Synthèse Expertise collective Bisphénol A, Effets sur la reproduction

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Synthèse Expertise collective Bisphénol A, Effets sur la reproduction
Bisphénol A
Effets sur la reproduction
Rapport préliminaire
2 juin 2010
Expertise collective – Rapport préliminaire
-2-
02/06/2010
Groupe d’experts
Carlo ADAMO, ENSCP Chimie ParisTech, Paris
Jean-Philippe ANTIGNAC, Laboratoire d’étude des résidus et contaminants dans les aliments
(LABERCA), USC INRA 2013, Ecole Nationale Vétérinaire, Agroalimentaire et de
l’Alimentation Nantes Atlantique (ONIRIS), Nantes
Jacques AUGER, Laboratoire de biologie de la reproduction, CECOS, Hôpital Cochin,
Université Paris V, Paris
Patrick BALAGUER, Equipe Signalisation hormonale, environnement et cancer, Inserm U 896,
Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, Montpellier
Deborah BOURC'HIS, Unité de génétique et biologie du développement CNRS UMR 3215Inserm U 934 Pôle de Biologie du Développement et Cancer, Paris
Louis BUJAN, Groupe de recherche en fertilité humaine, Equipe d’accueil 3694, CECOS,
Hôpital Paule de Viguier, CHU Toulouse
Cécile CHEVRIER, Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères,
Inserm U 625, Université Rennes 1
Corinne COTINOT, Laboratoire de biologie du développement et reproduction INRA,
UMR 1198, ENVA, CNRS, FRE2857, Jouy-en-Josas
Jean-Pierre CRAVEDI, Laboratoire des xénobiotiques, Inra, UMR 1089, Unité Mixte de
Recherche Xénobiotiques INRA/ENVT, Centre INRA, Toulouse
Vincent LAUDET, Equipe de zoologie moléculaire, Institut de génomique fonctionnelle de
Lyon, UMR 5242 CNRS, Ecole Normale Supérieure de Lyon, INRA, Université Claude
Bernard Lyon 1
Gabriel LIVERA, Unité mixte de recherche sur cellules souches et radiations, Inserm U 967,
CEA, Université Paris VII, Fontenay-aux-Roses
Rémy SLAMA, Epidémiologie environnementale appliquée à la fertilité et à la reproduction
humaine, Inserm U 823, Institut Albert Bonniot, Université Joseph Fourier, Grenoble
Coordination scientifique, éditoriale, bibliographique et logistique
Fabienne BONNIN, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de
médecine Xavier-Bichat, Paris
Catherine CHENU, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de
médecine Xavier-Bichat, Paris
Jeanne ETIEMBLE, directrice, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine
Xavier-Bichat, Paris
Cécile GOMIS, secrétaire, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine
Xavier-Bichat, Paris
Marie-Thérèse LABRO, chargée d’expertise, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté
de médecine Xavier-Bichat, Paris
Anne-Laure PELLIER, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté
de médecine Xavier-Bichat, Paris
Chantal RONDET-GRELLIER, documentaliste, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté
de médecine Xavier-Bichat, Paris
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Sommaire
Avant-propos ................................................................................................................................... 7
Introduction...................................................................................................................................... 9
Analyse
1. Exposition des populations, métabolisme, toxicocinétique ..................................................... 13
2. Etudes épidémiologiques dans l’espèce humaine..................................................................... 23
3. Etudes récentes chez les animaux mâles .................................................................................... 35
4. Etudes récentes chez l’animal femelle......................................................................................... 41
5. Effets cellulaires et tissulaires : dysfonctionnement et précancérisation ............................... 51
6. Effets chromosomique, génétique et épigénétique.................................................................... 61
7. Mécanismes d’action...................................................................................................................... 69
8. Relation structure–fonction .......................................................................................................... 77
9. Autres modèles d’études............................................................................................................... 83
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Avant-propos
De nombreux facteurs sont susceptibles d’agir directement sur la fertilité ou indirectement
via les effets sur le développement de l’appareil reproducteur 1 . Parmi ces facteurs, on peut
citer le mode de vie, la nutrition, les susceptibilités génétiques. L’exposition à des substances
chimiques, en particulier les perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement,
constitue un autre type de risque qu’il est important d’explorer.
Des réglementations européennes imposent des interdictions et des restrictions de mise sur
le marché et d’usage pour le grand public des substances chimiques ayant été reconnues
comme reprotoxiques de catégorie 1 2 ou 2 3 . Un certain nombre de substances chimiques (ni
cancérogènes ni mutagènes) sont classées à ce jour comme reprotoxiques de catégorie 3 4 .
Pour ces dernières, des effets sont possibles mais les preuves sont insuffisantes pour un
classement en catégorie 2.
Parmi les bisphénols, le bisphénol A (BPA) classé reprotoxique de catégorie 3 est le plus
connu. Ces dernières années, des publications issues de différents laboratoires de recherche
indépendants ont attiré l’attention sur des effets possibles du BPA sur la reproduction ainsi
que sur d’autres fonctions. Ces travaux ont constitué des signaux d’alerte pour les pouvoirs
publics et les agences sanitaires.
Face aux interrogations de la société sur la dangerosité du BPA, la Direction Générale de la
Santé a sollicité l’Inserm pour une analyse de ses effets possibles sur la reproduction. Cette
analyse s’inscrit dans une expertise collective évaluant plus généralement les effets d’un
certain nombre de substances chimiques sur la reproduction. Ce premier bilan sur le BPA
sera complété dans le rendu final de l’expertise à l’automne 2010.
Pour répondre à la demande sur le BPA, un groupe pluridisciplinaire d’experts constitué
d’épidémiologistes, de chimistes, d’endocrinologues, de biologistes spécialistes de la
reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a structuré son analyse de la
littérature autour des questions suivantes :
•
Quelles sont les principales sources et voies d’exposition de la population générale ?
• Quelles sont les données sur l’imprégnation des populations selon le sexe, l’âge et
d’autres critères ? Peut-on identifier des populations plus exposées ?
•
Qu’indiquent les données de toxicocinétique ?
• Quelles sont les études épidémiologiques chez l’homme et la femme ? Ces études ontelles mis en relation une exposition au BPA et un effet sur la reproduction ?
• Quels sont les effets observés dans les études expérimentales réalisées chez les
rongeurs, d’autres espèces de mammifères ou encore les vertébrés aquatiques aux doses
compatibles avec les niveaux d’exposition chez l’homme ?
1
Jégou B, Jouannet P, Spira A. La fertilité est-elle en danger ? Editions La Découverte, Paris 2009 : 231p
Substances connues pour altérer la fertilité dans l’espèce humaine et/ou pour provoquer des effets toxiques sur le
développement dans l’espèce humaine (phrase de risque : R60 ou R61)
2
3 Substances devant être assimilées à des substances altérant la fertilité humaine et/ou causant des effets toxiques sur le
développement dans l’espèce humaine (phrase de risque : R60 ou R61)
4 Substances préoccupantes pour la fertilité dans l’espèce humaine et/ou pour l’homme en raison d’effets toxiques possibles sur
le développement (phrase de risque : R62 ou R63)
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• Quels sont les effets observés chez l’animal selon les périodes d’exposition (période
prénatale, néonatale, prépubertaire, post-pubertaire) ? Peut-on définir des périodes
critiques d’exposition ? Ces périodes critiques sont-elles transposables à l’espèce
humaine ?
• Quels sont les effets spécifiquement observés au niveau des tissus de l’appareil
reproducteur mâle et femelle (y compris tissu mammaire et prostate) dans les études in
vivo et à partir de culture de cellules (éventuellement humaines) ?
• Des mécanismes spécifiques peuvent-ils être évoqués pour expliquer les effets aux
faibles doses ? l’expression de certains gènes est-elle modifiée ? ces modifications sontelles transmises aux générations suivantes ?
• Les données disponibles sur les relations structure-fonction peuvent-elles éclairer la
toxicité des substances de la même famille ?
• Quels sont les principaux axes de recherche à privilégier pour approfondir l’étude
des dangers potentiellement liés à l’exposition chronique du BPA en association à de
multiples autres substances ?
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Introduction
Le bisphénol A (BPA, 4,4'-dihydroxy-2,2-diphénylpropane en nomenclature IUPAC) (N°CAS
80-05-7), composé de deux cycles aromatiques (phényles) liés par un pont carbone,
appartient à la famille des diphénylalcanes hydroxylés ou bisphénols. Découvert par le
chimiste russe Alexandre Dianin en 1891, il provient de la condensation de l’acétone avec
deux phénols. La réaction est catalysée par l’acide chlorhydrique ou par une résine de
polystyrène.
Figure 1 : Structure chimique du bisphénol A (BPA)
Le BPA a fait l’objet de plusieurs évaluations de risque à la demande de différentes agences
sanitaires aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis (tableau I). Ces évaluations de risque se
sont appuyées principalement sur deux études réalisées par la même équipe (Tyl et coll.,
2002, 2008) selon les lignes directrices de l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques) 5 . A partir de ces études conduites sur plusieurs générations de
rats et souris un NOAEL 6 de 5 000 µg/kg de poids corporel/j a été établi. Ce NOAEL est
établi pour des effets de toxicité systémique. Sur la base de ces travaux, les autorités
sanitaires ont défini une dose journalière admissible pour l’Homme de 50 µg/kg/jour en
Europe.
Tableau I : NOAEL et doses journalières acceptables (DJA) tirées d’évaluations de risque
Evaluation de risques
date/pays
Etude
NOAEL*
mg/kg/j
SCF
2002/Europe
Tyl et coll. 2002
5
ECB
2003/Europe
Tyl et coll. 2002
50
AIST
2005/Japon
Tyl et coll. 2002
5 ou 50
DJA*
µg/kg/j
10
5 'Bonnes Pratiques de Laboratoire définies par l’OCDE afin d’assurer l'obtention de données d'essai fiables et de grande qualité
sur la sécurité des substances industriellesou des principes actifs pharmaceutiques.
6 NOAEL : No Observed Adverse Effect Level ; dose sans effet toxique (dose la plus élevée d’une substance pour laquelle aucun
effet toxique n’est observé
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EFSA
2006 et 2008/Europe
Tyl et coll. 2002,
2008
5
ECB
2008 /Europe
Tyl et coll. 2002,
2008
50
NTP -CERHR
2008/USA
Tyl et coll. 2002,
2008
4,75
US FDA
2008/USA
Tyl et coll. 2002,
2008
5
Health Canada
2008/Canada
Tyl et coll. 2002,
2008
5
50
*NOAEL : « No Observable Adverse Effect Level »= dose sans effet toxique ( dose la plus élevée d’une substance pour laquelle
aucun effet toxique n’est observé ; DJA : dose journalière acceptable.
Depuis quelques années, un débat sur les risques liés à l’exposition au BPA agite la
communauté scientifique entre les tenants de la toxicologie réglementaire et les
endocrinologues (Myers et coll., 2009). Ce débat concerne essentiellement les effets du BPA à
de faibles doses. Classiquement, les effets des substances chimiques sont décrits comme
suivant une courbe monotone dose réponse. Cependant, pour certains scientifiques, les
substances chimiques environnementales dont le BPA ayant une activité hormonale ne
répondraient pas à ce principe et pourraient provoquer à de faibles doses des effets opposés
à ceux observés à fortes doses.
Des mécanismes impliquant différents récepteurs sous-tendent ces effets opposés, les
récepteurs pouvant être stimulés à faibles doses et inhibés à fortes doses.
Ces données récentes soulignent que les effets aux doses environnementales ne peuvent être
prédits par des études chez l’animal à fortes doses.
Dans le contexte ci-dessus évoqué, le groupe d’experts a mené son analyse sur les effets du
BPA en concentrant son attention sur les études récentes (privilégiant les études des cinq
dernières années) réalisées aux doses inférieures au NOAEL et il s’est tout particulièrement
intéressé aux périodes d’exposition. Au-delà des critères morphologiques, il a analysé les
effets au niveau des tissus et des cellules de l’appareil reproducteur mâle et femelle et tenter
de comprendre les mécanismes en cause.
Un certain nombre de limites afférentes aux études doivent être souligné d’emblée. Les
études chez l’animal ont été realisés principalement chez les rongeurs (rat et souris) mais il
est difficile de trouver deux études ayant recherché les mêmes effets sur les mêmes souches
de souris ou de rat. Les paramètres phénotypiques ou les effets biologiques étudiés ainsi que
les techniques mises en œuvre pour les mesurer ne sont pas standardisés. Il est donc souvent
difficile de comparer les résultats de ces études.
Les fenêtres d’exposition sont diverses avec des expositions continues depuis la gestation se
poursuivant à l’âge adulte et dans les générations suivantes ou des expositions limitées à une
période précise du développement par exemple pendant la période gestationnelle, néonatale,
prépubertaire, post-pubertaire… Les modes d’administration du BPA varient selon les
études (ingestion orale, injection sous cutanée, intra-musculaire….). Certaines études ne
précisent pas si les aliments et la boisson des animaux sont contrôlés du point de vue de leur
contamination par des perturbateurs endocriniens autres que le BPA, et aucune ne tient
compte de l’exposition des animaux avant leur mise en reproduction. Cependant, dans les
animaleries de rongeurs, les sources de contaminants environnementaux ne manquent pas
(alimentaires - mycotoxines, pesticides - ou contaminants présents dans l’air, les litières ou
l’eau de boisson, voire dans les produits utilisés pour nettoyer et désinfecter les cages…).
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Dans aucune étude, il n’est effectué un dosage de BPA chez les animaux avant la mise en
expérimentation.
Ces remarques s’appliquent tout autant aux études toxicologiques réglementaires menées
selon des protocoles standardisés (lignes OCDE) qu’aux études réalisées dans les laboratoires
académiques. Les études commandées par les agences sont réalisées sur un nombre
important d’animaux qui leur confèrent une grande puissance statistique mais elles sont
essentiellement fondées sur des critères morphologiques (poids bruts d’organes, parfois
histologie). Soulignons également que toutes les études ne comportent pas de témoins
« positifs » (diéthylstilbestrol, ethinylœstradiol, 17β œstradiol …).
Enfin, aucune étude à ce jour, n’applique de nouvelles approches (transcriptome, protéome,
métabolome, …) avec des méthodes plus sensibles (microarrays, quantitative RT-PCR, Chip,
mesure des niveaux de méthylation…) qui permettraient de mettre en évidence des effets
plus fins que ceux observés dans les études fondées sur l’analyse morphologique.
Les quelques études réalisées chez l’homme restent peu informatives quant aux effets à long
terme du BPA. Même si, l’une d’elles montre une corrélation entre l'augmentation du taux de
BPA retrouvé dans les urines et les troubles de la fonction sexuelle ou pour une autre avec le
taux d’hormone mâle, il faut souligner que le taux urinaire mesuré lors de l’étude ne reflète
guère une exposition chronique au BPA. Or, les travaux expérimentaux soulignent
l’importance de la période d’exposition sur les effets à l’âge adulte. Aucune des études ne
porte sur l’exposition durant la grossesse.
Malgré leurs limites, ces études sur l'animal ou l’Homme, à l’échelle tissulaire ou moléculaire
apportent des enseignements que le groupe d’experts, a tenté d’exploiter pour discuter la
dangerosité potentielle du BPA en matière de reproduction.
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1
Exposition des populations, métabolisme, toxicocinétique
Largement présent dans notre environnement quotidien, le bisphénol A (BPA) se retrouve
dans le sang et l’urine de la quasi-totalité des populations occidentales. Bien que rapidement
éliminé, le BPA est présent à niveau constant dans l’organisme du fait de l’exposition
continue. La principale voie d’exposition évoquée est l’alimentation mais peut-être d’autres
voies ne sont-elles pas à négliger. Les différences inter-espèces dans les processus
d’élimination du BPA justifient d’être prudent dans la transposition à l’homme des résultats
toxicologiques obtenus chez les rongeurs.
Sources et production
Le BPA est utilisé comme monomère dans la fabrication industrielle, par polymérisation, de
plastiques de type polycarbonate et de résines époxy. Les polycarbonates entrent dans la
composition d’un très grand nombre d’objets courants (CD, lunettes, bouteilles plastiques,
biberons), alors que les résines époxy sont principalement utilisées pour réaliser le
revêtement intérieur des boîtes de conserves ou les amalgames dentaires. Le BPA intervient
également comme inhibiteur de polymérisation pour le PVC, comme antioxydant dans les
plastifiants ou encore comme agent actif dans les papiers thermosensibles. Enfin, le BPA sert
à la fabrication d’un ignifugeant capable de retarder la prise de feu des matières plastiques et
des textiles : le tétrabromobisphénol A.
Le BPA est une substance chimique fabriquée en grande quantité (High Production Volume).
Selon les données fournies par l’industrie (Plastics Europe), la production mondiale est
supérieure à 3 millions de tonnes par année. Le BPA n’est pas produit en France mais dans
l’Union européenne à hauteur de 700 000 tonnes par an pour une consommation totale à
l’intérieur de l’Union européenne. Environ 75 % de la production européenne est destinée à
la fabrication de polycarbonate. D’après les données de 2005 et 2006, 1,15 million de tonnes
de BPA sont utilisés par année dans l’Union européenne.
Modalités et voies d’exposition
Selon les agences d’évaluation du risque (EFSA, 2004 et 2006 ; NTP-CERHR, 2008), la
principale voie d’exposition de la population générale est la voie alimentaire. Dans la mesure
où le BPA est un constituant des polymères plastiques utilisés pour emballer ou contenir les
aliments, cette exposition relève d’une part des monomères résiduels de BPA présents dans
ces matériaux et susceptibles de migrer dans l’aliment, et d’autre part du BPA qui peut être
libéré par l’hydrolyse du polymère, en particulier au cours du chauffage, comme cela peut se
produire pour les biberons en polycarbonate par exemple. Cette migration est d’autant plus
importante que le polycarbonate a été utilisé à de nombreuses reprises (Brede et coll., 2003)
ou qu’il est au contact de solutions alcalines (Biedermann-Brem et Grob, 2009). Dans des
conditions normales d’utilisation d’un biberon, cette migration est de quelques µg/l d’eau ou
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de lait (Maragou et coll., 2008). Chez les adultes, la consommation de boissons contenues
dans des bouteilles en polycarbonates (Carwile et coll., 2009), d’aliments en conserve
(Mariscal-Arcas et coll., 2009 ; Lim et coll., 2009b) ou de denrées chauffées au micro-onde
dans leur emballage plastique (Lim et coll., 2009a) se traduit par des valeurs d’exposition
moyennes voisines de 0,033 µg/kg de poids corporel /j alors qu’elles sont environ 25 fois
plus élevées pour le nourrisson nourri au biberon en polycarbonate (von Goetz et coll., 2010)
soit 0,800 µg/kg/j. Cette dose est très inférieure à la dose journalière admissible pour
l’homme (50 µg/kg/j) mais compatible avec des expositions etudiées chez l’animal et
décrites dans les chapitres suivants. Les autres modalités d’exposition telles que celles
provenant de la manipulation de papiers thermosensibles ou encore l’inhalation de
poussières contaminées par du BPA sont peu documentées et sont considérées comme
négligeables pour le consommateur (EFSA, 2004 ; NTP-CERHR, 2008). En ce qui concerne ce
deuxième point, peu de données existent sur l’absorption par inhalation ainsi que sur les
niveaux de contamination de l’air. Toutefois, des travaux récents indiquent que les
poussières domestiques peuvent contenir plus de 15 000µg/kg de BPA (Völkel et coll., 2008 ;
Geens et coll., 2009) et que cette valeur peut être 5 fois plus élevée pour des poussières
collectées dans des bureaux (Geens et coll., 2009). Par ailleurs, les calculs d’estimation de
l’absorption cutanée du BPA font mention d’une valeur de 10 % de la dose appliquée
(European commission, 2003), ce que semble confirmer les travaux de Kaddar et coll. (2008) à
partir d’un modèle de peau de porc. Cependant, des données préliminaires obtenues sur des
explants de peau humaine tendent à montrer que ce taux est largement sous estimé (Cravedi,
communication personnelle).
Plusieurs auteurs ont étudié l’exposition faisant suite à l’application de scellements dentaires
à base d’amalgames composés de BPA. Olea et coll. (1996) ont mesuré les concentrations
salivaires en BPA chez des patients auxquels avaient été appliqués des amalgames composés
de bis-glycidyldiméthacrylate et de bisphénol A-diméthylacrylate. Les niveaux de BPA
salivaire observés chez 17 patients variaient de 3 000 à 30 000 µg/l de salive. Joskow et coll.
(2006) ont pu mesurer les concentrations en BPA dans la salive et dans l’urine de 14 patients
ayant reçu des scellements dentaires de différente nature. Les concentrations moyennes
mesurées dans la salive étaient respectivement de 0,54 et 42,8 µg/l, alors que les
concentrations urinaires maximales étaient observées une heure après l’application et
correspondaient respectivement à 7,26 et 27,3 µg/l, de 2 à 10 fois supérieurs aux taux moyens
habituellement observés (voir paragraphe ci-dessous).
Imprégnation des populations humaines
Les mesures de concentrations de BPA effectuées dans le sang, l’urine, le lait maternel et
d’autres tissus humains confirment que les populations occidentales présentent, dans leur
très large majorité, des niveaux détectables de BPA.
Mesures dans le sang
Des mesures ont été réalisées chez les femmes enceintes ou en suites de couche. Sur la base
d’analyses en LC-MS/MS effectuées sur des prélèvements sanguins pratiqués chez
40 femmes du Michigan au moment de l’accouchement, Padmanabhan et coll. (2008) ont
observé des niveaux plasmatiques en BPA inchangés variant de 0,5 (limite de détection) à
22,3 µg/l (moyenne=5,9 µg/l). Dans une étude analogue portant sur 300 femmes coréennes
au moment de l’accouchement, Lee et coll. (2008) ont trouvé des concentrations plasmatiques
comprises entre la limite de détection et 66,48 µg/l alors que dans le sang du cordon, les
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valeurs ne dépassaient pas 8,86 µg/l. Ces valeurs sont sensiblement plus élevées que celles
relevées par Chapin et coll. (2008) dans leur revue bibliographique dans laquelle les
concentrations plasmatiques moyennes chez les femmes enceintes ne dépassent pas 4,4 µg/l.
En se fondant sur des données pharmacocinétiques qui seront détaillées plus loin, Goodman
et coll. (2009) soulignent l’incohérence entre ces valeurs de concentration plasmatiques et les
données d’exposition (en µg/kg/jour) actuellement disponibles. De même, les modèles PBPK appliqués par Mielke et Gundert-Remy (2009) font apparaître que les scénarios
d’exposition mettant en jeu les doses les plus élevées devraient conduire à des niveaux
plasmatiques circulant en BPA cent fois plus faibles que ceux qui sont rapportés dans la
littérature. Cette incohérence a conduit beaucoup d’équipes à préférer l’utilisation des
quantités totales de bisphénol A éliminées dans l’urine comme marqueur d’exposition à ce
contaminant.
Mesures dans l’urine
Dans l’étude réalisée sur 2 517 sujets de la cohorte « National Health and Nutrition Examination
Survey » (NHANES) III, des échantillons d’urine ont été analysés en LC-MS/MS. Les
résultats montrent que le BPA est présent dans l’urine de 93 % des Américains (Calafat et
coll., 2008). La concentration urinaire moyenne tous âges confondus est de 2,6 ± 0,3 µg/l.
Cette étude montre par ailleurs que les niveaux de BPA urinaire total diffèrent en fonction de
l’âge (figure 1), de la race, du sexe et du lieu d’habitation.
Concentration urinaire de BPA (µg/l)
Figure 1 : Concentrations urinaires de BPA dans différentes tranches d’âge de la population
générale aux Etats-Unis (valeurs= moyennes ± écart type, n total = 2517) (d’après Calafat et coll.,
2008)
Ces mêmes auteurs ont procédé à l’analyse en LC-MS/MS des urines de 40 nourrissons
prématurés placés en soins intensifs (Calafat et coll., 2009). Chez ces enfants, les niveaux de
BPA total urinaire s’élèvent à 30,3 ± 5,2 µg/l, démontrant la surexposition aux monomères
des plastiques à laquelle sont soumis ces bébés, sans que la source ait pu être déterminée de
façon précise.
En Allemagne, une étude menée chez 599 enfants âgés de 3 à 14 ans fait apparaître des taux
urinaires moyens de BPA total de 2,7 µg/l (Becker et coll., 2009). Ce sont chez les enfants les
plus jeunes (3-5 ans) que les concentrations les plus élevées ont été observées (3,5 µg/l).
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Estimation de l’exposition à partir des mesures urinaires
A partir des données produites par Calafat et coll. (2008) évoquées précédemment, Lakind et
Naiman (2008) ont calculé des niveaux d’exposition au BPA fondés sur les modèles
pharmacocinétiques disponibles. Ces estimations correspondent à des moyennes de 0,0334 –
0,0563 µg/kg poids corporel/j pour des adultes de 20 à 60 ans et de 0,0674 µg pour des
enfants de 6 à 11 ans. Ces valeurs sont conformes aux estimations des expositions établies sur
la base des consommations alimentaires mentionnées précédemment (von Goetz et coll.,
2010).
