Homosexualité et environnement social : Le cas
Transcription
Homosexualité et environnement social : Le cas
HOMOSEXUALITÉ ET ENVIRONNEMENT SOCIAL : LE CAS DES JEUNES ADULTES ET DE LEUR FAMILLE Danielle Julien, Ph.D. Professeure-chercheure en psychologie à l’UQÀM depuis 1987. Formée à l’UQÀM et au Denver Center for Marital Studies à l’Université de Denver (CO), elle s’intéresse aux processus de communication conjugale et familiale associés au développement de la détresse conjugale, ainsi qu’aux liens entre la qualité de la communication conjugale et familiale et les réseaux sociaux entourant l’unité familiale. Elle porte spécifiquement attention aux réalités familiales des gais et lesbiennes, celles de leurs enfants et celles de leurs parents. C’est à titre de partenaire communautaire que l’Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Montréal, a appuyé le projet de recherche qu’a entrepris Mme Julien sur la famille et l’homosexualité. Le texte suivant se veut un bref survol des problématiques qui s’y rattachent. Au cours du XXième siècle, l’Occident a connu des changements culturels, démographiques et socio-économiques majeurs qui ont favorisé le passage d’une société régie par les valeurs religieuses à une société régulée par les droits et libertés civiles. Au cours de ces transformations, l’homosexualité est devenue une réalité sociale de plus en plus visible et reconnue. L’histoire du XXième siècle en Occident aura connu une décriminalisation et une démédicalisation progressives de l’homosexualité parallèlement à l’émergence d’un nouvel objet de connaissance dans les diverses disciplines du savoir. À l’exception de tentatives marginales en sciences humaines et sociales, l’étude de l’homosexualité dans ses réalités autres que biologiques, médicales et psycho-médicales (le SIDA inclus) n’a vraiment démarré qu’au cours des dix dernières années. Au cours des années 1980, l’épidémie du SIDA a joué un rôle dans l’apparition des approches non-médicales de l’homosexualité, notamment par l’étude des hommes gais en lien non seulement avec le SIDA mais aussi avec des contextes qui dépassent leur vie sexuelle (ex. soutien du réseau d’amis aux individus séro-positifs). Toutefois, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, il a fallu attendre la fin du XXième siècle pour qu’émergent dans la recherche courante (subventionnée) des questions spécifiques aux individus homosexuels en tant que membres de famille. Le thème « Famille et homosexualité » réfère aux réalités familiales des personnes gaies et lesbiennes en tant que fils et filles de parents hétérosexuels, conjoints et conjointes, pères et mères, devenant ainsi une partie du champ de plus en plus diversifié de la famille contemporaine. La nouveauté de ce thème dans l’univers conceptuel des chercheurs sur l’homosexualité et dans celui des chercheurs sur la famille est apparente dans les recensions de milliers d’articles sur la famille publiés en sciences humaines et sociales dans les meilleures revues scientifiques nordaméricaines (1980-2000): celles-ci montrent que la proportion d’études traitant du thème « famille et homosexualité » varie, selon la recension, entre .006% et .01%. (e.g., Famili@; Allen & Demo, 1995; Ossana, 2000). Il reste donc un important travail de production et d'intégration des réalités familiales homosexuelles à la recherche courante, tant dans la nature des questions posées que dans le nombre de productions et leur mode de diffusion. Parallèlement au développement de la recherche, les services institutionnels à la communauté homosexuelle ont été, ces dernières années, presque exclusivement structurés par la problématique du SIDA. La méconnaissance de la question Famille et homosexualité, la rareté et la pauvreté des services aux individus homosexuels (en dehors des services reliés au SIDA), l’absence de services adaptés aux parents d’enfants homosexuels et l’absence de préparation des intervenants à l’égard des problèmes familiaux et conjugaux des personnes homosexuelles ont stimulé la prise en charge du présent