Homosexualité et environnement social : Le cas

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Homosexualité et environnement social : Le cas
HOMOSEXUALITÉ ET ENVIRONNEMENT SOCIAL :
LE CAS DES JEUNES ADULTES ET DE LEUR FAMILLE
Danielle Julien, Ph.D.
Professeure-chercheure en psychologie à l’UQÀM depuis 1987. Formée à l’UQÀM et au Denver
Center for Marital Studies à l’Université de Denver (CO), elle s’intéresse aux processus de
communication conjugale et familiale associés au développement de la détresse conjugale, ainsi
qu’aux liens entre la qualité de la communication conjugale et familiale et les réseaux sociaux
entourant l’unité familiale. Elle porte spécifiquement attention aux réalités familiales des gais et
lesbiennes, celles de leurs enfants et celles de leurs parents.
C’est à titre de partenaire communautaire que l’Association canadienne pour la santé mentale,
filiale de Montréal, a appuyé le projet de recherche qu’a entrepris Mme Julien sur la famille et
l’homosexualité. Le texte suivant se veut un bref survol des problématiques qui s’y rattachent.
Au cours du XXième siècle, l’Occident a connu des changements culturels, démographiques et
socio-économiques majeurs qui ont favorisé le passage d’une société régie par les valeurs
religieuses à une société régulée par les droits et libertés civiles. Au cours de ces transformations,
l’homosexualité est devenue une réalité sociale de plus en plus visible et reconnue. L’histoire du
XXième siècle en Occident aura connu une décriminalisation et une démédicalisation
progressives de l’homosexualité parallèlement à l’émergence d’un nouvel objet de connaissance
dans les diverses disciplines du savoir. À l’exception de tentatives marginales en sciences
humaines et sociales, l’étude de l’homosexualité dans ses réalités autres que biologiques,
médicales et psycho-médicales (le SIDA inclus) n’a vraiment démarré qu’au cours des dix
dernières années.
Au cours des années 1980, l’épidémie du SIDA a joué un rôle dans l’apparition des approches
non-médicales de l’homosexualité, notamment par l’étude des hommes gais en lien non
seulement avec le SIDA mais aussi avec des contextes qui dépassent leur vie sexuelle (ex. soutien
du réseau d’amis aux individus séro-positifs). Toutefois, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, il a
fallu attendre la fin du XXième siècle pour qu’émergent dans la recherche courante
(subventionnée) des questions spécifiques aux individus homosexuels en tant que membres de
famille. Le thème « Famille et homosexualité » réfère aux réalités familiales des personnes gaies
et lesbiennes en tant que fils et filles de parents hétérosexuels, conjoints et conjointes, pères et
mères, devenant ainsi une partie du champ de plus en plus diversifié de la famille contemporaine.
La nouveauté de ce thème dans l’univers conceptuel des chercheurs sur l’homosexualité et dans
celui des chercheurs sur la famille est apparente dans les recensions de milliers d’articles sur la
famille publiés en sciences humaines et sociales dans les meilleures revues scientifiques nordaméricaines (1980-2000): celles-ci montrent que la proportion d’études traitant du thème
« famille et homosexualité » varie, selon la recension, entre .006% et .01%. (e.g., Famili@; Allen
& Demo, 1995; Ossana, 2000). Il reste donc un important travail de production et d'intégration
des réalités familiales homosexuelles à la recherche courante, tant dans la nature des questions
posées que dans le nombre de productions et leur mode de diffusion.
Parallèlement au développement de la recherche, les services institutionnels à la communauté
homosexuelle ont été, ces dernières années, presque exclusivement structurés par la
problématique du SIDA. La méconnaissance de la question Famille et homosexualité, la rareté
et la pauvreté des services aux individus homosexuels (en dehors des services reliés au SIDA),
l’absence de services adaptés aux parents d’enfants homosexuels et l’absence de préparation des
intervenants à l’égard des problèmes familiaux et conjugaux des personnes homosexuelles ont
stimulé la prise en charge du présent projet de recherche avec la concertation de chercheurs
universitaires et de partenaires communautaires impliqués auprès des jeunes adultes homosexuels
et de leurs parents. Le partenariat est en développement depuis deux ans.
