Optique de Fourier, suite: Application à l`imagerie et au ltrage spatial.

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Optique de Fourier, suite: Application à l`imagerie et au ltrage spatial.
Chapter 7
Optique de Fourier, suite:
Application à l'imagerie et au
ltrage spatial.
Dans le chapitre précédent nous avons introduit diérents outils mathématiques et concepts permettant de décrire l'onde diractée par des obstacles
et la gure de diraction observée "à l'inni" ou dans le plan focal d'une
lentille, correspondant aux conditions de Fraunhoer. En pratique, très souvent en optique on est intéressé à observer l'image de ces obstacles formée
par un système optique d'imagerie. C'est ce que nous allons faire dans ce
chapitre, où nous allons également introduire la notion de "ltrage spatial"
qui consiste à modier l'onde diractée de manière contrôlée de façon à
faire ressortir certains détails de l'image. Une application importante est
l'observation d'objets transparents présentant peu de contraste, se caractérisant uniquement par des diérences d'indice de réfraction (cf mélange de
uides, cellules biologiques dans l'eau...).
7.1 Plan de Fourier et plan focal: l'onde dans le
plan focal s'identie à la Transformée de Fourier
de l'onde du plan source si celui-ci est dans le
plan focal objet de la lentille
Dans les chapitre précédents nous avons armé que la répartition d'éclairement
observée dans le plan focal d'une lentille interceptant l'onde diractée par
des obstacles disposés dans un plan Σ était donnée par le module au carré
de la transformée de Fourier de la vibration optique ψΣ (x, y) dans ce plan
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après franchissement des obstacles:
Z
I(X, Y ) ∝ |ψ(X, Y )| ∝ |ψ(~k)|2 = |
2
Σ
cΣ (~k)|2
ψ(x, y). exp(−ikx x−iky y)dxdy|2 = |ψ
(7.1)
Rappellons que dans le cas le plus fréquent d'un plan éclairé par une onde
plane en incidence normale on peut identier ψ(x, y) et T (x, y), transparence
de l'objet placé dans le plan Σ.
Mais il faut bien réaliser que cette Eq.7.1 n'implique pas que ψ(X, Y ) =
c
ψΣ (~k). On va voir en eet que ces deux quantités dièrent pas un facteur
de phase du type exp[iφ(X, Y )] qui ne change pas l'éclairement dans le plan
focal de la lentille, mais qui détermine de façon essentielle sa propagation au
delà de ce plan. Or nous avons décidé de nous intéresser ici à la formation
de l'image de Σ, qui se forme en général au delà de ce plan focal.
Imaginons en eet que l'onde émise depuis Σ se réduise à une simple
onde sphérique émise depuis un point objet se trouvant au point O sur l'axe
optique. Dans ce cas, la lentille transforme cette onde sphérique en une autre
onde sphérique (cf Fig.7.1), et dans les conditions paraxiales on s'attend à
observer dans un plan un éclairement uniforme. Ce qui est décrit mathématiquement par l'expression de cette onde sphérique paraxiale (cf n du
chapitre 1):
ψ(X, Y, z) = A(z) exp[ik(X 2 + Y 2 )/(2R(z))]
(7.2)
où R(z) est le rayon de courbure (positif ou négatif, suivant que l'onde
est divergente ou convergente) de l'onde en z , qui conduit à I(X, Y ) ∝
|ψ(X, Y )|2 = |A(z)|2 indépendant de X et Y . Cette distribution uniforme
d'éclairement est également en accord avec l'Eq.7.1 où l'on prend ψΣ (x, y) =
cΣ (~k) = A × 1.
Aδ(x).δ(y) qui conduit à ψ
On voit bien que dans ce cas ψ(X, Y, z) donné par l'Eq.7.2 n'est pas égal
c
cΣ (~k)|2 .