projet de recherche avec la concertation de chercheurs universitaires et de partenaires communautaires impliqués auprès des jeunes adultes homosexuels et de leurs parents. Le partenariat est en développement depuis deux ans. L’étude proposée a pour principal objectif d’examiner la question Famille et homosexualité sous l’angle des rapports entre les jeunes adultes homosexuels et leur famille d’origine. Une attention particulière sera portée aux difficultés spécifiques des jeunes adultes homosexuels et de leurs parents dans les mois qui suivent le dévoilement de l’homosexualité (coming out) aux parents. Nous examinerons également les caractéristiques contextuelles des réactions parentales associées aux conséquences négatives et aux conséquences positives sur le développement identitaire des jeunes gais et lesbiennes et sur le processus d’adaptation des parents. Cette étude exploratoire est la première étude de l'interface homosexualité/famille à intégrer les expériences des jeunes et des parents. PROBLÉMATIQUE : CONTEXTE THÉORIQUE ET EMPIRIQUE Homosexualité et environnement social L’étude proposée examine l’impact du dévoilement de l’homosexualité (coming out) à la famille d’origine sur le parcours identitaire des jeunes gais et lesbiennes (18-25) et sur le processus d’adaptation de leurs parents. L’hypothèse structurant la méthode stipule que les rapports qu’entretiennent les jeunes adultes homosexuels avec leurs parents sont façonnés par leur environnement social dans lequel ils se développent. Cet environnement, conçu comme système à paliers multiples d’influence, est marqué par un ensemble de contraintes hétérosexistes. L’hétérosexisme réfère à un système idéologique qui ignore, dénie, dénigre et stigmatise toute forme non hétérosexuelle de comportement, d’identité, de relation ou de communauté (Herek, 1991). Nous empruntons le modèle écologique et systémique de Bronfenbrenner (1988) comme cadre théorique permettant l’arrimage entre les parcours identitaires des enfants jeunes adultes et les processus d’adaptation de leurs parents. Ce modèle écologique stipule que les caractéristiques de la personne occupent une place centrale dans un ensemble de sous-systèmes emboîtés les uns dans les autres. Le microsystème constitue le milieu immédiat de vie de l’individu dans lequel on retrouve la famille. À l’échelle suivante, le mésosystème est constitué des réseaux d’appartenance de l’individu, principalement les réseaux d’amis et des milieux de production. Enchâssant le microsystème et le mésosystème, l’exosystème comprend les structures institutionnelles. Les trois sous-systèmes sont contextualisés en fonction des normes, des valeurs et des idéologies dominantes qui constituent le macrosystème. Théoriquement, chacun d’eux est un système ouvert, en interaction avec les autres systèmes. Les changements de dynamique familiale déclenchés par le coming out à la famille résulteraient d’interrelations complexes entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux en constante évolution. La présente étude s’attarde aux processus microsystémiques, individuels et familiaux, impliqués dans le processus du coming out de jeunes adultes à leur famille d’origine. Notre modèle stipule que cette interface homosexualité/famille serait modulée par le traitement de l’homosexualité aux autres niveaux systémiques. Hétérosexisme culturel (contexte macrosystémique et exosystémique). Comparée aux autres minorités émergeant dans la société contemporaine, la minorité homosexuelle a cette caractéristique que son droit à l'existence est dénié, à divers degrés selon les cultures, par les institutions politiques, législatives, religieuses et autres. Dans plusieurs pays, la minorité homosexuelle n’est pas reconnue comme minorité légitime et ne peut se prévaloir de protections constitutionnelles contre la discrimination. Des pays punissent l’homosexualité par la peine de mort ou l’enfermement carcéral (West & Green, 1997). Plus près de nous, aux Etats-Unis, plus de la moitié des états criminalisent l’activité homosexuelle avec consentement