Homélie du Grand Chancelier de l`Université de Navarre,

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Homélie du Grand Chancelier de l`Université de Navarre,
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Homélie du Grand Chancelier de l’Université de Navarre,
à l’occasion du cinquantième anniversaire
de la Clinique Universitaire de Navarre
Chers frères et sœurs
En ce quatrième dimanche de Pâque, la liturgie de l’Église est centrée sur la figure du Christ,
le Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis et part chercher celle qui s’est égarée ou qui s’est
fait mal pour la ramener au bercail. Cela avait été annoncé par le prophète Ezéchiel des siècles
auparavant avec ces mots de Dieu : C’est moi-même qui paîtrai mes brebis et leur assurerai le
repos. Je chercherai la brebis perdue et je ferai revenir l’égarée, je panserai la blessée et
prendrai soin de la malade (Ez 34, 15-16).
La première lecture est le reflet de cette sollicitude du Bon Pasteur. Pierre et Jean venaient de
guérir un paralytique aux portes du Temple. Lorsque les chefs du peuple leur posent des
questions sur cette guérison, ils répondent sur-le-champ : Si vous nous interrogez sur le bien
fait à un homme malade et voulez savoir par qui il a été guéri, sachez bien vous tous et tout le
peuple d’Israël que cela a été fait au nom du Christ Nazaréen (Ac 4, 8-9).
Entourer les malades de charité chrétienne et mettre à leur portée tous les soins nécessaires a
toujours été la caractéristique qui a distingué les disciples de Jésus-Christ. Le bienheureux
Jean-Paul II disait ainsi que « l'Eglise, qui naît du mystère de la Rédemption dans la Croix du
Christ, a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le
chemin de sa souffrance. C'est dans cette rencontre que l'homme « devient la route de l'Eglise
» et cette route-là est l'une des plus importantes ».(l)
Nous célébrons cette Sainte Eucharistie pour remercier Dieu des cinquante années de services
rendus à toute la société à partir de la Clinique Universitaire de Navarre et pour implorer la
bénédiction divine sur ceux qui y travaillent et sur ceux qui cherchent à y retrouver la santé.
Le lieu où nous célébrons cette liturgie est un cadre particulier: le centre omnisports de
l’Université, des installations sportives, permettant de se livrer à des activités de loisir sain et
joyeux qui, tout en revigorant le corps, peuvent enflammer l’âme en contribuant à créer et à
développer parmi les participants des liens d’amitié qui les approchent de Dieu.
Il s’agit d’un édifice universitaire parmi tant d’autres, dans ce campus où se trouvent aussi la
bibliothèque, les salles de cours, les laboratoires ainsi que la clinique universitaire. Notre
Messe a donc lieu, comme saint Josémaria Escriva l’évoquait en son inoubliable homélie du
campus, en 1967, dans le cadre du travail ordinaire : un cadre d’étude et de recherche, de
fraternité et de vie salutaire.
La Clinique est le fruit de l’élan créateur du fondateur de cette alma mater qui est l’un des
saints prêtres que le Paraclet suscite dans l’Église pour qu’ils nous guident par leur exemple et
leur doctrine, pour qu’ils rehaussent aux yeux du monde la figure du Christ, le Bon Pasteur de
tous. Aussi, dès les débuts de l’Œuvre, le fondateur de l’Opus Dei a-t-il montré une sollicitude
spéciale pour les malades.
Considérons maintenant l’Évangile de la Messe, contemplons Jésus et écoutons ce qu’il nous
dit: Je suis le bon Pasteur. Le bon pasteur donne la vie pour ses brebis (Jn 10, 11). Et
méditons que c’est sur la Croix que son amour s’est pleinement manifesté parce qu’il a
volontairement assumé la souffrance et la mort pour nous et pour notre salut, afin de nous
racheter de l’esclavage du péché. C’est grâce à ce don de soi et à cet holocauste du Maître,
que le péché, la souffrance et la mort n’auront plus le dernier mot. Ce qui, aux yeux des
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hommes, semblait un échec, est réellement le plus grand triomphe de l’histoire. Et, en toute
logique, nous avons repris avec le psaume responsoriel : La pierre rejetée par les bâtisseurs
est désormais devenue la pierre d’angle (Ps 117 [118] 22).
