), dont la traduction n'est guere satisfaisante; (la traduction de nombreux termes a été omise, seul un sens approximatif a été donné).
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En 1960, B.H. Stricker a publié la deuxième Guvre d'Awzàl : Bahr
al-Dumu' <L'Océan des Pleurs> (que H. Jouad a traduite : "Mer des
L a r m e s " ) ( H . J o u a d , 1 9 8 7 ,p . 2 8 ) .
L'auteur de cette publication reconnait la faiblessede la traduction frangaise du texte qu'il a faite à partir d'une traduction en arabe, réaliséepar Si
Brahim al-Kunki, alors répétiteur, à I'lnstitut des Hautes Etudes Marocaines,
et assistantde A. Roux. Cette double traduction, source de faiblessedu texte
frangais qui présenteparfois des contre-sens,a conduit I'auteur à avouer luimême, que ce travail etait à reprendre :
<L'edition que nous livrons au public savant doit être considéréeà certains égards comme provisoire. Nous presentonsun texte que nous croyons
bien établi, une traduction qui pourra servir de point de départ pour lesétudes
ulterieures>(Stricker, 1960, p. XII). A titre d'exemple, indiquons la traduction du troisième vers :
<Bénedictionet salut sur toi. Ó Prophète Ahmad !
<<m'adressant
à lui-même, à sesenfantsetc...)).Elle paraït totalementerronée.
ll aurait peut-êtrefallu traduire :
<Sur toi, ó Prophete Ahmad !
<(sur) lui, sesenfants. ses femmes etc...))
Nous pourrions en multiplier les exemples.
La publication comporte le texte amazigh, transcrit en caractèresarabes
conformes à la graphie du manuscrit d'Alger, et une traduction en frangais.
cependant, de trop rares notes explicitent le texte, et ce manque se ressent
singulièrement.
Dans un article publié en 1972 dans le Journal Asiatique, p. GalandPernet nous donne une idée assezclaire sur les manuscrits tamazight conservés
à la Bibliotheque Générale de Rabar. L'auteur a dénombré treize volumes
rassemblantchacun plusieurscopiesd'cuvres différentesdont la plupart sont
déjà connues, telles cellesd'Awzàl : al-Hawd et Bahr al-Dumu' qui en constituent la plus grande partie. Dans la deiniere partie de son article, p. GalandPernet se réfère aux Guvres d'AwzáI, précisant leur place et leur importance
dans ce domaine. Elle souligne,de même, le peu d'intérêt que les spécialistes
berbérisants accordent aux manuscrits amazigh :
<D'autre part, la plupart des jugements actuels sur la littérature écrite
chleuh se font, dans la tradition de René Bassetet d'Henri Basset,à partir du
lro*d, du .Po.èmede Qabi et du debut du Bohr. Il a fallu attendre l'édition que
M.B.H. Stricker nous a donnée en 1960 du Bahr ad-Dumfu,, (...) (Galand_
P e r n e t ,1 9 7 1 ,p . 3 1 6 ) .
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Madame Galand-Pernet a egalement publie une etude sur les manuscrits conservesà la Bibliotheque Nationale de Paris (Galand-Pernet, 1973,
pp. 283-305). Dans cet article, elle dresseun historique de la constitution du
fonds de manuscrits en tamazight de la Bibliothèque Nationale de Paris. Ainsi
nous apprend-elle que J.D. Delaporte, ayant fait don à cette bibliotheque de
I'essentiel des ouvrages qui en constituent le fonds, est un précurseur. En
effet, gràce à sestravaux et à ce fonds auquel il a contribué pour une grande
part, les premièresetudessur les manuscritstamazight ont pu voir le jour. De
Slane lui-même, s'est inspire des travaux de Delaporte.
Dans cette publication, P. Galand-Pernet presentechaque volume, les
cuvres qui le composent, tout en indiquant la date de la copie, le nom de
I ' a u t e u r ,e t c e l u i d u c o p i s t e .E n p l u s d e s c u v r e s d ' A w z á 1 ,e l l e s i g n a l ec e l l ed u
Qabi, le commentaired'al-Burda et le Maz.ghde Brahim ben Abdallah Aznag
(de son nom arabisé al-Sanhágr). Luciani avait dejà mentionné le nom
d'Aznag (1882, pp. 176-171),comme de nombreux berberisantsaprès lui.