et, dans la presque totalité des états, les relations homosexuelles n’ont pas de statut reconnu par les institutions (e.g., régulations des assurances, droits d’héritage, droits relatifs aux lois du travail et avantages sociaux liés à la famille; Herek, 1991). Le Québec a fait figure de proue en adoptant, en juin 99, la loi 32 reconnaissant la légalité du fait conjugal chez les couples de même sexe. Toutefois, les droits au mariage civil et des droits afférents à la parentalité leur sont déniés (garde d’enfant en cas de divorce, adoption, insémination). Violence homophobique (contexte mésosystémique). A côté de l’intolérance ou de la négligence politique et institutionnelle à l’endroit de l’homosexualité, on doit souligner les manifestations comportementales et psychologiques hostiles envers les personnes homosexuelles (e.g., Hershberger & D'Augelli, 1995). Les recherches sur la violence dirigée à l’endroit des minorités (bias-related violence) suggèrent que la violence à l’endroit des personnes homosexuelles est la forme la plus fréquente de violence orientée. Plusieurs études américaines montrent qu’environ la moitié de la population gaie et lesbienne a été victime de violence empruntant tantôt la forme du harcèlement verbal, tantôt la forme d’agressions physiques allant jusqu’au viol et à l’homicide (e.g., DiPlacido, 1998). Si les manifestations de violence sont généralement rapportées par les individus homosexuels qui s’affichent ouvertement comme homosexuels ou sont présumés tels par l’entourage social, les personnes homosexuelles qui maintiennent leur orientation sexuelle cachée ne souffrent pas moins d’un contexte culturel marqué par les stéréotypes négatifs entourant l’homosexualité. Plusieurs études ont documenté les effets négatifs de cette discrimination institutionnelle et psychologique sur le bien-être et la santé des minorités sexuelles. On rapporte des problèmes d’homophobie intériorisée (attitudes et émotions négatives associées au fait d’être un individu homosexuel ;DiPlacido, 1998), de dépression (Shildlo, 1994), d’alcoolisme (Finnegan & Cook, 1984), de toxicomanie (Glaus, 1988 ), une incidence élevée de suicides (Rofes, 1983), des conduites sexuelles à risque et chez les plus jeunes, des problèmes de délinquance, des difficultés scolaires et de la prostitution (Hershberger & D’Augelli, 1995). La présente étude examine comment la famille d’origine module les effets négatifs de cette discrimination sur le bien-être des jeunes. Identité homosexuelle et le « coming out » comme processus. Les chercheurs dans le domaine du développement s’accordent pour dire que les « tâches développementales » (Erikson, 1982) à l’adolescence (12-17) et au cours de la jeune vie adulte (18-25) résident dans l’établissement d’un équilibre entre l’autonomie/séparation et dans l’établissement de liens affectifs durables, incluant l’expérience et l’intégration du désir sexuel. Dans ce contexte, le développement de l’identité homosexuelle emprunterait des parcours multiples (et non une séquence de stades fixes comme il avait été suggéré antérieurement) (e.g., Savin-Williams & Esterberg, 2000). Ces parcours seraient marqués par deux processus distincts en constante interaction. Le premier implique un questionnement sur sa sexualité, alors que le deuxième implique la divulgation à l’autre d’attirances sexuelles pour le même sexe, ou d’expériences sexuelles avec le même sexe, ou d’une identité sexuelle reconnue (« Je suis gai, je suis lesbienne »). Théoriquement, parler aux autres de ces réalités et s’exposer aux réactions des autres seraient des éléments du processus identitaire qui permettent au jeune de structurer, définir et réajuster sa « conception de soi » en tant que personne homosexuelle, ou bi-sexuelle, ou hétérosexuelle. Témoins du questionnement sexuel du jeune adulte, les autres peuvent percevoir, définir et supporter le jeune dans son identité sexuelle naissante. Alternativement, les autres peuvent ignorer, décourager, condamner ces aspects de la réalité et favoriser des comportements conformes