Les efforts du Cameroun en vue de la gestion des forêts de

Transcription

Les efforts du Cameroun en vue de la gestion des forêts de
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Les efforts du Cameroun en vue de la gestion des forêts de
production : progrès et lacunes
Richard EBA’A ATYI1 & Edouard ESSIANE MENDOULA2
1
Enseignant-Chercheur, Université de Dschang et Programme Tropenbos Cameroun
BP 219 kribi, Cameroun.
2
Assistant de recherche, Programme Tropenbos Cameroun, BP 219 Kribi, Cameroun.
Résumé
Le rapport d’une étude commanditée par l’OIBT sur la gestion durable des forêts de
production et le Plan d’Action Forestier Tropical du Cameroun, publiés il y a 10 ans, ont
présenté un diagnostic détaillé du secteur forestier camerounais et particulièrement des forêts
de production. Tous arrivaient à la conclusion que les forêts de production du Cameroun
n’étaient pas gérées de façon durable. Dès lors l’administration camerounaise, aidée par la
communauté internationale, a entrepris de nombreux efforts pour améliorer la gestion des
forêts de production. Ces efforts concernent la restructuration du cadre institutionnel et légal,
la planification de l’utilisation des ressources forestières au niveau national et les orientations
pour l’aménagement des concessions forestières. De même, un certain nombre de projets
pilotes destinés à rassembler des données techniques nécessaires à l’aménagement des forêts
de production ont été mis en place. Malgré ces efforts, de nombreuses lacunes restent à
combler pour la mise en œuvre effective des aménagements sur le terrain.
Summary
A report of a study on the sustainable management of tropical forest initiated by ITTO and the
Tropical Forestry Action Plan of Cameroon both published ten years ago made a detailed
diagnosis of the forestry sector of Cameroon at specially of the management of production
forests. Both came to the conclusion that Cameroon’s production forests were not yet
managed sustainably. Since then, the Cameroon Forestry administration, with the assistance
of the international community, has undertaken a number of actions to improve the
management of its production forests. These efforts made concern the restructuring of the
institutional and legal framework, the planning of forest land utilisation and the setting of
guidelines for the sustainable management of forest concession. In addition, a number of pilot
projects have been established to gather the technical data necessary for the sustainable
management for tropical forests. Despite these efforts, a number of short coming remain
which prevent smooth implementation of sustainable management of production forests.
1
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Introduction
Depuis près d’une décennie, le Cameroun joue un rôle prépondérant dans la production et
l’exportation des grumes d’essences tropicales à partir de l’Afrique (Karsenty et Maître,
1994). Les ressources existantes sont encore considérables car les forêts de tous types
évoluant sur terres fermes couvrent encore une superficie estimée à plus de 17,5 millions
d’hectares (Coté, 1993). L’exploitation forestière joue un rôle de plus en plus important dans
l’économie du Cameroun tant comme source de devises que comme pourvoyeur d’emploi
(Eba’a, 1998). Malheureusement, en cette fin de 20ème siècle où la gestion durable des forêts
tropicales est devenue une préoccupation internationale, la gestion des forêts camerounaises
est souvent qualifiée de non durable (FAO/PNUD, 1988 ; Poore, 1998). Etant donné les effets
néfastes qu’un tel jugement peut avoir sur le développement économique du pays, l’Etat
camerounais a initié un train de mesures visant à améliorer la gestion forestière. Ces mesures
sont à la fois d’ordre institutionnel, légal et technique. Elles concernent la planification au
niveau national ainsi que l’aménagement des concessions forestières.
Aménagement des forêts au Cameroun : les progrès
Restructuration du cadre institutionnel
Afin de créer un cadre institutionnel favorable à la gestion durable des ressources forestières,
le Cameroun a entrepris de profondes réformes du secteur forestier depuis le début des années
1990. Les plus importantes sont :
- la création d’un Ministère de l’Environnement et des Forêts (MINEF),
- l’énoncé de la politique forestière du Cameroun,
- l’adoption d’une nouvelle loi forestière complétée par un décret d’application.