à ψΣ (~k), même si |ψ(X, Y, z)|2 = |ψ
En fait on s'attend à ce que l'onde sphérique de l'Eq.7.2 converge vers
l'image géométrique paraxiale O0 du point source placé en O. En supposant
que cette image est réelle, elle se trouve à une distance p0 de la lentille,
donnée par l'équation des lentilles minces:
1
1
1
+ 0 =
p p
f
où p est la distance entre l'objet O et la lentille de focale f , et
R = −(p0 − f )
(négatif pour onde convergente).
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Figure 7.1: Image d'un point et onde sphérique dans le plan focal d'une
lentille convergente.
Cependant si p = f , on a p0 = +∞, donc R = −∞. Alors ψ(X, Y, z) =
cΣ (~k) = A.
A(z) est constante dans le plan focal et peut donc être identié à ψ
On peut étendre ce raisonnement à un point objet hors de l'axe, et plus
généralement à un objet quelconque générant suivant Huyghens-Fresnel une
superposition d'ondes sphériques émises depuis les diérents points du plan
Σ, de telle sorte que:
L'onde dans le plan focal de la lentille s'identie à la transformée
de Fourier de l'onde dans le plan objet à condition que ce plan objet
soit situé à une distance égale à la focale de la lentille. Dans ces
conditions le plan focal porte le nom de "plan de Fourier", qu'on
b.
notera Σ
7.2 Imagerie de Fourier
Après avoir placé le plan objet Σ dans le plan focal objet d'une lentille
convergente L1 de focale f , plaçons une deuxième lentille de même focale
à une distance 2f de la première (cf Fig.7.2). Dans ces conditions le plan
b se trouve dans le plan focal objet de la deuxième lentille L2 .
de Fourier Σ
b
b , plan focal image de L2 , repéré par les axes O0 x0 , O0 y 0 est
L'onde dans Σ
b , de telle sorte que:
alors la Transformée de Fourier de l'onde dans le plan Σ
c
cΣ = (2π)2 ψΣ (−x0 , −y 0 )
ψ bb (x0 , y 0 ) = ψ
Σ
(7.3)
b
b,
Physiquement cela signie que dans le plan focal de L2 , qu'on peut noter Σ
se forme l'image inversée de l'onde dans le plan objet Σ. De fait la lentille L1
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Figure 7.2: Image d'un point et plan de Fourier dans le plan focal d'une
lentille convergente.
forme une image à l'inni de l'objet placé dans le plan focal objet Σ. Cette
image à l'inni sert d'objet à L2 qui en forme l'image dans son plan focal
b
b , où on retrouve l'image de l'objet avec un grandissement -1.
image Σ
7.3 Filtrage spatial
b une lame caractérisée par une fonction
Interposons dans le plan de Fourier Σ
de transmission G(X, Y ), qu'on peut associer à une fonction G(kx , ky ) en
faisant le changement de variable qui associe un vecteur d'onde à un point
de ce plan:
G(kx , ky ) = A(kx , ky ) exp(iφ(kx , ky ))
(7.4)
Noter que cette transmission comprend en général une atténuation caractérisée par le facteur A, obtenue en prenant une lame absorbant partiellement le rayonnement, et d'un facteur de déphasage exp(iφ) obtenu à partir
de l'indice n et de l'épaisseur e de la lame:
φ(X, Y ) = k.n.e(X, Y )
Ainsi l'onde transmise juste après la lame s'écrit:
cΣ (kx , ky )
ψG (kx , ky ) = G(kx , ky ).ψ
(7.5)
b
b "ltrée" par la lame:
qui donne lieu à une image dans le plan Σ
d
cΣ (x0 , y 0 )
ψ bb G (x0 , y 0 ) = G.ψ
Σ
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(7.6)
On a dit dans le chapitre 4 que la Transformée de Fourier d'un produit
de convolution est le produit des transformées de Fourier:
fd
∗ g(kx ) = fb.b
g (kx )
et réciproquement on peut montrer que:
c 0 ) = 1 (fb ∗ gb)(x0 )
f.g(x
2π
(le facteur 2π s'élevant au carré pour des fonctions de 2 variables).
