La guerre aux recours abusifs est déclarée
Transcription
La guerre aux recours abusifs est déclarée
Date : 13/09/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 58-59 Rubrique : Réglementation Diffusion : 48907 Périodicité : Hebdomadaire Surface : 161 % PERMISDECONSTRUIRE La guerre aux recours abusifs est déclarée L'ordonnance du 18 juillet, applicable depuis le 19 (même aux procédures en cours), fournit plusieurs armes de dissuasion à rencontre des recours contentieux malveillants. L'intérêt à agir du requérant est limité dans le temps et dans l'espace et les pouvoirs du juge sont accrus. août \rW f H'éTtez^) ' PASlA , \ \U i A CitlG ) [Mi/JoTéS'! f avocat,counsel,MRICS avocats. LefèvrePelletieret associés, HÉLÈNE CLOËZ, Attendue par les professionnels de la construction, l'ordonnance n"2013-638du 18juillet 2013, inspirée en grande partie par le rapport du groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle (1),est entrée en vigueur le 19 Son objectif: limiter les recours infondés qui engorgent les tribunaux afin de sécuriser les projets de construction, tout en préservant l'accès au juge. août. INTÉRÊT À AGIRPLUSRESTRICTIF Les requérants ne peuvent plus se contenter de justifier d'un intérêt à agir en raison de leur seule situation géographique. Désor mais, ils doivent démontrer le préjudice direct que leur cause le projet. Préjudice direct Aux termes du nouvel article L.600-1-2du Code de l'urbanisme, les tiers, personnes physiques ou morales (autres que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupe ments et les associations) ne pourront former de recours pour excès de pouvoir contre les permis de construire, de démolir ou d'amé nager que si ces travaux « sont de nature à affecter directement les conditions d'occu pation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'ils détiennent ou occupent régulièrement ou pour lequel ils bénéficient d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L.261-15du Code de la construction et de l'habitation ». ■^kiTc L'objectifest clair :il s'agit de lutter contre les requérants qui se constituent artificielle ment un intérêt pour agir après le dépôt de la demande. Jusqu'à présent, c'est la notion de «voisin» qui justifiait de l'intérêt à agir des tiers. Lajurisprudence appréciait cette notion selon des critères tenant à la proxi mité avec le projet, la nature et l'importance de celui-ci et la confi guration des lieux (CE, L'intérêt à agir 25 avril 2003,n" 243139). du requérant Désormais, il appartient doit s'apprécierà aux tribunaux de définir partir dela les nouvelles notions date d'affichage d'occupation, utilisation en mairiede ou jouissance du bien. la demandede L'articleL.600-1permis 2 semble toutefois ex de construire. clure les recours formés contre une déclaration préalable, alors que le rapport Labetoulle visait l'ensemble des autorisations délivrées en application du Code de l'urbanisme. Cette omission surprend car les recours abusifs peuvent également concerner les arrêtés relatifs aux déclarations préalables. Lefèvre Pelletier & Associés même s'ils sont plus rares. Deux régimes différents coexistent donc, source de com plexité inutile. Appréciation de la situation du requérant La référence au lien juridique existant entre le requérant et le bien lésé par le projet de construire, de démolir ou d'aménager, visée par l'article L.600-1-2C. urb., reprend la juris prudence qui, progressivement, avait affiné les conditions de recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir en la matière. Reste à savoir comment les juges interpréteront ces dispositions, lorsque par exemple, un requé rant invoquera la perte de la valeur vénale de son bien pour justifier de la recevabilité de son recours. L'intérêtà agir est aussi encadré dans le temps: il s'apprécie (articleL.600-1-3C. urb.) à la date d'affichage en mairie de la demande d'autorisation, sauf si le requérant justifie de «circonstances particulières». Cette mesure vise à mettre fin à l'attitude de certains de mandeurs qui se portent in extremisacqué reurs ou locataires d'immeubles situés dans Tous droits de reproduction réservés Date : 13/09/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 58-59 Rubrique : Réglementation Diffusion : 48907 Périodicité : Hebdomadaire Surface : 161 % le voisinage du projet de construction, dans le seul but d'en contester l'autorisation. Néan moins, le cas des requérants de bonne foi est réservé. Cette disposition est la même que celle instituée en 2006, à l'article L.600-1-1 du Code de l'urbanisme, pour restreindre la recevabilité des recours des associations. POUVOIRS DU|UCEÉTENDUS En cours d'instance, le juge administratif dispose de pouvoirs accrus en cas d'annula tion partielle ou conditionnelle du permis de construire, de démolir ou d'aménager semble du projet est fondé, le juge pourra surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixera lui-même pour la régulari sation. Si un permis modificatif intervient à l'issue de ce délai, le juge peut constater la régularisation, après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Cet article, s'inspirant de «l'annulation conditionnelle » préconisée en 2005 par le groupe de travail Pelletier, montre l'ap proche pragmatique retenue par l'ordon nance. Toutefois, les recours formés contre une déclaration préalable sont, là encore, exclus de ce dispositif. Annulation partielle S'il estime qu'un vice n'affectant