Mesures dans le lait et le liquide amniotique
Quelques auteurs ont également trouvé des teneurs mesurables de BPA dans le lait. Calafat
et coll. (2006) rapportent des concentrations médianes d’environ 1,4 µg de BPA total/l chez
32 sujets. Ye et coll. (2006) ont détecté du BPA dans 18 échantillons sur 20. Dans
12 échantillons la présence de BPA inchangé a été détectée (médiane des
concentrations=0,4 µg/l) alors que la médiane des concentrations en BPA totale était de
1,1 µg/l.
Engel et coll. (2006) ont mesuré les concentrations de BPA dans le liquide amniotique à partir
de 21 échantillons prélevés au cours d’amniocenthèses effectuées avant la 20e semaine de
grossesse. Le BPA a été détecté dans 10 % des échantillons à l’aide d’un système HPLC
équipé d’un détecteur électrochimique. Des concentrations comprises entre la limite de
détection (0,5 µg/l) et 1,96 µg/l ont été observées.
Mesure dans le tissu adipeux
Le BPA a été mesuré dans différents tissus chez l’homme, parmi lesquels le tissu adipeux.
Olea et coll. (2008) ont montré que les teneurs dans le tissu adipeux étaient en moyenne de
17,46 ± 14,82 µg/kg de tissu adipeux chez l’enfant.
La rétention de BPA dans le tissu adipeux a également été observée chez l’animal. Nunez et
coll. (2001) ont mesuré les résidus de BPA dans le tissu adipeux de rates ovariectomisées
ayant reçu pendant 15 jours une dose sous cutanée de BPA (1 mg/j) administrée par une
pompe osmotique. Les valeurs obtenues en fin d’expérimentation indiquent des niveaux de
BPA pouvant dépasser 3 000 µg/kg dans le tissu adipeux brun et 100 µg/kg pour le tissu
adipeux péri-ovarien.
Métabolisme et toxicocinétique
Le métabolisme du BPA chez l’homme et dans les différentes espèces utilisées dans les
études toxicologiques est important à connaître pour évaluer l’éventuelle toxicité du BPA et
pour discuter les possibles transpositions de l’animal à l’homme.
Il s’agit de savoir si cette substance est bioaccumulable, convertie en une molécule plus
active (activation métabolique) ou au contraire moins active (détoxication métabolique).
Conjugaison, élimination
Les expérimentations menées chez l’homme adulte montrent que le BPA est totalement
absorbé par la voie digestive. Il est ensuite pris en charge par les enzymes de
biotransformation intestinales et hépatiques, principalement celles responsables de la
conjugaison des xénobiotiques.
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Völkel et coll. (2002) ont administré sous forme de gélule 5 000 µ dose unique de BPA
marqué au deutérium à des volontaires humains des deux sexes. Des prélèvements de sang
et d’urine ont été effectués à intervalles réguliers au cours des heures qui ont suivi
l’administration et ces échantillons ont fait l’objet d’analyses en GC-MS/MS et LC-MS/MS
avant et après hydrolyse à la β-glucuronidase. Les résultats obtenus indiquent que le pic
plasmatique est atteint environ 80 minutes après l’ingestion (concentration=800 nmol/l) et
que le BPA circulant est presque exclusivement sous la forme de conjugué à l’acide
glucuronique (BPA-glucuronique).
Le BPA-glucuronide est rapidement éliminé dans l’urine et aucun autre métabolite n’a été
retrouvé par ces auteurs. Ces travaux indiquent que l’ingestion orale de 5 000µg de BPA
correspondant à des doses variant de 50 à 90 µg/kg) conduit à des concentrations circulantes
pouvant atteindre 800 nmol/l et des concentrations urinaires d’environ 4 400 µg/l (valeur
observée dans les urines prélevées au cours des 6 premières heures). La même équipe
(Völkel et coll., 2005) a répété l’expérimentation en donnant une dose plus faible (25 µg de
BPA administré dans l’eau de boisson à six volontaires). Les niveaux urinaires ont été
mesurés au cours des 7 h suivant l’ingestion, indiquant des concentrations maximales de
9,6 µg/l (valeurs obtenues pour les échantillons 0 - 3 heures). Des travaux analogues menés
par Tsukioka et coll. (2004) chez un seul individu recevant par voie orale 100 µg de BPA
deutéré indiquent une concentration urinaire maximale de 90 µg/l (30 minutes après le
traitement).
Ces travaux démontrent chez l’homme adulte une élimination rapide et complète du BPA
dans l’urine sous forme de BPA-glucuronide, mais ne reflètent pas forcément les conditions
d’exposition chronique au BPA de la population générale. Par ailleurs, on ne sait pas si ces
données sont extrapolables au nourrisson, plus exposé et plus sensible que l’adulte au BPA.
En outre, plusieurs études d’exposition révèlent la présence de BPA libre dans l’urine pour
environ 10 % des échantillons (Ye et coll., 2005 ; Völkel et coll., 2008). Ce résultat, qui dépend
en grande partie de la sensibilité, la spécificité et la robustesse de la méthode utilisée pour
l’analyse des résidus, a été l’objet de controverses (Dekant et Vökel, 2008). Il ne peut, en effet,
pas être exclu que les traces de BPA libre retrouvées dans l’urine puissent provenir de
contaminations au cours de l’analyse elle-même (Völkel et coll., 2008) ou encore de
l’hydrolyse du conjugué après le prélèvement urinaire, libérant de ce fait le composé parent
(Waechter et coll., 2007).
Toxicocinétique
En dépit des données nombreuses dont on dispose sur la toxicocinétique du BPA chez
l’animal et l’homme, plusieurs zones d’ombre subsistent. En premier lieu figure le fait qu’au
cours du jeûne, compte tenu de la demi-vie du BPA de 4-6h et de l’exposition supposée
essentiellement alimentaire à cet agent chimique, il devrait être observé une diminution
graduelle des niveaux d’excrétion urinaire du BPA et/ou de ses métabolites. D’après
Stahlhut et coll. (2009) un jeûne de 24 h n’a pas d’effet significatif sur les taux d’élimination
totale du BPA (libre + conjugué) dans l’urine. En effet, les concentrations médianes observées
chez 129 sujets de la cohorte américaine NHANES sont de 2,6 µg/g de créatinine pour les
prélèvements 0-4,5 h et pour 899 individus de 2,4 µg/g de créatinine pour les prélèvements
8,5-24 h après le début du jeûne. Ces données suggèrent aux auteurs que l’exposition
alimentaire n’est pas nécessairement prépondérante, que les cinétiques d’élimination
observées pour une dose unique ne sont peut être pas extrapolables à l’exposition continue,
que le BPA pourrait être retenu dans un compartiment tel que le tissu adipeux, ou encore
que le BPA urinaire pourrait provenir d’autres contaminants que le BPA (par exemple les
BPA halogénés). Il faut souligner que dans cette étude, les modélisations de l’élimination
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urinaire ont été faites à partir d’un seul dosage par indiviu, ce qui semble insuffisant pour
tirer des conclusions.
Différences inter-espèces dans les processus d’élimination
Si les données expérimentales obtenues chez l’animal confirment que le BPA est rapidement
absorbé dans le tube digestif et qu’il est rapidement éliminé, elles font également apparaître
des différences entre les rongeurs, chez lesquels a été réalisé le plus grand nombre d’études,
et l’homme. Les extrapolations des données de pharmacocinétiques de l’animal à l’homme
sont rendues délicates en raison d’importantes différences inter-espèces pour ce qui concerne
l’existence ou non d’un cycle entérohépatique dans le processus d’élimination du BPA
conjugué à l’acide glucuronique. En effet, chez le rat ce métabolite est éliminé pour partie
dans la bile pour être, après hydrolyse dans la lumière intestinale, réabsorbé par la paroi
intestinale (Upmeier et coll., 2000 ; Kurebayashi et coll., 2003). Ce processus n’a pas lieu chez
l’homme, ce qui a pour conséquence une élimination urinaire plus rapide. De ce fait, la demivie du BPA chez l’homme est de 4 à 6 heures (Völkel et coll., 2002, 2005) et l’élimination est
complète en 24 heures, alors que les données chez le rat font état d’une demi-vie comprise
entre 24 et 48 heures (Kurebayashi et coll., 2003 ; Upmeier et coll., 2003).
En outre, chez le rat c’est majoritairement l’isoforme 2B1 de l’UDP-glucuronosyl transférase
(UGT2B1) qui prend en charge la glucuronidation du BPA (Yokota et coll., 1999). Chez
l’homme, c’est principalement l’UGT2B15 qui est responsable de cette glucuro-conjugaison
(Hanioka et coll., 2008). Le polymorphisme génétique de l’UGT2B15 pourrait entraîner
d’importantes variabilités interindividuelles en matière de capacité de détoxication du BPA
chez l’homme. S’il est vrai que l’expression des UGT est limitée chez le fœtus et pendant les
premiers jours de la vie, ces enzymes sont suffisamment actives pour métaboliser de faibles
doses de BPA comme le montre l’étude de Calafat et coll. (2009), qui a mis en évidence des
glucuro-conjugués du BPA dans les urines de nourrissons prématurés.
Les voies de biotransformation du BPA sont également de nature et d’intensité différentes
selon les espèces. Les données recueillies chez l’Homme montrent que le BPA-glucuronide
est le métabolite majoritaire puisqu’il représente plus de 90 % de la forme circulante et des
métabolites urinaires. Le BPA-sulfate est plus rarement identifié et quantifié. Kim et coll.
(2003) ont démontré chez des sujets coréens masculins (N=15) et féminins (N=15) que le
BPA-sulfate était bien présent. Chez les hommes, les niveaux de BPA sulfate et BPA
glucuronide étaient respectivement de 0,49 ± 0,27 et 2,34 ± 0,85 µg/l alors que chez les
femmes ces concentrations étaient respectivement de 1,20 ± 0,32 et 1,0 ± 0,34 µg/l. Ces deux
formes représentent des voies de détoxication du BPA dans la mesure où elles ne sont pas
actives sur les récepteurs aux œstrogènes. Cependant, on peut s’interroger sur la possibilité
d’une déconjugaison dans certains organes cibles de ces métabolites.Très récemment,
Nishikawa et coll. (2010) ont en effet montré chez des rates en gestation dont l’utérus a été
perfusé par de faibles doses de BPA-glucuronide que la déconjugaison de ce métabolite avait
bien lieu dans le liquide amniotique et le fœtus, libérant de ce fait du BPA. Chez le rongeur,
la conjugaison à l’acide glucuronique représente bien la voie majoritaire, mais l’aglycone
n’est pas exclusivement du BPA inchangé, mais pour partie du BPA hydroxylé (Zalko et
coll., 2003). Plusieurs autres métabolites ont néanmoins été identifiés, tels que le BPA diglucuronide, ou des conjugués méthoxylés (Zalko et coll., 2003).
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Figure 2 : Voies métaboliques majeures du BPA chez les mammifères (chez l’homme, la voie
prépondérante est celle qui conduit au BPA–glucuronide)
Différences inter-espèces dans les liaisons aux protéines plasmatiques
Un élément déterminant des caractéristiques pharmacocinétiques des perturbateurs
endocriniens en général et du BPA en particulier repose sur les capacités du composé à se
lier aux protéines plasmatiques. La forme liée du BPA inchangé représente environ 90 à 95 %
du BPA circulant et la forme libre environ 5 à 10 % du total (Csanady et coll., 2002;
Kurebayashi et coll., 2002 ; Mayersohn, 2003). L’Homme et le singe semblent disposer d’une
fraction libre réduite (5 %) (Csanady et coll., 2002) en comparaison du rat (5 à 10 %)
(Mayersohn, 2003). L’impact de cette liaison aux protéines au regard de la biodisponibilité
du BPA vis-à-vis des tissus cibles potentiels, en particulier ceux qui ne disposent pas de
capacités métaboliques importantes telles que le cerveau ou l’utérus, peut être déterminant
en matière de toxicité. En effet, cette liaison est de nature à moduler non seulement les
capacités d’accès du BPA au niveau de l’organe, mais également son accessibilité aux
récepteurs nucléaires ou membranaires. De même, l’affinité de liaison du BPA à l’〈fœtoprotéine est susceptible de conditionner la bioaccessibilité de ce composé vis-à-vis du
fœtus. Les données publiées par Milligan et coll. (1998) indiquent que le BPA a une très faible
affinité pour l’α-fœtoprotéine humaine, ce qui laisse supposer une incapacité à déplacer les
ligands endogènes tels que l’œstradiol et donc à provoquer des effets biologiques de ces
stéroïdes sur le fœtus. En revanche, cette faible liaison protège mal le fœtus des effets directs
du BPA.
En conclusion, les taux urinaires de BPA sont respectivemet de 2,5 µg/kg/j chez l’adulte et
de 3,5 µg/kg/j chez les enfants. Les estimations à partir de ces données donnent des niveaux
d’exposition de l’ordre de 0,03 µg/kg/j de BPA chez l’adulte, de 0,07 µg/kg/j chez l’enfant
de 6-11 ans. Une autre étude évalue l’exposition des nourrissons nourris aux biberons à
0,75 µg/kg/j.
La demi-vie du BPA chez l’homme de 4-6 heures est plus courte que chez le rat 24-48 heures
en raison d’un métabolisme entéro hépatique chez le rat qui n’existe pas chez l’homme. La
conjugaison est la principale voie de détoxication du BPA. Les formes conjuguées ne sont
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plus actives sur les récepteurs aux œstrogènes mais des déconjugaisons libérant du BPA ont
été observées au niveau du liquide amniotique et du fœtus.
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2
Etudes épidémiologiques dans l’espèce humaine
Au cours des dix dernières années, quelques études épidémiologiques ont été réalisées pour
documenter l’impact sanitaire potentiel de l’exposition au bisphénol A (BPA) dans l’espèce
humaine, notamment pour apprécier les conséquences d’une exposition sur la fonction de
reproduction chez l’homme et la femme.
Effets sur la fonction de reproduction masculine
Deux études réalisées à Aichi (Japon) en milieu professionnel et auprès d’hommes consultant
pour infertilité dans un service hospitalier du Massachusetts (Etats-Unis) ont caractérisé
l’association entre l’exposition au BPA et la concentration plasmatique de certaines
hormones gonadotropes ou gonadiques (Hanaoka et coll., 2002 ; Meeker et coll., 2010).
Une étude réalisée en Chine entre 2004 et 2008 a comparé la fonction sexuelle de travailleurs
potentiellement exposés au bisphénol A avec celle de travailleurs non exposés (Li et coll.,
2010a; Li et coll, 2010b).
Hormones gonadotropes, gonadiques et thyroïdiennes
L’étude réalisée par Hanaoka et coll. (2002) dans la préfecture d’Aichi reposait sur une
approche transversale auprès de 42 travailleurs utilisant le diglycidyléther de bisphénol A
(bisphenol A diglycidyl ether, ou BADGE) mélangé à des solvants organiques afin de durcir
des résines époxy, recrutés dans 3 usines, qui ont été comparés à 42 travailleurs des mêmes
usines mais qui n’utilisaient pas de BADGE. Les travailleurs non exposés ont été appariés
aux travailleurs exposés en termes d’âge (à 3 ans près) et de nombre de cigarettes fumées
quotidiennement. Un prélèvement urinaire a eu lieu entre 10 et 12 h du matin afin de doser
la concentration en BPA et en métabolites de solvants organiques auxquels les travailleurs
étaient potentiellement exposés ; une prise de sang le même jour a permis le dosage des
concentrations plasmatiques de 3 hormones (LH, FSH et testostérone). Le niveau médian de
bisphénol A était environ le double pour les travailleurs utilisant le BADGE que pour ceux
ne l’utilisant pas ; la moyenne était supérieure de 2,5 µMol/Mol de créatinine pour les
exposés (p=0,002) (tableau I).
Les niveaux médians de LH et testostérone libre étaient similaires chez les travailleurs
exposés au BADGE et ceux qui ne l’étaient pas. La concentration de FSH plasmatique tendait
à diminuer en fonction de la concentration urinaire de bisphénol A (p=0,05, après ajustement
sur l’âge et la consommation d’alcool), mais apparemment pas sur les concentrations des
métabolites des solvants organiques. La concentration urinaire d’acide 2-butoxyacétique,
métabolite du 2-méthoxy éthanol (solvant organique), dosé lui aussi dans les urines, tendait
également à être associée au niveau de FSH plasmatique (p=0,12).
La corrélation entre le bisphénol A et l’acide 2-butoxyacétique (probable car les auteurs
indiquent que le BADGE est utilisé conjointement à des solvants organiques) n’a pas été
Expertise collective – Rapport préliminaire
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rapportée, ce qui ne permet pas d’apprécier complètement dans quelle mesure ce métabolite
pouvait expliquer l’association statistique entre bisphénol A et FSH.
Une thématique similaire a été étudiée dans l’étude réalisée dans le Massachusetts par
Meeker et coll. (2010), qui concernait des hommes consultant pour infertilité et a priori non
exposés professionnellement. L’étude américaine s’est intéressée à davantage de paramètres
hormonaux, et notamment l’inhibine B (marqueur de l’activité des cellules de Sertoli, qui
sont les cellules de soutien de la spermatogenèse dans le testicule) et les hormones liées à la
fonction thyroïdiennes. Les hommes inclus étaient âgés de 18 à 55 ans, sans vasectomie,
consultant au laboratoire d’andrologie du Massachusetts General Hospital (Boston). Le taux de
participation approximatif des sujets éligibles approchés était de 65 %, et 167 hommes ont pu
être recrutés. La concentration de bisphénol A a été estimée à partir de prélèvements
urinaires réalisés le même jour que les prélèvements de sérum ayant permis les dosages
hormonaux. La concentration urinaire de bisphénol A était associée à une augmentation du
taux plasmatique de FSH (contrairement à l’étude de Hanaoka et coll., 2002), à une
diminution du taux d’inhibine B et du ratio œstradiol/testostérone (considéré comme un
marqueur de l’activité aromatase), ainsi qu’à une augmentation du ratio FSH/inhibine B
(considéré comme un marqueur de l’activité des cellules de Sertoli). De façon statistiquement
non significative, le taux de LH avait tendance à augmenter avec l’exposition (p=0.07). Le
taux de bisphénol A n’était pas associé aux concentrations d’hormones thyroïdiennes (TSH,
triiodothyronine T3, tétraïodothyronine T4).
Pour 75 hommes, des prélèvements urinaires ayant permis des dosages supplémentaires du
bisphénol A ont été réalisés dans la période suivant le jour du prélèvement sanguin lors
duquel le dosage hormonal a été fait ; l’objectif de ces dosages supplémentaires était
d’améliorer l’estimation de l’exposition en utilisant la moyenne de plusieurs dosages plutôt
qu’un unique dosage du BPA. La pertinence de l’approche utilisée est discutable, dans la
mesure où la taille de l’échantillon était bien plus faible que dans l’analyse principale, et où
les dosages supplémentaires de BPA ont eu lieu ultérieurement aux dosages hormonaux. Les
analyses statistiques ont été répétées, en prenant cette fois en compte la moyenne
géométrique des dosages de bisphénol A successifs. Dans ce sous-groupe, les paramètres
caractérisant les associations entre bisphénol A et dosages hormonaux étaient très similaires
qu’on estime la dose de bisphénol A à partir du premier dosage ou des dosages successifs.
Les dosages additionnels de bisphénol A ayant été réalisés après le dosage des hormones
plasmatiques, cette nouvelle analyse présente un intérêt limité et doit être interprétée avec
prudence, d’autant que le nombre de sujets était bien plus faible que dans l’analyse
principale. Elle n’apportait donc pas réellement d’information supplémentaire par rapport
aux résultats rapportés plus haut.
La principale limitation de ces deux études est leur approche transversale, consistant en un
dosage simultané des niveaux de bisphénol A et des paramètres hormonaux d’intérêt. Un tel
protocole ne permet pas d’estimer l’imprégnation au bisphénol A dans la fenêtre de temps
biologiquement pertinente qui, si elle n’est pas connue avec précision, est nécessairement
antérieure à la période du dosage hormonal ; selon que cette fenêtre est située quelques
jours, quelques mois ou années avant le moment où les paramètres hormonaux sont dosés, le
niveau de bisphénol A le jour du dosage hormonal représentera plus ou moins bien la dose
dans la fenêtre d’exposition biologiquement pertinente. Ce protocole ne permet pas non plus
d’écarter un biais de causalité inverse, qui pourrait survenir si le statut hormonal était
associé à une modification du métabolisme du bisphénol A, ce qui serait susceptible
d’entraîner une association statistique entre dosages hormonaux et concentration urinaire de
bisphénol A dans laquelle les variations des concentrations hormonales seraient la cause et
non pas la conséquence de l’exposition au bisphénol A. Un protocole plus satisfaisant pour
documenter les effets à court terme de polluants ayant une demi-vie dans l’organisme courte
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 24 -
02/06/2010
(Bonde, et coll., 1996) consisterait à réaliser des dosages urinaires répétés de bisphénol A,
suivis d’un ou plusieurs dosages hormonaux, et de mettre en relation les niveaux de
bisphénol A (moyennés sur une certaine fenêtre temporelle) avec le statut hormonal
ultérieur. Toutefois, il faut noter que ce protocole assez lourd à mettre en œuvre est jusqu’ici
très rare dans la littérature, en particulier lors des premières études réalisées sur un
contaminant.
Dysfonction sexuelle
L’étude rétrospective (Li et coll., 2010a) a consisté à identifier une usine produisant du
bisphénol A et trois usines en utilisant (usines dites exposées), à chercher à y recruter tous les
travailleurs masculins exposés au bisphénol A, et à estimer par questionnaire la fréquence de
certains troubles de la fonction sexuelle, déclarés lors d’un entretien en face-à-face
standardisé. La fréquence de ces troubles a été comparée à celle observée selon une même
approche dans une population témoin constituée de travailleurs d’usines n’utilisant pas de
bisphénol A, et de conjoints masculins de femmes non exposées recrutées dans ces usines
pour une étude ancillaire portant sur la santé de la femme. Le taux de participation des
373 travailleurs potentiellement exposés éligibles était de 62 %, d’où 46 travailleurs à la
retraite ont été exclus ; parmi les travailleurs participant, 20 travailleurs (9,2 % des
travailleurs exposés acceptant de participer) ont été exclus car ils n’ont pas répondu aux
questions sur la vie sexuelle, d’après les auteurs bien souvent du fait d’une absence d’activité
sexuelle récente. Parmi les travailleurs des usines n’utilisant pas de bisphénol A, le taux de
participation des travailleurs éligibles était de 55 % ; ce groupe a été augmenté d’un groupe
de 120 conjoints de femmes travaillant dans les usines non exposées (taux de participation
non mentionné). Parmi ces travailleurs non exposés participant, 18 (4,4 % des sujets non
exposés participant) ont été exclus du fait d’une absence de réponse aux questions sur
l’activité sexuelle, ce qui correspond à un taux inférieur de moitié à celui constaté parmi les
travailleurs exposés. Au final, 164 travailleurs potentiellement exposés et 386 travailleurs
n’utilisant pas de bisphénol A ont participé.
La proportion d’hommes rapportant une difficulté à obtenir une érection était de 15,5 % chez
les travailleurs considérés exposés, contre 4,4 % chez les travailleurs considérés non exposés,
ce qui correspondait à un odds-ratio de trouble de l’érection de 3,9 après ajustement
(intervalle de confiance à 95 %, 1,8 à 8,5). Une augmentation nette statistiquement et
d’amplitude élevée était également observée pour toutes les autres caractéristiques de la vie
sexuelle étudiées en relation avec l’exposition au bisphénol A (tableau I). Ces associations se
maintenaient après exclusion des sujets déclarant avoir été exposés à d’autres produits
chimiques ou à des métaux lourds à un moment quelconque de leur vie professionnelle,
exposition quatre fois plus fréquente chez les travailleurs du groupe exposé au bisphénol A.
L’association entre ces autres expositions et les caractéristiques de la vie sexuelle n’a pas été
décrite.
En outre, les auteurs ont quantifié les niveaux de bisphénol A dans l’air de certains ateliers
des usines produisant ou utilisant du bisphénol A, ainsi que les concentrations urinaires chez
un sous échantillon des travailleurs considérés exposés (n=123) et non exposés (n=254). Ces
dosages ont confirmé qu’en médiane, les travailleurs du groupe considéré exposé étaient
effectivement davantage exposés (dose médiane, 58 µg/g créatinine, 25-75e centiles, 13-467)
que les travailleurs du groupe considéré non exposé (dose médiane, 1 µg/g créatinine, 25-75e
centiles, 0-11). Les dosages dans l’air ont permis de construire un indice d’exposition
(combinant les niveaux de bisphénol A mesurés dans chaque atelier au nombre d’années
passé par chaque travailleur dans l’atelier). Dans des analyses prenant en compte cet indice
(en choisissant toujours le groupe des travailleurs des usines n’utilisant pas de bisphénol A
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 25 -
02/06/2010
comme référence), les auteurs ont décrit l’évolution des odds-ratios de troubles de la vie
sexuelle entre le groupe non exposé et les 3 tertiles d’exposition au bisphénol A. Une
association dose-réponse monotone a été observée entre niveau croissant d'exposition
cumulée au BPA et risque de dysfonction sexuelle.