aux contraintes culturelles. Ce processus de « reconnaissance de soi » à travers la divulgation aux autres et les réactions des autres aurait le potentiel d’affecter le bien-être émotif et psychologique des jeunes adultes, leur concept de soi, leur identité personnelle et, en particulier, leurs relations interpersonnelles. En conformité avec notre modèle théorique, un environnement hétérosexiste et parfois ouvertement homophobe entraînerait le risque que ce processus résulte en trajectoires de développement caractérisées par l’instabilité, la peur et l’anxiété par opposition à des trajectoires caractérisées par la stabilité, la croissance et la santé. La famille d’origine des personnes homosexuelles (contexte microsystémique). En raison de la nature particulière des liens développés entre l’enfant et sa famille d’origine, les jeunes adultes en processus de coming out seraient inconfortables aussi longtemps que les parents seraient maintenus dans l’ignorance (Savin-Williams, 1998). En raison des conséquences négatives anticipées, aucun autre événement que la perspective d’un dévoilement aux parents n’évoquerait de peur et d’anxiété aussi intense (Savin-Williams & Esterberg, 2000). La pleine acceptation parentale résulterait en une expérience de libération et d’intégration identitaire. Cependant, le dévoilement comporte le risque de perturber les liens avec la famille d’origine. Les premières études cliniques sur le coming-out rapportent qu’environ la moitié des gais et des lesbiennes ne dévoilent pas leur orientation sexuelle à leur famille (Laird, 1993). La peur de la réaction familiale est d’autant plus grande lorsque les jeunes vivent avec leurs parents, dépendent de leur famille pour leur subsistance, ou appartiennent à une autre minorité, laquelle augmente la dépendance aux liens d’origine. Les hésitations par rapport à la réaction familiale sont fondées. Les études ayant interrogé des personnes gaies et lesbiennes sur les réactions de leurs parents au dévoilement suggèrent que les parents sont profondément bouleversés en apprenant (ou en confirmant) l’homosexualité de leur enfant. Sur la base de cas cliniques, on rapporte des réactions de choc, de honte, de colère, de condamnation, de dénégation, de doutes et de rejet (e.g., Strommen, 1989). A l’extrême, des personnes gaies et lesbiennes rapportent avoir été reniées par leurs parents et, chez les plus jeunes, avoir été agressées physiquement par un parent et chassées du foyer familial (Savin-Williams, 1998). Alors que la plupart des individus de groupes minoritaires trouvent dans leur famille d’origine des ressources les protégeant contre la stigmatisation entraînée par leur statut, les jeunes adultes homosexuels seraient, au contraire, vulnérables aux réactions parentales négatives. Des auteurs rapportent que ces dernières exacerbent les effets négatifs du statut de minorité sexuelle sur leur santé mentale (Hershberger & D’Augelli, 1995). Toutefois, après une période de deuil où ils intègrent progressivement la réalité, des parents apporteraient un soutien propre à faciliter l’adaptation des personnes homosexuelles (DiPlacido, 1998). Ces données suggèrent donc que plusieurs jeunes gais et lesbiennes ainsi que des parents développent des stratégies d’adaptation efficaces. Les données qui précèdent suggèrent d’évaluer, d’une part, si l’absence de dévoilement à la famille d’origine affecte le bien-être des jeunes. En maintenant secrète leur orientation sexuelle par crainte des conséquences négatives, les jeunes se créent une double identité, publique et privée, et s’aliènent ainsi les personnes parmi les plus significatives de leur entourage. Un premier objectif de la présente étude consiste à comparer le niveau de bien-être de jeunes gais et lesbiennes ayant dévoilé leur orientation à leurs parents à un groupe de jeunes gais et lesbiennes qui maintiennent le secret vis-à-vis de leur famille. D’autre part, parmi les jeunes ayant dévoilé leur orientation, il serait nécessaire de comprendre comment des familles (jeunes et parents) développent des