Je m`attendais à avoir plus de demandes - Haut-Rhin

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Je m`attendais à avoir plus de demandes - Haut-Rhin
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Politique
D IM AN C H E 24 JANV IE R 201 6
L ' AL S A CE
DÉONTOLOGIE
« Je m’attendais à avoir plus de demandes »
Alors que le président de l’Alca, Philippe Richert, s’apprête à nommer un déontologue, le professeur Patrick Wachsmann – qui occupe cette fonction à Strasbourg – vient de
rendre son premier rapport annuel. Le juriste, chargé de mettre les élus en garde contre les conflits d’intérêts, y exprime « des sentiments mitigés ».
ter avec la Ville, ou encore avec les responsables d’une association candidate à l’octroi d’une subvention ». Ce dernier point paraît difficile à appréhender.
Textes : Yolande Baldeweck
Regard pétillant derrière ses lunettes, Patrick Wachsmann ne manque ni d’esprit de répartie, ni d’humour. Rédigé un an après sa nomination, le rapport transmis aux élus, peut paraître ardu, voire sévère. Car le déontologue ne manie pas la langue de bois. Professeur agrégé de droit public, dont les ouvrages sur les libertés publiques et les droits de l’homme, publiés chez Dalloz, font référence parmi
les étudiants, il dit ce qu’il pense. Quitte sans doute à choquer certains élus par ses préconisations strictes. Pour lui, il s’agit d’abord d’« améliorer l’image des élus dans la population ».
« Un choix novateur s’agissant
d’une collectivité
Avant d’accepter le poste bénévole que lui a proposé Roland Ries après sa réélection comme maire, Patrick Wachsmann avait tenu à en discuter les modalités, mais aussi à s’assurer d’un consensus politique autour de sa
personne. Il ne voulait pas être l’otage
d’un seul groupe. « J’ai été accepté sans problème », relève-t-il, en soulignant « un choix novateur s’agissant d’une collectivité territoriale ». S’appuyant sur la loi de 2013, relative à la transparence de la vie publique, il insiste sur l’objectif qui est de « garantir l’exercice indépendant, impartial et objectif de la fonction exercée ».
Sa mission est triple : assister les élus, « y compris le maire et les adjoints », qui auraient un doute sur la notion de conflits d’intérêts et leur en préciser le
cadre, recevoir les plaintes éventuelles de citoyens – non anonymes – désireux de dénoncer des situations qui leur semblent anormales, et rédiger des recommandations générales qui vont au-delà du droit. Ses moyens ? La
Ville a mis à sa disposition une adresse
électronique (*), deux pièces dans l’immeuble – loin du centre adminis-
La majorité des élus traîne les pieds
Un autre chapitre irrite l’universitaire,
celui de la transmission des déclarations d’intérêt par les membres du conseil municipal. La Ville de Strasbourg a décidé de publier sur son site les déclarations du maire et des adjoints, rendues publiques par la Haute
Autorité. « Il a fallu deux relances du maire pour que ces déclarations soient transmises au déontologue. Il y
a dix jours, il manquait toujours celle de trois adjoints », déplore Patrick Wachsmann, en notant également que « moins du quart » des conseillers de base lui ont transmis leur Patrick Wachsmann, 64 ans, professeur de droit public et déontologue de la déclaration, destinée à rester confiVille de Strasbourg.
Photo L’Alsace/Dominique Gutekunst dentielle. Alors même qu’une délibération du conseil municipal, votée par tratif – abritant le service juridique, un nence hebdomadaire, de ne recevoir les mêmes, demande qu’ils le fassent ordinateur portable, un coffre-fort que sur rendez-vous. L’une des ques- sur la base du volontariat. Un des trois
pour abriter les documents confiden- tions ne manque pas de sel : un élu adjoints aurait décidé de se mettre en tiels et le concours du secrétariat des s’est demandé s’il pouvait être em- conformité avec la règle.
