rkk antony - Renaud

Transcription

rkk antony - Renaud
Oui, extra-ordinaire personnage que cet Antony Hegarty mieux connu sous le nom d'Antony & The Johnsons
qui, dans le cadre d'un "domaine privé" programmé par Laurie Anderson, a présenté ce merdredi 6 mars "She's
so blue", une toute nouvelle création salle Pleyel. Un cadre à la hauteur pour cette voix de falsetto qui depuis une bonne décennie intrigue, fascine, envoûte... Cet
Anglais de naissance est sans doute plus à l'aise sur sa terre d'adoption, les USA, même si ses maîtres de références
s'appellent Boy George ou Marc Almond. Björk, Lou Reed, Rufus Wainwright l'ont côtoyé sur scène ou sur disque. Evidemment, une soirée avec Antony n'engendre pas la légèreté ; de balllade en blues, ça pourrait friser le plombant.
Sauf que ce timbre hors normes et ce physique imposant vous embarquent dans un voyage dont on ne mesure l'intensité
que... quand on atterrit, 90 minutes plus tard.
Entretemps, il y a les subtilités, les inventions d'un orchestre constitué de caïds ayant navigué sur toutes les mers (de
Julian Joseph, autorité du piano jazz à Renaud Gabriel Pion, souffleur de moult aventures contemporaines), des
arrangements ébouriffants à chaque mesure, chaque accord (big up Steve Bernstein). Tour à tour puissant et évanescent, il
offre à la voix un écrin tout simplement unique.
Quant à Antony, le rapprochement avec Nina Simone, dans le timbre, est frappant. Bien sûr, il y a ses thèmes
emblématiques, par exemple "Child of God". Un gospel comme "Motherless Child", quasiment a capella, et une surprise,
qu'il présente comme sa première musique chantée en club... "I will survive", au ralenti sur un beat obsessionnel aux
cymbales de Kenny Wolesen. Il y a encore l'apparition, l'espace d'une chanson diaphane, de Laurie Anderson au violon. Il y a enfin, pour un des quatre bis, la présence sur scène de Lou Reed himself pour un "Candy said" d'anthologie.
Oui, le classique du Velvet. D'abord fragile, la voix grave de Lou Reed prend de l'assurance, celle, aérienne, d'Antony
l'emmène dans de subtiles entrelacs. Et dans les respirations de la musique, c'est Pleyel qui retient son souffle. Dame, c'est pas tous les siècles qu'on vit de tels moments. Antony is (vraiment) magic...
Rémy Kolpa-Kopoul 7 mars 2013, Nova Planet.com
Longue robe noire, cheveux noirs et lisses tombant sur les épaules, Antony Hegarty entre en scène après ses musiciens.
Un one-shot intitulé « She’s So Blue » — ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais vraiment rien. Sous la direction du
trompettiste Steve Bernstein, Douglas Wieselman et Renaud Gabriel Pion se partageaient les soufflants (clarinette,
saxophones, cor anglais, flûte), Julian Joseph jouait du piano et de l’orgue, Leo Abrahams de la guitare, Bradley Jones
de la basse et Kenny Wollesen (The Dreamers John Zorn, Love Trio Ilhan Ersahin) de la batterie et du vibraphone.
Antony, régnant sur tout le monde, s’accompagnait parfois lui-même au piano, notamment sur les tubes « You Are My
Sister » ou « Hope There’s Someone ». Pour quelqu’un qui connaît mal son répertoire, ce ne sont pas les tubes la partie la
plus savoureuse, mais les reprises et les standards de gospel comme « A Child of God (It’s Hard to Believe) » —
définitivement la plus belle chanson de la soirée — et « Sometimes I Feel Like A Motherless Child », qu’il interprète après
un discours sur les homosexuels et les personnes transgenres. À travers ces quelques paroles féministes en préambule, les
orphelins de la spiritual song deviennent ceux de la société.
Antony Hegarty a le don de vous procurer des frissons même sur les morceaux les plus rebattus : « I Will Survive » en est
la preuve la plus surprenante, une chanson qu’ils s’excuse de chanter juste avant avec une certaine malice, la première qu’il
ait jamais interprétée dans un club. On reconnaît les paroles, la mélodie, mais pas la chanson : elle est métamorphosée en
un poème, que l’on relie inévitablement au discours sur les personnes transgenres. Derrière, les musiciens construisent une
énergie gagnante : montées en puissance qui arrachent des larmes à la moitié de la salle tandis que la voix se fait lyrique, ou
ambiance cotonneuse au toucher léger et délicat. Le groupe fabrique une bulle d’émotion qui prend toute la salle : au rappel,
on se lève instantanément et on reste debout pour fredonner le « mmmh » qu’il nous a demandé, tandis qu’il surfe par
dessus avec une facilité déconcertante.
Mais ce sont les apparitions de Laurie Anderson et Lou Reed qui auraient pu me faire crier comme toute groupie qui se
respecte, si nous n’avions pas été dans la très chic salle Pleyel : elle sur un morceau au violon à la moitié du concert, lui en
rappel.
Belette, belettejazz.wordpress.com
Laurie Anderson avait donc convié l’artiste pour faire partie de ce Domaine privé à la sauce New Yorkaise bien trempée,
histoire de nous offrir sa vision kaléidoscopique et poétique, symbolisée ici par Antony Hegarty. En ce qui le concerne,
c’est avec un plaisir non dissimulé que l’auteur-compositeur a interprété tous ses morceaux préférés piochés chez d’autres
compositeurs de talents. Une collaboration musicale orchestrale puisque celui-ci (l’orchestre) se composait, en plus
d’Antony Hegarty au piano et au chant, de Steven Bernstein (Sex Mob) à la direction musicale (la trompette et le cor), de
Douglas Wieselman (à la clarinette et au saxophone) et Renaud Gabriel Pion (saxophone, cor anglais, flûte et clarinette) ainsi que de Julian Joseph au piano et à l’orgue, Kenny Wollesen aux percussions, Bradley Jones à la basse et Leo
Abrahams à la guitare. Une symphonie de pro donc pour un superbe concerto. Une sélection des chansons fétiches
présentées par le passé se sont ajoutées à la liste d’autres classiques.
Pour revenir sur Antony Hegarty, je dois dire que ses morceaux ressemblent plus souvent à des ballades blues touchantes
qu’à des symphonies vivantes. Sauf que, durant les 90 minutes qu’a duré le concert, nous étions parti dans le voyage avec
lui. Entre les subtilités contemporaines et les arrangements époustouflants, on se laisse porter par ce flot de
nouveautés. /... /
Jeremy, you-s.com 7 mars