Il en résulte que l'Eq.7.6 se réécrit:
ψ bb G (x0 , y 0 ) = (
Σ
1 2b c
cΣ
) G∗ψ
2π
soit
1 2b
) G ∗ (2π)2 ψΣ (−x0 , −y 0 )
(7.7)
2π
ce qui s'énonce: L'image résultant du ltrage dans le plan de Fourier est la
convolution de l'image non ltrée par la transformée de Fourier du ltre.
ψ bb G (x0 , y 0 ) = (
Σ
Exemple:
Supposons qu'on ait dans le plan objet Σ une ensemble de points objets, on
peut écrire:
X
ψΣ (x, y) =
δ(x − xi ).δ(y − yi )
i
de telle sorte que
ψ bb (x0 , y 0 ) =
Σ
X
δ(x0 + xi ).δ(y 0 + yi )
i
b un diaphragme de diamètre d. Cela
Supposons qu'on ait dans le plan Σ
revient à appliquer à l'onde un ltre G = fonction disque, dont la transforb , est un "Bessel cardinal". L'image observée résulte de la
mée de Fourier G
convolution de cette somme de Dirac avec le Bessel cardinal: c'est une série
de fonctions de Bessel cardinal centrées aux positions −xi , −yi images des
points xi , yi .
Ceci montre que dans ce cas la convolution conduit à une image de résolution dégradée, xée par le diamètre de la fonction Bessel cardinal, liée au
diamètre d de l'ouverture dans le plan de Fourier.
On verra en TP un autre exemple de "ltrage spatial" se traduisant par
l'élimination de certaines "fréquences spatiales" associées à certains motifs
de l'image, qu'on peut ainsi faire disparaître dans l'image ltrée.
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7.4 Application à l'imagerie d'objets transparents:
Strioscopie et contraste de phase
Ordinairement les objets sont visibles par la variation de lumière que leur
présence engendre au niveau du détecteur (caméra, oeil...). Cette variation
d'intensité lumineuse est nette lorsque ces objets sont colorés ou absorbants.
(la couleur étant pour des objets qui n'émettent pas de lumière à une absorbance dépendant de la longueur d'onde).
Cependant il existe de nombreux cas d'objets transparents non absorbants.
Si nous plaçons dans le plan Σ des objets transparents (par exemple des
gouttes d'huile mélangées à de l'eau, des cellules biologiques baignant dans
de l'eau...), la modication de l'éclairement traduisant leur présence que l'on
b
b va être liée à la lumière diractée par la variation
va observer sur l'écran Σ
d'indice dans le plan Σ, conséquence d'une fonction de transmission du type
T (x, y) = exp iφ(x, y) = exp ik.ne(x, y) où k.ne est souvent très petit devant
2π (Noter que à la fois n et e peuvent dépendre de x et y .). L'eet est
faible de telle sorte que ces objets sont souvent peu visibles. Nous exposons
ci-dessous deux méthodes permettant d'augmenter le contraste de l'image,
c'est à dire la variation de lumière en présence ou en absence de ces "objets de phase". Ceci est eectué en interposant dans le plan de Fourier un
élément qui aecte de manière contrôlée l'onde issue de l'objet.
Dans les deux cas nous considérons donc un objet de phase caractérisé
par une fonction de transmission du type T (x, y) = exp iφ(x, y), où nous
supposons φ petit, éclairé par une onde plane en incidence normale. Alors:
ψΣ (x, y) = ψ0 T (x, y) ∼ ψ0 [1 + iφ(x, y)]
et on a:
soit:
b x , ky )]
ψΣb (kx , ky ) ∼ ψ0 [b
1 + iφ(k
b x , ky )]
ψΣb (kx , ky ) ∼ ψ0 [(2π)2 δ(kx )δ(ky ) + iφ(k
La fonction δ(kx )δ(ky ) décrit la composante non diractée de l'onde plane
focalisée au foyer de la lentille en l'absence d'objet.