L’étude proposée a pour principal objectif d’examiner la question Famille et homosexualité sous
l’angle des rapports entre les jeunes adultes homosexuels et leur famille d’origine. Une attention
particulière sera portée aux difficultés spécifiques des jeunes adultes homosexuels et de leurs
parents dans les mois qui suivent le dévoilement de l’homosexualité (coming out) aux parents.
Nous examinerons également les caractéristiques contextuelles des réactions parentales associées
aux conséquences négatives et aux conséquences positives sur le développement identitaire des
jeunes gais et lesbiennes et sur le processus d’adaptation des parents. Cette étude exploratoire est
la première étude de l'interface homosexualité/famille à intégrer les expériences des jeunes et des
parents.
PROBLÉMATIQUE : CONTEXTE THÉORIQUE ET EMPIRIQUE
Homosexualité et environnement social L’étude proposée examine l’impact du
dévoilement de l’homosexualité (coming out) à la famille d’origine sur le parcours identitaire des
jeunes gais et lesbiennes (18-25) et sur le processus d’adaptation de leurs parents. L’hypothèse
structurant la méthode stipule que les rapports qu’entretiennent les jeunes adultes homosexuels
avec leurs parents sont façonnés par leur environnement social dans lequel ils se développent.
Cet environnement, conçu comme système à paliers multiples d’influence, est marqué par un
ensemble de contraintes hétérosexistes. L’hétérosexisme réfère à un système idéologique qui
ignore, dénie, dénigre et stigmatise toute forme non hétérosexuelle de comportement, d’identité,
de relation ou de communauté (Herek, 1991).
Nous empruntons le modèle écologique et systémique de Bronfenbrenner (1988) comme cadre
théorique permettant l’arrimage entre les parcours identitaires des enfants jeunes adultes et les
processus d’adaptation de leurs parents. Ce modèle écologique stipule que les caractéristiques de
la personne occupent une place centrale dans un ensemble de sous-systèmes emboîtés les uns
dans les autres. Le microsystème constitue le milieu immédiat de vie de l’individu dans lequel on
retrouve la famille. À l’échelle suivante, le mésosystème est constitué des réseaux d’appartenance
de l’individu, principalement les réseaux d’amis et des milieux de production. Enchâssant le
microsystème et le mésosystème, l’exosystème comprend les structures institutionnelles. Les trois
sous-systèmes sont contextualisés en fonction des normes, des valeurs et des idéologies
dominantes qui constituent le macrosystème. Théoriquement, chacun d’eux est un système
ouvert, en interaction avec les autres systèmes. Les changements de dynamique familiale
déclenchés par le coming out à la famille résulteraient d’interrelations complexes entre des
facteurs biologiques, psychologiques et sociaux en constante évolution. La présente étude
s’attarde aux processus microsystémiques, individuels et familiaux, impliqués dans le processus
du coming out de jeunes adultes à leur famille d’origine. Notre modèle stipule que cette interface
homosexualité/famille serait modulée par le traitement de l’homosexualité aux autres niveaux
systémiques.
Hétérosexisme culturel (contexte macrosystémique et exosystémique). Comparée aux
autres minorités émergeant dans la société contemporaine, la minorité homosexuelle a cette
caractéristique que son droit à l'existence est dénié, à divers degrés selon les cultures, par les
institutions politiques, législatives, religieuses et autres. Dans plusieurs pays, la minorité
homosexuelle n’est pas reconnue comme minorité légitime et ne peut se prévaloir de protections
constitutionnelles contre la discrimination. Des pays punissent l’homosexualité par la peine de
mort ou l’enfermement carcéral (West & Green, 1997). Plus près de nous, aux Etats-Unis, plus de
la moitié des états criminalisent l’activité homosexuelle avec consentement et, dans la presque
totalité des états, les relations homosexuelles n’ont pas de statut reconnu par les institutions (e.g.,
régulations des assurances, droits d’héritage, droits relatifs aux lois du travail et avantages
sociaux liés à la famille; Herek, 1991). Le Québec a fait figure de proue en adoptant, en juin 99,
la loi 32 reconnaissant la légalité du fait conjugal chez les couples de même sexe. Toutefois, les
droits au mariage civil et des droits afférents à la parentalité leur sont déniés (garde d’enfant en
cas de divorce, adoption, insémination).