On notera que, si l’objectif précis de l’étude n’avait pas été indiqué aux ouvriers lors du
lancement de ce travail, on peut s’attendre à ce que cet objectif ait été connu dès que les
premiers ouvriers ont répondu au questionnaire ; de plus, les entretiens ne se faisaient
probablement pas à l’aveugle du statut du travailleur vis-à-vis de l’exposition, cette
exposition étant totalement définie par la connaissance de l’usine, où les entretiens ont
apparemment eu lieu. Ceci a pu avoir une influence sur la fréquence des troubles de la
fonction sexuelle estimée dans les usines utilisant et n’utilisant pas de bisphénol A. Cette
limite ne s’applique pas à l’analyse restreinte aux travailleurs non exposés (Li et coll., 2009).
L’écart très important dans la fréquence des troubles de la vie sexuelle entre les sujets
exposés et non exposés mérite d’être noté, et pourrait être attribué à un biais (par exemple
celui mentionné ci-dessus) et/ou à un effet très important de l’exposition au bisphénol A
(environ 50 fois plus élevée parmi les travailleurs exposés qu’en population générale) et des
expositions corrélées au bisphénol A et non prises en compte dans l’étude. On peut
également évoquer un biais potentiel lié au choix des valeurs seuils des événements de la vie
sexuelle estimés à partir d’une échelle, choix dont le principe n’a pas été explicité.
Dans une seconde publication (Li et coll., 2010b), les auteurs ont réalisé des analyses
complémentaires dans un sous-groupe des sujets inclus dans la première étude. Cette
nouvelle publication est limitée à 427 travailleurs de la première étude chez qui un dosage de
BPA a été réalisé dans les urines (à partir d’un échantillon dont le calendrier de prélèvement
par rapport au moment de l’entretien sur la fonction sexuelle n’est pas indiqué). Cette
analyse, qui n’est pas indépendante de la précédente, retrouve une association entre
exposition au BPA (cette fois estimée sur une échelle quantitative) et la dysfonction sexuelle.
L’apport principal de cette nouvelle publication est de proposer une analyse restreinte aux
253 sujets ne travaillant pas à un poste auquel ils étaient exposés au BPA. La dose médiane
de BPA dans cette population était de 1,2 μg/g créatinine (25-75e percentiles, 0 à 11,4 μg/g
créatinine), contre 53,7 μg/g créatinine chez les travailleurs exposés (25-75e percentiles, 8,6 à
558,9 μg/g créatinine). Les doses internes de BPA chez les travailleurs non exposés étaient
donc proches de celles généralement constatées en population générale. Dans le groupe de
travailleurs non exposés, les coefficients quantifiant l’association entre le niveau urinaire de
BPA et certains marqueurs de la fonction sexuelle (notamment le désir sexuel et la
satisfaction générale avec sa vie sexuelle) étaient similaires à ceux rapportés pour l’ensemble
des 427 travailleurs, bien que l’association soit statistiquement moins nette (en terme de pvaleur), avec un effectif plus réduit. Les auteurs indiquent que les résultats étaient sensibles
aux observations extrêmes (« outliers »), sans préciser de quelle façon. Le principal intérêt de
cette nouvelle étude (Li et coll., 2010b) par rapport à la précédente (Li et coll., 2010a) est lié
au groupe de population étudiée, ie les travailleurs non exposés, qui permet de caractériser
une population dont les niveaux d’exposition sont du même ordre de grandeur que ceux de
la population générale, et de limiter le biais possible lié à la connaissance par l’enquêteur du
statut des travailleurs vis-à-vis de l’exposition.
Effets sur la fonction de reproduction féminine
Quatre études conduites chez la femme sont rapportées (tableau II). Elles se sont intéressées
respectivement aux taux d’hormone, à l’endométriose, au cancer du sein et à la survenue de
fausses couches spontanées.
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 26 -
02/06/2010
Hormones
Une étude rétrospective a porté sur un groupe de 19 femmes non obèses, 7 femmes obèses
avec des cycles menstruels considérés normaux, 7 patientes souffrant d’hyperprolactinémie,
21 femmes souffrant d’aménorrhée d’origine hypothalamique et 19 femmes avec un
syndrome des ovaires polykystiques, dont 6 étaient obèses (Takeuchi et coll., 2004). Le taux
sérique de bisphénol A a été dosé et corrélé à des dosages hormonaux dans l’ensemble de la
population. Une association était notamment retrouvée pour la testostérone totale et libre,
l’androstènedione et le DHEAS (déhydroépiandrostérone).
Cette étude est difficile à interpréter, du fait notamment de son caractère rétrospectif, gênant
dans le cas des pathologies considérées, et de l’absence d’information sur le plan
d’échantillonnage (il s’agit apparemment d’un échantillon de population de convenance). La
corrélation entre bisphénol A et paramètres hormonaux ne peut pas être interprétée, dans la
mesure où les pathologies des sujets (toutes associées à des variations possibles du
métabolisme ou du comportement alimentaire, source d’exposition au bisphénol A) n’ont
pas été prises en compte.
Endométriose
Deux études se sont intéressées à la relation entre endométriose et taux de bisphénol. Une
étude italienne portait sur 69 femmes fertiles consultant à l’hôpital de Naples, Italie pour
troubles du cycle menstruel, kystes ovariens ou douleurs pelviennes chroniques (Cobellis et
coll., 2009). Au sein de cette population, 58 femmes souffraient d’endométriose (cas), alors
que 11 femmes n’avaient pas d’endométriose, et ont été comparées aux cas. Le taux de
détection du bisphénol A dans le sang était très faible, ce qui est une limite de l’étude. Le
taux de détection du bisphénol A était de 0% parmi les 11 « témoins », et de 52 % chez les
cas. Le niveau de bisphénol A n’a pu être quantifié que pour environ 25 % des cas.
Antérieurement, une étude réalisée sur une population de 140 patientes japonaises choisies
parmi 166 femmes se plaignant de stérilité (Itoh et coll., 2007) n’a pas trouvé de différence
dans le taux urinaire de bisphénol A entre les femmes avec un diagnostic d’endométriose et
celles sans endométriose. Ces deux études utilisent des technologies différentes pour doser le
bisphénol et concernent des populations différentes. Comme pour l’étude sur les
concentrations hormonales (Takeuchi et coll., 2004), le dosage rétrospectif du bisphénol A est
particulièrement problématique, et ne permet pas de savoir si c’est le taux de bisphénol A
qui est susceptible d’influencer la survenue d’endométriose, ou le contraire. Dans l’ensemble,
ces études rétrospectives en milieu clinique sont méthodologiquement limitées (absence de
plan d’échantillonnage, d’estimation du taux de participation, approche rétrospective…).
Cancer du sein
A notre connaissance, une seule étude épidémiologique a cherché à caractériser l’influence
de l’exposition au BPA sur le risque de cancer du sein chez l’humain (Yang et coll., 2009).
L’étude était de type cas-témoins, et a porté sur 82 femmes chez qui un cancer du sein a été
diagnostiqué (entre 1994 et 1997) à l’hôpital national universitaire de Séoul (Corée du Sud),
et 70 femmes témoins appariées sur l’âge et recrutées dans le même hôpital, où elles
consultaient du fait d’inquiétudes concernant le cancer du sein, mais chez qui la pathologie
n’a finalement pas été diagnostiquée. Le BPA n’était détectable dans le sang que d’environ
51 % des sujets (différence éventuelle entre cas et témoins non indiquée). Il n’y avait pas de
différence nette dans le taux de BPA entre les cas (médiane, 0,61 μg/l) et les témoins
(médiane, 0,03 μg/l, test de Wilcoxon, p=0,42). La limite importante de cette étude est que le
prélèvement ayant permis le dosage du BPA a été fait après le diagnostic du cancer du sein,
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 27 -
02/06/2010
et qu’il s’agit d’un unique prélèvement, ne permettant pas d’estimer l’exposition moyenne,
dans une fenêtre d’exposition cohérente avec celle suggérée dans l’expérimentation animale
(exposition fœtale ou périnatale). Le fait de prélever le sang après le diagnostic ne permet
pas d’exclure que le taux de BPA est influencé par le statut des sujets vis-à-vis de la maladie
(modification des taux de BPA du fait des traitements, de changements de comportement, ou
de modifications physiologiques induites par la maladie). Par ailleurs, l’effectif considéré est
modeste, et la proportion élevée de valeurs non détectées diminue l’aptitude de l’étude à
caractériser efficacement l’impact du BPA sur le cancer du sein.
Effets sur la survie fœtale /survenue de fausse-couche spontanée
Sugiura-Ogasawara et coll. (2005) ont dosé le bisphénol A dans le sérum de femmes de
Nagoya (Japon) ayant un antécédent d’au moins 3 fausses couches spontanées (45 femmes),
ainsi que chez 32 femmes n’ayant jamais accouché et n’ayant pas d’antécédent d’infécondité.
Les taux de bisphénol A étaient plus élevés chez les femmes ayant un antécédent de 3 fausses
couches spontanées. Les auteurs ont aussi réalisé un suivi prospectif de l’ensemble de ces
femmes, chez qui 35 grossesses ont été observées, dont 17 fausses couches spontanées. Les
femmes ayant eu une fausse couche spontanée au cours du suivi avaient un taux de
bisphénol A plus élevé que celles ayant eu une naissance vivante, sans que la différence soit
statistiquement significative d’après les auteurs.
Cette étude est difficile à interpréter du fait de l’approche rétrospective, et du choix d’un
groupe de comparaison qui semble peu adapté. Un groupe de femmes ayant obtenu une
naissance vivante aurait permis de discuter si le niveau de bisphénol A différait selon l’issue
de la grossesse ; une mesure de l’exposition avant la survenue de la grossesse plutôt qu’après
aurait permis d’éliminer un biais de causalité inverse, qui pourrait créer une différence dans
le taux de bisphénol A entre les groupes comparés si le fait d’avoir une grossesse entraînait
une modification du taux de bisphénol A (par exemple via une modification du
métabolisme, des comportements, notamment alimentaires, de la corpulence…). La partie
prospective de l’étude est elle aussi difficile à interpréter du fait de la modalité de sélection
de l’échantillon. Cette étude, prise isolément, peut donc être considérée comme étant très peu
informative sur l’association entre exposition au bisphénol A et risque de fausse couche
spontanée.
Autres effets potentiels du bisphénol A n’entrant pas dans le champ de
l’expertise
On peut noter qu’un petit nombre d’études chez l’Homme ont cherché à caractériser l’impact
potentiel de l’exposition au bisphénol A sur d’autres événements de santé n’entrant pas dans
le champ de cette expertise, et notamment le stress oxydatif et des marqueurs
d’inflammation (Yang et coll., 2009), la croissance fœtale (Wolff, et coll., 2008), le
comportement de l’enfant (Braun, et coll., 2009 ; Longnecker, 2009), la survenue de diabète et
la fonction hépatique (Lang et coll., 2008).
En conclusion, dans l’ensemble, les études épidémiologiques sont trop peu nombreuses
pour déterminer la plausibilité chez l’homme des effets observés dans l’expérimentation
animale. A l’heure actuelle, les études réalisées chez la femme concernant le risque de cancer
du sein ou d’endométriose reposent toutes sur une approche rétrospective (particulièrement
limitée pour un composé non persistant comme le bisphénol A) et des populations cliniques
de convenance, sans plan d’échantillonnage précis. Du côté masculin, une étude en Chine
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 28 -
02/06/2010
suggère une association entre exposition professionnelle au BPA et troubles de la fonction
sexuelle, et une étude transversale réalisée auprès d’hommes consultant auprès d’une
clinique d’infertilité du Massachusetts rapporte une association entre niveaux de BPA
urinaires et hormones sexuelles. La confirmation ou l’infirmation de la plausibilité de
retrouver chez l’homme certains des effets mis en évidence dans l’expérimentation animale
impliquerait la réalisation d’études avec un suivi régulier des expositions chez la femme
enceinte puis un suivi sanitaire de sa descendance, longues et lourdes méthodologiquement,
auprès de populations de taille importante.
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 29 -
02/06/2010
Tableau 1 : Etudes concernant les effets possibles de l’exposition masculine humaine au bisphénol A ou BADGE sur des paramètres de fertilité
Etude
Population
Exposition
Paramètres de
santéa
Résultats et remarques
Estimation
Niveau d’exposition
Co-expositions
Estimation
Dosage urinaire
de bisphénol A
(prélèvement
urinaire et
plasmatique le
même jour)
médiane [min-max] :
Solvants
organiques
Dosage
plasmatique de
LH, FSH, T libre
↓ de la FSH (p=0,05) chez les
exposés par rapport aux non
exposés ;
Pas de différence nette de LH
(p=0,65) , T libre (p=0,17) ;
après ajustement sur l’âge et la
consommation d’alcool
Dosage urinaire
(prélèvement
urinaire et
plasmatique le
même jour)
médiane et moyenne
géométrique [25e --75e
percentiles] :
Non décrites.
Dosage
plasmatique
LH, FSH, I B,
FSH/Inhibine B,
T, T libre,
SHBG, FAI,
T/LH, E2,
E2/T, proline,
T4 libre, T3
totale, TSH
↑ de FSH, FSH/ Inhibine B et
E2/T
Intitulé du poste
de travail (matrice
emploi exposition)
50e percentile [25e-75e
percentiles]
Questionnaires
sur dysfonction
érectile,
dysfonction
orgasmique,
désir sexuel,
satisfaction visà-vis de la vie
sexuelle.
Odds-ratios (OR) associés à
l’exposition :
Fonction hormonale
Hanaoka et coll.,
2002
Aichi (Japon)
42 travailleurs exposés
- affectation à un poste
où le BADGE est
utilisé 42 travailleurs non
exposés
Meeker et coll.,
2010
Massachusetts
(USA)
167 patients masculins
consultant pour
infertilité
Exposés :
1,1 [<LOD-11] µg/mol
créatinine
Non exposés :
0,5 [<LOD -11] µg/mol
créatinine
1,3 [0,7-2,4] µg /l de BPA
↓ de Inhibine B
Fonction érectile
Li et coll., 2010a
4 régions
(Chine)
164 travailleurs
exposés - travailleurs
de 4 usines
produisant ou utilisant
du bisphénol A.
Non-exposés :
1 [0-11] µg/g créatinine
386 travailleurs non
exposés : travailleurs
n’utilisant pas de
bisphénol A, ou
certains maris nonexposés de femmes
Expertise collective – Rapport préliminaire
Exposés :
58 [13-467] µg/g créatinine
- 30 -
Autres
polluants
chimiques,
métaux lourds
(13 % des sujets
non exposés,
59 % des
exposés)
02/06/2010
OR=3,9 (IC 95 % : 1,8-8,5) pour
l’aptitude à obtenir une érection
>50 % des rapports ;
OR=7,1 (2,9-17,6) pour le fait de
rapporter des difficultés à
éjaculer ;
OR=3,9 (2,3-6,6) pour un niveau
de satisfaction vis-à-vis de la vie
sexuelle inférieur à 10 (sur une
travailleuses nonexposées.
Li et coll., 2010b
427 travailleurs :
174 exposés et 253 non
exposés
échelle de 0 à 10)
Résultats globalement inchangés
après exclusion des hommes
déclarant être exposés aux autres
polluants chimiques et métaux
lourds.
Dosage urinaire
du bisphénol
idem
idem
Questionnaires
sur dysfonction
érectile,
dysfonction
orgasmique,
désir sexuel,
satisfaction visà-vis de la vie
sexuelle.
Association entre le taux de
bisphénol urinaire et l’ensemble
des dysfonctions sexuelles
étudiées chez les travailleurs non
exposés
Effet dose réponse pour 6 des 7
paramètres étudiés
a : E2 : œstrogène ; FAI : Free androgen index, correspondant au ratio entre la concentration totale de testostérone et la concentration de SHBG ; FSH : hormone folliculo-stimuline ; LH : hormone
lutéinisante ; SHBG : Sex hormone binding globulin, T : testostérone, T4 , T3 , TSH : Hormone thyroïdo-stimuline.
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 31 -
02/06/2010
Tableau 2 : Etudes concernant les effets possibles de l’exposition féminine humaine au bisphénol A sur des paramètres de fertilité
Etude
Population
Exposition
Paramètres de
santéa
Estimation
Niveau d’exposition
Estimation
19 femmes non obèses
7 femmes obèses avec des
cycles menstruels
normaux : 7 patientes
souffrant
d’hyperprolactinémie
(Hyper-pro), 21 femmes
souffrant d’aménorrhée
d’origine
hypothalamique (HA) et
19 femmes avec un
syndrome des ovaires
polykystiques (SOP),
dont 6 obèses
Dosage sérique de
bisphénol A
Non obèses : 0,71 ± 0,09
Obèses : 1,04 ± 0,09 (p<0,05)
Hyper-pro : 0,83 ± 0,12 (ns)
HA : 0,84 ± 0,10 (ns)
SOP (non obèses) : 1,05 ±0,10 (p<0,05)
SOP (obèses) : 1,17± 0,16 (p<0,05)
Dosage sérique de
LH, FSH, E2, T
totale, T libre, A,
DHEAS,
prolactine,
Insuline ;
Cobellis et coll., 2009
Naples
(Italie)
Sur 69 femmes fertiles en
consultation à l’hôpital
Dosage sérique de
Bisphénol A
Itoh et coll., 2007
Tokyo
(Japon)
Sur 166 femmes infertiles
consultant à l’hopital
Résultats et remarques
Fonction hormonale
Takeuchi et coll., 2004
Tokyo
(Japon)
Mesure de l’IMC
Association entre le taux sérique de
bisphénol de l’ensemble de la
population et la T totale, T libre, A et
DHEAS
Etude difficile à interpréter car les
facteurs de confusion propres à
chaque pathologie n’ont pas été pris
en compte et absences d’information
sur l’échantillonage de la population
Endométriose
Endométriose
Etude difficile à interpréter car les
taux de détection du bisphénol dans le
sang sont faibles
Endométriose
avec
détermination du
grade de sévérité
(0 à IV)
Pas d’association entre le taux de
bisphénol urinaire et l’endométriose
Aucune détection de bisphénol chez
les témoins
58 femmes souffrant
d’endométriose
11 femmes non atteintes
Dosage urinaire
de bisphénol
140 femmes avec un
diagnostic
d’endométriose
Expertise collective – Rapport préliminaire
Détection de bisphénol chez 52% des
cas
- 32 -
médiane [25e – 75e percentiles]
Grade 0-IV : 0,80 [0,45-1,3] µg/g
créatinine
Grade 0-I : 0,74 [0,45-1,21] µg/g
créatinine (ns)
02/06/2010
Etude difficile à interpréter difficile
car elle comporte des limites
méthodologiques (discussion dans le
Grade II-IV : 0,93 [0,5- 01,48] µg/g
créatinine (ns)
texte)
Cancer du sein
Yang et coll., 2009
Séoul
(Corée su Sud)
82 femmes avec un cancer
du sein diagnostiqué
Dosage sérique
du bisphénol
70 femmes consultant
dans le même hopital
médiane
Cancer du sein
Cas : 0,61 µg/l (test de Wilcoxon,
p=0,42)
Pas d’association entre taux de
bisphénol et survenue de cancer du
sein
Etude difficile à interpréter car elle
comporte des limites
méthodologiques (discussion dans le
texte)
Témoins : 0,03 µg/l créatinine
Survenue de faussescouche
Sugiura-Ogasawara
et coll., 2005
Nagoya
(Japon)
45 femmes ayant eu au
moins trois fausses
couches spontanées
Dosage sérique
du bisphénol
moyenne ± SD
Grossesses ;
Cas : 2,59 ± 5,23 µg/l (p=0,024)
Fausses couches
spontanées
Témoins : 0,77 ± 0,38 µg/l
32 femmes n’ayant jamais
accouché et sans
antécédent d’infécondité
Pas d’association significative entre
taux élevé de bisphénol et la survenue
d’une fausse couche selon les auteurs
Etude difficile à interpréter car elle
comporte des limites
méthodologiques (discussion dans le
texte)
a : A : androstènedione ; DHEAS : déhydroépiandrostérone ; E2 : œstrogène ; IMC : Indice de masse corporelle ; FSH : hormone folliculo-stimuline ; LH : hormone lutéinisante ; SHBG : Sex hormone
binding globulin, T : testostérone, TSH : Hormone thyroïdo-stimuline.
.
Expertise collective – Rapport préliminaire
- 33 -
02/06/2010
BIBLIOGRAPHIE
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Etudes récentes chez les animaux mâles
Au cours des dernières années, de nombreuses études ont été effectuées chez le rongeur avec
essentiellement des expositions à doses faibles par voie orale. Parmi les études in vivo chez le
rongeur, la plupart se concentrent sur l’exposition au cours de la gestation et lactation plus
rarement sur la période péripubertaire ou adulte.
Les études prises en considération sont celles qui ont été réalisées avec des doses de BPA
inférieures à la NOAEL de 5 000 µg/kg/jour. En effet, seules ces études peuvent être
comparées avec l’exposition humaine.
Exposition continue et chronique au travers de toutes les étapes du
développement
Dans les deux études de Tyl et coll. (2002, 2008), les rongeurs sont exposées par gavage à une
gamme de concentrations allant de 3 µg/kg/j à 600 000 µg/kg/j chez la souris, et de 1 µg à
500 000 µg chez le rat ; un groupe témoin positif reçoit par voie orale du 17 beta œstradiol.
Les parents (F0) sont exposés 8 semaines avant l’accouplement, le nombre initial
d’animaux/groupe répond à l’objectif d’avoir au moins 20 femelles gravides par groupe. Il
s’agit d’une exposition continue dans les deux sexes, les croisements aux générations
successives sont faits avec des animaux mâles et femelles exposés pareillement. Ces deux
études répondent aux critères de bonnes pratiques de laboratoires (BPL) définies par l’OCDE
pour les essais de substances chimiques.
La conclusion générale des deux études de Tyl et coll. est que le BPA dans la large gamme de
doses étudiée, et plus particulièrement aux doses compatibles avec l’exposition humaine, n’a
pas d’effet sur la reproduction. On note toutefois des effets aux plus fortes doses (non
pertinentes pour l’exposition humaine).
Il est à noter que les poids d’organe rapportés sont les poids bruts et non relatifs, que
l’évaluation de la morphologie spermatique normale et anormale est subjective (méthode
manuelle). Enfin, dans les deux études, les animaux sont alimentés avec un régime non
dépourvu de phytœstrogènes.
Exposition pendant la période de gestation et de lactation
Quelques études récentes sont référencées pour l’analyse de l’exposition pendant cette
période. Trois études sont effectuées chez le rat mais sur des souches différentes et par
gavage et deux études sont réalisées chez la souris CD-1, l’une par implant et l’autre par
gavage.
Salian et coll. (2009a) utilisent la souche de rat Holtzmann. Les doses de BPA (1,2 et
2,4 µg/kg/j) sont compatibles avec les expositions humaines. L’exposition va du 12e jour de
gestation à 21 jours après la naissance des F1. Le régime est dépourvu de phytœstrogènes. Le
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Diéthylstilbestrol (DES) sert de contrôle positif. Les rats jeunes adultes 75 jours après la
naissance sont croisés avec des femelles contrôles. Les mâles non exposés en F2 et F3 sont
étudiés. A la génération F1, les auteurs observent une augmentation significative des pertes
post-implantatoires (moins importantes que pour le DES), une diminution de la taille des
portées, du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes (détermination visuelle pour les 2,
dans un hémocytomètre). On note un délai significativement augmenté pour la copulation
en F1. Les taux d’hormones adultes (FSH, LH, testostérone, œstradiol) sont significativement
diminués (particulièrement les taux d’œstradiol). Une réduction du profil d’expression de ER
beta et de AR (maximum pour ce dernier au stade VIII - androgéno-dépendant -de la
spermatogenèse) au niveau testiculaire dans les 3 générations, a été observée. Le profil
d’expression de ER alpha est au contraire augmenté, seulement en première génération. Ces
effets sont retrouvés dans les générations suivantes non exposées issues de F1 exposées. Les
auteurs concluent qu’une exposition pendant la gestation et la lactation à des doses de BPA
pertinentes pour l'homme influent sur la lignée germinale mâle, conduisant à des déficiences
dans la fertilité des F1 et de leurs descendants mâles même non exposés.
L’effet maintenu dans les générations suivantes (F2, F3) évoque une reprogrammation de la
lignée germinale par des mécanismes (génétiques/épigénétiques) persistant au-delà de
l’exposition initiale.