Cependant, tous s'accordent à souligner les relations d'Aznag avec le maitre
de la rywiya des Bni Wissa'dn, sans considérerson Guvre qui fut réellement
déterminante pour les euvres amazigh ultérieures. Nous reviendrons sur ce
point.
En 1977, fut publiée une secondecopie d'al-Hawd, cetÍefois-ci non pas
par un orientaliste, mais par un erudit issu du milieu culturel dans lequel
I ' c u v r e a e t é p r o d u i t e ( A . B . M . a l - R a h m á n i , 1 9 7 7 ) .D a n s s o n i n t r o d u c t i o n ,
A . B . M . a l - R a h m á n in e m a n q u ep a s d e m a g n i f i e rl a c u l t u r eÍ o m o z i g h te t I ' h i s toire des Imazighn. Il voit dans I'cuvre d'Awzál : al-Hawd, une traduction du
Mukhtqssr sl-Khqlil. Il nous préciseque I'cuvre d'Awzàl devrait constituer
u n m o d è l eà m e d i t e rp o u r l a j e u n e s s ea n a z i g h d e n o s j o u r s , d a n sl a m e s u r eo È
de nombreux efforts ont éte deployespour diffuser un savoir dans un milieu
culturel donne, en usant, avec beaucoup d'ingeniosite, des moyens disponibles. cette publication se distingueaussipar un autre texte sur AwzáI, sur son
cuvre, et sur I'ambiance culturelle et politique de son epoque, presentéepar
un autre érudit amazrgft: A.B.A. Adwi. Ce dernier a noté, de même, I'attrait
que les Guvres d'Awzál ont exercé,jusqu'à une date recente,sur les lettresdu
monde chleuh, et a signale que Tamudizti avait écrit, au siècledernier, un
commentaire de quatre volumes du texte al-!7aw/ (al-'Adwi, 1977, p. 16;
al-Susi, 1960,p. 204). Ce texte, publié ici, transcrit en arabe, est etabli, selon
al-Rahmáni, à partir de la copie originale, mais n'en constituepas une reproduction. Al-Rahmáni a d0 consulterplusieursautres copies : quatorze, selon
la liste fournie. Un lexique amazigh-arabe,assezsommaire, accompagnele
texte. Notes d'explication et additifs sont en tamazight. Par ailleurs, seul le
premier tome a éte publié, la mort n'ayant malheureusementpas laisse le
temps à cet auteur prometteur d'achever son ceuvre. Les manuscrits ama-
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zighpewent livrer d'autres données que celles linguistiques, litteraires ou
religieuses. Dans un article intituie <I)oluments en berbere sur l'économie
rurale du Maroc méridional au debut du XVIIIe siècle> (1980), Madame
Galand-Pernettraite du domaine de I'aiimentation à partir des deux principaux ouvragesd'Awzál : ol-Hawd et Bahr al-Dumu'(Galand-Pernet, 1980,
pp. 196-21l).
H. Jouad (1987)nous fournit une etude critique sur la méthode de composition ou de versification utiliséepar Awzál dans ces deux cuvres. II nous
livre les réflexions suivantes:
<Awzàl a composécesdeux ouvragesen vers et sur ce plan, il se conforme
scrupuleusementaux principes de versification de la poésieberberede tradit i o n o r a l e > ( J o u a d , 1 9 E 7 ,p . 3 0 ) .