Violence homophobique (contexte mésosystémique). A côté de l’intolérance ou de la
négligence politique et institutionnelle à l’endroit de l’homosexualité, on doit souligner les
manifestations comportementales et psychologiques hostiles envers les personnes homosexuelles
(e.g., Hershberger & D'Augelli, 1995). Les recherches sur la violence dirigée à l’endroit des
minorités (bias-related violence) suggèrent que la violence à l’endroit des personnes
homosexuelles est la forme la plus fréquente de violence orientée. Plusieurs études américaines
montrent qu’environ la moitié de la population gaie et lesbienne a été victime de violence
empruntant tantôt la forme du harcèlement verbal, tantôt la forme d’agressions physiques allant
jusqu’au viol et à l’homicide (e.g., DiPlacido, 1998). Si les manifestations de violence sont
généralement rapportées par les individus homosexuels qui s’affichent ouvertement comme
homosexuels ou sont présumés tels par l’entourage social, les personnes homosexuelles qui
maintiennent leur orientation sexuelle cachée ne souffrent pas moins d’un contexte culturel
marqué par les stéréotypes négatifs entourant l’homosexualité.
Plusieurs études ont documenté les effets négatifs de cette discrimination institutionnelle et
psychologique sur le bien-être et la santé des minorités sexuelles. On rapporte des problèmes
d’homophobie intériorisée (attitudes et émotions négatives associées au fait d’être un individu
homosexuel ;DiPlacido, 1998), de dépression (Shildlo, 1994), d’alcoolisme (Finnegan & Cook,
1984), de toxicomanie (Glaus, 1988 ), une incidence élevée de suicides (Rofes, 1983), des
conduites sexuelles à risque et chez les plus jeunes, des problèmes de délinquance, des difficultés
scolaires et de la prostitution (Hershberger & D’Augelli, 1995). La présente étude examine
comment la famille d’origine module les effets négatifs de cette discrimination sur le bien-être
des jeunes.
Identité homosexuelle et le « coming out » comme processus. Les chercheurs dans le
domaine du développement s’accordent pour dire que les « tâches développementales » (Erikson,
1982) à l’adolescence (12-17) et au cours de la jeune vie adulte (18-25) résident dans
l’établissement d’un équilibre entre l’autonomie/séparation et dans l’établissement de liens
affectifs durables, incluant l’expérience et l’intégration du désir sexuel. Dans ce contexte, le
développement de l’identité homosexuelle emprunterait des parcours multiples (et non une
séquence de stades fixes comme il avait été suggéré antérieurement) (e.g., Savin-Williams &
Esterberg, 2000). Ces parcours seraient marqués par deux processus distincts en constante
interaction. Le premier implique un questionnement sur sa sexualité, alors que le deuxième
implique la divulgation à l’autre d’attirances sexuelles pour le même sexe, ou d’expériences
sexuelles avec le même sexe, ou d’une identité sexuelle reconnue (« Je suis gai, je suis
lesbienne »). Théoriquement, parler aux autres de ces réalités et s’exposer aux réactions des
autres seraient des éléments du processus identitaire qui permettent au jeune de structurer, définir
et réajuster sa « conception de soi » en tant que personne homosexuelle, ou bi-sexuelle, ou
hétérosexuelle. Témoins du questionnement sexuel du jeune adulte, les autres peuvent percevoir,
définir et supporter le jeune dans son identité sexuelle naissante. Alternativement, les autres
peuvent ignorer, décourager, condamner ces aspects de la réalité et favoriser des comportements
conformes aux contraintes culturelles. Ce processus de « reconnaissance de soi » à travers la
divulgation aux autres et les réactions des autres aurait le potentiel d’affecter le bien-être émotif
et psychologique des jeunes adultes, leur concept de soi, leur identité personnelle et, en
particulier, leurs relations interpersonnelles. En conformité avec notre modèle théorique, un
environnement hétérosexiste et parfois ouvertement homophobe entraînerait le risque que ce
processus résulte en trajectoires de développement caractérisées par l’instabilité, la peur et
l’anxiété par opposition à des trajectoires caractérisées par la stabilité, la croissance et la santé.