Créé en 1992 et réorganisé en 1996 (Anonyme, 1996), le MINEF est chargé de la conception
et de la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de forêts et de faune. Il comporte
deux Directions techniques dont l’une est chargée des forêts et l’autre de la faune et des aires
protégées. Par ailleurs, il a sous sa tutelle un organisme public, l’Office National de
Développement des Forêts (ONADEF), qui exécute toutes les tâches techniques qui lui sont
confiées par l’Etat ainsi que des travaux commandités par des opérateurs économiques privés
du secteur forestier.
Le document énonçant la politique forestière du Cameroun a été publié en 1993 (MINEF,
1993) et révisé en 1995 (MINEF, 1995). D’après ce document, le but poursuivi par l’Etat dans
la gestion des ressources forestières est «de pérenniser et de développer les fonctions
économiques, écologiques et sociales des forêts dans le cadre d’une gestion intégrée qui
assure de façon soutenue et durable la conservation et l’utilisation des écosystèmes forestiers».
La politique forestière fixe cinq objectifs généraux pour la gestion forestière au Cameroun :
- Assurer la protection de notre patrimoine forestier et participer à la sauvegarde de
l’environnement et à la préservation de la biodiversité de façon pérenne;
- Améliorer la participation des populations à la conservation et à la gestion des ressources
forestières;
- Mettre en valeur les ressources forestières en vue d’augmenter la part de la production
forestière dans le PIB tout en conservant le potentiel productif;
- Assurer le renouvellement de la ressource par la régénération et le reboisement en vue de
pérenniser le potentiel;
2
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
- Dynamiser le secteur forestier en mettant en place un système institutionnel efficace et en
faisant participer tous les intervenants dans la gestion du secteur.
La Loi n0 94/01 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche a été promulguée en
janvier 1994 (Anonyme, 1994). Elle est considérée comme le premier texte d’application de la
politique forestière dont l’énoncé est présenté ci-dessus. Cette loi subdivise le domaine
forestier national en domaine forestier permanent et domaine forestier non permanent. Les
orientations générales concernant l’exploitation et l’aménagement des forêts sont aussi
contenues dans cette loi. Par rapport aux législations précédentes (Anonyme, 1973 ; Anonyme
1981), la loi de 1994 apporte un certain nombre d’innovations dont l’une des plus importantes
est la volonté de maintenir le domaine forestier permanent à 30% du territoire national (article
22) alors qu’il était de 20% dans le texte de 1981. De plus, la loi pose l’existence d’un plan
d’aménagement approuvé par l’administration des forêts comme préalable à la conclusion
d’une convention d’exploitation forestière dans une concession attribuée dans le domaine
forestier permanent. De telles conventions sont conclues pour une période de 15 ans
renouvelable (article 46) et la superficie maximale d’une concession forestière est de 200 000
ha (article 49). L’autre innovation est la possibilité pour les communautés villageoises de
prétendre à la gestion de superficies forestières attribuées en tant que forêts communautaires
(articles 37 à 39). Dans son effort de partager les droits et les devoirs entre différents
intervenants de la gestion des forêts de production, la loi forestière stipule que l’aménagement
des forêts relève de l’Etat qui finance les opérations à travers un Fond spécial de
développement forestier (article 64) et oriente le commerce du bois vers l’arrêt de
l’exportation des grumes à l’horizon 1999 (article 71).
Le décret fixant les modalités d’application du régime des forêts (Anonyme, 1995) a pour
souci principal de rendre pratique la loi forestière. Ainsi, il définit les étapes à suivre pour
obtenir un agrément à la profession forestière et les différents types de titre d’exploitation. Les
droits d’usage, le partage des revenus entre les parties prenantes, la fiscalité et les pénalités en
cas de litiges ou d’entorses à la loi y sont clairement définis.
La planification au niveau national
Les efforts techniques en vue de la planification de la gestion des ressources forestières au
niveau national sont illustrés par l’inventaire de reconnaissance des ressources forestières
nationales, le plan de zonage, le Plan National de Gestion de l’Environnement (PNGE), et le
Programme d’Action Forestier National (PAFN).