habiletés d'adaptation à ces difficultés alors que d'autres échouent. De plus, il faudrait identifier les facteurs contextuels prédisposant certaines des familles à mieux s’adapter que d’autres. Tel est le deuxième objectif de la présente étude. Avoir un enfant homosexuel: la perspective parentale. La plupart des données disponibles sur les réactions parentales au coming out sont rapportées par les jeunes gais et lesbiennes. Pour cette raison, la question de la réaction parentale a surtout été analysée sous l’angle du parent rejetant et victimisant. Très peu d’études ont examiné la perspective parentale en questionnant les parents eux-mêmes. Que vivent les parents ? Au cours de leur vie, l’ensemble des adultes devenus parents de jeunes adultes ont entretenu des attentes par rapport au développement de leurs enfants. Les études sur le développement adulte au mitan de la vie (40-60) montrent que l’adaptation psychologique, sociale et professionnelle de leur enfant jeune adulte témoigne de leurs compétences parentales et contribuent à leur bien-être psychologique (Spitze et al., 1994). Les enfants qui, une fois adultes, se développent dans leur vie affective et professionnelle en conformité avec les attentes parentales procurent aux parents un sens de sécurité et d’accomplissement qui leur permet de se recentrer sur des intérêts indépendants de leur rôle parental. Par exemple, une étude empirique sur l’impact du développement des jeunes adultes (18-25) sur le bien-être de leurs parents montre que les évaluations positives des parents à l’égard au développement personnel et social de leur enfant jeune adulte sont associées positivement à leur bien-être, leur estime de soi, leur orientation vers des projets de réalisation et le sentiment de contrôle sur leur environnement (Ryff et al., 1994). La réussite des enfants en conformité avec les normes de la culture faciliterait les changements positifs dans la trajectoire de développement adulte chez les parents. On peut donc s’attendre à ce que, dans un contexte balisé par la culture hétérosexuelle, le fait d’apprendre que son enfant est homosexuel perturbe le bien-être des parents. Des auteurs suggèrent que ces parents vivraient des stades d’adaptation à la réalité homosexuelle de leur enfant suivant un processus de deuil calqué sur les étapes postulées par Kubler-Ross lors de la mort d’un proche (1969) : choc, déni, culpabilité, colère et acceptation. Nous avons répertorié seulement trois études empiriques sur les parents d’enfants homosexuels. Les trois études testent le modèle du deuil. Deux de ces études utilisent un questionnaire avec choix forcé présumant les étapes du modèle de deuil (Bornhek, 1993 ; Robinson et al. 1989). Ces études ne confirment pas les étapes du deuil mais suggèrent plutôt une multiplicité de trajectoires. La troisième étude ne confirme pas non plus le modèle du deuil (Ben-Ari, 1995). Celle-ci est de portée limitée puisqu’elle ne fournit aucune information sur la structure de l’entrevue et sur son mode d’analyse. Si l’on veut bien comprendre l’expérience parentale et sa place dans les transformations de la dynamique familiale déclenchées par le coming out, il faut nécessairement analyser l’expérience des parents telle que rapportée par les parents. Cette stratégie permettrait d’examiner la variabilité des réactions initiales et subséquentes des parents, les difficultés vécues en rapport avec cet élément déclencheur de changements, les stratégies d’adaptation déployées et leurs effets sur le bien-être et le sentiment d’actualisation et de croissance personnelle des parents. Outre la nécessité de colliger des données auprès des parents eux-mêmes, les recherches suggèrent de tenir compte des éléments suivants. Premièrement, alors que des études suggèrent que la mère, par rapport au père, suscite davantage de confiance lors du coming out, d’autres études suggèrent que le sexe de l’enfant est une variable qui interagit avec le sexe du parent (e.g., Pilkington & d’Augelli, 1995) : il est possible que les pères réagissent plus négativement