Chez le rat Long-Evans mâle, Howdeshell et coll. (2008) n’ont pas observé de modification
de différents paramètres de reproduction et des niveaux d’hormones, après exposition avec
des doses orales relativement faibles d’éthynylœstradiol (EE) de 0,05 à 1,5 µg/kg/j ou de
BPA de 2, 20, 200 µg/kg/j. Les mères ont été gavées du 7e jour de gestation à 18 jours après
la naissance. La distance ano-génitale a été mesurée 2 jours après la naissance et la rétention
des mamelons 14 jours après la naissance chez les petits mâles. La nécropsie a été effectuée
150 jours après la naissance. Le poids (relatif) des vésicules séminales avait tendance à être
diminué avec une exposition au BPA à 20 µg/kg/j, les poids épididymaires avec le BPA à 2
et 20 µg/kg/j, de même que le nombre de spermatozoïdes. Il faut noter enfin que
l’alimentation contenait des phytœstrogènes.
Dans l’étude plus ancienne de Watanabe et coll. (2003), les doses utilisées sont beaucoup plus
fortes. Les rates gravides (Sprague Dawley) ont été exposées au BPA par gavage avec
4 000 µg, 40 000 µg et 400 000 µg/kg du 6e jour de gestation au 20e jour après la naissance. Les
concentrations de testostérone plasmatique chez les rats postpubères (63 jours après la
naissance) étaient significativement augmentées dans les groupes BPA. À l'âge de
36 semaines, les concentrations hormonales avaient tendance à être augmentées selon une
relation dose réponse monotone. On observe une tendance similaire pour les taux de
testostérone testiculaire. Le taux d’œstradiol n’est pas modifié. Il n’y a pas d'altération des
poids des testicules. Il n'y a aucun changement notable des concentrations plasmatiques de la
LH et de la FSH. Les résultats suggèrent que l'exposition au BPA (à ces doses élevées) au
cours de la période gestationnelle et de lactation a un effet significatif sur l'homéostasie de la
testostérone chez les mâles. Le fait que la testostérone soit augmentée et pas l’œstradiol peut
suggérer une éventuelle modification de l’activité aromatase.
Chez la souris, Okada et coll. (2008) ont évalué l’effet du BPA (comparé au 17βŒstradiol)
administré chroniquement avec des implants (dose totale dans le tube : 100 µg ou 5 000 µg)
placés 3 jours avant le croisement avec des souris mâles. Le tube a été maintenu pendant
toute la période gestationnelle et lactationnelle et la nécropsie a eu lieu au 28e jour après la
naissance. Cette méthode évite la manipulation des animaux mais ne permet pas de
comparaison avec une exposition orale. La plupart des souris ayant reçu le témoin positif
avortaient. Le poids corporel et le poids des organes reproducteurs (testicules, épididyme et
glandes annexes) dans les groupes traités n’étaient pas modifiés. Le pourcentage de tubes
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séminifères dans les testicules avec des spermatides matures est significativement plus faible
pour le groupe 5 000 µg BPA. La testostérone tend à être augmentée dans le groupe 100 µg
BPA.
D’autres auteurs (Kabuto et coll., 2004) ont étudié les modifications des capacités
antioxydantes endogènes et des dommages oxydatifs dans le cerveau, le foie, les reins, les
testicules chez la souris exposée au BPA (5 ou 10 µg BPA/ml d’eau de boisson) une semaine
avant croisement puis du premier jour de gestation au 28e jour après la naissance, moment
du sacrifice des petits. Le poids sec des testicules est significativement diminué avec la dose
de 10 µg BPA/ml. L’exposition au BPA augmente l'activité de la catalase dans le foie et de la
glutathion peroxydase dans les reins. Elle augmente également le taux d’acide
thiobarbiturique dans le cerveau, les reins et les testicules. L’activité catalase dans le testicule
est diminuée. Ces résultats suggèrent que l'exposition gestationnelle/lactationnelle au BPA
chez la souris induit un stress oxydatif et une peroxydation des tissus, conduisant
notamment à une hypotrophie des testicules.
Exposition néonatale
Kato et coll. (2006) ont traité des rats mâles Sprague-Dawley du jour de la naissance au 9e
jour avec le BPA par voie sous-cutanée, comparativement au 17β-œstradiol (E2) utilisé de la
même manière, selon les catégories de poids de nouveau-nés. Les doses utilisées allaient de
2 µg/kg à 97 000 µg/kg en fonction de catégories de poids des rats nouveau-nés. Les
nécropsies sont faites au 10e, 35e et 150e jour après la naissance. La séparation du prépuce, le
taux de copulation, le taux de fécondité, l'analyse du sperme, le taux de testostérone sérique
et l'expression des gènes (expression de ER et AR, et gènes impliqués dans les voies de
synthèse des hormones stéroïdes) dans les testicules ont été évalués. Seuls les animaux du
groupe E2 ont des paramètres modifiés. En revanche, l’exposition au BPA n’entraînait pas
d’anomalies des paramètres reproductifs ni des taux d’hormones. Il n’y a pas de
modifications de l’expression des gènes dans le testicule, quelle que soit la dose de BPA.
Salian et coll. (2009b) ont analysé les mécanismes d’action du BPA sur le testicule chez le rat.
Des rats mâles (Holtzmann) sont exposés par injection sous cutanée au BPA à des doses
allant de 0,6 à 10 µg/rat (100-1 600 µg/kg de poids corporel de BPA un jour après la
naissance jusqu’à 5 jours après. Le DES est utilisé comme contrôle positif. Le régime est
dépourvu de phytœstrogènes. Le protocole général, les paramètres phénotypiques étudiés et
la façon de les étudier est similaire à l’étude décrite précédemment (Salian et coll., 2009a). La
fertilité est évaluée et la plus faible dose de BPA efficace pouvant altérer la fertilité est
déterminée. Les auteurs rapportent une baisse significative de la production de
spermatozoïdes, des déséquilibres hormonaux, un temps pour la copulation plus long chez
les rats exposés. Les femelles accouplées aux mâles exposés à différentes concentrations de
BPA ont une augmentation significative des pertes post-implantation et une diminution de la
taille des portées. La dose de 2,4 µg/rat, correspondant à 400 µg/kg de BPA, est la dose la
plus faible capable d'altérer la fertilité mâle. Par des études immunohistochimiques, une
réduction significative de l'expression de connexines (Cx-43) (45e et 90e jour) et une
augmentation de l'expression de la N-cadhérine (45e et 90e jour) et de la zona-occludin-1 (ZO1) (90e jour) (protéines constituant les jonctions adhérentes des cellules de Sertoli) ont été
observées dans les testicules de rats exposés. De façon intéressante, une expression altérée de
Cx43 est notée dans les cellules testiculaires desquamées des rats exposés, et non dans celles
des contrôles. Ces perturbations pourraient être l'un des facteurs qui conduisent à des
troubles de la spermatogenèse chez les animaux exposés.
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Exposition pubertaire
L'hypothèse de l’effet du BPA lors d’une exposition pubertaire sur les hormones et le
comportement de l’animal juvénile (37 jours après la naissance) ou adulte (105 jours après la
naissance) a été testée par Della Seta et coll. (2006). Les rats (Sprague Dawley) sont exposés
par voie orale en phase prépubertaire, du 23e au 30e jour après la naissance, à la dose de
40 µg/kg/j) (témoin positif : éthinylœstradiol –EE- à 0,4 µg/kg/j). L'exposition à EE modifie
le schéma temporel de l’activité sexuelle des mâles, réduisant les performances chez l’adulte.
Des modifications dans la même direction, mais de manière moins marquée sont observées
avec le BPA. Les concentrations de testostérone sont diminuées avec le BPA chez les
animaux juvéniles. Cet effet persiste chez l’adulte de manière significative uniquement dans
le groupe d’animaux exposé au BPA. Les taux d’œstradiol ne sont pas modifiés.
Exposition jeune adulte et adulte
Le BPA et l’octylphénol (OP) ont été comparés sur différents événements de la reproduction
après une exposition post-pubertaire (52 jours après la naissance) chez le rat mâle Wistar par
injection sous cutanée quotidienne (Herath et coll. 2004). Après 5 semaines de traitement
(3 000 µg/kg), les taux de testostérone plasmatique et le nombre de spermatozoïdes
épididymaires étaient significativement réduits avec BPA et OP. Les animaux exposés
avaient des taux élevés de progestérone. La mobilité des spermatozoides n’était pas
modifiée. Le BPA augmentait le poids de la prostate ventrale et il y avait des taux élevés de
l’IGF-I. Les auteurs concluent que l’exposition du jeune adulte au BPA joue sur la production
de spermatozoïdes. L’association de l’hypertrophie de la prostate ventrale avec l’IGF-I
plasmatique fait évoquer un possible rôle des expositions au BPA dans les maladies de la
prostate, car IGF-I est impliqué dans la pathogénie des cancers de la prostate chez l'homme.
Chitra et coll. (2003) ont évalué l'effet du bisphénol A sur le système antioxydant des
spermatozoïdes épididymaires de rat (Wistar). Le BPA a été administré par voie orale à des
doses de 0,2, 2 et 20 µg/kg par jour pendant 45 jours. On a observé une diminution
significative du poids des testicules et épididymes, et une augmentation très importante de
la prostate ventrale. Le BPA entraîne une diminution de la mobilité et du nombre de
spermatozoïdes (évaluées à l’hémocytomètre,) de manière dose-dépendante. Les activités de
la superoxyde dismutase, catalase, glutathion réductase et glutathion peroxydase étaient
diminuées tandis que les niveaux de H2O2 et la peroxydation des lipides étaient augmentées.
Ces résultats suggèrent qu’une exposition subchronique adulte au BPA provoque un
épuisement des défenses anti-oxydantes, qui peut aboutir à un stress oxydatif des
spermatozoïdes.
Ashby et coll. (2003) ont conduit 4 études indépendantes testant des doses de 20 µg/kg,
2 000 µg/kg et 200 000 µg/kg lors d’une exposition adulte au BPA chez le rat (SpragueDawley) de de 91 à 97 jours après la naissance avec un sacrifice au 126e jour. Les auteurs ne
trouvent aucune modification significative de la production spermatique évaluée à
l’hémocytomètre, contrairement aux changements dans la production spermatique rapportés
dans une étude plus ancienne (Sakaue et coll., 2001) avec un protocole similaire.
En conclusion, plusieurs études récentes effectuées sur la seule période gestation/lactation
et avec une exposition à des doses faibles mettent en évidence des effets sur la reproduction
(modifications des taux d’hormone, du nombre et la qualité des spermatozoïdes, retard à la
copulations…). Par ailleurs des effets retrouvés dans les générations suivantes non exposées
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suggèrent une action sur la lignée germinale mâle, conduisant à des déficiences dans la
fertilité des F1 et de leurs descendants mâles même non exposés.
Cependant, la pertinence de ces travaux pour prédire le danger pour l’homme chez lequel
l’exposition est continue, reste relative.
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Etudes récentes chez l’animal femelle
Le BPA et son conjugué (BPA-GA) sont capables de passer la barrière placentaire et
d’atteindre le fœtus au cours de la gestation (Nishikawa et coll., 2010). Des niveaux
détectables de BPA ont été trouvés dans le placenta, le liquide amniotique et le fœtus (Moors
et coll., 2006). Ces données ont fait naître l’idée que le BPA pouvait interférer avec les
processus de développement de l’embryon et du fœtus et être responsable d’effets à long
terme sur la reproduction du jeune ou de l’adulte.
Entre 2000 et 2005, des travaux ont montré que l’exposition pré et postnatale était associée à
une variété d’anomalies de fonctionnement des tissus reproducteurs femelles telles que :
l’ouverture précoce du vagin (Honma et coll., 2002), l’avancement de l’âge la puberté
(Howdeshell et coll., 1999 ; Ryan, 2006), l’altération des cycles estriens (Markey et coll., 2003),
la modification des niveaux plasmatiques de LH (hormone lutéinisante) (Rubin et coll., 2001),
l’altération de l’histologie de l’utérus, du vagin (Schonfelder et coll., 2002, 2004, Markey et
coll., 2005), de la glande mammaire (Markey et coll., 2001), ainsi qu’une modification de la
morphologie ovarienne (Markey et coll., 2003). Les effets irréversibles sur la fertilité des
femelles ont été observés chez plusieurs espèces/souches de mammifères comme les souris,
les rats Sprague-Dawley (Kato et coll., 2003; Moral et coll., 2008), Wistar (Durando et coll.,
2007 ; Ramos et coll., 2003), Fisher 344 (Khurana et coll., 2000) et le mouton (Evans et coll.,
2004).
Au cours des dernières années, les expérimentations ont étudié plus spécifiquement les effets
de faibles doses de BPA pendant des périodes critiques du développement de différents
tissus et ont analysé les effets à long terme au moment de la puberté ou à l’âge adulte
Dans ce chapitre seront discutés les effets portant sur les modifications de la cyclicité et du
comportement sexuel ; les altérations de l’appareil génital femelle (utérus, ovaire) ;
l’induction d’une puberté précoce chez les rongeurs femelles. Une première partie présente
les études qui ont privilégié la période d’exposition in utero, la deuxième partie abordant
l’exposition néonatale. Les expositions à l’âge adulte ne sont pas abordées à ce stade de
l’expertise.
Exposition de la période gestationnelle jusqu’au sevrage
Beaucoup d’études ont examiné les effets du BPA in vivo chez les rongeurs (souris et rat) au
cours d’expositions prénatales (in utero) se poursuivant au cours de la lactation (de la
naissance au sevrage).
Les études de Tinwell et coll. (2002), Tyl et coll. (2002 et 2008), réalisées selon l’approche
réglementaires de Bonnes Pratiques de Laboratoire n’ont pas mis en évidence d’effets à la
suite d’expositions au BPA au cours de la gestation se poursuivant au-delà. Notons que les
paramètres mesurés sont essentiellement des poids d’organes et des analyses anatomohistopathologiques associées à des comptages (nombre de follicules dans l’ovaire, de sites
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d’implantation, de petits à la naissance). Aucun dosage hormonal n’a été effectué dans ces
études.
Modification de la cyclicité et précocité sexuelle
Parmi les études sur rongeurs, Rubin et coll. (2001) ont montré que les descendantes femelles
de rates Sprague–Dawley exposées pendant la gestation et la lactation à 1 200µg/kg/j de
BPA dans leur eau de boisson, présentent des cycles estriens perturbés (plus longs que la
normale), une diminution de l’hypersécrétion de la LH en réponse à ovariectomie, suggérant
un effet neuroendocrine. La perturbation des cycles chez l’adulte a également été rapportée
chez les descendants femelles de rats Sprague–Dawley ayant reçu du BPA oralement
(100 μg/kg/j) pendant leur gestation (du jour 6 à 21) (Richter et coll., 2007), ainsi que chez
des souris CD-1 injectées avec 500 μg/kg/j de BPA des jours 15 à 18 de la gestation (Nikaido
et coll. 2004).
La survenue de la puberté chez les rongeurs femelles peut être évaluée en observant l’âge
auquel apparaît l’ouverture vaginale ou la première ovulation. Cette dernière peut être
détectée en évaluant l’âge auquel l’épithélium vaginal devient corné, indiquant que la
femelle est en chaleur (estrus). L’âge de la puberté est lié à la croissance postnatale, à la taille
du corps et aux réserves énergétiques. Des pubertés précoces ont été observées chez la souris
avec des expositions maternelles à des doses variant de 2,4 à 500 µg/kg/j dans plusieurs
lignées de souris ICR/Jcl, CD-1, et CF-1 (Honma et coll., 2002 ; Nikaido et coll., 2004 ;
Howdeshell et coll., 1999). Cependant, une étude récente (Ryan et coll., 2010) utilisant le rat
Long-Evans comme modèle rapporte que l’exposition in utero (à partir du jour 7) et durant la
lactation (jusqu’à 18 jours postnatals) au BPA (2, 20, 200 µg/kg/j) administré oralement aux
mères n’a pas d’effet sur : l’âge de l’ouverture vaginale, la fertilité, le comportement sexuel
(lordose) des femelles au moment de la puberté ou à l’âge adulte.
Si la plupart des études ont été menées chez les rongeurs, il existe également quelques
travaux chez le mouton. Le traitement de brebis gestantes avec 5 000 µg/kg/j de BPA délivré
par injection intra-musculaire entre les jours 30–60 de gestation montrent des niveaux de LH
augmentés pendant les deux premiers mois de vie postnatale, et une diminution de
l’amplitude de la décharge de LH à l’âge adulte. En revanche, l’âge d’apparition de la
puberté n’est pas modifié (Savabieasfahani et coll., 2006). Des expériences conduites chez la
brebis, via des injections intramusculaires de BPA (1 000 µg/kg/j) sur des animaux
prépubères pendant 7 semaines avaient montré une diminution de la fréquence de la
pulsatilité de LH (Evans et coll., 2004).
Ces résultats montrent que l’exposition à des doses faibles de BPA au cours d’une période de
temps critique pour le développement des organes neuroendocrines tels que l’hypothalamus
et l’hypophyse altère les paramètres reproductifs chez les mammifères prépubères ou
adultes. Ces altérations causent une maturation précoce de l’axe hypothalamo–hypophysaire
et parfois une puberté précoce. La pulsatilité du GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) se
trouve modifiée chez les jeunes et les adultes, ce qui perturbe sévèrement la signalisation du
GnRH dans l’hypophyse adulte.
Parmi les effets du BPA sur l’axe neuro-endocrine-gonade, citons ceux observés sur le
comportement maternel chez la souris (Palanza et coll., 2002). Il a été montré que des souris
femelles exposées au BPA (10 µg/kg/j) seulement pendant la gestation (du jour 14 au jour
18) ont des changements dans leur comportement maternel à l’âge adulte (Palanza et coll.,
2002). Ces changements sont similaires à ceux observés dans le cas de traitement à l’âge
adulte, consistant en un plus faible allaitement et une sortie plus fréquente du nid (Palanza et
coll., 2002).
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Altération de l’appareil génital femelle
Les études rapportent les effets sur l’utérus et le vagin ainsi que l’endothélium de
l’endomètre.
Effets sur l’utérus et le vagin
Il existe plusieurs publications concernant l’effet du BPA sur le tractus génital femelle
(utérus, vagin), que ce soit à la suite d’une exposition pendant la période gestationnelle/
lactationnelle ou uniquement gestationnelle (Honma et coll., 2002, Markey et coll., 2003,
2005).
Le groupe d’Ana Soto a montré chez la souris CD-1 que des changements dans la
morphologie ovarienne à 3 et 6 mois sont observés après exposition in utero ainsi que des
altérations de l’utérus et du vagin chez les descendants femelles nés de mères traitées avec
0,025 et 0,25 µg/kg/j de BPA pendant 14 jours à partir du 9e jour de gestation par injection
via des pompes osmotiques (Markey et coll., 2005). Ces altérations comprennent une
diminution du poids sec du vagin, une diminution du volume de l’endomètre et une
expression plus importante des récepteurs ER alpha et de la progestérone dans l’épithélium
de l’utérus.
Toujours chez la souris CD-1, Newbold et coll. (2009) ont étudié l’effet d’une exposition à 1,
10, 100 et 1 000 µg/kg/j de BPA pendant la gestation (de jour 9 à 16, définie comme la
période d’organogenèse du tractus génital) en analysant l’histologie des ovaires et du tractus
génital chez les animaux âgés de 18 mois. Le profil des lésions observées est le même que
dans le cas d’une exposition postnatale à savoir une diminution du poids du vagin, du
volume de l’endomètre, et une expression augmentée des récepteurs des œstrogènes (ERα) et
de celui de la progestérone dans l’endomètre.
L’administration orale de 100 µg ou 50 000 µg/kg/j de BPA à des rats Sprague–Dawley
femelles en gestation entraîne une diminution de l’expression protéique de ERbeta mesurée
au cours du cycle. Une dose élevée de 200 µg/kg/j d’éthinylœstradiol (EE2) cause le même
effet (Schönfelder et coll., 2004). L’ingestion par gavage du BPA (aux deux doses
mentionnées ci-dessus) et de l’EE2 entraînent un changement important dans la morphologie
du vagin au cours de l’estrus : une diminution de l’épaisseur de la couche épithéliale
(Schönfelder et coll., 2002).
Effet sur l’endothélium de l’endomètre
Deux études ont montré qu’une exposition pendant la période gestationnelle ou néonatale
chez la souris au BPA augmente les anomalies morphologiques dans le tractus génital des
femelles.
La première étude décrit l’apparition d’anomalies chez les femelles CD-1 âgées de 18 mois
exposées au BPA (Newbold et coll., 2007). Cette étude rapporte que des doses de 10 à
1 000 µg/kg/j, pendant les 5 premiers jours de vie, augmentent le nombre de lésions
bénignes (pré-néoplasiques) dans l’oviducte et que la dose de 100 µg/kg augmente
significativement le nombre d’hyperplasies kystiques endométriales observées. Les auteurs
observent également des lésions prolifératrices progressives (PPL) dans l’oviducte et des
kystes mésonéphrétiques (restes des canaux de Wolff) dans tous les groupes exposés. Des
pathologies plus sévères de l’utérus (leiomyoma, adenomyosis, polypes du stroma,
hyperplasie atypique) sont également retrouvées. Cette étude montre donc un ensemble de
modifications histologiques, de changements bénins, pré-malins et néoplasiques du tractus
génital femelle (ovaires, utérus, oviducte) obtenus après exposition au BPA.
Expertise collective – Rapport préliminaire
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Des lésions semblables, de type hyperplasie kystique et atypique de l’endomètre, ont
également été retrouvées dans une autre étude chez des femelles âgées de 3 mois et traitées
au BPA (100 et 1 000 µg/kg/j) administré pendant toute la durée de la gestation et durant la
vie néonatale (Signorile et coll., 2010).
Deux travaux montrent qu’un traitement au BPA durant la vie fœtale ou néonatale peut
inhiber de manière permanente l’expression de gènes Hox dans l’utérus sur le rat Wistar
(Varayoud et coll., 2008) et sur la souris CD-1 (Smith et coll., 2007). Les gènes Hox sont des
morphogènes impliqués dans le développement et la différentiation de l’utérus et sont
associés à la prolifération de l’endomètre. De nombreux xéno-œstrogènes peuvent altérer
l’expression de ces gènes. Dans l’endomètre, les gènes Hoxa10 et Hoxa11 sont
particulièrement importants pour la fertilité femelle, notamment pour permettre
l’implantation (Cakmak et coll., 2010). Il a été démontré qu’une exposition pendant la
période développementale au BPA réprime l’expression de Hoxa10 dans l’endomètre adulte
et que ceci est associé à un défaut de prolifération des cellules stromales en réponse aux
hormones stéroïdes. Enfin d’autres travaux corroborent l’effet d’une exposition pendant la
gestation sur le tractus génital femelle à l’âge adulte. A de faibles doses, le BPA induit une
diminution du volume, une augmentation de la prolifération et une expression accrue des
récepteurs aux œstrogènes ERalpha et à la progestérone dans l’endomètre utérin de souris
adulte (Markey et coll., 2005). Des doses plus fortes induisent des effets semblables chez le
rat (Schonfelder et coll., 2004). Les répercussions de ces changements sur la fertilité ou des
pathologies endométriales restent à étudier.
Afin de déterminer si l’exposition in utero de BPA entraîne une altération de l’expression de
Hoxa10 dans l’utérus, des souris ont été traitées avec 500–5 000 µg/kg BPA, du jour 9 au jour
16 de gestation (Smith et coll., 2007). Une augmentation monotone de l’expression de Hoxa10
dans les cellules stromales de l’utérus de souris âgées de 2 et 6 semaines a été observée
lorsque celles-ci ont été exposées in utero. Les effets du BPA sur l’expression de Hoxa10
persiste longtemps après l’exposition in utero et en absence de stimulation par les œstrogènes
ce qui suggère l’existence de mécanismes épigénétiques qui maintiendraient l’expression
altérée, en absence du ligand, ici le BPA.
Des expériences récentes menées chez la souris traitée du jour 1 de gestation jusqu’au jour 7
après la naissance avec du BPA (100 or 1 000 µg/kg/jour) montrent que les descendantes
femelles après 3 mois, présentent des structures de type endométriose dans le tissu adipeux
qui entoure le tractus génital. Ces structures présentent à la fois des glandes et du stroma
exprimant le récepteur des œstrogènes et Hoxa-10. De plus, des ovaires kystiques, ainsi que
de l’hyperplasie endométriale sont significativement plus fréquents chez les descendantes
traitées en comparaison des contrôles. Bien que les doses soient élevées, il est intéressant de
noter que l’on peut obtenir des phénotypes d’endométriose chez une espèce dans laquelle il
n’existe pas de menstruations. Cette observation tendrait à montrer que l’endométriose est
une maladie associée à une altération de développement des canaux de Müller pendant une
période critique de l’embryogenèse suite à des changements de programmation génétiques
ou épigénétiques (Signorile et coll., 2010)
En résumé, le mécanisme d’action par lequel l’exposition au BPA conduit à une pathologie
endométriale reste à définir et nécessitera des travaux expérimentaux additionnels.
Cependant des données solides démontrent nettement une altération des gènes cruciaux
pour le fonctionnement de l’endomètre lors d’une exposition développementale chez les
rongeurs. Ainsi, une exposition au BPA pendant la période in utero et périnatale pourrait
altérer de manière permanente la programmation de l’utérus et sa réponse aux hormones
stéroïdes à l’âge adulte.