Dès 1982, le Cameroun a entrepris une campagne d’inventaires de reconnaissance de ses
ressources forestières de grande envergure. Cet inventaire était conçu pour couvrir près de 30
millions d’hectares représentant tous les types de forêt du Cameroun. Pour cela, la partie du
territoire national concernée a été divisée en sept grands blocs de superficies variables
correspondant chacun à une phase d’inventaire. A ce jour, seuls un peu plus de 14 millions
d’hectares ont réellement été inventoriés. Néanmoins, cette superficie correspond à la partie
du territoire la plus riche en ressources forestières. Ces travaux ont constitué une base pour la
conception du plan de zonage du Cameroun forestier méridional. L’expérience acquise lors de
ces travaux a permis de rédiger des normes (ONADEF, 1992) qui servent de guide
méthodologique pour les inventaires de ce type.
Institué par décret (Anonyme, 1995), le plan de zonage constitue un cadre indicatif des terres
en zone forestière méridionale du Cameroun. Actuellement ce plan couvre partiellement le
territoire national sur une superficie de 14 011 127 ha (environ 30% du territoire). Néanmoins,
3
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
il concerne une grande partie des forêts denses (environ 64%) et particulièrement celles qui
sont considérées comme productives (plus de 80% des forêts productives). La planification est
effective à l’échelle 1/200 000 avec pour horizon l’an 2020 (Côté, 1993). Le plan propose que
le domaine forestier permanent couvre 64% (8.983.571 ha) dont les forêts de production à
elles seules constituent 67% des forêts permanentes et 43% du territoire (soit 6.093.406 ha).
Depuis 1995, année de son institution, le plan de zonage connaît une application laborieuse
sur le terrain. L’ensemble des forêts de production a été subdivisé en Unités Forestières
d’Aménagement (UFA) dont certaines, de superficies supérieures à deux millions d’hectares,
ont déjà été attribuées à des concessionnaires privés.
Par ailleurs, le Cameroun a élaboré un Programme d’Action Forestier National (PAFN) en
1995 pour une période de cinq ans dont les objectifs sont quasiment identiques à ceux énoncés
par la politique forestière. Néanmoins, le PAFN propose une approche qui se veut plus
concrète pour essayer d’atteindre ses objectifs. Cette approche consiste en l’identification d’un
certain nombre de projets prioritaires (29 au total) qui, une fois mis en œuvre, permettront de
réaliser les objectifs fixés. Ces projets proposent non seulement des actions de développement
mais aussi de conservation et de recherche.
Au lendemain de la conférence de Rio (1992), des études ont été menées au Cameroun dès
1993 afin d’élaborer un PNGE. Pour ce faire, le Cameroun a été divisé en Grandes Régions
Ecologiques (GRE). Chacune de ces régions a été analysée de façon à dégager les enjeux
environnementaux et plus tard, proposer des stratégies pour la résolution des problèmes
identifiés. Des dix GRE identifiées, deux font parties de l’entité écologique «Forêts
Tropicales» dans laquelle a lieu l’exploitation forestière industrielle : les forêts dégradées du
Centre littoral et la forêt dense humide du sud-ouest-est. Les objectifs majeurs qui
correspondent à ces GRE sont :
- s’assurer que les exigences liées à la gestion rationnelle des ressources sont acquises et que
l’application de la politique de reconstitution des ressources ligneuses et fauniques ainsi
que du respect de la capacité de charge sont effectives,
- s’assurer une gestion optimale du patrimoine forestier et une exploitation rationnelle des
ressources ligneuses (MINEF/PNUD et Banque Mondiale, 1995).
Mise au point des outils d’aménagement des concessions
En dehors de la restructuration du cadre institutionnel et des outils de planification au niveau
national ci-dessus évoqués, le Cameroun a aussi mis au point un certain nombre d’outils qui
doivent servir à la gestion forestière au niveau des massifs forestiers (concessions et UFA).
Parmi ces outils, il y a les normes pour différents travaux d’inventaire forestier
(aménagement, exploitation), un guide d’élaboration des plans d’aménagement des forêts de
production du domaine forestier permanent (MINEF, 1997), des directives pour
l’aménagement durable des forêts naturelles au Cameroun (MINEF/ONADEF, 1998) et des
normes d’intervention en milieu forestier.