affaires juridiques. Pas de mystère ployé par la Ville ou par une entité saconcernant ses frais : ils se sont limi- tellite. La réponse était clairement Pour la petite histoire, le déontologue tés à l’achat d’un ouvrage de référen- non, « si éminents que puissent être rappelle que les voitures de service ne ce sur la déontologie des fonctions les mérites de l’intéressé »…
sont destinées ni aux vacances, ni aux
publiques et à un déplacement à Paris
week-ends, que les dépenses finanpour rencontrer le déontologue de Le juriste reconnaît que « les interfé- cées dans le cadre de missions doivent
l’Assemblée nationale.
rences entre fonctions électives et ac- se situer à « un niveau raisonnable » tivités professionnelles donnent lieu à (180 € pour une nuit d’hôtel, 60 € pour
des problèmes difficiles à résoudre ». un repas), que le repas des conjoints Aucune plainte
Là encore, la règle édictée par le déon- des élus ne doivent pas être pris en À l’issue d’une année en fonction, il se tologue va au-delà de la loi pour prise charge par la Ville, que leur hébergedéclare surpris. Il n’a eu à instruire illégale d’intérêt. Il préconise ment ne devrait pas impliquer de frais
aucune plainte émanant du public. qu’« aucune relation nouvelle ne soit supplémentaires… Quant aux caParce qu’aucun problème déontologi- établie entre la Ville et une entreprise deaux reçus, ils ne devraient pas excéque n’a été relevé, ce qui est plutôt au sein de laquelle un élu aurait des der 100 €, tous les autres devant faire positif, ou parce que sa fonction n’est intérêts, quand bien même il se retire- l’objet d’une déclaration au déontolopas assez connue ?, s’interroge-t-il. rait entièrement du processus de déci- gue. Mais n’est-ce pas du simple bon « Je m’attendais aussi à avoir plus de sion ». Il préconise même une période sens, dans un monde où les pratiques demandes de la part d’élus », lâche le d’éloignement de cinq ans… Mais il anciennes ne sont plus de mise ?
professeur Wachsmann qui n’a été évoque aussi « les liens d’amitié qui saisi que de quatre demandes. Si bien peuvent exister avec un dirigeant d’un
(*) patrick.wachsmann@strasqu’il envisage, plutôt qu’une perma- organisme qui souhaiterait contracbourg.eu
Chantal Cutajar :
« Un rapport juste et clair »
Adjointe au maire de Strasbourg chargée des marchés publics et de la politique des achats, la juriste Chantal Cutajar est aussi en charge de « l’éthique des élus ». « Le rapport est juste, clair et bien écrit », relève-t-elle à propos du travail du déontologue, Patrick Wachsmann, en saluant « l’indépendance de l’universitaire, celle d’un grand professeur qui a le souci de l’intérêt général ».
« Il y va de la confiance
envers les élus »
L’adjointe de Roland Ries se souvient d’avoir « longuement discuté avec lui de la question du conflit d’intérêts, qui n’est pas si facile à appréhender ». « L’idée était de mettre à la disposition des élus des
moyens pour les prévenir des difficultés. Certains sont confrontés à cette question sans même le savoir », observe-t-elle. Dès lors, il est important qu’une personnalité impartiale rappelle les règles. « Il y va de la confiance envers les élus », rappelle la spécialiste en droit pénal.
Quelle suite l’exécutif va-t-il donner au rapport du déontologue, transmis à l’ensemble des élus ? « Il pointe le manque d’appropriation de l’institution par les élus. Nous allons réunir les groupes pour échanger et recueillir leurs préconisations », suggère Chantal
Cutajar, en souhaitant que ses collègues, dès qu’il y a une interrogation, n’hésitent pas à le saisir davantage. Et de préciser qu’« une
loi en préparation sur la création d’un déontologue prévoit que les Chantal Cutajar, adjointe au maire
de Strasbourg.
Photo L’Alsace/Dominique Gutekunst
agents pourront aussi le saisir… »
Comme présidente de la commission des appels d’offres, elle reçoit systématiquement les entreprises qui contestent la procédure, en présence du chef de service. « Il est
important de combattre ce sentiment “tous pourris” qui nourrit le vote FN », observe-t-elle, en rappelant que « l’éthique, c’est de dire ce
qu’on fait et de faire ce qu’on dit ».
La Ville va d’ailleurs « solliciter la certification anti-corruption ». Là encore ce sera une première.
Et la métropole ?