Expertise collective – Rapport préliminaire
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Effets sur l’ovaire
Il a été montré que 5 et 70 μg/kg/j de BPA entraînaient une altération de l’alignement des
chromosomes au cours de la méiose des ovocytes (voir chapitre 8). Ces observations
conduisent à proposer que l’exposition au BPA pendant la reprise de méiose au moment de
l’ovulation pourrait induire une augmentation de l’aneuploïdie, qui est une des causes
majeures d’avortement spontané chez l’homme (Hunt et coll., 2003). Un défaut de méiose a
été observé chez les souris C57BL/6 à la suite d’une exposition maternelle de BPA par voie
orale ou par injection de 20 μg/kg/j par Hunt et coll. (2003), l’effet est similaire à celui
observé chez les souris C57BL/6 inactivées pour le récepteur béta des œstrogènes (Susiarjo et
coll., 2007).
Après exposition néonatale, modification de la cyclicité, de la morphologie
ovarienne et du comportement sexuel
A l’intérieur de l’axe HHG (axe hypothalamo-hypophyso-gonadique), la maturation et le
fonctionnement reproductif sont coordonnés par la libération du GnRH, un petit peptide
produit par l’hypothalamus. La sécrétion du GnRH est pulsatile et agit sur l’hypophyse pour
stimuler la synthèse et la libération des hormones gonadotropes LH et FSH (folliclestimulating hormone) (Pawson et coll., 2005). La libération de GnRH est contrôlée par une
boucle de régulation incluant les hormones stéroïdes gonadiques. Chez les rongeurs, la
différenciation sexuelle de ce circuit se met en place pendant la période néonatale, et a été
montrée comme étant particulièrement sensible aux perturbations endocriniennes (Thigpen
et coll., 2003 ; Howdeshell et coll., 2003).
L’équipe d’Adewale et coll. (2009) a étudié l’effet de faibles doses de BPA (50 µg/kg/jour)
injectées chez le rat Long Evans âgé de 1 à 4 jours. Les auteurs montrent l’apparition d’une
puberté précoce (avancement de l’âge de l’ouverture vaginale), une modification de la
morphologie ovarienne (apparition de kystes) et de la cyclicité chez les animaux devenus
adultes. Ces dysfonctionnements résultent d’une dérégulation de l’axe hypothalamohypophysaire-gonadique, notamment d’une altération du rétro-contrôle négatif par les
hormones stéroïdes. Il est intéressant de noter que parmi les doses utilisées (50 µg et
50 000 µg/kg), la faible dose a l’effet le plus fort en termes d’induction de puberté précoce..
Une étude de Fernandez et coll. (2009) ciblant la période critique de différenciation de
l’hypophyse (jour 13 postnatal) chez la femelle rat (Sprague-Dawley), montre que les niveaux
de LH basaux et induits par le GnRH sont plus faibles chez les jeunes traitées au BPA (de
jour 1 à 10) que chez les contrôles. Chez les femelles adultes, traitées en période néonatale,
avec le BPA (50 et 500 µg/kg), la sécrétion hypophysaire de LH induite par le GnRH in vivo
est diminuée et la pulsatilité du GnRH est altérée.
Navarro et coll. (2009) ont montré chez le rat Wistar femelle injecté en sous-cutané avec 100
et 500 µg/animal de BPA, du jour 1 à 5 postnatal, une suppression des niveaux d’ARN
messagers de KiSS-1 dans l’hypothalamus pouvant entraîner une altération du
fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire et de la sécrétion des hormones
gonadotropes.
Une étude récente a montré chez la rate Sprague-Dawley injectée en sous-cutané
journellement avec du BPA, 500 μg/50 μl, 50 μg/50 μl, 5 μg/50 μl du jour 1 au jour 10
postnatal, une morphologie anormale de l’ovaire présentant de nombreux kystes avec la
concentration la plus élevée. La morphologie des ovaires est semblable à celle observée dans
les cas d’ovaires polykystiques chez la femme. A la dose de 50 μg/50 μl, les femelles ont une
fertilité réduite. A forte dose, les femelles sont toutes stériles (Fernandez et coll., 2010).
Expertise collective – Rapport préliminaire
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Enfin, il a également été montré une modification du comportement sexuel. Chez le rat
Wistar injecté en sous-cutané avec 5 µg/kg/jour de BPA, de 1 à 7 jours postnatals, on
observe une diminution de la réceptivité sexuelle. Cette diminution s’accompagne d’une
expression réduite du récepteur alpha des œstrogènes dans les noyaux médians pré optiques
et ventromédians de l’hypothalamus des descendants femelles à l’âge adulte (Monje et coll.,
2009). Ces résultats indiquent que le BPA peut altérer de façon permanente le comportement
sexuel chez la femelle adulte de rat, et que cet effet pourrait s’expliquer par des perturbations
au niveau des structures hypothalamiques œstrogeno-dépendantes.
En résumé, les études récentes montrent que l’exposition des rongeurs à de faibles doses
pendant la période néonatale (de 1 à 10 jours), qui est une période critique pour la mise en
place du système HHG dans ces espèces, entraîne des modifications de la sécrétion des
hormones ou des peptides produits par l’hypothalamus et l’hypophyse. Ces modifications
du niveau et de la fréquence des sécrétions hormonales perturbent la fonction de
reproduction sur le long terme puisque les effets sont observés au moment de la puberté ou à
l’âge adulte.
En conclusion, cette analyse chez la femelle montre que les études ne reposent ni sur les
mêmes lignées d’animaux, ni sur la même fenêtre d’exposition, ni sur les mêmes modes
d’administration du BPA comme chez le mâle. Certaines ne précisent pas si les aliments et la
boisson des animaux sont contrôlés du point de vue de leur contamination par le BPA ou
d’autres perturbateurs endocriniens.
Cependant, malgré la diversité des protocoles expérimentaux, des effets concordants existent
montrant que de faibles doses de BPA pendant des périodes critiques de développement ont
des effets sur l’avancement de l’âge de la puberté, des effets sur le tractus génital de la
femelle, sur la fonction ovarienne, sur le comportement des rats et des souris. Pour certains
de ces effets, des mécanismes épigénétiques apparaissent en cause. Ces différents effets
indiquent des actions au niveau du cerveau et de son fonctionnement (récepteurs,
hormones).
De nouvelles approches commencent à être entreprises (transcriptome, protéome,
métabolome, programmation épigénétique,) mettant en œuvre des méthodes plus sensibles
(microarrays, quantitative RT-PCR, Chip, mesure des niveaux de méthylation…) qui
permettront de détecter des variations plus fines que celles obtenues par des études fondées
sur l’analyse morphologique. Elles devraient également permettre d’identifier les
mécanismes altérés par le BPA au niveau cellulaire ou tissulaire qui pourront rendre compte
des dysfonctionnements observés chez les animaux exposés.
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Effets cellulaires et tissulaires : dysfonctionnement et
précancérisation
Au cours des dernières années, il a été rapporté une association entre exposition pendant la
période gestationnelle ou néonatale au BPA et des pathologies incluant des lésions prénéoplasiques et néoplasiques de différents tissus tels que la glande mammaire (Durando et
coll., 2007 ; Murray et coll., 2007), la prostate (Ho et coll., 2006), ou l’endométriose (Signorile
et coll., 2010).
Effets sur les cellules de la prostate
De nombreux travaux ont démontré l’effet de diverses substances à activité œstrogénique sur
le développement de la prostate. Ainsi, il existe une littérature globalement concordante
indiquant que l’éthynil œstradiol, l’œstradiol, le diéthylstilbestrol (DES) ou le
méthoxychlore, administrés in utero à de faibles doses, peuvent augmenter de manière
permanente la taille de la prostate chez les rongeurs.
Une étude expérimentale chez les rongeurs suggère que le BPA pourrait avoir un effet
identique (Ho et coll., 2006). Cependant, les données concernant ce produit apparaissent
plus confuses, parfois contradictoires du fait de la multiplicité des protocoles
d’administration, des critères étudiés et des doses employées (Milman et coll., 2002).
Ainsi, plusieurs auteurs ne retrouvent pas d’effet sur la taille de la prostate en réponse au
BPA. Par exemple, deux études de Tyl (2002 et 2008) conduites sur 3 générations chez le rat
et sur deux générations chez la souris et analysant les effets d’un large éventail de doses de
BPA administré oralement ne rapportent aucun effet sur le poids de la prostate.
Par ailleurs, il n’y a pas de démonstration qui prouve qu’une augmentation du poids est un
indice de transformation chez le rongeur. Une explication possible semble être que
l’administration de fortes doses de substances œstrogéniques inhibe globalement la
croissance de la prostate et que le BPA semble avoir des effets différents en fonction des
lobes de la prostate (Ogura et coll., 2007). Il est cependant difficile d’établir une
correspondance entre l’anatomie lobaire de la prostate de la souris et l’anatomie zonale de la
prostate humaine.
L’étude fondatrice qui amena le questionnement des effets du BPA sur le développement de
la prostate a été celle de Nagel et coll. (1997). Les auteurs y rapportent les effets de
l’administration par voie orale de 2 000 et 20 000 µg/kg/j de BPA in utero et observent à l’âge
adulte une nette augmentation du poids de la prostate. Cette étude apparemment claire ne
décrit cependant pas l’histologie des tissus prostatiques. Plus récemment, il a été suggéré que
de faibles doses de BPA peuvent augmenter l’expression du récepteur aux androgènes (AR)
dans la prostate fœtale murine (Richter et coll., 2007). Un tel mécanisme est concordant avec
les effets d’autres substances œstrogéniques et expliquerait un accroissement de taille de la
prostate dont la croissance est régulée par les androgènes. Par la suite, des travaux utilisant
Expertise collective – Rapport préliminaire
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des doses plus faibles de BPA (10 à 20 µg/kg/j) pendant la vie fœtale ou néonatale
rapportent des effets permanents (persistants chez l’adulte) sur la prostate sans modification
du poids de celle-ci. Ainsi le traitement de souris in utero induit l’expression anormale de la
cytokératine 10 (CK10) dans l’épithélium prostatique de mâles adulte (Ogura et coll., 2007).
Les mêmes auteurs rapportent un effet semblable s’accompagnant d’une désorganisation de
l’épithélium (métaplasie squameuse) à l’âge adulte et dans un modèle in organo. Le BPA
semble donc agir directement sur la prostate et lorsque l’exposition a lieu au cours de la vie
fœtale, l’effet apparaît comme permanent. Une autre étude indique qu’une exposition
néonatale au BPA chez le rat altère définitivement l’expression d’une trentaine de gènes par
des mécanismes impliquant la méthylation de l’ADN (Ho et coll., 2006). Les auteurs
détaillent notamment que le BPA maintient définitivement l’expression de la
phosphodiestérase 4D (PDE4D4), une enzyme impliquée dans la dégradation de l’AMPc, en
bloquant la méthylation du promoteur de ce gène. L’exposition néonatale au BPA pourrait
donc altérer la mémoire épigénétique de la prostate.
De manière encore plus frappante, les mêmes auteurs décrivent l’apparition de lésions
précancéreuses, ou néoplasie prostatique intra-épithéliale (PIN), chez des rats traités au BPA
durant la vie néonatale puis traités ensuite à l’âge adulte par des implants d’œstradiol et de
testostérone. Chez ces animaux, on observe une dysplasie sévère et la survenue d’adénome.
La période néonatale chez le rat semble donc être une fenêtre critique pendant laquelle le
BPA pourrait définitivement altérer la programmation de la prostate et ainsi prédisposer à la
survenue de lésions pré-cancéreuses dans le cas d’une perturbation additionnelle à l’âge
adulte.
L’existence de mutations dans le gène codant pour le récepteur aux androgènes pourrait être
un mécanisme de sélection de cellules tumorales prostatiques et constitue un facteur de
risque. Dans ce cadre, il est à noter que le BPA pourrait stimuler la progression de tels
cancers. En effet, une étude rapporte qu’à de faibles doses (1nM), le BPA stimule
spécifiquement la prolifération de cellules tumorales prostatiques (LNCaP) portant la
mutation AR – T877A (Hess-Wilson et coll., 2007).
Effets sur les cellules mammaires
Le développement de la glande mammaire implique deux grandes étapes (pendant la vie
périnatale, puis à la puberté) de croissance et de ramifications des canaux épithéliaux qui
vont envahir le « coussin adipeux » avoisinant (stroma). Ces structures épithéliales
contiennent deux couches de cellules différentes : les cellules basales (myo-épithéliales) à
proximité du stroma mammaire et les cellules luminales à activité sécrétoire. Pendant la
gestation un tissu sécrétoire se forme. Le cancer du sein est le premier cancer de la femme
mais son étiologie est encore mal connue. La grande majorité des cancers du sein sont des
cancers canalaires in situ. Les carcinomes in situ (CIS) mammaires sont œstrogénodépendants (dans le cas général, ceux-ci expriment ERα ; leur croissance est alors stimulée
par les œstrogènes ou parfois peut-être inhibée par le tamoxifène).
De nombreux travaux indiquent de manière cohérente qu’une exposition développementale
(fœtale ou périnatale) au BPA modifie l’architecture de la glande mammaire à l’âge adulte
chez les rongeurs. Chez le rat et chez différentes souches de souris de faibles doses de BPA
(2,5 et 25 µg/kg/j) administrées in utero augmentent la densité, la ramification et le nombre
de canaux et d’alvéoles et induisent une hyperplasie des canaux terminaux. Il est à noter que
ces structures sont à l’origine des CIS mammaires chez le rat et l’homme. Ces travaux
indiquent donc qu’il pourrait exister un risque accru de tumeurs mammaires. Des doses plus
fortes (250 µg/kg/j) in utero chez le rat peuvent induire directement l’apparition de lésions
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cancéreuses de type CIS à la puberté et l’âge adulte (Murray et coll., 2007). Ces CIS induits à
fortes doses et les zones hyperplasiques observées dans les canaux épithéliaux à plus faibles
doses sont caractérisés par une forte activité prolifératrice et l’expression du récepteur aux
œstrogènes (ERα). L’exposition au BPA au cours du développement peut donc induire
l’apparition de lésions pré-néoplasiques ou la transformation néoplasique de la glande
mammaire du rat.
De manière intéressante ce processus a été détaillé à plusieurs étapes. A court terme, en fin
de vie fœtale, les premiers effets morphologiques du BPA sur la glande mammaire sont déjà
visibles et ce, même à de faibles doses (0,25 µg/kg/j). A ce stade, le BPA accélère la
maturation du coussin adipeux et retarde la formation de la lumière dans les canaux
(Vandenberg et coll., 2006). Ces effets sont reliés à une modification des taux d’apoptose
dans les deux compartiments (stroma et épithélium). Au moment de la puberté, les effets
morphologiques apparaissent plus subtils mais la sensibilité de la glande mammaire à
l’œstradiol est nettement augmentée et une diminution de l’apoptose épithéliale et stromale
a également été rapportée (Munoz-de-Toro et coll., 2005 ; Durando et coll., 2007 ; Wadia, et
coll., 2007). Il est donc suggéré que l’exposition aux hormones ovariennes à partir de la
puberté participe au développement des lésions observées plus tard dans les glandes
mammaires exposées au BPA pendant la vie fœtale. A l’âge adulte, toutes les études
rapportent une augmentation des structures terminales des canaux (Markey et coll., 2001 ;
Munoz-de-Toro et coll., 2005 ; Moral et coll., 2008 ; Vanderberg, et coll., 2008) pour des doses
variables (de 2,5 à 250 µg/kg/j in utero). Une hyperplasie de ces structures est également
décrite (Murray et coll., 2007).
Enfin, une étude conduite chez le rat démontre qu’une exposition prénatale à de faibles
doses de BPA (25 µg/kg) augmente la susceptibilité de la glande mammaire adulte à un
agent carcinogène. Bien que conduite sur un effectif limité (n=18) cette étude rapporte
l’apparition de CIS dans les canaux mammaires en réponse à une dose considérée comme
sub-carcinogénique de N-nitroso-N-methylurée (NMU) uniquement chez les animaux traités
au BPA in utero (Durando et coll., 2007). De même, il a été montré un rôle amplificateur du
BPA dans l’apparition de tumeurs mammaires suite à une exposition à un agent cancérigène,
le dimethylbenzanthracene (DMBA). Cette étude effectuée chez le rat montre que les
femelles dont la mère a été traitée avec du BPA à 25 μg/kg/jour or 250 μg/kg/jour, du jour 2
au jour 20 postnatal (pendant toute la lactation) ont plus de tumeurs mammaires (à 50 jours
postnatals) lorsqu’elles reçoivent une injection de DMBA (30 000µg/kg) (Jenkins et coll.,
2009). Les effets augmentent en fonction de la dose de BPA. Cependant les effectifs sont
faibles (inférieurs à 10) et ce type d’expérience mériterait d’être validée sur un plus grand
nombre d’animaux.
Des travaux récents menés chez des rates gestantes exposées oralement au BPA (25,
250 µ/kg/jour) du jour 10 au jour 21 post-conception ont montré des variations au niveau
des protéomes mammaires des descendantes femelles âgées de 21 et 50 jours. L’analyse
protéomique a révélé 21 protéines différentiellement exprimées entre les animaux exposés et
les contrôles. Les résultats ont été confirmés par Western-blot pour certaines d’entre elles. La
surexpression de la vimentine, de phospho-AKT, c-Raf, phospho-ERKs-1 and 2 a été associée
à des processus cellulaires tels que la prolifération et la différenciation ou encore la
tumorigenèse comme les membres des familles Raf et ERK. Ces effets pourraient
potentiellement augmenter la susceptibilité à la cancérisation des cellules mammaires.
(Betancourt et coll., 2010).
Enfin, une étude menée sur une lignée de cellules de cancer du sein démontre que de faibles
doses de BPA (0,1 nM) protègent ces cellules cancéreuses de divers agents
chimiothérapeutiques (Lapensée et coll., 2009). Ainsi le BPA pourrait être impliqué à la fois
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dans la survenue et dans la progression des cancers du sein. Dans ces travaux les auteurs
observent que le BPA augmente l’expression de facteurs anti-apoptotiques tels que les
facteurs de la famille de Bcl2. Par ailleurs, une autre étude renforce l’idée que le BPA
pourrait contribuer à la progression de cancer du sein (Buteau-Lozano et coll, 2008). Dans
cette étude, le BPA augmente de façon concentration-dépendante l’expression du VEGF dans
une lignée de cellules dérivées de cancer du sein, or le VEGF est un facteur connu pour
promouvoir la néo-angiogenèse dans diverses tumeurs.
En résumé de nombreux travaux démontrent que l’exposition au BPA durant la vie fœtale
pendant l’organogenèse mammaire peut modifier le développement de cet organe,
augmenter sa sensibilité aux œstrogènes à la puberté et conduire à l’apparition de lésions
pré-néoplasiques. Notons que ces lésions ne mènent pas obligatoirement à la survenue d’un
cancer mais créeraient un état permissif qui pourrait conduire à un cancer. Il s’agit donc
d’une augmentation du risque de développer un carcinome qui pourrait être aggravé par
d’autres facteurs à l’âge adulte (vieillissement ou exposition à des agents carcinogènes). Un
des mécanismes par lesquels le BPA pourrait modifier la susceptibilité aux carcinogènes
impliquerait un changement global de l’expression des gènes dans la glande mammaire. Le
plus fort changement dans la signature génomique en réponse à une exposition fœtale à de
faible dose de BPA aurait lieu autour de la puberté (Moral et coll., 2008). L’origine, stromale
ou épithéliale de ces altérations apparaît encore incertaine et les mécanismes mal compris. Le
BPA agit-il via les récepteurs aux œstrogènes ? Le développement de modèles murins (souris
transgéniques) pour étudier la réponse de la glande mammaire au BPA devrait permettre
d’identifier prochainement les récepteurs impliqués. Bien que les données chez les rongeurs
apparaissent globalement convaincantes, il n’y a, à ce jour, aucune étude qui démontre un
effet développemental du BPA chez l’être humain. Le développement de ce type de tumeurs
semble cependant similaire d’un point de vue histologique.
Soulignons ici, la ressemblance du cancer du sein et de celui de la prostate, évoqué
précédemment. Les deux sont majoritairement issus de carcinomes et sont hormonodépendants. Tous deux semblent pouvoir être induits par une altération de la
programmation développementale de l’organe par le BPA et celle-ci augmenterait la
probabilité de transformation néoplasique en réponse à une agression carcinogénique à l’âge
adulte.
Effets sur les cellules de l’endomètre
Effet sur l’endothélium de l’endomètre
L’endomètre est la muqueuse de l’utérus. Ce tissu richement vascularisé recouvre la paroi
interne de l’utérus et se développe à chaque cycle au cours de la vie fertile pour
éventuellement permettre l’implantation de l’embryon. La croissance de l’endomètre est sous
le contrôle des hormones stéroïdes ovariennes ce qui fait de ce tissu une cible potentielle
pour les perturbateurs endocriniens. Lors de la grossesse, l’endomètre s’épaissit et participe
à la formation du placenta. En absence d’implantation, l’endomètre se desquame ce qui
produit alors les menstruations. Le réseau vasculaire de l’endomètre doit donc se renouveler
à chaque cycle menstruel. Les cellules endothéliales qui tapissent la face interne des
vaisseaux sanguins contrôlent le développement et le remodelage du réseau vasculaire.
Deux études de la même équipe se sont intéressées aux effets du BPA sur les cellules
endothéliales de l’endomètre humain (Bredhult et coll., 2007, 2009). Il a ainsi été démontré
qu’une exposition aiguë à de fortes doses de BPA (100 µM) diminue la prolifération et la
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viabilité de ces cellules en culture. L’analyse du profil d’expression génique des cellules
exposées au BPA révèle une forte diminution de plusieurs gènes impliqués dans la division
cellulaire (complexe kinétochorien, attachement au centromère, chromosomal passenger
complex). Cette étude (Bredhult et coll., 2009) suggère donc que le BPA pourrait perturber
une fonction majeure pour l’endomètre, l’angiogenèse. Bien que les données produites par
cette équipe apparaissent cohérentes, les doses utilisées dépassent de loin les niveaux
retrouvés dans le sang en population générale. Cependant, il est à noter que l’effet inhibiteur
de la prolifération a également été obtenu avec des doses plus faibles (10 nM) et que le
modèle in vitro d’exposition aiguë est difficilement comparable avec une exposition
chronique à de faibles doses (Bredhult et coll., 2007).
Par ailleurs, un travail récent utilisant les cellules Ishikawa, un modèle de cellule humaine
endométriale (lignée cancéreuse), montre que l’exposition de ces cellules à 100 µM de BPA
modifie profondément leur signature transcriptomique dès 8 heures (Naciff et coll., 2010).
Parmi les gènes régulés, plusieurs semblent pouvoir être utilisés comme les témoins d’une
signature œstrogénique puisqu’ils sont également régulés par l’ethinyl œstradiol dans ces
cellules et dans l’utérus de rat in vivo. De manière surprenante, l’expression de plusieurs
gènes est également modifiée par des doses de l’ordre du nanomolaire (1nM) sous le seuil
estimé d’éventuels effets œstrogéniques du BPA.
Association avec l’endométriose
L’endométriose est une pathologie fréquemment associée à des défauts de fertilité. Elle est
caractérisée par le développement de tissus endométriaux en dehors de la cavité utérine. Ces
tissus s’implantent couramment dans la cavité péritonéale, au niveau de l’ovaire. La
fréquence de cette pathologie est difficile à déterminer car elle nécessite une laparoscopie
mais on la retrouve dans environ 40 % cas de consultation pour des problèmes de fertilité
féminine. L’étiologie de cette pathologie est encore peu comprise. Deux études présentées
dans le chapitre « études épidémiologiques » se sont intéressées à la relation entre
endométriose et taux de bisphénols. Une étude réalisée sur une cohorte de 140 patientes
japonaises se plaignant de stérilité (Itoh et coll., 2007) n’a pas trouvé d’association entre
endométriose et le taux urinaire de BPA. Dans cette cohorte, le BPA a été retrouvé dans 93 %
des urines testées. L’autre étude portant sur 69 femmes fertiles adressées à l’hôpital de
Naples, Italie (Cobellis et coll., 2009) rapporte une forte corrélation entre le taux de
bisphénols A et B dans le sang et le diagnostic d’endométriose. L’étude italienne reste
préliminaire au vue de l’effectif restreint et est actuellement la seule donnée reliant des taux
de bisphénols à une pathologie endométriale. Cette étude mériterait d’être reproduite sur
une plus large cohorte.
Une étude récente (Signorile et coll., 2010) démontre une augmentation de la fréquence
d’apparition de structures semblables à de l’endométriose dans le tissu adipeux entourant le
tractus génital des souris femelles dès 3 mois. Ces structures expriment ER et Hoxa10 et
s’accompagne d’hyperplasies endométriales. Dans ce travail les souris BALBC ont été
exposées au BPA à de fortes doses injectées en sous cutané (100 et 1000 µg/kg/j) dès le
premier jour de la gestation jusqu’au 7e jour post-natal. L’occurrence de tissus de type
endométriaux en dehors du tractus femelle a été démontrée par une approche histologique.