4
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Des normes pour les travaux d’inventaire forestier
Pour l’évaluation des ressources préalable à l’aménagement, l’administration des forêts du
Cameroun a mis au point des normes qui doivent être suivies pour tous les travaux
d’inventaire, d’aménagement et de préinvestissement (ONADEF, 1991) ainsi que pour les
inventaires d’exploitation (ONADEF, 1995). De plus, des normes pour la vérification des
différents travaux d’inventaire ont aussi été établies (ONADEF, 1991) et un guide pour les
études d’arbres lors des travaux de recollement a été rédigé (ONADEF, 1998).
Le guide d’élaboration des plans d’aménagement et les Directives pour l’aménagement des
forêts naturelles
Pour orienter la rédaction des plans d’aménagement, l’administration des forêts s’est dotée de
deux documents normatifs : le « Guide d’élaboration des plans d’aménagement des forêts de
productions du domaine forestier permanent de la République du Cameroun» (MINEF, 1997)
et les «Directives Nationales pour l’aménagement durable des forêts naturelles du Cameroun»
(ONADEF/OIBT, 1998).
Pour ce qui est de la rotation, le Guide d’élaboration des plans d’aménagement fixe un
plancher de 25 ans et propose qu’elle soit toujours un multiple de cinq. Pour les parcellaires, il
propose que chaque concession soit subdivisée en blocs d’aménagement qui feront chacun
l’objet de gestion quinquennale. La taille de chacun des blocs est déterminée sur la base du
volume inventorié et chaque bloc est subdivisé en cinq assiettes annuelles de coupes (AAC)
de superficies variables. Un bloc d’aménagement est ouvert à l’exploitation pour une durée de
cinq ans après laquelle il reste fermé à l’exploitation. Par ailleurs, le calcul de possibilité se
base sur les résultats de l’inventaire d’aménagement et les estimations d’accroissement. Le
guide propose deux types de diamètre minimum d’exploitabilité (DME) : ceux fixés par
l’administration qui constituent des planchers et ceux déterminés à partir de l’analyse des
peuplements qui peuvent être supérieurs aux précédents. L’aménagement est basé sur ces
derniers.
Les Directives nationales pour l’aménagement durable des forêts naturelles quant à elles
proposent une rotation de 30 ans qui correspond à deux fois la durée d’une concession citée
par la loi. Elles stipulent néanmoins que «exceptionnellement la rotation pourra être
supérieure à 30 ans». Pour le parcellaire, les directives proposent que chaque concession soit
divisée en six Unités Forestières d’Exploitation (UFE) comportant chacune cinq Assiettes
Annuelles de Coupe. Les UFE sont de tailles variables mais «équi-volume» alors que les AAC
sont de surface équivalente «équi-surface». Chaque AAC reste ouverte à l’exploitation
pendant deux ans et toute l’UFA n’est donc pas fermée à l’exploitation au bout de cinq ans.
La possibilité ici est calculée sur la base des résultats d’inventaire, une liste d’essences est
définie en accord avec le concessionnaire et des DME sont fixés par l’aménagement sur la
base des analyses du peuplement. Les estimations des accroissements ne sont pas incluses
dans la calcul de la possibilité.
5
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Les projets pilotes de recherche forestière
Le secteur forestier camerounais comporte plus d’une vingtaine de projets mis au point avec
l’aide de la coopération internationale (MINEF, 1996), un certain nombre de ces projets sont
orientés vers l’aménagement forestier soit comme projets pilotes de développement, soit
comme projets de recherche (voir tableau ci-dessous). Ils agissent comme des véritables
laboratoires où sont menés des essais d’aménagement en grandeur réelle et dont les résultats
permettront de mieux définir les paramètres d’aménagement pour tous les autres massifs
forestiers au Cameroun.