Cette générosité illimitée du Bon Pasteur se révèle à la célébration eucharistique. À chaque
Messe, c’est le Sacrifice même du Calvaire qui est sacramentellement présent, avec toute son
efficacité rédemptrice.
Le fondateur de l’Œuvre l’éprouva un jour, en 1931, en célébrant le Saint Sacrifice de l’Autel.
Ce jour-là, au fond de son âme, sans bruit de paroles, il entendit le Seigneur qui précisait : Et
moi, quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous vers moi (Jn 12, 32). Je compris, écrit-il
par la suite, que ce seront les hommes et les femmes de Dieu qui hisseront la Croix avec
les doctrines du Christ au sommet de toute activité humaine. Et j’ai vu triompher le
Seigneur, attirant vers Lui toutes les choses (2). Il n’y a pas d’existence chrétienne sans
Croix. Il n’était prêtre que depuis peu et saint Josémaria passait beaucoup de temps au chevet
des malades, à les entourer et à les consoler dans leur souffrance en leur procurant sa chaleur
humaine et le don précieux des sacrements. Il voyait en eux la figure aimable et dolente du
Christ, chargé de nos soucis et nos souffrances et il avait soif de soulager le Christ qu’il
retrouvait chez ces malades.
Quelques années auparavant, en 1928, le Seigneur lui avait fait voir l’Opus Dei, chemin de
sanctification dans le travail professionnel et dans les circonstances ordinaires du chrétien.
Depuis, il consacra sa vie à l’accomplissement de la tâche que Dieu lui avait confiée. Fidèle à
cet esprit, il promut, parmi beaucoup d’activités apostoliques, la mise en route de l’Université
de Navarre : un projet civil, imbu d’esprit chrétien, réalisé par des hommes et des femmes qui
aiment passionnément le monde où ils vivent et qui, poussés par cet amour, tâchent de lui
apporter ce qu’ils ont de meilleur : leur préparation scientifique, humaniste et technique, leur
volonté de service, la foi réjouissante et la joie d’avoir trouvé le Christ. J’ai rappelé il y a
quelques instants que dans le cœur de saint Josémaria, les patients ont toujours trouvé un lieu
privilégié. Quand il lui fallut écourter la fréquence de ses visites aux hôpitaux de Madrid pour
se vouer à consolider l’Opus Dei, tâche que le Seigneur lui avait confiéé, il écrivit quelque
chose de très significatif : Mon Jésus ne veut pas que je le quitte et il m’a rappelé qu’Il est
cloué sur un lit d’hôpital (3). C’est sans doute pour cela qu’il tint essentiellement à ce que la
Faculté de Médecine fût l’une des premières de l’Université de Navarre qui devait compter
avec une clinique universitaire tout en étant parfaitement conscient de la difficulté
incommensurable que la mise en route de ce projet supposait.
Nous voulons aujourd’hui rendre grâces pour la fidélité de notre Fondateur, pour le don
d’eux-mêmes de ces femmes et de ces hommes qui, avec leur disponibilité totale et généreuse,
permirent alors à saint Josémaria de réaliser ces aspirations et pour tous ceux qui aujourd’hui
poursuivent cette tâche. Ne pouvant pas les nommer tous, je vais me limiter à en rappeler
quelques uns, déjà décédés, et qui, en quelque sorte, représentent tous les autres : les
professeurs Jimenez Vargas et Ortiz de Landazuri, qui se sont dépensés à faire aller de l’avant
la Faculté de Médecine et la Clinique ; le docteur Mari Carmen Adalid et Amelia Fontan,
l’une des directrices qui ont contribué au lancement de l’École d’Infirmières. Tous et toutes
étaient poussés par le désir d’atteindre la sainteté que saint Josémaria leur avait communiqué.