Ces structures de type glande ou stroma endométrial évoquant une endométriose ont été
observées dans 13 femelles traitées sur 40 alors qu’une seule femelle parmi les 20 témoins
présentait des structures analogues. Du BPA (libre) a été retrouvé dans le foie de toutes les
femelles traitées (mères) et de leur descendance sans qu’il y ait de corrélation avec la
survenue d’une pathologie semblable à l’endométriose.
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En résumé, bien que les tissus endométriaux soient très sensibles aux œstrogènes et à la
progestérone, il existe à l’heure actuelle peu d’études convaincantes démontrant un effet du
BPA sur ce tissu chez l’être humain aux doses compatibles à celles retrouvées dans
l’environnement. Un seul travail expérimental chez la souris propose qu’une exposition au
BPA pendant le développement puisse induire la survenue de cette pathologie. Cette donnée
est originale car elle laisse à penser qu’une perturbation du développement est à l’origine de
la pathologie et non que celle-ci se développe à l’âge adulte au moment du fonctionnement
cyclique de l’endomètre. Cette étude nécessite d’être confirmée sur un effectif plus large et le
mécanisme d’action d’être identifié avant de pouvoir certifier l’existence d’un lien causal
entre exposition fœtale au BPA et endométriose.
Si le lien entre exposition à des faibles doses de BPA et une pathologie endométriale reste à
établir, des données solides démontrent nettement une altération des gènes cruciaux pour le
fonctionnement de l’endomètre lors d’une exposition développementale chez les rongeurs.
Ainsi, une exposition au BPA pendant certaines périodes clés pourrait altérer de manière
permanente la programmation de l’utérus et sa réponse aux hormones stéroïdes à l’âge
adulte.
Effets sur les cellules de la granulosa
L’unité fonctionnelle de l’ovaire est le follicule qui est composé de cellules somatiques et de
l’ovocyte. La granulosa est une couche de cellules folliculaires granuleuses entourant l'œuf et
la cavité liquidienne du follicule ovarien qui est responsable de la sécrétion de la
progestérone durant la deuxième moitié d'un cycle ovarien (corps jaune périodique) ou
durant les 4 premiers mois de la grossesse (corps jaune gravidique). Durant la première
partie du cycle, les cellules de la granulosa se multiplient pour former plusieurs dizaines de
couches autour de l'ovocyte. Dans leur épaisseur se créent des cavités remplies de liquide
folliculaire. Par confluence, elles donnent une cavité unique, l’antrum, alors que l'ovocyte
entouré d'une seule couche cellulaire (future corona radiata) est rejeté en périphérie.
Chez le rat Sprague-Dawley, Zhou et coll. (2008) ont développé des cultures primaires à
partir de femelles immatures (25 jours). Deux types de cellules ont été étudiés, les cellules T-I
(rat ovarian theca-interstitial cells) et les cellules de la granulosa (à partir de femelles non
stimulées). Les auteurs ont montré que le BPA entraîne des perturbations de l’expression des
enzymes clés de la stéroïdogenèse. Sur les cellules de la thèque, on constate une
augmentation de testostérone, d’ARNm de P450c17 tandis que P450SCC diminue. Sur les
cellules de la granulosa, l’œstradiol et la prégnènolone augmentent, l’ARNm de la P450
aromatase diminue à fortes doses. Le BPA pourrait induire une hyperandrogénie, et l’on sait
que cette anomalie est impliquée dans l’apparition du syndrome des ovaires polykystiques
(PCOS).
Une équipe japonaise a étudié l’effet de faibles concentrations de BPA (100 fM-100 µM) sur
des cellules de granulosa issues de souris B6C3F1 en culture pendant 24 et 72 h. Ils montrent
que le BPA agit sur la viabilité de ces cellules de façon dépendant de la concentration et du
temps (Xu et coll., 2002). Le marquage des cellules apoptotiques par la méthode TUNEL
(Terminal deoxyribonucleotidyl transferase-mediated dUTP nick end labeling) révèle que le BPA
augmente l’apoptose des cellules de la granulosa et les analyses effectuées par cytométrie en
flux révèlent un arrêt de la transition G2-M du cycle cellulaire. Le BPA augmente
l’expression de Bax et de manière concomitante diminue l’expression de Bcl2 à la fois au
niveau de l’ARNm et de la protéine.
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Grasselli et coll. (2010) ont montré sur des cultures primaires de cellules de granulosa
prélevées à partir d’ovaires de truies collectés à l’abattoir, incubées avec 0,1, 1 ou 10 µM
pendant 48 h, que le BPA à toutes les concentrations testées inhibe la production de
progestérone et perturbe la stéroïdogenèse ovarienne. Le BPA entre 1 et 10 µM stimule la
sécrétion de VEGF dans les cellules de granulosa porcines impliqué dans le processus
angiogénique, la promotion de la néovascularisation et la modification de la perméabilité
vasculaire et pourrait ainsi intervenir dans le timing de la formation de l’antrum. Bien que ces
effets soient observés sur du court terme (48 h), ils décrivent un autre mode d’action possible
du BPA à savoir une action sur le processus de la vascularisation du follicule.
Enfin chez l’homme, Kwintkiewicz et coll. (2010) ont développé un modèle in vitro à partir
de cellules primaires de granulosa récupérées lors de fécondation in vitro ou de lignées
cellulaires KGN (issus de granulosa) traitées avec FSH, BPA, FSH+BPA, ainsi que des
cellules KGN transfectées avec le récepteur PPARgamma. Les auteurs montrent que le BPA
affecte la sécrétion d’œstradiol et l’expression des facteurs de transcription IGF1, SF1,
GATA4 ainsi que l’aromatase en réponse à FSH. Ils observent une sur-expression de
PPARgamma. Les effets de la sur-expression de PPARgamma dans les cellules KGN sont
similaires à ceux observés avec le BPA. Les auteurs en concluent que les effets du BPA
passeraient par le récepteur PPARgamma et que les effets inhibiteurs du BPA sur la sécrétion
E2 (stimulée par FSH) dans les cellules de granulosa humaines sont médiées par la
surexpression de PPARgamma.
Effets sur les cellules du testicule
Des effets du BPA ont été rapportés dans des lignées ou culture de cellules primaires
correspondant aux principaux types cellulaires du testicule : cellules germinales, cellules de
Leydig et cellules de Sertoli. Bien que s’appuyant sur des lignées cellulaires, ces travaux
permettent actuellement de proposer des pistes mécanistiques pour expliquer les effets du
BPA.
Les séminomes sont des tumeurs que l’on pense d’origine germinale, probablement issues
des gonocytes du testicule fœtal, dont la morphologie est voisine. Le BPA pourrait exercer
des effets via un mécanisme indépendant de ER nucléaires sur les cellules de séminome
(JKT1) –voir le chapitre 7 sur mécanismes d’action-. L’étude récente de Bouskine et coll.
(2009) a montré que des niveaux de BPA très faibles (10-12M) peuvent augmenter la
prolifération de lignées cellulaires de séminome via un mécanisme faisant intervenir un
récepteur membranaire des œstrogènes couplé à une protéine G « membrane G-protein-coupled
estrogen receptor ». Dans une autre lignée de cellules germinales (cellules GC1), Ooeh et coll
(2005) trace un lien intéressant entre l’exposition au BPA et le stress oxydatif. Dans cette
lignée le BPA (100 µM) induit la production de radicaux libres de l’oxygène. Cet effet du
BPA ne semble pas spécifique des cellules germinales, mais de tels radicaux, susceptibles de
générer un stress génotoxique, sont particulièrement à risque dans les cellules germinales
connues pour leur grande sensibilité envers ce type de stress.
Dans une lignée de cellules de Leydig murines (K28), le BPA à faibles doses (1 à 10 nM)
induit l’expression de NR4A1, un facteur de transcription (Song et coll., 2002) dès 30
minutes.
Dans une lignée de cellule de Sertoli (SerW3), le BPA réduit l’expression de l’occludine, de la
N-Cadhérine et de la connexine 43, ce qui laisse supposer que le BPA pourrait perturber la
barrière hématotesticulaire (Fiorini et coll., 2004). Des données similaires ont été obtenues
avec des cellules de Sertoli de rat en culture primaire (Li et coll., 2009). En culture, le BPA
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(200 µM) perturbe les jonctions serrées entre les cellules de Sertoli, ce qui correspond aux
effets décrits par les mêmes auteurs sur la barrière hématotesticulaire in vivo chez le rat
immature (Li et coll., 2009). En revanche chez le rat adulte ces effets n’ont pas été observés.
En conclusion, chez le rat ou la souris, plusieurs effets résultant d’une exposition au BPA au
cours de la période fœtale ou périnatale témoignent d’une altération durable de la
programmation de différents tissus, pouvant se traduire par la survenue de pathologies à
l’âge adulte, tels les cancers de la prostate, du sein ou l’endométriose. De tels travaux bien
qu’encore peu nombreux changent considérablement la façon d’appréhender la mesure des
effets toxiques du BPA qui sera évidemment longue et complexe à prendre en compte chez
l’être humain. Il est donc important de vérifier ces données dans des modèles de
mammifères ayant des caractéristiques physiologiques proches de l’espèce humaine. La
définition des fenêtres d’exposition au cours desquelles les effets sont les plus sévères doit
tenir compte des spécificités d’espèce. Des études longitudinales (suivi à plusieurs stades de
la vie) devront être conduites pour évaluer les mécanismes d’adaptation.
Par ailleurs, les travaux réalisés sur diverses lignées cellulaires proposent des mécanismes
d’actions très divers du BPA qui ne se cantonnent pas aux effets de type œstrogéniques.
L’importance de tels mécanismes dans les effets du BPA reste à démontrer dans des modèles
in vivo. Des analyses moléculaires fines issues de l’étude du transcriptome, du protéome, du
métabolome des tissus et cellules exposés au BPA à faibles doses contribueront à mieux
comprendre les mécanismes d’action. Ces approches intégratives globales seront nécessaires
pour appréhender l’ensemble des effets du BPA sur un tissu donné.
Quelques études ont également montré une altération des marques épigénétiques au niveau
des gamètes suite à des expositions au BPA. Elles posent le problème de la transmission des
effets délétères aux générations suivantes. C’est pourquoi les études longitudinales doivent
être poursuivies sur plusieurs générations.
Enfin, les études in vivo réalisées dans plusieurs souches d’une même espèce, montrent des
variabilités intra espèce (et inter individu) de réponse au BPA. Ces variabilités sont le reflet
des variations des patrimoines génétiques (polymorphisme au niveau des génomes) et
également des expositions antérieures subies (génération(s) précédente(s), vie intra-utérine,
environnement et alimentation au cours des différentes phases de vie, exposition à d’autres
composés). L’observation de résultats opposés ou la mise en évidence de sensibilité
différente de certaines souches ne sont donc pas des arguments en faveur de l’absence
d’effets mais doivent être utilisés pour comprendre en quoi ces différences (génétiques,
environnementales) modulent la réponse au BPA. Il s’agit là de pistes pour identifier des
populations ou des conditions ou pratiques de vie à risque.
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6
Effets chromosomique, génétique et épigénétique
Chaque individu présente les caractères de l'espèce avec des variations qui lui sont propres,
résultant de l'expression de son programme génétique et de l'influence environnementale.
Les caractères héréditaires, spécifiques de l'espèce sont transmis par les parents, de
génération en génération. Ces caractères héréditaires sont déterminés par un ensemble
d'informations contenues dans les chromosomes, supports du programme génétique
(génome). Le support des gènes est constitué par la molécule d'acide désoxyribonucléique
(ADN) formé de deux brins complémentaires. La division cellulaire (mitose) assure le
transfert de l'information génétique d'une cellule mère aux cellules filles. Seules les cellules
précurseurs des cellules sexuelles subissent une division spéciale nommée méiose qui
permet le brassage allélique de l’information génétique.
Plus récemment, on a observé que l'expression des gènes est régulée dans le temps et
l'espace. L’épigénétique correspond à « l’étude des changements héréditaires dans la
fonction des gènes, ayant lieu sans altération de la séquence ADN ». Elle regroupe donc un
ensemble de facteurs qui modifient l’action des gènes de manière transmissible pour des
cellules, des tissus, voire parfois, pour des individus qui peuvent transmettre ces
modifications à leur descendance.
De nombreuses observations suggèrent que les expositions environnementales (en
particulier durant la gestation), peuvent induire des modifications génétiques ou
épigénétiques qui pourront être transmises aux générations suivantes et/ou conduire à des
maladies qui se manifesteront plus tard au cours de l’existence.
Effets méiotiques
La méiose est initiée par des cassures double-brins dont la réparation par recombinaison
homologue en méiose I va créer les forces nécessaires à la ségrégation des chromosomes, en
vue de la réduction haploïde des gamètes matures en méiose II. Ce processus peut être
perturbé par l’induction ectopique de cassures double-brins, résultant par exemple
d’irradiations, et par toute anomalie génétique ou épigénétique perturbant l’appariement, la
recombinaison et la ségrégation des chromosomes homologues.
Les erreurs méiotiques peuvent engendrer une gamme d’effets adverses sur la fertilité : une
stérilité complète, des conditions de sub-fertilité, ou la formation de gamètes aneuploïdes
susceptibles d’entraîner des avortements spontanés et des phénotypes pathologiques chez la
descendance. Pour rappel, il existe un dimorphisme sexuel dans la cinétique méiotique chez
les mammifères. Chez la plupart des espèces, les échanges chromosomiques sont en effet
initiés en période prénatale chez la femelle et la ségrégation chromosomique s’achève à
chaque cycle folliculaire. Chez le mâle, la méiose se déroule pour la première fois à la
puberté et sera répétée tout au long de la vie à chaque cycle spermatogénétique. Enfin, il est
aussi pertinent de souligner ici que mâles et femelles ne répondent pas de façon identique à
des perturbations méiotiques, en raison de l’existence du corpuscule sexuel chez le mâle
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(résultant de l’appariement partiel des chromosomes X et Y), qui impose des contrôles plus
stringents du déroulement de la méiose (Hunt et Hassold, 2002). Des invalidations
génétiques chez la souris ont ainsi montré que les cellules germinales mâles sont beaucoup
plus sensibles, et toute mutation de gènes méiotiques engendre en général une azoospermie
complète. Chez les femelles, pour des mutations identiques, la gamétogenèse n’est pas
perturbée en soi, mais les gamètes produits ont une constitution chromosomique anormale.
Configuration chromosomique
Les études pionnières du groupe de T. Hassold et P. Hunt ont pour la première fois révélé un
effet potentiel du BPA sur la méiose, et en particulier sur la méiose femelle dans le modèle
murin (Hunt et coll., 2003). Les premières observations sont liées à une exposition
accidentelle au BPA de colonies de souris, résultant d’endommagement des containers d’eau
par l’utilisation par inadvertance de détergents alcalins pour le nettoyage. Les auteurs ont
ainsi rapporté une augmentation drastique du nombre d’alignements chromosomiques
anormaux en métaphase I (de 40 % à 1 ou 2 % en situation non exposée) et de cas
d’aneuploïdies par non-disjonction chromosomique en métaphase II (de 6 % à 0,7 % en
situation non exposée). Le taux d’exposition entraînant ces effets a été estimé par
chromatographie de masse à 14-72 µg/kg de masse corporelle par jour. Le protocole
expérimental contrôlé a ensuite consisté en une exposition journalière dans l’eau de boisson à
20, 40 et 100 µg/kg de BPA, sur des souris juvéniles de 20 à 22 jours post-partum, pendant 68 jours, avant analyse de la configuration chromosomique en métaphase II (ovocytes ovulés).
L’étude montre alors un effet dose et durée dépendant de l’exposition au BPA sur l’incidence
de figures anormales d’alignement chromosomique, avec une culminance de 10 % à
100 µg/kg pendant 7 jours. Ainsi, l’exposition à faible dose de BPA en phase finale de la
méiose, après la naissance, semble induire une augmentation significative d’anomalies
d’alignement des chromosomes méiotiques, avec un effet potentiel sur la ploïdie des
ovocytes en fin de méiose, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas connus. En effet, les
études in vivo ne permettent pas de distinguer des effets directs sur l’ovocyte des effets
indirects sur les cellules de la granulosa (follicule) ou liés à une perturbation de l’axe neuroendocrinien.
En 2005, Can et coll. utilisent un modèle de maturation ovocytaire (ovocyte et son follicule)
in vitro pour tester les effets du BPA à forte dose (10 à 30 μM). Des effets sur la cinétique de
progression de la méiose sont observés, en l’absence d’effet sur l’axe neuro-endocrinien, avec
perturbation du centrosome et du réseau de microtubules, conduisant à la formation de
fuseaux méiotiques anormaux en métaphase I. En 2008, Lenie et coll. reproduisent le même
type de protocole expérimental avec les mêmes doses de BPA et montrent que les capacités
stéroïdiennes des cellules de la granulosa ne sont pas altérées par le BPA, et que l’effet sur la
méiose serait ainsi direct. Ils observent de plus à forte dose de BPA (30 µM) un taux
important de défauts d’alignement chromosomique et de déformations du fuseau méiotique
en métaphase I, avec un nombre conséquent d’ovocytes arrêtés. Seulement 50 % des ovocytes
exposés passent en fait la métaphase I et atteignent le stade de métaphase II, qui est normale.
A faible dose, les ovocytes passent sans encombre la métaphase I, progressent en métaphase
II mais présentent des anomalies d’alignement chromosomique à ce stade, sans aneuploïdie
cependant.
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Aneuploïdie
Dans leurs observations initiales d’exposition accidentelle à faible dose de BPA, Hunt et coll.
avaient rapporté non seulement des anomalies d’alignement chromosomiques, mais
également une augmentation de l’incidence d’aneuploidies en métaphase II, résultant
potentiellement de problèmes de ségrégation chromosomique. Cependant, Eichenlaub-Ritter
et coll. revoient cette conclusion en 2008 en utilisant un protocole d’exposition sub-chronique
post-natale, avec une administration à faible dose de BPA par voie orale pendant 7 jours,
suivie de la maturation in vitro d’ovocytes dénudés en absence de BPA. Ils ne retrouvent pas
de cas d’hyperploïdies, bien que des problèmes d’alignement en métaphase I soient
observés. Dans une étude parallèle, les mêmes auteurs procèdent cette fois avec une étude
purement in vivo d’exposition à faible dose de BPA, dans des conditions similaires à l’étude
originale de Hunt et coll. (Pacchierotti et coll., 2008). Ils n’observent pas d’anomalies du
nombre de chromosomes, ni dans les ovocytes en métaphase II, ni dans les zygotes fécondés.
Les auteurs concluent que l’exposition au BPA affecte bien l’alignement des chromosomes en
métaphase I, mais n’augmente pas le risque d’erreurs en nombre de chromosomes, du fait de
l’élimination potentielle en amont des ovocytes anormaux.
Cette même étude inclut également l’analyse de la méiose mâle après exposition postnatale
au BPA, à diverses doses pendant 6 jours. Aucun effet sur la cinétique méiotique n’est
observé, et il n’existe pas non plus d’augmentation du nombre d’aneuploïdies dans les
spermatozoïdes matures analysés 22 jours après cette exposition (en respectant donc la
chronologie de progression spermatogénétique de l’entrée en méiose à la production de
spermatozoïdes épididymaires). Il s’agit de la seule étude répertoriée d’analyse des
conséquences d’exposition au BPA sur la méiose mâle. Bennetts et coll. (2008) ont plus
particulièrement étudié les effets du BPA sur des spermatozoïdes humains purifiés, après
exposition in vitro. Avec ce protocole simplifié, le BPA s’avère inactif dans l’induction de
stress oxydatif, la perturbation du mouvement flagellaire, et l’induction de cassures ADN,
alors que d’autres composés œstrogéniques sont positifs sur ces paramètres. Dans cette
même perspective, une autre tentative d’étude de la capacité du BPA à induire des cassures
ADN a été réalisé in vitro, sur des cellules de cancer du sein exprimant le récepteur aux
œstrogènes (MCF-7) (Iso et coll., 2006). A forte dose, le BPA a des effets génotoxiques sur ces
cellules, mais une concentration 1000 fois supérieure à celle de l’œstrogène E2 est nécessaire
pour induire un nombre de cassures similaire.
En résumé, une réponse dose dépendante sur l’organisation des chromosomes en métaphase
de méiose I est systématiquement retrouvée dans toutes les études. Cependant, le BPA
n’augmenterait pas l’incidence de production d’ovocytes aneuploïdes, du fait du maintien
normal de la ségrégation des chromosomes et/ou d’un arrêt précoce des ovocytes trop
anormaux. Le phénotype d’aneuploïdie à faible dose de BPA initialement reporté par Hunt
et coll., pourrait provenir d’effets synergiques d’exposition non contrôlée à d’autres agents.
En effet, la composition en phyto-œstrogènes de l’alimentation semble influencer le taux
d’aneuploïdie (Muhlhauser et coll., 2009).
Effets épigénétiques
La régulation épigénétique participe au programme développemental et cellulaire normal.
Ainsi, l’engagement vers un programme particulier est initié par divers stimuli, le plus
souvent sous forme de signaux tels qu’une molécule développementale, une hormone, un
changement de température, l’application de forces physiques… Cette perception de
l’environnement extérieur est traduite au sein de la cellule par des voies de signalisation
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intracellulaires, qui aboutissent dans le noyau à l’activation ou la répression de gènes cibles,
par la liaison de facteurs de transcription. Cette réponse transcriptionnelle est ensuite
consolidée par des modifications épigénétiques, comme la méthylation de l’ADN et les
modifications post-traductionnelles des histones. Ces modifications vont assurer la stabilité
de la décision cellulaire en l’absence du signal inducteur d’origine, mais également la
perpétuation de cette identité aux cellules filles issues de la cellule d’origine qui a été
confrontée au signal inducteur. Sans ce verrou final, les décisions développementales
seraient labiles et la constitution de tissus homogènes impossibles.
Des anomalies épigénétiques peuvent être la cause ou la conséquence d’une altération d’un
programme développemental donné. Un mode d’action épigénétique est suspecté lorsque
des perturbations précoces en vie fœtale ou néonatale induisent un phénotype adulte, et/ou
induisent des effets multigénérationnels voire transgénérationnels. Ce dernier cas de
transmission implique une altération de la lignée germinale. Tout programme de
différenciation normal s’accompagne de profils épigénétiques spécifiques et il est notamment
bien documenté que les cellules germinales subissent des remaniements importants de leurs
profils de méthylation en période fœtale normale, en relation avec le programme de
différenciation gonadique et sexuel. Ces cellules ont la particularité d’effacer leurs profils
épigénétiques en préparation de l’acquisition de marques spécifiques à la lignée germinale et
au sexe de l’individu (Trasler, 2006). Une exposition précoce à des pertubateurs endocriniens
est donc susceptible d’altérer les profils transcriptionnels et épigénétiques des organes cibles
des androgènes et œstrogènes, et aussi directement ou indirectement la programmation
épigénétique de la lignée germinale.
Effets précoces du BPA sur la méthylation de l’ADN à l’âge adulte
La prise de conscience d’un effet potentiel du bisphénol A sur les profils de méthylation de
l’ADN provient d’une étude menée en 2007 par Dolinoy et coll. Les auteurs utilisent dans
cette étude une lignée de souris porteuse d’un allèle métastable du gène agouti contrôlant la
couleur du pelage, c’est-à-dire dont le statut de méthylation variable peut être aisément suivi
par la couleur du pelage. Des femelles exposées à un régime fortement supplémenté en
bisphénol A (50 000 µg/kg/jour) pendant deux semaines avant accouplement et tout au long
de la période de gestation et de lactation ont une reproduction normale et une progéniture
saine, mais cette dernière présente un excès de couleur jaune de pelage qui signe une
surexpression du gène agouti. Une hypométhylation du locus est en effet retrouvée, ainsi
qu’au niveau d’un autre locus métastable. Cette étude suggérait qu’une exposition prénatale
et continue au BPA, au moins à forte dose, pouvait modifier les phénotypes adultes par
altération de l’épigénome.
Les effets du BPA en exposition fœtale et/ou néonatale sur la méthylation de l’ADN de
tissus somatiques adultes ont été proposés par d’autres études, en utilisant des doses faibles.
Tout d’abord, Ho et coll. (2006) rapportent une perte de méthylation au locus Pde4d4 dans la
prostate de rats exposés à 10 µg/kg de BPA à la naissance, en association avec une
prédisposition au développement d’hyperplasies prostatiques. Les variations de méthylation
reportées sont cependant peu significatives et leur impact in vivo sur la transcription de ce
gène n’a pas été étudié. De même, Yaoi et coll. (2008) documentent des hypo- et des
hyperméthylations à divers loci dans le cerveau antérieur d’embryons à jours 12,5 et 14,5 de
gestation, après que leurs mères aient été injectées à partir du jour 0 de gestation avec
20 µg/kg/jour de BPA. Des variations d’expression semblent exister aux loci concernés, mais
les différences de méthylation sont peu significatives par rapport à des embryons contrôles.