à un fils gai qu’à une fille lesbienne, et que les mères réagissent plus négativement à une fille lesbienne qu’à une fils gai. La présente étude examinera donc la question de l’expérience familiale au moyen d’une stratification systématique des groupes étudiés en fonction du sexe du parent et du sexe de l’enfant. Deuxièmement, aucune des études sur le coming out et la famille n’a étudié la dynamique familiale en interrogeant les jeunes et leurs parents. Ainsi, les données provenant des jeunes suggèrent des réactions parentales plus négatives que les données obtenues en questionnant des parents. Nous n’avons pas de données sur l’interface homosexualité/famille s’appuyant sur les membres d’une même famille. Une approche systémique de la question permettrait de tracer des trajectoires interactives d’adaptation des jeunes et de leurs parents. La présente étude retiendra donc la dyade jeune/parent comme unité d’analyse. Troisièmement, aucune étude n’a examiné la qualité du climat familial et du lien parent/enfant antérieurement à la divulgation (pendant l’enfance et l’adolescence) et son effet sur l’expérience familiale. Il y a lieu de penser que des relations parents/enfants conflictuelles durant l’enfance auront un effet négatif soit sur la décision des jeunes de divulguer ou non leur identité à leurs parents, soit sur l’adaptation des familles chez ceux qui auront décidé de divulguer. Malgré les limites du rapport rétrospectif et le besoin d’études prospectives pour comprendre comment la qualité du lien parent/jeune enfant module les réponses familiales lors du coming out, l’examen de la qualité du lien à la famille permettra une première exploration de ses effets possibles dans les processus d’adaptation. Quatrièmement, les quelques études sur la réaction parentale ont limité leur approche aux réactions psychologiques des parents ou aux caractéristiques des interactions parents/enfants. Des entrevues non structurées que nous avons menées auprès de parents au cours de l’année suggèrent que les réactions de l’entourage social des parents jouent un rôle capital. A côté d’autres caractéristiques démographiques déterminantes (âge, sexe, statut parental mono ou biparental, famille reconstitué/non-reconstitué, degré d’attachement religieux, origine urbaine/régionale), la présente étude examinera le contexte mésosystémique des réactions parentales, c’est à dire les changements dans les liens avec leur milieu et leur réseau social. Références : Allen, K. & Demo, D. H. (1995). « The families of lesbians and gay men : a new frontier in family research » Journal of Mariage and the Family, 57, 11-127. Beaudet, M.P. (1996). « Dépression ». Rapports sur la santé, 7, 11-25. Berkman, L.F., & Breslow, L. (1983) Health on the ways of living : The Alameda County Study. NewYork : Oxford University Press. Blumstein, P. & Schwartz, P. (1983). American couples. New York : Morrow. Bouchard, C., Chamberland, C. & Beaudry, D. (1983). Santé et habitudes de vie. Document inédit, Université du Québec à Montréal. Chartrand, E. (1995). Réseau social et ajustement conjugal chez les couples hétérosexuels, gais et lesbiens. Mémoire de maîtrise inédit. Université du Québec à Montréal. D’Augelli, A. R. & Dark, L. J. (1995) « Vulnerable populations : Lesbian, gay and bisexual youth ». In L. D. Eron, J. H. Gentry, & P. Schlegel (Eds.), Reasons to hope : A Psychological perspective on violence and youth (pp.177-196). Washington, DC : American Psychological Association. D’Augelli, A. R., Herschberger, S. L., & Pilkington, N. W. (In Press). « Lesbian, gay, and bisexual youths and their families : Disclosure of sexual orientation and its consequences ». American Journal of Orthopsychiatry. Demczuk, I. (1998). « Pour une nouvelle vision de l’homosexualité : aperçus et défis d’un programme de formation ». In Qualité de vie des gais et lesbiennes (pp.95-108). Montréal : Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Montréal. Derogatis, L. R. (1977). SCL-90-R : Administration, scoring and procedure manual 1. Baltimore, MD : Clinical Psychometrics