La famille d’origine des personnes homosexuelles (contexte microsystémique). En
raison de la nature particulière des liens développés entre l’enfant et sa famille d’origine, les
jeunes adultes en processus de coming out seraient inconfortables aussi longtemps que les parents
seraient maintenus dans l’ignorance (Savin-Williams, 1998). En raison des conséquences
négatives anticipées, aucun autre événement que la perspective d’un dévoilement aux parents
n’évoquerait de peur et d’anxiété aussi intense (Savin-Williams & Esterberg, 2000). La pleine
acceptation parentale résulterait en une expérience de libération et d’intégration identitaire.
Cependant, le dévoilement comporte le risque de perturber les liens avec la famille d’origine.
Les premières études cliniques sur le coming-out rapportent qu’environ la moitié des gais et des
lesbiennes ne dévoilent pas leur orientation sexuelle à leur famille (Laird, 1993). La peur de la
réaction familiale est d’autant plus grande lorsque les jeunes vivent avec leurs parents, dépendent
de leur famille pour leur subsistance, ou appartiennent à une autre minorité, laquelle augmente la
dépendance aux liens d’origine. Les hésitations par rapport à la réaction familiale sont fondées.
Les études ayant interrogé des personnes gaies et lesbiennes sur les réactions de leurs parents au
dévoilement suggèrent que les parents sont profondément bouleversés en apprenant (ou en
confirmant) l’homosexualité de leur enfant. Sur la base de cas cliniques, on rapporte des réactions
de choc, de honte, de colère, de condamnation, de dénégation, de doutes et de rejet (e.g.,
Strommen, 1989). A l’extrême, des personnes gaies et lesbiennes rapportent avoir été reniées par
leurs parents et, chez les plus jeunes, avoir été agressées physiquement par un parent et chassées
du foyer familial (Savin-Williams, 1998). Alors que la plupart des individus de groupes
minoritaires trouvent dans leur famille d’origine des ressources les protégeant contre la
stigmatisation entraînée par leur statut, les jeunes adultes homosexuels seraient, au contraire,
vulnérables aux réactions parentales négatives. Des auteurs rapportent que ces dernières
exacerbent les effets négatifs du statut de minorité sexuelle sur leur santé mentale (Hershberger &
D’Augelli, 1995). Toutefois, après une période de deuil où ils intègrent progressivement la
réalité, des parents apporteraient un soutien propre à faciliter l’adaptation des personnes
homosexuelles (DiPlacido, 1998). Ces données suggèrent donc que plusieurs jeunes gais et
lesbiennes ainsi que des parents développent des stratégies d’adaptation efficaces.
Les données qui précèdent suggèrent d’évaluer, d’une part, si l’absence de dévoilement à la
famille d’origine affecte le bien-être des jeunes. En maintenant secrète leur orientation sexuelle
par crainte des conséquences négatives, les jeunes se créent une double identité, publique et
privée, et s’aliènent ainsi les personnes parmi les plus significatives de leur entourage. Un
premier objectif de la présente étude consiste à comparer le niveau de bien-être de jeunes gais et
lesbiennes ayant dévoilé leur orientation à leurs parents à un groupe de jeunes gais et lesbiennes
qui maintiennent le secret vis-à-vis de leur famille. D’autre part, parmi les jeunes ayant dévoilé
leur orientation, il serait nécessaire de comprendre comment des familles (jeunes et parents)
développent des habiletés d'adaptation à ces difficultés alors que d'autres échouent. De plus, il
faudrait identifier les facteurs contextuels prédisposant certaines des familles à mieux s’adapter
que d’autres. Tel est le deuxième objectif de la présente étude.