Enfin, plus récemment, des souris femelles exposées in utero par injection maternelle de
5 µg/kg de BPA du jour 9 au jour 16 de gestation ont montré un défaut important de
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méthylation du gène Hoxa10 dans l’utérus à l’âge adulte (Bromer et coll., 2010). De plus, cette
hypométhylation conduit à une sensibilité accrue aux œstrogènes et une expression
augmentée de Hoxa10.
Bien que les profils de méthylation n’aient pas été analysés, un nombre d’études rapportent
des changements d’expression de gènes clés dans des tissus adultes conséquents à une
exposition fœtale ou néonatale au BPA, qui pourraient signer une programmation
épigénétique précoce de phénotypes adultes (Monje et coll. 2007 ; Salian et coll., 2009a ;
2009b). Bien qu’associées à des phénotypes spermatogénétiques et reproducteurs importants
chez les mâles (voir plus loin) (Salian et coll., 2009b,c ), les deux études menées dans le
laboratoire de T. Vanage sont en revanche difficilement concluantes quant à des
perturbations d’expression éventuelles. En effet, ces études sont basées sur une analyse
immunohistochimique de l’expression de marqueurs clés tels que des protéines de jonction
des cellules de Sertoli ou encore de coactivateurs de récepteurs stéroïdiens. Cette approche
ne permet pas une estimation quantitative précise et les conclusions quant à ce point sont
sujettes à caution. Enfin, il est intéressant de souligner un autre mode potentiel d’altération
épigénétique de processus développementaux précoces par le BPA, via les microARNs. A
l’issue d’une étude réalisée à l’échelle du génome global, le microARN mir436, reconnu pour
ses effets sur la prolifération cellulaire, a été trouvé surexprimé dans deux lignées humaines
placentaires différentes exposées à 25 µg/ml pendant 6 jours (Avissar-Whiting et coll., 2010).
Effets multigénérationnels et transgénérationnels d’exposition précoce au BPA
Une transmission multigénérationnelle de phénotypes délétères s’applique aux cas où la
génération F1 exposée en période périnatale ainsi que la génération F2 issue de la lignée
germinale F1 exposée sont touchées. Des effets transgénérationnels sont évidents à partir de
la génération F3, qui n’a été exposée ni au niveau somatique ni au niveau germinal. Cette
transmission de phénotype sous-tend une imprégnation irréversible du matériel germinal,
dont les effets ségrégent selon des paramètres mendéliens. Si l’absence de mutation
génétique est formellement prouvée, il s’agit dans ce cas d’effets épigénétiques
transgénérationnels, ou en d’autres termes de transmission de caractères acquis.
En utilisant le modèle rat, Salian et coll. (2009a, b, c) ont rapporté un effet sur la fertilité mâle
après exposition néonatale à des doses faibles de BPA du jour 0 au jour 5 ou après exposition
périnatale par gavage des mères de jour 12 de gestation à jour 21 après la naissance. Dans ces
protocoles, les individus mâles F1 exposés, mais également les animaux F2 et F3 présentent
une baisse de la fertilité, associée à une réduction du nombre et de la motilité de leurs
spermatozoïdes et une augmentation du nombre d’avortements induits après croisements
avec des femelles contrôles. De façon notoire, les effets ne s’estompent absolument pas au
cours des générations. Les conclusions de cette étude s’opposent donc à l’absence d’effets
multigénérationnels et transgénérationnels précédemment publiée par Ema et coll. (2001) et
Tyl et coll. (2002).
En conclusion, il existerait un effet direct dose dépendant d’exposition au BPA sur la
première division méiotique. Cet effet de dose ne s’applique cependant pas en seconde
division méiotique, puisque la concentration la plus faible (3 nM) induit la plus forte
incidence en anomalies de métaphase II. La variation dans les protocoles d’exposition, les
différences en fond génétique des souris et de régime alimentaire rendent difficile une
interprétation définitive sur l’effet d’une exposition au BPA à faible dose en période
postnatale sur la méiose femelle. Chez le mâle adulte, l’exposition au BPA pendant 6 jours
après la naissance n’affecte pas le processus méiotique, ni la ségrégation des chromosomes
méiotiques. Le BPA n’a de plus pas d’effet in vitro sur les spermatozoïdes matures. Aucune
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étude n’a cependant été conduite concernant des effets sur la méiose après exposition en
période fœtale, ni chez la femelle, ni chez le mâle.
Des effets transgénérationnels du BPA à faible dose pourraient exister, suite à une exposition
en seconde moitié du développement fœtal et/ou pendant la période de lactation. Le
maintien du phénotype en F3 implique un marquage de la lignée germinale. En l’absence
d’investigation du mécanisme moléculaire sous-jacent, il n’est pas possible de conclure entre,
d’une part, l’induction par le BPA d’une mutation génétique dans la lignée germinale des
individus F1 et donc d’un effet génotoxique ou, d’autre part, une altération des profils
épigénétiques ou épimutation, qui serait transmissible et échapperait alors à la vague de
reprogrammation épigénétique que connaît normalement la lignée germinale.
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Mécanismes d’action
Le bisphénol A (BPA) est un agoniste faible des œstrogènes pouvant se lier aux récepteurs
nucléaires des œstrogènes α et β (ERα et β) et activer une réponse qui a été largement
considérée comme la source de ses « effets » indésirables dans (certaines) études animales.
Cependant, le BPA présente plusieurs milliers de fois moins d’affinité pour ERα et β que
l’œstradiol. Certaines études in vitro ont montré également que le BPA à des effets antiandrogéniques et peut se lier au récepteur des androgènes (AR) (Sun et coll., 2006), mais les
preuves d’effets antiandrogéniques in vivo chez l'animal sont rares ou absentes (Kobayashi et
coll., 2002; Tyl et coll., 2002; Howdeshell et coll., 2008). Plus récemment, des liaisons du BPA
à d’autres récepteurs nucléaires ou membranaires ont été démontrées.
Récepteurs nucléaires des œstrogènes alpha et beta
Le BPA avec ses deux noyaux phénoliques a un mode de liaison à ER α et β similaire à celui
de l’œstradiol (E2). Cependant son affinité est 10 000 fois plus faible que celle de l’œstradiol
et est similaire pour les deux récepteurs (Kuiper et coll., 1998).
Figure 1 : Structures chimiques de l’œstradiol (E2), du diéthylstilbestrol (DES) et du bisphénol A
(BPA)
Le BPA est considéré comme un Selective Estrogen Receptor Modulator (SERM). Les SERM sont
souvent des molécules à activité agoniste partielle. Cette activité varie selon le promoteur du
gène étudié, selon le contexte cellulaire (in vitro) ou l’organe considéré (in vivo). Cet agonisme
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partiel a été étudié par Gould (Gould et coll., 1998) qui a par exemple montré qu’in vitro le
BPA est moins actif que E2 sur ER α délété de son domaine d’activation constitutive AF-1.
Les travaux de Sumpter (Routledge et coll., 2000) ont montré que le recrutement de cofacteurs transcriptionnels différait entre E2 et BPA. Enfin, en lien avec cette activité
d’agoniste partiel, certaines réponses in vivo de l’œstradiol dans l’utérus de souris ne sont
pas observées avec le BPA comme l’augmentation du poids de l’utérus alors que d’autres
sont maintenues comme une activité peroxydase ainsi qu’une augmentation de l’expression
du récepteur de la progestérone (Gould et coll., 1998). Ces résultats ont été confortés par les
travaux de Nagel qui ont montré qu’un traitement au BPA augmentait peu la croissance
utérine et en revanche activait l’expression d’un gène rapporteur (Nagel et coll., 2001). Au
contraire, d’autres SERM comme l’hydroxy-tamoxifène utilisé pour le traitement du cancer
du sein est actif sur la croissance utérine et sans effet sur l’activation du gène rapporteur. Le
fait que le BPA soit un SERM peut expliquer pourquoi certaines études n’ont pas pu montrer
d’effets in vivo de ce composé. Ainsi, le BPA a à peu près les mêmes effets que E2 au niveau
de la prostate de fœtus murins (Timms et coll., 2005). En revanche, ces effets diffèrent
beaucoup de celui de E2 dans l’utérus (Markey et coll., 2001).
Enfin la faible affinité du BPA pour ERα et β ne permet pas d’expliquer les effets observés à
faible dose à la fois in vitro et in vivo. De plus, certaines études ont montré des réponses au
BPA qui suivent des courbes non monotones et qui ne peuvent pas être expliquées par une
action sur un seul type de récepteur. C’est pour ces raisons que plusieurs groupes de
scientifique ont cherché à identifier d’autres médiateurs des effets du BPA. La liaison du BPA
avec des affinités variées à plusieurs récepteurs ayant des actions différentes pourrait
expliquer d’une part des effets à faible dose (plus faible que celle permettant la liaison à ERα
et β) et d’autre part des effets particuliers suivant la dose. Les différents récepteurs pouvant
médier les effets du BPA sont décrits ci-dessous.
Récepteurs des œstrogènes membranaires
Des études récentes ont montré que le BPA pouvait d’une part avoir des effets à des
concentrations plus faibles que celles auxquelles il se lie à ERα et β et d’autre part agir très
rapidement (quelques minutes) ce qui exclut une action médiée par des récepteurs
nucléaires. Des effets dits « non génomiques » pourraient faire intervenir des récepteurs
localisés dans le cytoplasme, dans la mitochondrie ou dans la membrane cytoplasmique.
Deux types de récepteurs ont été décrits.
Les premiers pourraient être des formes membranaires de ER α et β (mERα et β). La
localisation à la membrane de ces récepteurs n’est pas clairement expliquée mais elle
pourrait être due à des modifications post-traductionnelles comme la palmitoylation
(Hammes et coll., 2007). Le groupe de Watson a proposé que le BPA pourrait médier une
partie des effets par ce type de récepteurs (Watson et coll., 2007a et b, 2010). Les auteurs ont
montré que le BPA à des doses très faibles (1 picomolaire) induisait rapidement (en moins
d’une minute) l’augmentation de calcium intracellulaire puis la sécrétion de prolactine dans
la lignée pituitaire GH3/B6. Ces réponses ne peuvent pas être représentées par une courbe
monotone. Egalement observées avec E2, ces effets sont inhibés par un co-traitement avec du
fulvestrant (un anti-œstrogène). L’augmentation de calcium intracellulaire à des doses faibles
de BPA (0,1-1 nM) a également été observée dans des cellules pancréatiques (Quesada et
coll., 2002) ainsi que dans la lignée de cancer du sein MCF-7 (Walsh et coll., 2005). La liaison
à des récepteurs des œstrogènes membranaires permet d’expliquer certains des effets rapides
(ou non génomiques) du BPA. En revanche, elle ne permet pas d’expliquer les effets à faible
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concentration. En effet, il est supposé que ces formes membranaires ont la même affinité
pour le BPA que les formes nucléaires.
Un deuxième médiateur des effets non génomiques du BPA pourrait être le récepteur
transmembranaire couplé aux protéines G, GPR30. Ce récepteur différent des récepteurs
nucléaires des œstrogènes est localisé dans le réticulum endoplasmique et il pourrait lier le
BPA à faible concentration. Les travaux du groupe de Fénichel (Bouskine et coll., 2008, 2009)
ont montré que le BPA stimulait la prolifération des cellules testiculaires JKT-1. Cet effet est
observable aux faibles doses (1 picomolaire) et s’atténue aux fortes doses (courbe en U
inversé). Une augmentation de la prolifération des cellules testiculaires JKT-1 est également
observée avec de l’œstradiol couplé à de la BSA (dans ce cas, l’œstradiol ne peut pas pénétrer
dans la cellule) alors qu’une inhibition est observée avec l’œstradiol non couplé à la BSA. Les
cellules testiculaires JKT-1 expriment GPR30 et le récepteur nucléaire des œstrogènes ERβ.
ERβ contrairement au récepteur nucléaire ERα inhibe généralement la prolifération cellulaire
(Hartmann et coll., 2006, Williams et coll., 2008). Dans cette étude, les auteurs proposent que
le BPA à faibles concentrations (inférieures au nM) active la prolifération à travers GPR30. En
revanche, à fortes concentrations (> 1 nM), le BPA se lie également à ERβ. qui ayant une
action antiproliférative bloquerait les effets activateurs de GPR30 sur la croissance cellulaire.
Ainsi E2 qui se lie avec une bonne affinité aux deux récepteurs (ERβ et GPR30) est plutôt
antiprolifératif. Au contraire, l’œstradiol modifié ne pouvant pas pénétrer dans la cellule
(couplé à la BSA) se lie à GPR30 et présente un effet prolifératif. Cette étude illustre bien
comment le BPA peut exercer des effets différents en fonction de sa concentration. Il agirait
sur au moins deux récepteurs (ici GPR30 et ERβ) en se liant avec des affinités différentes
(fortes pour GPR30, faible pour ERβ) qui ont des actions opposées sur une même réponse
cellulaire (ici la prolifération).
Le rôle de GPR30 dans la prolifération cellulaire a été confirmé par d’autres études comme
celles du groupe de Maggiolini (Albanito et coll., 2007, Sirianni et coll., 2008). Ces travaux ont
montré dans la lignée spermatogonique GC-1 que E2 ou un ligand sélectif de GPR30 (ligand
G1) activait la prolifération cellulaire par un mécanisme non génomique (Sirianni et coll.,
2008). Cette équipe a également montré que GPR30 pouvait médier certains des effets de E2
dans des lignées de cancer de l’ovaire ou du sein ER alpha positives ou négatives (Albanito
et coll., 2007).
Le rôle de GPR30 dans l’effet de E2 ou du BPA n’est cependant pas admis par l’ensemble de
la communauté scientifique. Le groupe d’Otto notamment s’oppose vivement à l’hypothèse
que GPR30 puisse médier des effets œstrogéniques (Otto et coll., 2008, 2009 ; Langer et coll.,
2010). Cette équipe a montré in vitro que GPR30 ne liait pas E2, que le ligand spécifique de
GPR30, G-1 n’induisait pas de réponses œstrogéniques. De plus, leurs études in vivo ont
montré que les souris déficientes en GPR30 (GPR30-/-) ne présentait pas d’anomalies au
niveau du développement des organes cibles de la reproduction (ovaires, utérus, glandes
mammaires), de problèmes de fertilité ni de perturbation des réponses œstrogéniques dans
l’utérus ou dans la glande mammaire.
Malgré cette contreverse, ces résultats indiquent que des effets rapides ou non génomiques
du BPA pourraient être médiés par des formes membranaires de récepteurs aux œstrogènes.
Le médiateur de ces effets pour les faibles concentrations n’est pas identifié de façon certaine.
Les récepteurs membranaires ERα et β sont supposés avoir la même affinité que leurs
équivalents nucléaires et l’interaction entre GPR30 et bisphénol A (ainsi qu’avec E2) n’a pas
pu être démontré par des techniques biochimiques classiques. L’identification récente de
ligands agonistes (Revankar et coll., 2005) et antagonistes (Dennis et coll., 2009) de GPR30 ne
se liant pas aux récepteurs nucléaires des œstrogènes α et β et l’étude des effets de ces
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molécules dans davantage de modèles cellulaires (exprimant ou pas ERα, ERβ nucléaire et
membranaire et GPR30) permettra certainement de répondre à ces questions.
Récepteur des androgènes (AR)
Les autres hypothèses pouvant expliquer les effets faibles doses ainsi que les effets non
monotones du BPA sont sa liaison à d’autres types de récepteurs nucléaires. Plusieurs études
ont montré que le BPA se liait au récepteur nucléaire des androgènes (AR) (Sohoni et coll.,
1998, Paris et coll., 2002, Lee et coll., 2003, Xu 2005, Li 2010). Contrairement aux ERs, le BPA
est un antagoniste pour AR et son affinité est de l’ordre du micromolaire. Les effets observés
à faible dose pourraient en partie s’expliquer par des action synergiques à travers les
récepteurs ERs (action agoniste et féminisante) et le récepteur AR (action antagoniste donc
antagoniste de l’effet masculinisant). D’autre part, il est à noter que le BPA a une activité
agoniste à faibles concentrations (1 à 10 nanomolaire) sur une forme mutée de AR (ART877A) associée à des cancers de la prostate résistants aux anti-androgènes (Wetherill et coll.,
2002, 2005).
Récepteur relié aux œstrogènes gamma (ERR gamma)
Très récemment, le BPA a également été identifié comme un ligand du récepteur ERRγ (Abad
et coll., 2008 ; Okada et coll., 2008 ; Li et coll., 2010). Son affinité est de l’ordre de 5
nanomolaire. ERRγ est un récepteur constitutivement activé qui est légèrement activé par le
BPA. Bien que les fonctions physiologiques de ERRγ ne soient pas bien connues, le fait que
ERRγ puisse se lier sur les mêmes promoteurs de gènes que les récepteurs des œstrogènes
(Vanacker et coll., 1999) pourrait expliquer en partie les effets de perturbation endocrine du
BPA.
Liaison à d’autres récepteurs nucléaires potentiellement non impliqués dans
les effets reprotoxiques du BPA
Des études ont montré que des dérivés halogénés du BPA, le tétra bromo-BPA (TBBPA) et le
tétra chloro-BPA (TCBPA) (mais pas le BPA) se liaient aux récepteurs des hormones
thyroïdiennes (Kitamura et coll., 2002). Cette étude a également montré que comme
l’hormone thyroïdienne T3, le TBBPA et le TCBPA avaient un effet activateur sur la
prolifération des cellules pituitaires GH3. Curieusement, l’étude de Sun a plutôt classé ces
dérivés comme ayant un effet antagoniste (Sun et coll., 2009) dans un test de gènes
rapporteurs. Il faut souligner que ces effets (anti)thyroïdiens ne sont observés qu’à fortes
concentrations (de 1 à 10 μM).
Les mêmes dérivés halogénés du BPA (Balaguer communication personnelle) ainsi que le
BADGE (Seimandi et coll., 2005, Wright et coll., 2000) sont des ligands du récepteur PPARγ
(Balaguer communication personnelle) avec une affinité de l’ordre du μM. De nombreuses
études ont établi un lien entre exposition au BPA et obésité (Rubin et coll., 2001, Masuno et
coll., 2005, Miyawaki et coll., 2007, Somm et coll., 2009). Ces effets pourraient être médiés par
PPARγ et être dus au BPA ou à un de ses métabolites. Dans l’étude de Kwintkiewicz (2010), il
est à noter que le BPA induit l’expression de PPARγ. Cependant cet effet est observable
uniquement à forte concentration (1 à 100 μM).
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Enfin, le BPA a été identifié comme étant capable d’activer les récepteurs RXRs dans un test
de gène rapporteur incluant du métabolisme (Li et coll., 2008) et d’augmenter l’expression du
récepteur nucléaire Nur77 (Song et coll., 2002, Ahn et coll., 2008,) qui est impliqué dans la
stéroïdogénèse.
En conclusion, l’ensemble de ces résultats indiquent que le bisphénol A et/ou des molécules
dérivées sont capables de se lier à différents récepteurs nucléaires ou membranaires. Les
affinités de liaison ne sont pas très fortes (excepté pour GPR30 si l’interaction est confirmée)
mais des synergies d’action entre récepteurs nucléaires (récepteurs ERα, ERβ et AR) peuvent
expliquer des effets à faible dose. D’autre part, le fait que le BPA se lie à des formes
membranaires des récepteurs des œstrogènes indique qu’il pourrait également se lier à des
formes membranaires d’autres récepteurs nucléaires comme AR (Bonaccorsi et coll., 2008) ou
TRα ou β (Iordanidou et coll., 2010).
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Expertise collective – Rapport préliminaire
- 76 -
02/06/2010
8
Relation structure–fonction
La structure chimique d’une classe de perturbateurs endocriniens (ER), les diphénylalcanes
hydroxylés ou bisphénols (BP), ayant une activité œstrogénique (œstrogéno-mimétique)
significative, est composée par deux cycles aromatiques (phényles) liés par un pont carbone.
La structure du bisphénol A (BPA, 4,4'-dihydroxy-2,2-diphénylpropane en nomenclature
IUPAC), composé le plus connu de cette famille, est représentée en figure 1.
R1
HO
A
B
OH
R2
R1
R2
CH3
CH3
Bisphénol A
H
H
Bisphénol F
CF3
CF3
Bisphénol AF
H
CH3
Bisphénol E
CH2 CH3
CH3
Bisphénol B
Figure 1 : Formule semi-développée des bisphénols
Ces molécules interagissent avec les mêmes récepteurs (ERα, ERβ ou ERRγ) que les
œstrogènes naturels comme l’œstradiol (E2) (Agatonovic-Kustrin, et Turner, 2008). Par
différence avec l’œstradiol, la structure d’un récepteur cristallisé avec le BP n’a pas été
résolue par analyse aux Rayons X. Cependant, des études expérimentales et/ou théoriques
ont mis en évidence différents types d’interactions substrat (BP)/récepteur, mettant en
œuvre soit des analogies avec E2 (groupements hydrophobes, hydrophiles,
accepteurs/donneurs de liaison H), soit des simulations atomistiques. Ces études ont
conduit à des relations bien définies entre les caractéristiques structurales et l’activité
biologique (souvent in vitro) de cette classe de BP.
En effet, la partie 66-Kd du récepteur ER se compose de trois domaines structuralement
distincts : un domaine N-terminal de liaison à l’ADN, un domaine N-terminal et un domaine
C-terminal formant une poche hydrophobe (Brzozowski, et coll., 1997 ; Tanenbaum et coll.,
1998). Cette cage tridimensionnelle est composée de plusieurs sites de liaison non spécifiques
sur lesquels peuvent se loger l’œstrogène ainsi que d’autres ligands (figure 2). Avec un
volume de 440 Å3, la poche de liaison est beaucoup plus grande qu’une molécule
d’œstrogène, occupant à elle seule un volume de 245 Å3 (pour E2). Ce volume vide est
construit à l’aide de résidus non polaires lui conférant la capacité à se lier avec une grande
Expertise collective – Rapport préliminaire
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variété de ligands dont la structure prend en compte un groupement phénol, discriminant
retrouvé sur la molécule d’œstrogène.
Figure 2 : Structure à rayons X de la poche hydrophobe du ERα avec le substrat naturel 17β
œstradiol (E2) (Brzozowski, et coll., 1997 ; Tanenbaum et coll., 1998).
Études in-silico
Au cours de ces dernières années, un grand nombre de travaux portant sur des méthodes
QSAR ont été dédiés à l’étude des interactions de ligands non stéroïdiens avec le récepteur
ER. Le BPA et ses dérivées ont fait l’objet de quelques travaux spécifiques (Coleman et coll.,
2003) mais sont le plus souvent inclus dans le jeu d’entraînement ou de validation des
modèles QSAR (Gao et coll., 1999 : Shi et coll., 2001 ; Waller, 2004 ; Devillers et coll., 2006 ;
Kadowaki et coll., 2007 ; Liu et coll., 2007 ; Roncaglioni et coll., 2008a et b). Il faut toutefois
souligner que dans la plupart de ces travaux, le critère d’évaluation est l’affinité de liaison au
récepteur, absolue (binding affinity, BA) ou relative au ligand naturel E2 (relative binding
affinity, RBA). Des critères d’évaluation plus complexes sont rarement considérés (Coleman
et coll., 2003, Roncaglioni et coll., 2008a).
Les jeux d’entraînements sont généralement composés de plusieurs centaines de molécules,
mais les jeux de validation sont souvent plus petits (une centaine de molécules), sauf dans
quelques cas particuliers (Liu et coll., 2007). Ces modèles permettent la détermination
qualitative et/ou quantitative de l’activité œstrogénique en termes d’affinité. Des accords
allant jusqu’à 90 % ont été obtenus sur des modèles qualitatifs fournissant une réponse
binaire, de type active ou non active (Liu et coll., 2007). Les modèles quantitatifs, plus
complexes, présentent également de très bonnes corrélations (R2 > 0,90) en ce qui concerne
l’affinité avec les ER, et des pouvoirs prédictifs (q2 > 0,6) pour de très grands ensembles de
ligands de structures extrêmement variées (Shi et coll., 2001).
Une amélioration significative a été apportée en couplant les modèles QSPR traditionnels
avec des approches de type « docking » et ab-initio.
Dans ce cas, le modèle se caractérise par une excellente corrélation (R2 = 0,991) et une très
bonne prédictivité (q2 = 0,92) (Sippl et coll., 2000).
Expertise collective – Rapport préliminaire
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Figure 3 : Exemple d’une corrélation linéaire (R2=0.91) entre l’affinité de liaison relative à E2
(relative binding affinity) calculée et expérimentale (Shi et coll., 2001).
Malheureusement, seul un ensemble restreint de molécules (30) a été considéré, et ceci
principalement à cause des limitations informatiques. A noter aussi des travaux de type
QSAR traditionnel effectués dans le cadre des normes réglementaires OCDE (Tong et coll.,
2003 ; Liu et coll., 2006 ; Jensen et coll., 2008). Ces modèles ont également permis d’identifier
les principales caractéristiques structurales nécessaires lors de l'interaction ligand récepteur.