Research. Desjardins, D. (1991). SIDA : Le suivi de l’épidémie au Québec. Ministère de la santé et des services sociaux. DiPlacido, J. (1998). « Minority Stress among lesbians, gay men, and bisexuals : A consequence of heterosexism, homophobia and stigmatisation ». In G. Herek (Ed.), Stigma and sexual orientation (pp. 138-159). Thousand Oaks : Sage. Edwards, D. W. Yarvis, R. M., Mueller, D. P. , Zingale, H. C., & Wagman, W. J. (1978). « Test taking and the stability of adjustment scales ». Evaluation Quaterly, 2, 275-291. Finnegan, D. G. & Cook, D. (1984). « Special issues affecting the treatment of male and lesbian alcoholics ». Alcoholism Treatment Quaterly, 1, 85-98. Fortin, M. F. , & Coutu-Wakulczyk, G. (1985). « Validation et normalisation d’une mesure de santé mentale : le SCL-90-R ». Rapport final, Université de Montréal, Faculté des Sciences Infirmières. Franke, R. & Leary, M. R. (1991). « Disclosure of sexual orientation by lesbians and gay men : a comparison of private and public processes ». Journal of Social and Clinical Psychology, 10 (3), 262-269. Glaus, O. K. (1988). « Alcoholism, chemical dependancy and the lesbian client ». Women and Therapy, 8, d131-144. Gonsoriek, J. C. (1993). « Mental health issues of gay and lesbian adolescents ». In L. D. Garnets & D. C. Kimmel (eds.), Psychological perspectives on lesbian and gay male experiences (pp.469-485). New York : Columbia University Press. Herek, G. M. (1991) « Stigma, prejudice and violence against lesbians and gay men », in J. C. Gonsoriek & J. D. Weinrich (eds.), Homosexuality : Research implications for public policy. Sage publications, pp. 60-80. Herschberger, S.L. & D’Augelli, A. R. (1995). « The impact of victimization on the mental health and suicidality of lesbian, gay, and bisexual youths ». Development Psychology, 31 (1), 65-74. Julien, D., Chartrand, E. & Bégin, J. (1999). « Social Networks, structural interdependance and conjugal adjustment in heterosexual, gay and lesbian couples ». Journal of Mariage and the Family, 61, 516530. Julien, D. (1998) « Soutien de la famille d’origine à la vie conjugale des couples homosexuels ». In Qualité de vie des gais et lesbiennes (pp.61-78). Montréal : Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Montréal. Julien, D., Dubé, M. & Gagnon, I. (1994). « Le développement des enfants de parents homosexuels comparé au développement des enfants de parents hétérosexuels ». Revue québécoise de psychologie, 15, 135-153. Julien, D., Pizzamiglio, M. T., Léveillé, S. & Brault, M. (1992). « Qualité relationnelle des couples gais et conduites sexuelles à risque ». Santé mentale au Québec, 17, 217-234. Krueger, R. A. (1998a). Developing questions for focus groups. The focus group kit, vol.3. California : Sage publication. Krueger, R. A. (1998a). Developing questions for focus groups. The focus group kit, vol.6. California : Sage publication. Kubler-Ross, E. (1969). On Death and Dying. New York : Macmillan. Kurdek, L. A. (1988). « Perceived social support in gays and lesbians in cohabiting relationships ». Journal of Personality and Social Psychology, 54 (3), 504-509. Lee, G. R. (1979). « Effects of national networks on the family », in W. R. Burr, R. Hill, F. I. Nye & I. L. Reiss (eds.). Contemporary theories about the family : Research based theories. New York : Free Press.. Lewin, E. (1993). Lesbian mothers : accounts of gender in American culture. Ithaca : Cornell University Press. Lewis, R. A. (1973). « Social Reaction and the formation of dyads : an interactionist approach to mate selection ». Sociometry, 36, 409-418. Locke, H. J. & Wallace, K. M. (1959). « Short marital adjustment and prediction test : their reliability and validity ». Marriage and Family Living, 21, 251-255. Malarkey, W. B. et al. (1994). « Hostile behaviour during marital conflict alters pituitiray and dadreal hormones ». Psychosomatic medicine, 56, 41-51. Meyer, I. H., & Dean, L. (1998). « Internalized homophobia, intimacy, and sexual behavior among gay and bisexual men ». In G. Herek (Ed.), Stigma and sexual