Avoir un enfant homosexuel: la perspective parentale. La plupart des données
disponibles sur les réactions parentales au coming out sont rapportées par les jeunes gais et
lesbiennes. Pour cette raison, la question de la réaction parentale a surtout été analysée sous
l’angle du parent rejetant et victimisant. Très peu d’études ont examiné la perspective parentale
en questionnant les parents eux-mêmes. Que vivent les parents ?
Au cours de leur vie, l’ensemble des adultes devenus parents de jeunes adultes ont entretenu des
attentes par rapport au développement de leurs enfants. Les études sur le développement adulte au
mitan de la vie (40-60) montrent que l’adaptation psychologique, sociale et professionnelle de
leur enfant jeune adulte témoigne de leurs compétences parentales et contribuent à leur bien-être
psychologique (Spitze et al., 1994). Les enfants qui, une fois adultes, se développent dans leur vie
affective et professionnelle en conformité avec les attentes parentales procurent aux parents un
sens de sécurité et d’accomplissement qui leur permet de se recentrer sur des intérêts
indépendants de leur rôle parental. Par exemple, une étude empirique sur l’impact du
développement des jeunes adultes (18-25) sur le bien-être de leurs parents montre que les
évaluations positives des parents à l’égard au développement personnel et social de leur enfant
jeune adulte sont associées positivement à leur bien-être, leur estime de soi, leur orientation vers
des projets de réalisation et le sentiment de contrôle sur leur environnement (Ryff et al., 1994).
La réussite des enfants en conformité avec les normes de la culture faciliterait les changements
positifs dans la trajectoire de développement adulte chez les parents. On peut donc s’attendre à
ce que, dans un contexte balisé par la culture hétérosexuelle, le fait d’apprendre que son enfant est
homosexuel perturbe le bien-être des parents.
Des auteurs suggèrent que ces parents vivraient des stades d’adaptation à la réalité homosexuelle
de leur enfant suivant un processus de deuil calqué sur les étapes postulées par Kubler-Ross lors
de la mort d’un proche (1969) : choc, déni, culpabilité, colère et acceptation. Nous avons
répertorié seulement trois études empiriques sur les parents d’enfants homosexuels. Les trois
études testent le modèle du deuil. Deux de ces études utilisent un questionnaire avec choix forcé
présumant les étapes du modèle de deuil (Bornhek, 1993 ; Robinson et al. 1989). Ces études ne
confirment pas les étapes du deuil mais suggèrent plutôt une multiplicité de trajectoires. La
troisième étude ne confirme pas non plus le modèle du deuil (Ben-Ari, 1995). Celle-ci est de
portée limitée puisqu’elle ne fournit aucune information sur la structure de l’entrevue et sur son
mode d’analyse. Si l’on veut bien comprendre l’expérience parentale et sa place dans les
transformations de la dynamique familiale déclenchées par le coming out, il faut nécessairement
analyser l’expérience des parents telle que rapportée par les parents. Cette stratégie permettrait
d’examiner la variabilité des réactions initiales et subséquentes des parents, les difficultés vécues
en rapport avec cet élément déclencheur de changements, les stratégies d’adaptation déployées et
leurs effets sur le bien-être et le sentiment d’actualisation et de croissance personnelle des
parents.
Outre la nécessité de colliger des données auprès des parents eux-mêmes, les recherches
suggèrent de tenir compte des éléments suivants. Premièrement, alors que des études suggèrent
que la mère, par rapport au père, suscite davantage de confiance lors du coming out, d’autres
études suggèrent que le sexe de l’enfant est une variable qui interagit avec le sexe du parent (e.g.,
Pilkington & d’Augelli, 1995) : il est possible que les pères réagissent plus négativement à un fils
gai qu’à une fille lesbienne, et que les mères réagissent plus négativement à une fille lesbienne
qu’à une fils gai. La présente étude examinera donc la question de l’expérience familiale au
moyen d’une stratification systématique des groupes étudiés en fonction du sexe du parent et du
sexe de l’enfant.