Néanmoins, des informations plus détaillées sur les interactions microscopiques entre le
ligand et l’ER peuvent être déterminées en combinant des approches expérimentales dans
lesquelles plusieurs ligands sélectivement modifiés sont testés à l’aide de modèles QSAR, de
docking ou d’atomistique. En particulier, l’étude des interactions ligand-ER portant sur des
modèles de chimie quantique a montré que l’énergie d'interaction théorique et l’affinité
déterminée de façon expérimentale sont bien corrélées (Fukuzawa et coll., 2005). Ces
modèles donnent non seulement des informations sur les mécanismes sous-jacents, mais
également une relation linéaire (R>0,8) entre l’énergie d’interaction calculée et l’activité
expérimentale. Le croisement des données théoriques avec les informations expérimentales
a permis l’individualisation des caractéristiques structurales du ligand (Kadowaki et coll.,
2007).
Relation structure–fonction
Les ERs peuvent lier un nombre important de molécules structuralement différentes. Les
caractéristiques principales de leurs ligands naturels (stéroïdes) relèvent de la présence d’un
groupement aromatique hydroxylé (cycle phénolique) et d’un squelette hydrophobe
(Anstead, et coll., 1997; Fang et coll., 2001). Ces caractéristiques essentielles pour l’activité
œstrogénique se retrouvent également dans les BP, molécules caractérisées par un cycle
aromatique porteur d’un groupement hydroxyle (cycle A, figure 1) et éventuellement
substituée en position para. La structure à cycles condensés, retrouvée dans le cas de E2 n’est
par conséquent pas nécessaire pour obtenir une activité œstrogénique en terme de
prolifération des cellules de cancer du sein humaines MCF-7 (Dodds et Lawson, 1936; Perez
et coll., 1998), et peut même donner lieu à des composés non actifs comme les dérivés
naphtols (Soto et coll., 1995). La présence du groupement hydroxyle est fondamentale dans
l’activité œstrogénique. En effet, l’élimination d’un groupement OH conduit au 4-αcumylphénol (HOC6H4-C(CH3)2-C6H5), composé ayant une affinité de liaison (binding affinity)
avec le récepteur égale à celle du BPA, alors que l’élimination du second OH, donne lieu au
composé 2,2-diphénylpropane (C6H5-C(CH3)2-C6H5), molécule complètement inactive (vis-àvis du récepteur ERRγ) (Okada et coll., 2008).
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La présence d’un second groupement fonctionnel à base d’oxygène (hydroxyle, cétone, ou
carbonyle), positionné sur la partie terminale de la molécule, en opposition au cycle
phénolique, confère ou du moins augmente l’activité œstrogénique (cellules MCF7) (Perez et
coll., 1998). Le BPA et le bisphénol F (BPF, 4,4'-Methylenbisphénol) tous deux porteurs de
deux groupements OH, ou le bisphénol A dimethacrylate (BIS-DMA) et le bisphénol-A-bis
chloroformate (BPACF) ont montré une activité œstrogénique lors des tests de prolifération
et d’induction protéique (Perez et coll., 1998).
Par analogie avec E2, ces deux groupements sont nécessaires pour établir deux interactions
liantes de type liaison H à l’intérieur de la poche de E2 (voir figure 2) avec d’un côté, une
molécule d’eau, de Glu353 et de Arg394, et de l’autre, une molécule de His 524 (Brzozowski,
et coll., 1997 ; Tanenbaum et coll., 1998). Néanmoins la présence et la distance entre ces deux
groupements hydroxyles ne sont pas les seuls facteurs critiques. En particulier, la nature des
substituants liés au pont carbone peut déterminer l’activité œstrogénique. Par exemple, la
substitution des groupements méthyles positionnés sur ce dernier, par des groupements
hydrophiles provoque une baisse de l’activité œstrogénique, causée par la diminution de la
force d’interaction avec la partie hydrophobe du récepteur (Kitamura et coll., 2005). Une
autre expérience a montré que le remplacement des groupements CH3 par des groupements
CF3, donnant lieu au bisphénol AF (BAF, 2,2-Bis(4-hydroxyphenyl) hexafluoropropane),
induit une baisse de l’activité, causée par la diminution de la force d’interaction hydrophobe
avec le cycle aromatique d’un résidu phénylalanine (probablement Phe-425, voir figure 2)
(Okada et coll., 2008). En revanche, le remplacement des deux groupements méthyles par des
chaînes propylées accroît l’expression des gènes et des protéines (Perez et coll., 1998).
regulateur de l'activité
Y'
X
R
OH
HO
R'
Y
X'
Essentiel pour l'activité
estrogenique
aumentation de l'activité
Figure 4 : Représentation des relations entre stucture et propriétés pour le bisphénol
L’importance du cycle benzénique B peut être évaluée en le remplaçant par des groupements
alkyles. En effet, sa substitution par des groupements méthyles ou éthyles dérivés (4-tertbutylphénol et 4-tert-amylphénol) se matérialise par une baisse significative de l’activité,
devenant ainsi inférieure à celle du 4-α-cumylphénol. Pour des chaines non volumineuses,
l’interaction reste toutefois marquée (Okada et coll., 2008). Par conséquent, la présence d’un
cycle aromatique suggère une interaction de type π−π ou XH-π (X=N,O,C) avec la poche du
récepteur, interaction absente dans le cas de substituants alkyls. Enfin, la présence de
substituants chlorés en position 3 ou 5 sur le cycle A a également un effet significatif sur
l’activité, et permet de renforcer l’affinité de liaison avec le récepteur (Liu et coll., 2007). En
effet, des dérivés chlorés peuvent se former lors du recyclage du papier thermique (par
blanchissage à l’hypochlorite de sodium) qui sont 28 fois plus œstrogéniques que le BPA
(Fukazawa et coll., 2002). Les requis structuraux sont résumés dans la figure 4.
Expertise collective – Rapport préliminaire
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En conclusion, les bisphénols interagissent avec les mêmes récepteurs (ERα, ERβ ou ERRγ)
que les œstrogènes naturels comme l’œstradiol (E2). Des études ont montré qu’il existe des
relations bien définies entre les caractéristiques structurales et l’activité biologique des
bisphénols. Des modèles QSAR permettent la détermination qualitative et/ou quantitative
de l’activité œstrogénique en termes d’affinité et donnent des informations sur les
mécanismes sous-jacents.
La présence d’un groupement aromatique hydroxylé (cycle phénolique) et d’un squelette
hydrophobe, caractéristiques essentielles pour l’activité œstrogénique, se retrouvent dans les
bisphénols. La présence du groupement hydroxyle est fondamentale pour l’activité
œstrogénique. La présence d’un second groupement fonctionnel à base d’oxygène
(hydroxyle, cétone, ou carbonyle), positionné sur la partie terminale de la molécule, en
opposition au cycle phénolique, confère ou du moins augmente l’activité œstrogénique. C’est
le cas du BPA et du bisphénol F (BPF, 4,4'-Methylenbisphénol) du bisphénol A
dimethacrylate (BIS-DMA) et du bisphénol-A-bis chloroformate (BPACF). Ces substances
montrent une activité œstrogénique lors des tests de prolifération et d’induction protéique.
Par ailleurs, la nature des substituants liés au pont carbone peut déterminer l’activité
œstrogénique. Par exemple, la substitution des groupements méthyles positionnés sur ce
dernier, par des groupements hydrophiles provoque une baisse de l’activité œstrogénique,
causée par la diminution de la force d’interaction avec la partie hydrophobe du récepteur. Le
remplacement des groupements CH3 par des groupements CF3, (bisphénol AF) ou encore la
substitution du cycle benzénique B par des groupements méthyles ou éthyles dérivés (4-tertbutylphénol et 4-tert-amylphénol) se traduit par une baisse significative de l’activité. En
revanche, le remplacement des deux groupements méthyles par des chaînes propylées
accroît l’expression des gènes et des protéines.
La présence de substituants chlorés en position 3 ou 5 sur le cycle A a également un effet
significatif sur l’activité. Les dérivés chlorés qui peuvent se former lors du recyclage du
papier thermique (par blanchissage à l’hypochlorite de sodium) sont 28 fois plus
œstrogéniques que le BPA.
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Expertise collective – Rapport préliminaire
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9
Autres modèles d’études
La plupart des travaux menés jusqu’à aujourd’hui abordent les effets du bisphénol A (BPA)
comme étant des effets essentiellement de type œstrogénique. Bien que de tels effets aient été
démontrés in vitro, leur démonstration in vivo reste peu probante et l’utilisation de modèles
génétiquement modifiés propose également d’autres modes d’action possible.
Modèles génétiquement modifiés, études in vitro
Chez les mammifères
L’utilisation de modèles génétiquement modifiés pour détecter une activité œstrogénique en
réponse au BPA est encore peu développée au niveau des tissus suspectés d’être de
potentielles cibles de ce perturbateur (ovaire, utérus, prostate…). Quelques études ont utilisé
des souris ER-luciférase et les résultats apparaissent variables (tableau I) et peu probants.
Pourtant, de nombreux effets du BPA ont été rapportés chez l’adulte et chez le fœtus
notamment à des doses faibles (allant jusqu’à 0,250 µg/kg/j). Cette discordance dans les
observations pourrait provenir de la multiplicité des doses et des voies d’administration
utilisées. Notons également que peu de travaux (voire aucun) ont utilisé des mutants pour
les récepteurs nucléaires in vivo, ou in organo pour tester les effets du BPA. Que les effets
développementaux du BPA soient dus à une activité œstrogénique reste donc à établir.
Une approche intéressante et alternative est la transfection de constructions ERE-luciférase
dans des cellules in vitro. Une illustration de cette approche est la transfection de cellules de
Leydig fœtales par une construction ERE-luc qui a permis de démontrer l’activité
œstrogénique du BPA in vitro dans ces cellules.
Enfin, sur une lignée de souris mutante pour l’aromatase, l’enzyme permettant la production
d’œstrogène, souris ArKO, un traitement au BPA permet de restaurer les fonctions
ovariennes et utérines (Toda et coll., 2002). Ce travail démontre bien une activité de type
œstrogénique du BPA.
Tableau I : Effet du BPA dans divers modèles in vivo
Références
Dose (µg/kg)
Voie
d’administration
Modèle
Observations
Lemmen et
coll., 2004a et
2004b
1 000
Ip
Souris
hétérozygote
ER-luc
Induction de l’activité luciférase après 8 h,
cependant plus d’effet visible après 24 h
d’exposition à 10 000 µg/kg
Laws et coll.,
2000
200 000
Sc et vo
Rats LongAugmentation du poids de l’utérus chez
Evans
les rats pré-pubères (test utérotrophique)
ovariectomisés
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Tinwell et
coll., 2002
50 000
Vo
Rats Alderley
Park
Augmentation de l’âge de l’ouverture
vaginale après exposition pendant la
gestation
Tyl et coll.,
2002
500 000
Exposition
alimentaire
Rats Sprague–
Dawley
Pas d’effet sur le poids utérin, mais
altération du nombre d’implantations et de
la taille des portées (exposition sur trois
générations)
Honma et
coll., 2002
20
Sc et vo
Souris ICR
(CD-1)
Les descendants présentent une ouverture
vaginale précoce après exposition pendant
la gestation
Tinwell, et
coll., 2000
300 000
Sc et vo
Souris AP
Pas d’effet œstrogénique dans le test
utérotrophique chez des souris immatures
après trois jours d’exposition
Takagi et
coll., 2004
env 150 000
3 000 ppm dans la Rats Sprague–
nourriture
Dawley
Pas d’effet sur l’ouverture vaginale ou la
cyclicité œstrienne après une exposition
périnatale (exposition alimentaire des
mères)
Markey et
coll., 2001
25-250
Pompe osmotique Souris CD-1
maternelle
Augmentation du nombre de structures
terminales épithéliales dans la glande
mammaire après une exposition pendant la
gestation
Ter Veld et
coll., 2009
50 000
Vo
Souris
gestante ERluc
Pas d’augmentation significative de
l’activité luciférase dans les tissus
maternels et fœtaux, faible diminution de
l’activité dans le placenta
Abréviations : ip : intra-péritonéal ; vo : voie orale
Chez les poissons téléostéens et les amphibiens
Des lignées transgéniques de poissons ont également été utilisées. Dans une première
approche une construction de type ERE-tk-Luc a été introduite chez le zebrafish et
l’exposition aux œstrogènes pendant la phase larvaire a montré une activation significative
(200 fois à 1 microM sur des larves âgées de 35 jours). Un seuil de détection à 1 nM
d’œstradiol a été observé (Legler et coll., 2000). Sur une lignée indépendante de zebrafish où
un ERE a été placé en amont du promoteur de la vitellogénine et du gène de la GFP (EREzvtg1-GFP) une induction de l’expression de la GFP à une concentration de 0,01 µg/l
d’éthynylœstradiol a été observée. L’ajout de BPA à une concentration de 1 000 µg/l a
également été noté après 13 jours d’exposition, ce qui montre que le BPA est faiblement
œstrogénique in vivo chez le poisson-zèbre (Chen et coll., 2010). La même dose de 1 000 µg/l
induit l’expression de la GFP après 21 jours d’exposition dans une lignées mvtg1-GFP ou le
promoteur du gène de la vitellogénine 1 de médaka a été fusionné à la GFP (Zeng et coll.,
2005).
L’ensemble de ces données encore fragmentaires confirme la faible œstrogénicité du BPA in
vivo puisque ce composé est 10 000 fois moins puissant que le ligand naturel in vivo (Chen et
coll., 2010 ; Zeng et coll., 2010). Cela pose la question de savoir si les effets phénotypiques
observés après l’exposition sont bien liés à une perturbation œstrogénique. Finalement, il
faut noter qu’aucun des modèles transgéniques actuellement disponibles chez le poisson ne
permet de détection d’une activation œstrogénique à des stades embryonnaires précoces.
Des systèmes similaires ont été également développés chez le Xénope. Ainsi, une lignée
transgénique exprimant la GFP sous le contrôle du promoteur du gène TH-bZIP a été utilisée
pour suivre les effets du bisphénol A sur la fonction thyroïdienne (Fini et coll., 2007). THbZIP est en effet un gène régulé par ces hormones et il a été montré que le bisphénol avait,
Expertise collective – Rapport préliminaire
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comme cela a été montré chez les Mammifères, un effet inhibiteur sur la fonction
thyroïdienne (Fini et coll., 2007).
Études chez les poissons téléostéens
La quasi totalité des études menées chez les poissons téléostéens l’ont été en considérant que
le BPA était un xénœstrogène et ont donc mesuré des paramètres phénotypiques liés a cette
activité œstrogénique. Les principales espèces étudiées dans ces dispositifs sont le medaka
(Oryzias latipes) et le zebrafish (Danio rerio) mais d’autres espèces comme la truite
(Oncorhynchus mykiss), le killifish (Fundulus heteroclitus), parmi de nombreuses autres, ou
même une espèce hermaphrodite comme Rivulus marmoratus ont été utilisées. Il n’est donc
pas possible de dresser ici une liste exhaustive des travaux qui ont été menés. Ces modèles
ont bien sûr l’avantage de tester la présence de molécules œstrogéniques directement dans
les eaux en exposant directement les adultes ou les embryons. Il est ainsi possible assez
directement de faire le lien entre un effet observé à une certaine concentration et les quantités
de perturbateurs endocriniens présents dans une rivière donnée (Kashiwada et coll., 2002).
Activation des récepteurs nucléaires des œstrogènes
La capacité du BPA à activer des récepteurs des œstrogènes de différentes espèces a été
étudiée. On observe des différences faibles au niveau des EC50 7 observées. Ainsi, Matthews
et coll. (2002), dans un test sur cellules mammaires humaines (MCF7), mené avec le domaine
de fixation du ligand de ERα de différentes espèces lié au domaine de fixation à l’ADN de
Gal4, obtiennent des valeurs de EC50 allant de 0,3 a 3 µM avec les activités les plus fortes
pour les récepteurs de souris et de truite arc-en-ciel et des activités plus faibles pour les
récepteurs de poulet ou de Xénope. Des résultats similaires ont été obtenus dans des modèles
cellulaires de poisson (cellules gonadiques RTG-2 ; lignée d’hépatome PLHC1 ; Ackermann
et coll., 2002 ; Rutishauser et coll., 2004 ; Olsen et coll., 2005 ; Cosnefroy et coll., 2009). À notre
connaissance, aucun test de ce type n’a encore été réalisé sur les ERβ clonés chez les poissons
ou le Xénope.
Différents tests
Dans un premier type de test, les effets du bisphénol A sont étudiés en terme de toxicité
générale sur des paramètres très intégrés : la survie (Nagel, 2002 ; Kashiwada et coll., 2002 ;
Ishibashi et coll., 2005), la capacité de ponte (Shioda et Wakabayashi, 2000), la capacité des
œufs à éclore (Shioda et Wakabayashi, 2000 ; Kashiwada et coll., 2002 ; Segner et coll. 2003),
le développement normal des embryons (Pastva et coll., 2001 ; Duan et coll., 2008), la
présence d’ovotestis c’est-à-dire l’apparition chez un poisson mâle d’une gonade comprenant
à la fois les aspects des testicules et des ovaires (Kang et coll., 2002). L’ensemble de ces
paramètres phénotypiques est utilisé dans un test bien cadré, le test DarT (Nagel, 2002). En
se basant sur ce type d’expériences et bien que des différences parfois significatives puissent
être observées d’un paramètre à l’autre et en fonction des dispositifs d’exposition utilisés,
des effets à des doses à partir de 100 µg/l ont été obtenus.
D’autres tests mesurent des effets plus directement œstrogéniques et la plupart d’entre eux
se focalisent sur la mesure de l’induction des vitellogénines chez les mâles. Ces protéines
sont normalement produites par le foie chez les femelles, passent dans la circulation générale
et vont s’accumuler dans l’œuf. L’exposition des mâles (zebrafish ou medaka) aux
7
Concentration molaire d'un agoniste, qui produit 50 % de la réponse maximale pour cet agoniste
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œstrogènes induit la synthèse de vitellogénine et cela offre donc un test simple pour mesurer
les effets du BPA (Segner et coll., 2003 ; Van der Belt et coll., 2003 ; Yamaguchi et coll., 2005 ;
Muncke et coll., 2007). Ceci a même débouché sur un test utilisé en routine, le test MolDarT
qui permet de détecter des effets du BPA à des concentrations de 10 µM. De nombreuses
autres espèces de poissons ont été utilisées dans ce type de test (Segner et coll., 2003 ; Van
der Belt et coll., 2003 ; Pait et coll., 2003 ; Seo et coll., 2006). Lee et coll. (2002) ont observé des
effets similaires en étudiant chez le medaka un autre gène sensible aux œstrogènes, la
choriogénine : une induction après 6 jours de traitements à 50 µg/l de BPA a été obtenue.
Finalement, il faut noter que des gènes différents, non liés a la vitellogénine, ont également
été utilisés comme marqueurs : c’est le cas de ERα, AR, les aromatases, CYP19 (Min et coll.,
2003 ; Tabata et coll., 2003 et 2004 ; Yamaguchi et coll., 2005 ; Lee et coll., 2006 ; Diotel et coll.,
2010) avec des effets le plus souvent positifs mais parfois également des effets inhibiteurs sur
leur niveau d’expression. En général, ces tests sont plus sensibles que les tests purement
morphologiques et montrent un effet à des concentrations de 100 µg/l, la voie majoritaire
d’exposition étant d’ajouter simplement, le plus souvent pendant quelques jours, le BPA
dans l’eau des aquariums dans lequel vivent des mâles adultes.
Autres approches
Enfin, des travaux plus mécanistiques permettent d‘affiner en termes moléculaires les effets
du BPA. Des approches transcriptomiques ont permis de mettre en évidence le réseau de
gènes modifiés après une exposition au BPA et de comparer celui-ci aux gènes dont
l’expression est altérée par les œstrogènes. Ceci a été fait chez le zebrafish (Kausch et coll.,
2008) et chez la carpe (Moens et coll., 2006 et 2007) et dans les deux cas les gènes exprimés
dans le foie ont été étudiés. Les résultats dans les deux espèces montrent que le BPA régule
une série de gènes spécifiques différents de ceux régulés par les œstrogènes. Mais si dans les
expériences menées chez la carpe le profil transcriptionnel du BPA est globalement proche
de celui observé avec des produits clairement œstrogéniques comme l’éthynylœstradiol, ce
n’est pas le cas chez le zebrafish. Chez cette espèce, 211 gènes sont régulés par les œstrogènes
alors que seulement 47 le sont par le bisphénol. Les seuls gènes en commun régulés par les
deux produits sont les vitellogénines. Ces résultats posent la question de la validité des
approches visant à conclure à l’œstrogénicité d’un produit en utilisant simplement
l’induction de ces gènes comme critère. La comparaison détaillée des profils
transcriptionnels générés par le BPA et les œstrogènes apportera certainement des éléments
clefs pour mieux caractériser les effets de ce produit en termes de mécanismes d’action.
Un modèle amphibien, le xénope (Xenopus laevis), a également été utilisé pour caractériser les
effets du BPA. Des traitements de têtards à des doses de 10 ou 100 nM de BPA induit une
féminisation de ces derniers bien que cet effet ne soit pas retrouvé dans tous les types de
traitements effectués, notamment lorsqu’on modifie la période d’exposition (Levy et coll.,
2004 ; Pickford et coll., 2003). Comme chez les poissons, le BPA peut induire l’expression ou
la synthèse de vitellogénine chez le xénope mais il n’est que faiblement actif par rapport à
l’œstradiol puisqu’il ne montre que 0,008 % de l’activité du 17β-œstradiol (Mitsui et coll.,
2007).
Des effets différents, agissant sur d’autres voies de signalisation que celle des ER ont
également été observés chez le Xénope. Une exposition à des doses de 20 µM de BPA à des
stades précoces de développement (avant le stade 10) induit des malformations de la région
céphalique, associées à l’induction d’une apoptose dans le cerveau et la mœlle épinière des
animaux traités (Oka et coll., 2003 ; Sone et coll., 2004). Cet effet développemental a été
associé à des anomalies de la voie Notch et le BPA est en fait capable d’inhiber l’activité de la
gamma-secrétase (Imaoka et coll., 2007 ; Baba et coll., 2009). Plus récemment, une activité du
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BPA sur la voie des hormones thyroïdiennes et donc sur le contrôle de la métamorphose a
été mise en évidence (Heimeier et Shi, 2010). Le BPA à des doses fortes (20 µM) entraîne une
décélération de la métamorphose induite par les hormones thyroïdiennes et diminue
l’expression du récepteur TRβ (Iwamuro et coll., 2003). Cet effet a été reproduit à des doses
plus faibles (0,1 µM) sur des cultures de queues de têtard et ces auteurs ont également
montré un effet sur l’expression RXRγ, le partenaire d’hétérodimérisation de TRβ (Iwamuro
et coll., 2006). En focalisant leur étude sur le remodelage intestinal induit par les hormones
thyroïdiennes au cours de la métamorphose, Heimeier et coll. (2009) ont montré un effet
clairement antagoniste du BPA, capable d’inhiber l’action régulatrice des hormones
thyroïdiennes sur de nombreux gènes cibles. Ces données montrent donc que le spectre
d’action du BPA est bien plus large que la seule action œstrogénique communément admise.
En conclusion, chez les mammifères, l’utilisation de modèles génétiquement modifiés pour
détecter une activité œstrogénique en réponse au BPA est encore peu développée au niveau
des tissus suspectés d’être de potentielles cibles de ce perturbateur (ovaire, utérus,
prostate…).
Parallèlement, des lignées transgéniques de poissons confirme la faible œstrogénicité du BPA
in vivo. Aucun des modèles transgéniques actuellement disponibles chez le poisson ne
permet la détection d’une activation œstrogénique à des stades embryonnaires précoces.
La quasi-totalité des études menées chez les poissons téléostéens (medaka, zebrafish) ou
d’autres espèces comme la truite, le killifish… ont mesuré des paramètres phénotypiques liés
à une activité œstrogénique. Ces modèles ont l’avantage de tester la présence de molécules
œstrogéniques directement dans les eaux en exposant directement les adultes ou les
embryons.
Par des approches transcriptomiques, réalisées chez le zebrafish et la carpe, les gènes
exprimés dans le foie ont été étudiés. Les résultats montrent que le BPA régule une série de
gènes spécifiques différents de ceux régulés par les œstrogènes. Ces résultats posent la
question de la validité des approches visant à conclure à l’œstrogénicité d’un produit en
utilisant simplement l’induction de ces gènes comme critère. La comparaison détaillée des
profils transcriptionnels générés par le BPA et les œstrogènes apportera certainement des
éléments clefs pour mieux caractériser les effets de ce produit en termes de mécanismes
d’action.
De nouveaux modèles d’études, notamment les cellules humaines, pour caractériser chez
l’homme les effets et les mécanismes d’actions du BPA et de ses éventuels produits de
substitution s’avèrent indispensable. Les futures évaluations de risque produites par les
agences sanitaires devront intégrer ces nouvelles approches.
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