Les lacunes
Cette volonté politique semble assez probante au Cameroun si on en juge par les nombreux
efforts mentionnés ci-dessus réalisés en l’espace d’une décennie. L’environnement
institutionnel semble nettement plus favorable à la gestion durable des forêts du Cameroun et
de nombreux outils techniques sont actuellement disponibles pour aborder la mise en œuvre
des aménagements forestiers sur le terrain.
Les principaux projets d’aménagement forestier au Cameroun
Nom du projet
API-Dimako
(Forêt et terroir)
Gestion durable des
forêts camerounaises
So’o lala
Sikop
South Bakundu
Tropenbos
Partenaire
Activités principales
Coopération française Plan d’aménagement de 5 UFA
ACDI*
• Aménagement de 2 UFA
• Appui à l’administration des forêts
Aménagement d’une forêt de production
Aménagement d’une forêt de production
Aménagement d’une forêt de production
• Recherche
• Aménagement d’une forêt de production
OIBT**
OIBT**
OIBT**
• Pays-Bas
• OIBT**
• Union Européenne
* Agence Canadienne pour le Développement International
** Organisation Internationale des Bois Tropicaux
Néanmoins, malgré ces efforts, la mise en application des aménagements au niveau des
concessions a de la peine à démarrer. En 1998, seuls deux à trois exemples présentent des
plans d’aménagement déjà rédigés et effectivement mis en œuvre. Ces exemples ne
concernent que des projets pilotes, notamment So’o lala, Lokoundjé-Nyong (projet de gestion
durable des forêts camerounaises) et South Bakundu. Bien que d’autres projets aient rédigé
des plans d’aménagement (API-Dimako), leur mise en application tarde à venir. Le plus
inquiétant reste que la presque totalité des opérateurs économiques privés n’a pas encore
commencé le processus à leur niveau. Or l’exploitation industrielle des forêts camerounaises
est conduite entièrement par ces opérateurs privés. De nombreux obstacles et problèmes
peuvent expliquer les lenteurs observées dans la mise en œuvre effective des aménagements
au niveau des concessions forestières camerounaises. D’abord la démarche du Cameroun en
vue de la gestion durable de ses forêts est complexe et assez englobante, ce qui entraîne
obligatoirement des lenteurs résultant du manque de moyens nécessaires pour des réformes
d’envergure. C’est aussi le fait des intérêts nombreux et parfois divergents qui peuvent surgir
au cours de l’avancement du processus.
6
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Le Cameroun s’est orienté vers un processus de réforme général du secteur forestier dans
lequel l’application des aménagements au niveau des massifs apparaît comme l’un des
aboutissements. Par exemple, la création d’un nouveau cadre légal devait précéder toutes les
opérations techniques au niveau des massifs. De plus, l’attribution des concessions a dû
attendre la division de l’ensemble des forêts de production en UFA à partir du plan de zonage
qui devait lui-même être approuvé par le gouvernement après consultation de tous les
départements ministériels concernés par l’affectation des terres. Alors que l’élaboration d’un
plan de zonage est achevée depuis 1993, ce n’est qu’en 1997 qu’ont eu lieu les premières
attributions significatives des concessions sur 2 millions d’hectares. Les attributaires disposent
de trois ans pour finaliser la rédaction et obtenir l’approbation des plans d’aménagement de
leurs concessions. Il faudra donc sept ans à partir de la définition des limites des forêts de
production proposée par le plan de zonage pour que les premiers plans des concessions
privées soient prêts. Théoriquement, il y aura donc un grand nombre de massifs aménagés
selon les plans approuvés.
En dehors de cette approche complexe mais justifiable qui peut expliquer certains retards, de
nombreux problèmes peuvent être identifiés pour la mise en œuvre des aménagements sur le
terrain. Ainsi, sur le plan institutionnel, l’imprécision dans la définition des attributions de
l’ONADEF et des sources de financement de ses activités commence à soulever des questions
sur le suivi des différentes opérations d’aménagement sur le terrain. Si les travaux
d’aménagement tels que les inventaires peuvent êtres menés par des opérateurs privés, il serait
important que l’administration dispose d’une structure étatique capable de faire le suivi et le
contrôle technique de ces opérations. Par exemple, si les 6 millions d’hectares de forêts de
production étaient attribués pour des rotations de 30 ans en moyenne, il faudrait mener des
inventaires d’exploitation sur environ 200 000 hectares de forêt par an, l’administration
assurant le suivi en même temps que d’autres opérations d’aménagement. L’ONADEF est une
structure étatique qui peut mener à bien cette mission de suivi et de contrôle technique.