Un événement de la vie du docteur Ortiz de Landazuri reflète bien ce désir-là. L’un de ses
biographes raconte que lorsqu’il déménagea de Grenade à Pampelune, avec toute sa famille,
l’éminent professeur Carlos Jimenez Diaz, son maître, et une lumière de la Médecine
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espagnole, lui demanda : « Si vous aviez à choisir entre être saint ou décrocher le prix Nobel,
que choisiriez-vous ? » Édouard n’hésita pas une seconde: “Don Carlos, il n’y a aucune
contradiction là-dedans. Si je veux être saint, il me faut travailler pour décrocher le prix
Nobel » (4)
Le fondateur de notre université comprenait que l’activité ordinaire de la Clinique était une
occasion excellente pour que chacun, chacune, exerce l’âme sacerdotale propre à tous les
chrétiens. Aussi quand à un moment donné il répondit à la question d’un traumatologue qui
voulait savoir comment éviter la routine dans l’agir professionnel, il lui dit : « Sois en
présence de Dieu. Invoque la Mère de Dieu, comme tu le fais déjà. Hier j’ai été au chevet
d’un malade que j’aime de tout mon cœur de Père et je comprends le grand travail
sacerdotal des médecins. Vous devez actualiser ce sacerdoce. Lorsque tu te rinces les
mains, quand tu enfiles ta blouse, quand tu mets tes gants, pense à Dieu et à ce sacerdoce
royal dont parle saint Pierre. Alors tu ne tomberas pas dans la routine : tu feras du bien
aux corps et aux âmes (5).
Saint Josémaria nous encourageait à contempler la réalité sans se limiter aux aspects
techniques, qu’il considérait indispensables, bien évidemment. Son regard était plus perçant :
il voyait des personnes avec lesquelles on travaille, qu’il faut servir, comprendre, consoler et
soigner. Aussi appréciait-il énormément le travail des infirmières, toujours prêtes à entourer
les patients, avec une préparation professionnelle extraordinaire et une chaleur humaine
accueillante. En effet, ce métier qui nécessite d’une grande préparation technique, offre
beaucoup d’occasions d’exercer l’âme sacerdotale. Benoît XVI le perçoit ainsi : « la grandeur
de l’humanité est essentiellement déterminée par sa relation avec la souffrance et avec celui
qui souffre
C’est tout aussi valable pour l’individu que pour la société. « Une société qui ne réussit pas à
accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en
sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et
inhumaine » (6).
Saint Josémaria eut un jour l’occasion de le dire à une infirmière de la Clinique qui lui
demandait comment mieux faire son travail. Votre travail est un sacerdoce, aussi
important ou plus que celui des médecins (…) parce que vous êtes toujours près du
malade. Le médecin arrive, repart. Il porte les malades dans sa tête, mais il ne les a pas
constamment sous les yeux. Aussi, je pense qu’être infirmière est une vocation
particulière pour une chrétienne. Mais pour que cette vocation se perfectionne, il vous
faut être des infirmières bien préparées, scientifiquement parlant, et puis une délicatesse
très grande : la délicatesse qui fait la renommée de la Faculté et de la Clinique
Universitaire de Navarre (7).
Pour saint Josémaria c’était une évidence: les malades doivent être entourés d’un total respect
de leur dignité, aussi bien d’un point de vue médical que spirituel et humain. C’est pourquoi,
dans cette Clinique, le soin de la décoration, des services de buanderie, la cuisine, sont aussi
importants que les moyens techniques les plus sophistiqués au service du travail de
diagnostique ou chirurgical. Je suis sûr que le Seigneur voit avec une tendresse particulière les
personnes qui, en ce secteur, concilient leur préparation technique avec un amour créatif qui
fait que la rigueur de la maladie soit plus supportable.