Tout en souscrivant au travail du déontologue, Pascal Mangin (LR), membre du groupe d’opposition, propose d’élargir sa mission à l’Eurométropole. « C’est là que sont prises les décisions les plus stratégiques et les plus lourdes en conséquences économiques », assure-t-il, en rappelant qu’« un élu ne peut pas être juge et partie ».
AU PARLEMENT
ÇA SE RACONTE
Renault : Passe d’armes à l’Assemblée entre Rohfritsch et Macron
Le « fantassin » Meyer au front
Agriculture : Herth nommé rapporteur. – Le député Antoine
Herth, député Les Républicains, a
été nommé rapporteur de la proposition de loi sur la compétitivité
et la filière agroalimentaire. Il a
déjà procédé à des auditions cette
semaine.
Sailesh Gya
Présidente d’une mission parlementaire sur l’offre automobile en
France, la députée (Les Républicains, LR) Sophie Rohfritsch a interpellé le ministre de l’Économie
Emmanuel Macron sur la gestion
par le gouvernement de l’affaire
Renault. Des tests ont montré que
les voitures du constructeur français dépassent largement les
seuils de pollution. « Vous avez
mis l’entreprise en difficulté et
ébranlé la confiance des marchés
dans le groupe », lui a-t-elle reproché, après avoir souligné que « le
cours des actions Renault a chuté
de près de 11 % après les contrôles,
suivis de perquisitions, au sein de
l’entreprise, ce qui représente
pour l’État une perte virtuelle de
637 millions d’euros. ».
Sophie Rohfritsch, députée LR du
Bas-Rhin. Photo L’Alsace/Vincent Voegtlin
Transports, si le gouvernement
prenait conscience de la dégradation du réseau routier. « Avez-vous
En l’absence de Ségolène Royal à seulement mesuré les conséquenqui s’adressaient ces reproches, ces de votre politique pour la sécuc’est Emmanuel Macron qui a ré- rité routière, l’image de la France
pondu. « La confiance n’exclut pas et l’emploi dans le secteur des trale contrôle ! », a rappelé le minis- vaux publics ? L’effondrement de
tre de l’Économie, en soulignant l’investissement des collectivités
que « c’est une commission indé- locales va rapidement avoir des
pendante qui est chargée de véri- conséquences sérieuses », a-t-il fier la réalité des tests ». Et de assuré. Alain Vidalies a répondu
répliquer : « Nous n’aurions pas que « le Premier ministre a lancé
fait notre travail si nous n’avions un programme d’entretien exceppas lancé ces contrôles, Madame tionnel de 100 millions d’euros »
la députée ! »
pour le réseau national en 2015.
Pour les réseaux entretenus par
Réseau routier : Furst dénonce sa les collectivités locales, « le prodégradation. – Le député Laurent gramme routier est au rendezFurst (LR) a demandé à Alain Vida- vous des contrats de plan État lies, secrétaire d’État chargé des région », a-t-il conclu.
Nord-Sud : Keller pointe la baisse
des moyens. – La sénatrice Fabienne Keller (LR) a demandé, lors
de l’audition de Rémi Rioux, qui
est chargé d’examiner le rapprochement de la Caisse des Dépôts
avec l’Aide Française au développement, si l’annonce par François
Hollande d’une aide supplémentaire de 4 milliards d’euros à l’AFD
était confirmée. Rémi Rioux a répondu que sa mise en œuvre était
délicate. « Il est important de s’en
occuper dès maintenant, pour éviter qu’aux réfugiés des guerres dans le monde ne s’ajoutent les
réfugiés climatiques et économiques », a prévenu la sénatrice.
Terrorisme : Kennel défend les
victimes. – Le sénateur Guy-Dominique Kennel (LR) avait proposé à
Jean-Yves Le Drian, ministre de la
Défense, d’attribuer la mention « Mort pour la France » aux victimes des attentats terroristes du
13 Novembre 2015. Finalement,
les victimes se verront attribuer la
mention « Victime du terrorisme ». Ce qui permet aux victimes
et leurs familles de bénéficier d’un
dispositif d’indemnisation et d’accompagnement.