Deuxièmement, aucune des études sur le coming out et la famille n’a étudié la dynamique
familiale en interrogeant les jeunes et leurs parents. Ainsi, les données provenant des jeunes
suggèrent des réactions parentales plus négatives que les données obtenues en questionnant des
parents. Nous n’avons pas de données sur l’interface homosexualité/famille s’appuyant sur les
membres d’une même famille. Une approche systémique de la question permettrait de tracer des
trajectoires interactives d’adaptation des jeunes et de leurs parents. La présente étude retiendra
donc la dyade jeune/parent comme unité d’analyse.
Troisièmement, aucune étude n’a examiné la qualité du climat familial et du lien parent/enfant
antérieurement à la divulgation (pendant l’enfance et l’adolescence) et son effet sur l’expérience
familiale. Il y a lieu de penser que des relations parents/enfants conflictuelles durant l’enfance
auront un effet négatif soit sur la décision des jeunes de divulguer ou non leur identité à leurs
parents, soit sur l’adaptation des familles chez ceux qui auront décidé de divulguer. Malgré les
limites du rapport rétrospectif et le besoin d’études prospectives pour comprendre comment la
qualité du lien parent/jeune enfant module les réponses familiales lors du coming out, l’examen
de la qualité du lien à la famille permettra une première exploration de ses effets possibles dans
les processus d’adaptation.
Quatrièmement, les quelques études sur la réaction parentale ont limité leur approche aux
réactions psychologiques des parents ou aux caractéristiques des interactions parents/enfants.
Des entrevues non structurées que nous avons menées auprès de parents au cours de l’année
suggèrent que les réactions de l’entourage social des parents jouent un rôle capital. A côté
d’autres caractéristiques démographiques déterminantes (âge, sexe, statut parental mono ou biparental, famille reconstitué/non-reconstitué, degré d’attachement religieux, origine
urbaine/régionale), la présente étude examinera le contexte mésosystémique des réactions
parentales, c’est à dire les changements dans les liens avec leur milieu et leur réseau social.
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analysis of the networks of married couples in relation to marital satisfaction and individual wellbeing ». Journal of Social and Personal Relationships, 9, 365-383.
Strommen, E. F. (1989). « ‘ You are what?’ : Family members reactions to the disclosure of
homosexuality ». Journal of Homosexuality, 18, 37-58.
Watters, A. T. (1986). « Heterosexual bias in psychological research on lesbianism and homosexuality ».
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West. D. J., & Green, R. (1997). Sociolegal control of homosexuality : A multi-nation comparison. New
York : Plenum.
Encadré Double minorité
Les jeunes femmes lesbiennes et la discrimination (liens vers Publications / ET)
ref : LAROCHE, Pierrette, « Les jeunes femmes lesbiennes et la discrimination », L’info filiale,
automne 1998, p. 8-9.
Pour intervenir auprès des jeunes femmes lesbiennes, il faut avoir une bonne idée des obstacles
qu’elles peuvent rencontrer dans leur quotidien. L’entretien de Pierrette LaRoche avec M., une
Haïtienne de 22 ans qui accepte son homosexualité, présente une femme heureuse et déterminée à
bien vivre sa différence malgré les problèmes que celle-ci lui fait connaître.
La violence conjugale chez les couples du même sexe (Lien vers Publications / ET )
ref : LECLERC, Louis, « La violence conjugale chez les couples du même sexe », Équilibre en
Tête, vol. 14, no 2, printemps 2000, p. 7.
Magré les mythes et les préjugés, la violence conjugale sévit chez les couples du même sexe. La
définition et la dynamique de la violence sont les mêmes chez eux que chez les couples
hétérosexuels. Toutefois, les agresseurs des couples gais ou lesbiens disposent d’outils
d’intimidation supplémentaires : l’homophobie intériorisée et l’hétérosexisme, qui confinent la
victime au silence de peur de voir son homosexualité révélée. Les méconceptions généralisées
face à ce phénomène font obstacle à sa résolution, de sorte que les besoins des victimes gaies et
lesbiennes s’apparentent à ceux des femmes hétérosexuelles au début des années 1970.
Encadré Famille et qualité de vie des gais et lesbiennes (lien vers Programmes)
Publications (lien vers Publications / FQVGL)

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