qu'une partie des travaux peut être régularisé par un permis modificatif, le juge peut fixer lui-même le délai dans lequel le titulaire Encasde préjudice du permis pourra en excessif,lejuge demander la régulari pourracondamner sation. Cette modifica l'auteur du recours tion, introduite abusifàverser par le nouvel article desdommagesL.600-5 C. urb., s'ins intérêts au pire d'une jurispru bénéficiairede dence par laquelle l'autorisation. le Conseil d'Etat a considéré «que le juge peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'au torisation modificative afin de régulariser l'autorisation subsistante, partiellement annulée» (CE, 1" mars 2013, n" 350306). Annulation conditionnelle Autre mesure phare de l'ordonnance: le nouvel article L.600-5-1 C. urb. permet au juge de recourir à l'annulation condition nelle d'une autorisation de construire, de démolir ou d'aménager. S'il constate, à l'oc casion d'une demande d'annulation d'un permis, qu'un seul moyen affectant l'en- OCTROIDEDOMMAGES-INTÉRÊTS L'ordonnance du 18 juillet offre au juge la possibilité de condamner l'auteur d'un recours malveillant à verser des dom mages-intérêts au bénéficiaire du permis si ce dernier a subi un préjudice excessif, excé dant la défense des «intérêts légitimes» du requérant. Le titulaire de l'autorisation peut formuler cette demande indemnitaire dans un mémoire distinct, auprès du même juge chargé d'analyser la requête formée contre l'autorisation d'urbanisme. La demande peut être présentée pour la première fois en appel (nouvel article L.600-7 C. urb.). Reste à savoir si, en présence de conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire présentées devant le juge administratif, une action identique pourra être encore envisa geable devant le juge civil. A souligner: les associations de protection de l'environnement (au sens de l'article L.141-1 du Code de l'environnement) bé néficient, compte tenu de l'objet qu'elles poursuivent, d'un régime de protection particulier. Par principe, ces associations «sont présumées agir dans les limites de la défense de leurs intérêts légitimes » (article L.600-7 C. urb.). Elles ne peuvent donc, sauf preuve contraire, être condamnées à des dommages-intérêts. EN SAV0IB PLUS I Articledumêmeauteurpubliédans« LeMoniteur»: «Lesrecoursabusifsdanslecollimateur delajustice», 1" février2D13,p.48. PROCEDURE TRANSACTIONNELLE ENCADREE En contentieux de l'urbanisme, les désis tements sont assez fréquents, moyennant contrepartie financière. Par souci de trans parence et pour moraliser ces désistements contre rémunération, le nouvel article L.600-8 C. urb. autorise «le versement d'une somme d'argent ou l'attribution d'un avan tage en nature» à tout requérant qui re noncerait à engager un recours contre une autorisation d'urbanisme. Ces transactions doivent faire l'objet d'un enregistrement auprès de l'administration fiscale dans un délai d'un mois, selon l'article 635 du Code général des impôts, modifié par l'ordon nance. Celle-ci complète aussi l'article 680 dudit code en exonérant ces transactions de l'imposition fixe de 125 euros. Aux termes du nouvel article L.600-8 C.urb., toute transaction non enregistrée est ré putée sans cause. Dans ce cas, les sommes versées sont sujettes à répétition de l'indu. L'action en restitution peut être actionnée par les acquéreurs successifs du bien ayant fait l'objet de la transaction. Elle se prescrit par cinq ans à compter du dernier verse ment ou de l'obtention de l'avantage en nature. Cet encadrement des transactions vise un double objectif: dissuader les chan tages exercés dans le but unique d'obtenir un gain financier; et, surtout, déceler les requérants «spécialisés» dans ces types de recours à travers l'enregistrement auprès des services fiscaux, m etdroitau recours:pourun meilleur (1)«Construction équilibré»,rapportremisà CécileDu/lot,ministredel'Ega litédesterritoireset duLogementle25avril,et publiédans «LeMoniteur»du 12juillet2D13,p.5. CE QU'IL FAUT RETENIR « L'ordonnance du 18 juillet, entrée en vigueur le 19 août (même pour les procé dures en cours), repose sur une approche pragmatique, inspirée du rapport Labetoulle. Désormais, l'auteur d'un recours contentieux doit prouver que le projet de construire, de démolir ou d'aménager est de nature à affecter directement les conditions d'utilisation ou d'occupation de son bien. La situation du requérant est appréciée à partir de ladate d'affichage en mairie de la demande de permis. ' En cas de préjudice excessif, le juge peut condamner l'auteur d'un recours malveillant àverser des dommages-in térêts au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme. Toutefois, les associations de protection de l'environnement régu lièrement déclarées bénéficient, compte tenu de l'objet qu'elles poursuivent, d'un régime de protection particulier. Leurs recours sont présumés obéir, par principe, à leurs intérêts légitimes (nouvel article L. 600-7 C.urb,). Lefèvre Pelletier & Associés » Une procédure de régularisation est pré vue en cours d'instance, par exemple si le juge estime qu'un vice entraîne l'illégalité du permis alors que les autres motifs d'annulation ne sont pas fondés. * Les désistements contre rémunération sont encadrés, Cestransactions doivent faire l'objet d'un enregistrement auprès de l'administration fiscale dans le délai d'un mois. A défaut, les sommes versées devront être remboursées. Tous droits de reproduction réservés