7.4.1 "Strioscopie": ltrage par un point absorbant
L'idée de la strioscopie est de placer au foyer de la lentille L1 , centre du plan
b , un petit point absorbant (en pratique point noir déposé sur
de Fourier Σ
une lame de verre) (cf Fig.7.3). Ce petit point va absorber la composante
non diractée, de telle sorte que l'onde transmise après passage du ltre se
réduit à :
b x , ky )
ψΣb G = iψ0 φ(k
100
Figure 7.3: Schéma de principe du montage d'imagerie d'objets de phase.
b
b à l'onde:
qui donne lieu dans le plan image Σ
b
ψ bb G (x0 , y 0 ) = iψ0 φb = iψ0 (2π)2 φ(−x0 , −y 0 )
Σ
et à une distribution d'éclairement:
I bb G (x0 , y 0 ) = ψ02 (2π)4 |φ(−x0 , −y 0 )|2
Σ
mettant directement en évidence la distribution de phase de l'objet qui apparaît sur fond noir (pas de lumière si pas d'objet, cf Fig.7.4). L'inconvénient
est que l'éclairement est proportionnel au carré du déphasage. Il n'est donc
pas sensible au signe de ce déphasage (on ne fait pas la diérence entre des
objets d'indice un peu plus grand ou un peu plus petit que celui du milieu
ambiant), et les régions de petit φ sont proportionnellement moins visibles
que celles de grand φ. La méthode du "contraste de phase" proposée par
Zernike (prix Nobel 1953), implantée dans la plupart des microscopes optiques, élimine ces inconvénients.
7.4.2 Contraste de phase: ltrage par un "point de phase"
L'idée de cette méthode est de remplacer le point absorbant précédent (cf
Fig.7.3) par un "point de phase" (surépaisseur ou sous-épaisseur de matériau
déposé sur lame transparente 1 ) introduisant un déphasage de π/2. Dans ces
conditions on a maintenant:
b x , ky )]
ψΣb G = ψ0 [(2π)2 δ(kx )δ(ky ) exp(iπ/2) + iφ(k
1
Les microscopes commerciaux utilisent une géométrie diérente basée sur un éclairement annulaire de l'échantillon, mais ça ne change rien au principe de la méthode
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Figure 7.4: Observation par strioscopie de la dispersion d'un liquide (glycérol) dans un autre (eau). L'éclairage de l'échantillon (cuve) est réalisé au
moyen d'un laser vert.
soit:
b x , ky )]
ψΣb G = iψ0 [(2π)2 δ(kx )δ(ky ) + φ(k
conduisant à
ψ bb G (x0 , y 0 ) = iψ0 [(2π)2 + (2π)2 φ(−x0 , −y 0 )]
Σ
et donc à une distribution d'éclairement:
I bb G (x0 , y 0 ) = ψ02 (2π)4 [1+2φ(−x0 , −y 0 )+φ2 (−x0 , −y 0 )] ∼ ψ02 (2π)4 [1+2φ(−x0 , y 0 )]
Σ
Dans ces conditions l'image de l'objet de phase apparaît sur un fond lumineux qui n'est plus noir, avec l'avantage qu'on est sensible au signe de φ
(qui donne selon le cas une augmentation ou une diminution de l'éclairement),
et que la variation d'éclairement est proportionnelle à φ.
Pour renforcer le contraste on remplace habituellement le "point de phase
transparent" par un "point de phase partiellement absorbant", caractérisé
par un coecient de transmission de l'amplitude a conduisant à:
b x , ky )]
ψΣb G = ψ0 [(2π)2 δ(kx )δ(ky )a exp(iπ/2) + iφ(k
et à:
I bb G (x0 , y 0 ) ∼ ψ02 (2π)4 [a2 + 2aφ(−x0 , −y 0 )]
Σ
102
Figure 7.5: Observation d'une culture de cellules épithéliales au moyen d'un
microscope fonctionnant en éclairage plein champ conventionnel (image de
gauche) ou équipé d'un dispositif à contraste de phase (image de droite).
où l'on voit que le contraste de l'image 2aφ/a2 = 2φ/a est augmenté d'un
facteur 1/a > 1 au dépens d'une diminution globale de l'éclairement qui peut
être rattrappée en augmentant l'intensité de la source d'éclairage.
Un exemple d'application à l'observation de cellules biologiques est montré sur la Fig.7.5.
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