Dans son discours au musée Unterlinden, hier à Colmar, devant François Hollande, Gilbert Meyer a adressé un message très politique au chef de l’État. Au nom « d’élus locaux anxieux », il a « très amicalement » alerté le président sur « l’effet de ciseau » induit par « le rabotage des dotations de l’État » et les « dépenses nouvelles imposées ». « Nous allons encore perdre en capacité de dépense publique. Ne laissez pas sans armes les fantassins de la République ! », a-t-il exhorté
le chef de l’État. Le fantassin Gilbert Meyer – dont François Hollande a souligné à plusieurs reprises, non sans humour, la légendaire ténacité – n’hésite pas à monter au front.
est « membre de l’UDI », comme lui. Et que le siège d’Arlette Grosskost dans la 5e, est promis au maire de Rixheim, Olivier Becht.
François Hollande et Gilbert Meyer,
hier à Colmar. Photo L’Alsace/T. Gachon
il accède le même jour à la présidence de l’Association des Régions de France. Une fonction importante dans la Message reçu. – Gilbert Meyer a éga- nouvelle configuration régionale. lement longtemps insisté, devant le François Hollande lui en a touché un président de la République, sur la bon- mot, hier à Colmar.
ne gestion de sa ville, « notre marque de fabrique ». Tout y est passé, de l’in- Manurhin : Les vœux de Bockel. – En vestissement par habitant, deux fois présentant ses vœux au personnel de supérieur à la moyenne nationale, Manurhin, le président de Mulhouse jusqu’à la modération fiscale… Les Alsace Agglomération (M2A), Jeanmessages ont été reçus cinq sur cinq Marie Bockel, n’a pas caché son plaisir
par François Hollande, qui a résumé de « venir aussi quand ça va bien », les grandes lignes de la rhétorique l’entreprise mulhousienne, spécialimeyerienne : « J’ai bien entendu com- sée dans la fabrication de lignes de bien sa commune est bien gérée et production de machines de cartoucombien les dotations de l’État sont cherie, étant parvenue à se redresser. insuffisantes ! »
Accueilli par le président du conseil de
surveillance, Rémy Thannberger, l’anL’auteur Sarkozy. – C’est un joli coup cien ministre a plaidé pour « une inpour la Librairie Kléber, à Strasbourg, dustrie de la Défense allant du Rafale à
qui multiplie rencontres et débats Manurhin ». « Je suis un homme de avec écrivains et politiques. Mardi, Ni- paix, mais je considère qu’il faut sacolas Sarkozy y fera le lancement na- voir se défendre », a-t-il indiqué. Intertional de son ouvrage La France pour rogé en aparté sur les velléités de la vie (éd. Plon). Il présentera son Rémy Thannberger de se présenter ouvrage à 16 h, avant une séance de aux législatives l’an prochain, Jeandédicaces. On pourra juger de la cote Marie Bockel a noté que le député de du président des Républicains auprès la 6e circonscription, sur laquelle se des siens. Philippe Richert est excusé : trouve Manurhin, Francis Hillmeyer, IRE02
Troendlé déléguée LR. – Le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, a nommé huit délégués généraux chargés de pôles de réflexion pour l’élaboration du projet, dont la sénatrice Catherine Troendlé (famille et société). Elle sera aussi la seule candidate, samedi prochain, au poste de présidente de la fédération du Haut-Rhin.
Le RSA sous condition. – Le conseil départemental du Haut-Rhin va conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat au profit d’une association ou d’une collectivité. Une décision prise à la presque unanimité,
sauf les élus de gauche. « C’est une expérimentation », souligne le président LR Eric Straumann qui va présenter une délibération, lors d’une prochaine session.
Quel président pour le Céser ? – Depuis fin octobre, Roger Cayzelle (CFDT), président du Céser de Lorraine, fait campagne auprès des 253 conseillers du Grand Est. Entre-temps, son
homologue de Champagne-Ardenne, Patrick Tassin (CGT), puis Joseph Zorgniotti (Prof. libérales), 1er vice-président du Céser Alsace, ont fait acte de candidature. Qui sera élu vendredi à Metz ? Le Lorrain semble avoir une longueur d’avance. Mais le second peut l’emporter, analyse un fin connaisseur, misant sur le candidat alsacien. À condition que les élus champenois votent aussi pour lui.
Y. B., avec Laurent Bodin
et Clément Tonnot