Dans une ambiance de famille, la science médicale est aussi importante que la chaleur
humaine pour soulager la souffrance dans la mesure du possible. Certes, la souffrance est l’un
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des trésors de l’homme sur cette terre et il ne faut jamais la minimiser (8) et saint Josémaria,
avec son bon sens et son sens surnaturel, soulignait aussi cette règle basique de prudence et de
charité : la souffrance physique, si elle peut être supprimée, on la supprime. La vie a déjà
suffisamment de souffrance comme ça ! Et quand on ne peut pas la faire disparaître, on
l’offre (9).
Dans ses cinquante ans d’existence, la Clinique de l’Université de Navarre est devenue une
institution à la pointe du service de la santé. En même temps, elle se dresse tous les jours
comme un grand sanctuaire d’où s’élève vers le Ciel cette oblation pure et très agréable à
Dieu, qui est le fait d’hommes et de femmes, de malades et de professionnels de la santé, qui,
chacun à sa place, témoignent de ce que l’âme sacerdotale et le professionnalisme laïc sont
parfaitement complémentaires. Permettez-moi de vous dire que je vois la clinique comme une
grande usine de science et de sainteté. Ce qu’elle a apporté à l’amélioration de l’assistance
sanitaire de beaucoup de personnes est déjà significatif et son importance pour les années à
venir est aussi très grande puisque les catholiques nous sommes appelés à redécouvrir les
chemins les plus adéquats pour une nouvelle évangélisation de la société civile qui a besoin de
dépasser les vieux schémas de technicismes fermés à l’esprit, pour être totalement ouverte au
service de chaque homme et de tout l’homme.
Nous qui sommes conscients d’être des fils de Dieu nous avons beaucoup à apporter au
monde où nous vivons. Durant le temps pascal, la liturgie nous aide à être conscients de ce
que nous sommes et de ce qu’on attend de nous. Nous l’avons entendu lors de la seconde
lecture, tirée de la lettre de saint Jean : Très chers, maintenant nous sommes enfants de Dieu
et ce que nous serons n’est pas encore manifesté (l Jn 3, 2).
Nous avançons, comme des porteurs d’espérance, sur cette terre assombrie par le
découragement provoqué par la crise matérielle et spirituelle que traverse notre société. En
tant que fils de Dieu, nous sommes, comme le disait saint Josémaria, les porteurs de la seule
flamme capable d’éclairer les chemins terrestres des âmes, de la seule lumière
resplendissante qui ne peut jamais connaître ni l’obscurité ni la pénombre, ni l’ombre
(10)
Ayons recours à Sainte Marie que l’Église invoque comme Salus infirmorum, Santé des
malades. Nous lui demandons de nous apprendre, comme elle le découvrit à Jean, le disciple
bien-aimé qu’elle reçut comme son fils près de la Croix de Jésus, à découvrir le sens chrétien
de la souffrance et du Bel Amour, de nous apprendre à mettre le Christ au sommet de toutes
les activités, avec notre travail bien achevé, de sorte que ses fruits soient abondamment
répandus sur le monde, pour donner la santé au corps et le salut à l’âme. Ainsi soit-il.
Notes
1 Jean—Paul II, Lettre apostolique Salvifici doloris, 11 février1984, n. 3.
2 Saint Josémaria, Notes intimes 7 août 1931, n. 217.
3 Saint Josémaria, Notes intimes, 28 octobre 1931, n. 360.
4 J. A. Narváez Sánchez, El Doctor Ortiz de Lanzáduri. Un hombre de ciencia al encuentro
con Dios, Palabra 1997, p. 93.
5 Saint Josémaria, Notes prises lors d’une réunion familiale, 26 novembre 1972.
6 Benoît XVI, Lettre encyclique Spe Salvi, 30 septembre 2007, n. 38.
7 Cité par G. Herranz, “Sin miedo a la vida y sin miedo a la muerte”, dans: M. A. Monge (ed),
San Josemaría y los enfermos. Palabra 2004, p. 104.
8 Cf. saint Josémaria, Chemin, n. 194.
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9 Cité par G. Herranz, “Sin miedo a la vida y sin miedo a la muerte”, dans: M. A. Monge
(ed), San Josemaría y los enfermos. Palabra 2004, p. 95.
10 Saint Josémaria. Forge, n. 1.