Cependant, du fait de l’imprécision dans ses attributions et une certaine insécurité budgétaire,
l’ONADEF exécute non seulement des tâches de l’administration, dont le contrôle des
opérations d’aménagement, mais aussi des tâches pour les opérateurs privés, pouvant ainsi lui
donner la double casquette de juge et parti sur le plan réglementaire. Des contradictions plus
ou moins importantes existent entre les différents textes, et concernent parfois la répartition
des tâches entre différents intervenants pour l’aménagement des forêts. Ainsi pour la loi,
l’aménagement des forêts de production est une responsabilité de l’Etat qui finance les
opérations à travers un Fond Spécial de Développement Forestier (Article 64) alors que le
décret d’application (Article 69) et le Guide d’Elaboration des Plans d’Aménagement rendent
les attributaires des concessions responsables des opérations d’aménagement. Ceci aboutit à
de longs débats entre différents partenaires et l’application des aménagements est alors
retardée.
Une certaine redondance apparaît dans la multitude de documents de planification qui sont
élaborés pour la gestion des forêts au Cameroun. Si la Politique Forestière, le PAFN et le plan
de zonage semblent bien se compléter, on s’interroge sur l’opportunité d’avoir un PNGE qui
s’immisce aussi dans la planification des activités du secteur forestier. Tout se passe comme si
le Cameroun était obligé de suivre toutes les initiatives internationales en matière de gestion
des ressources forestières en sacrifiant parfois l’efficacité de ses actions dans la mise en œuvre
des différentes initiatives sur le terrain.
7
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
Au plan technique, l’existence de deux documents (Guide et Directives) donne des
orientations contradictoires sur la détermination des paramètres d’aménagement forestier dans
les concessions. Il aurait mieux fallu rechercher le consensus des professionnels du secteur
forestier sur un nombre minimum de points autour desquels les raisonnements
d’aménagement devraient être construits. L’approche normative des inventaires évite certains
dérapages, cependant en donnant trop de détails dans les normes, on perd l’ouverture d’esprit
nécessaire à la recherche d’améliorations compte tenu des différents cas rencontrés sur le
terrain. Toutefois, l’une des faiblesses majeures des aménagements forestiers au Cameroun est
la négligence des résultats issus de la recherche qui devraient être incorporés aux
aménagements au fil des révisions. Les nombreux efforts consentis par le Cameroun pour
améliorer la gestion de ses forêts ne semblent pas s’étendre à la recherche. Par exemple, les
estimations des paramètres d’aménagement font ressortir le besoin de mieux estimer les
accroissements. Cependant, peu de mesures sont prises pour la mise en place des placettes
échantillons qui permettent d’estimer ces accroissements par des observations sur plusieurs
années.
Conclusion
Les progrès réalisés par le Cameroun pour améliorer la gestion de ses forêts de production au
cours des dix dernières années sont importants. Les plus grandes réalisations concernent la
planification de l’utilisation des ressources à l’échelle nationale mais la mise en œuvre des
aménagements au niveau des concessions demeure laborieuse. Les outils devront être affinés
et l’amélioration du cadre institutionnel finalisée afin d’obtenir plus de résultats. Toutefois,
compte tenu de la démarche choisie par le Cameroun et des lacunes relevées, les cinq
prochaines années seront riches en instructions. Il sera particulièrement intéressant de suivre
les efforts fournis par les opérateurs économiques privés en vue d’aménager les concessions
qui leur sont déjà attribuées. Ainsi, on évaluera mieux l’application de toutes les mesures
prises par l’Etat et on pourra mieux réajuster les orientations si nécessaire. La taille effective
du domaine forestier permanent ne pourra être estimée qu’après celle de chaque UFA qui
dépend en dernier ressort de l’acte de classement. Pendant le processus de classement, les
surfaces contenues dans le plan de zonage sont susceptibles de varier car le décret de
classement comporte des limites négociées avec les populations locales.