orientation (pp. 160-186). Thousand Oaks : Sage. Morgan, D. L. (1998a). Planning focus groups. The focus group kit, vol.2. California : Sage publication. Olivier L. (1988). « Discours sociologique et homosexualités ». In L. Richard & M. T. Séguin (Eds.), Homosexualité et tolérance sociale. Moncton : Édition d’Acadie. Peplau, A. A. (1991). « Lesbian and gay relationships ». In J.C. Gonsoriek et J. D. Weinrich, Homosexuality : Research implications for public policy (pp.177-196). Newbury Park : Sage. Patterson, C. J. (1992). « Children of lesbian and gay parents ». Child Development, 63, 1025-1042. Pilkerton, N. W., & d’Augelli, A. R. (1995). « Victimization of lesbian, gay, and bisexual youth in community settings ». Journal of Community Psychology, 23, 34-56. Robinson, A. (1993). Lesbiennes, mariage et famille. Mémoire présenté à la commission des droits de la personne au Québec. Robinson B. E., Walters L. H. & Skeen, P. (1989). « Response of parents to learning that their child is homosexual and concern over AIDS : a national study », in Frederik W. Bozett (Ed.). Homosexuality and the family. New York : Harrington Press. Rohner, R. P. (1980). « Worldwide tests of parental acceptance-rejection theory ». Behavior Science Research, 15, 21. Rohner, R. P. (1991). Handbook for the study of parental accepptance and rejection. University of Connecticut. Ryan, W. (1998). « S’accepter comme gai ou lesbienne pour en finir avec la honte ». In Qualité de vie des gais et lesbiennes (pp.95-108). Montréal : Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Montréal. Shildo, A. (1994). « Internalized homophobia : Conceptual and empirical issues in measurement ». In B. Green & G. M. Herek (eds.), Lesbian and gay psychology. Theory, research and clinical implications (pp.176-205). Thousand Oaks : Sage. Stein, C. H., Bush, E. G., Ross, R. R., & Ward, W. (1992). « Mine, yours and ours : a configurational analysis of the networks of married couples in relation to marital satisfaction and individual wellbeing ». Journal of Social and Personal Relationships, 9, 365-383. Strommen, E. F. (1989). « ‘ You are what?’ : Family members reactions to the disclosure of homosexuality ». Journal of Homosexuality, 18, 37-58. Watters, A. T. (1986). « Heterosexual bias in psychological research on lesbianism and homosexuality ». Journal of Gay and Lesbian Psychotherapy, 13, 35-58. West. D. J., & Green, R. (1997). Sociolegal control of homosexuality : A multi-nation comparison. New York : Plenum. Encadré Double minorité Les jeunes femmes lesbiennes et la discrimination (liens vers Publications / ET) ref : LAROCHE, Pierrette, « Les jeunes femmes lesbiennes et la discrimination », L’info filiale, automne 1998, p. 8-9. Pour intervenir auprès des jeunes femmes lesbiennes, il faut avoir une bonne idée des obstacles qu’elles peuvent rencontrer dans leur quotidien. L’entretien de Pierrette LaRoche avec M., une Haïtienne de 22 ans qui accepte son homosexualité, présente une femme heureuse et déterminée à bien vivre sa différence malgré les problèmes que celle-ci lui fait connaître. La violence conjugale chez les couples du même sexe (Lien vers Publications / ET ) ref : LECLERC, Louis, « La violence conjugale chez les couples du même sexe », Équilibre en Tête, vol. 14, no 2, printemps 2000, p. 7. Magré les mythes et les préjugés, la violence conjugale sévit chez les couples du même sexe. La définition et la dynamique de la violence sont les mêmes chez eux que chez les couples hétérosexuels. Toutefois, les agresseurs des couples gais ou lesbiens disposent d’outils d’intimidation supplémentaires : l’homophobie intériorisée et l’hétérosexisme, qui confinent la victime au silence de peur de voir son homosexualité révélée. Les méconceptions généralisées face à ce phénomène font obstacle à sa résolution, de sorte que les besoins des victimes gaies et lesbiennes s’apparentent à ceux des femmes hétérosexuelles au début des années 1970. Encadré Famille et qualité de vie des gais et lesbiennes (lien vers Programmes) Publications (lien vers Publications / FQVGL)