Cela est en contradiction avec ce qui a été avancéjusqu'alors ; aussibien
Luciani (1983, p. 174)que al-'Adwi (197'7,p. 22) ont attribue la versification
d'sl-Hawd au modèle arabe al-rajoz, et celle d'ql-Dumu' au mètre tawil
(long). Par contre, H. Jouad, fort de sa théorie de versification de la poésie
orale en berbère marocain qu'il a développeedans plusieurs publications
( J o u a d , 1 9 7 1, 1 9 8 3 , 1 9 8 6 ) , a v a n c eq u ' A w z á l n ' a v a i t p a s a t t e i n t s o n o b j e c t i f
avecson ceuvreBshr al-Dumrl'destinee ((...)à tous ceux qui parlent la langue
chleuh, pour leur servir de guide spirituel et de livre de recitationet d'oraison>
( J o u a d , 1 9 8 7 ,p p . 3 9 - 4 0 ):
<La surdité du public chleuh non lettre aux appelspathétiquesde Awzál
s'expliquepar son inaptitude à appliquer correctementles règlesde versification de la poésieorale. Sesmaladresses
et sestàtonnementsle signalentcomme
un apprenti, et en tant que tel, son sort était nécessairement
le refus et I'oubli>
(Jouad, 1987, pp. 40-41).
Nous avons presente, pour notre part, I'cuvre d'Aznág : al-Mozgh dans
d e u x a r t i c l e s .L e p r e m i e r ( 1 9 8 8 ,p . l l ) c o m p o r t e p l u s i e u r se r r e u r sd ' i m p r e s sion qui le rendent presqu'illisible.Une liste des manuscritsrépertoriésdans
certainesbibliotheques,cataloguesou publies complète cet article. Le second
a r t i c l ee s t s o u s - p r e s s e ,
Par cesarticlesmodestes,nous esperonsattirer I'attention des chercheurs
sur I'extrêmeinterêt que presentecette cuvre. Celle-ciconstitue,à notre sens,
un prototype, dans sa forme comme dans son contenu, de la majorité des
ouvragesamadgh ultérieurs. Nous avons bien noté, dans le deuxièmearticle,
que I'ecriture en tamazight, du moins en tashlhyt <(...) n'est pas uniquement
dictée, comme on I'a toujours cru, par le seul souci d'inculquer aux Berbères
les fondementsde I'Islam, mais elle s'inscrit souvent dans une vraie stratégie
politique des confréries> (Amahan, à paraïtre). En effet, la plupart des
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ouvrages en tsshthyt les plus connus, ont été écrits dans les milieux desZawayo
et souvent, lors des luttes de succession.
M. Mestáwi a publié, dans sa collection Tifawin <Lumières> un poeme
arabo-amazlgà, composé, selon la présentation de I'auteur, par le poète
Ahmad ben Mohammad al-Rasmukí au XIVe siècle (Mestáwi, 1990). Un
intéressantlexique omozigh-arabeclot le fascicule. Signalons que ce texte a eté
déjà publié par O. Amarir dansAmalu (1987),consacreau poete Sidi Hammu
Talb. Cet ouvrage renferme de nombreusesindications et donnees sur les
manuscritsen tsmszight.
Après avoir passéen revue, rapidement, il faut I'avouer les étudesrelatives aux manuscrits amaZigh en caractèresarabes, nous pouvons dégager les
constatations suivantes :
-
les textesétudiésrelèventtous du domaine religieur.
-
la plupart des etudessont consacreesaux cuvres d'AwzáI.
Il existepgurtant de nombreux ouvragesportant sur d'autres themestels
la médecine,la langue(lexique),I'astronomie, I'astrologieetc... Citons à titre
d'exemple : Kiftb sl-Tibb bi al-Shalha.
Nombreux également sont les autres aussi importants et interessants
qu'Awzál : ainsi Aznag, cité ci-dessus,ou encoreAbdallah al-Hamidi, auteur
de la traduction de al-Burda, Lhacr:n ben al-Hajj A'rLs, auquel on doit Ia
'Ashir, et bien d'autres...
traduction d'Ibn
En réalité, I'intérêt des spécialistesmarocains et étrangers à l'égard des
manuscrits omoZigh en caractèresarabes, est naissant. Nous pensons notamment à l'équipe berberisantede I'universitéde Leyden aux Pays-Bas,qui travaille activement sur les ceuvresd'AwzàI. Toutefois, cet intérêt se double
dangereusementd'une speculation de ces manuscrits, qui provoque d'une
part, la dispersiondes cuvres, d'autre part, leur luite à l'étranger'
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