Bibliographie
COMETT, 1992. Etude des modalités d’exploitation du bois en liaison avec une gestion
durable des forêts tropicales humides. Rapport final pour la commission des Communautés
Européennes. CIRAD-Forêt, Nogent-sur-Marne, France.
COTE S., 1993. Plan de zonage du Cameroun forestier méridional. ACDI/MINEF, Yaoundé,
Cameroun.
EBA’A ATYI R., 1998. Cameroon’s logging industry: Structure, economic importance and
effects of devaluation. CIFOR/Tropenbos.
EKOKO F., 1997. The political economy of the 1994 cameroon’s forestry law. CIFORCameroon, Working paper Nº4. 41p.
FAO/PNUD, 1988. Tropical forest Action Plan. Cameroon mission report Vol I. 12p.
FAO, 1993. Forest resources assessment 1990 : Tropical countries. FAO forestry paper. 112.
Rome, Italy.
GOUVERNEMENT DU CAMEROUN, 1994. Loi nº 94/01 du 20 Janvier 1994 portant
régime des forêts de la faune et de la pêche. Yaoundé, Cameroun.
8
Séminaire FORAFRI de Libreville - Session 1 : états populations et forêts
GOUVERNEMENT DU CAMEROUN, 1995. Décret nº 95/531/PM du 23 Août 1995 fixant
les modalités d’application du régime des forêts. Imprimerie Nationale, Yaoundé, Cameroun.
GOUVERNEMENT DU CAMEROUN, 1995. Décret nº 95/678/PM instituant un cadre
indicatif d’utilisation des terres en zone forestière méridionale. Imprimerie nationale,
Yaoundé, Cameroun.
GOUVERNEMENT DU CAMEROUN, 1996. Décret portant sur la réorganisation du
Ministère de l’Environnement et des Forêts. Imprimerie nationale, Yaoundé, Cameroun.
KARSENTY A., MAITRE H.F., 1994. L’exploitation et la gestion durable des forêts
tropicales. Bois et Forêts des Tropiques. 240 : 37-51.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1993. La Politique forestière du
Cameroun. Document de politique générale. MINEF, Direction des Forêts, Yaoundé,
Cameroun.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1994. Plan National de Gestion
de l’Environnement (PNGE). Document de politique générale.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1995. La politique forestière du
Cameroun. Document de politique générale. MINEF, Direction des forêts, Yaoundé,
Cameroun.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1995. National Forestry Action
Plan of Cameroon. Forestry policy document. 379 p.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1996. Actes du Forum des
Directeurs des projets financés par la coopération internationale. Mbalmayo du 23 au 25
Octobre 1995. MINEF, Yaoundé, Cameroun.
MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES FORETS, 1997. Guide d’élaboration des
plans d’aménagement des forêts de production du domaine forestier permanent du Cameroun.
MINEF, Yaoundé, Cameroun.
OFFICE NATIONAL DE DEVELOPPEMENT DES FORETS, 1991. Normes de vérification
des travaux d’inventaire de reconnaissance d’aménagement et de préinvestissement.
ONADEF, Yaoundé, Cameroun.
OFFICE NATIONAL DE DEVELOPPEMENT DES FORETS, 1991. Normes d’inventaire
d’aménagement et de préinvestissement. ONADEF, Yaoundé, Cameroun.
OFFICE NATIONAL DE DEVELOPPEMENT DES FORETS, 1992. Normes d’inventaire de
reconnaissance des ressources forestières. ONADEF, Yaoundé, Cameroun.
OFFICE NATIONAL DE DEVELOPPEMENT DES FORETS, 1995. Normes d’inventaire
d’exploitation. ONADEF, Yaoundé, Cameroun.
OFFICE NATIONAL DE DEVELOPPEMENT DES FORETS, OIBT, 1998. Directives
nationales pour l’aménagement durable des forêts naturelles du Cameroun.
9

Documents pareils