Conduite à tenir en cas de grossesse 13

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Conduite à tenir en cas de grossesse 13
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13
Conduite à tenir en cas de grossesse
Evidence
Based
Medicine
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Recommandations officielles
Recommandations
officielles
Avis
Avisd’experts
des experts
Méthotrexate et risque de malformations
Il faut rappeler que le risque « spontané » de malformations dans la population générale, en
dehors de toute prise médicamenteuse, est de 2 %, le risque 0 n’existant pas.
Le MTX est un antimétabolite cytostatique qui expose à des risques mutagène, tératogène et
abortif démontrés et doit donc être impérativement interrompu avant la conception.
l Risque mutagène
Il a été démontré que le MTX provoque des altérations chromosomiques, sur des cellules
somatiques animales et des cellules de moelle osseuse humaine, bien que leur signification
clinique reste incertaine.
l Risque tératogène
Il inhibe la dihydrofolate réductase et sa toxicité sur les cellules à prolifération rapide est
associée à des effets tératogènes connus de longue date. Il induit une embryo-fœtopathie
caractéristique associant malformations des membres (réduction, hyperdactylie, syndactylie,
orteil et ongle hypoplasiques), des anomalies du SNC (tube neural, hydrocéphalie, agénésie du
corps calleux, hypoplasie du cervelet) et du crâne (retard d’ossification, crâniosténose,
craniosynostose, dysmorphie faciale) et plus rarement des malformations cardiaques
(tétralogies de Fallot,…), ces malformations ayant été majoritairement rapportées lors de
l’utilisation du MTX en cancérologie avec des posologies élevées.
Le taux global de malformations majeures, pour des doses « faibles » (≤ 30 mg/semaine), est
de l’ordre de 6 %, soit 2 à 3 fois supérieur au taux attendu. La période à risque concerne au
moins le 1er trimestre et des anomalies compatibles avec le tableau malformatif du MTX sont
décrites dès 5 SA. Une dose-seuil ne peut être précisée, des tableaux malformatifs ayant été
observés dès 12,5 mg/sem en dose totale.
l Risque abortif
Il augmente le risque d’avortement spontané et a été utilisé, à fortes doses, pour l’interruption
de grossesses ectopiques.
Méthotrexate et fertilité
Aucun élément ne semble évoquer une répercussion du MTX sur la fertilité féminine, en
particulier aux posologies immunosuppressives.
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Prise en charge pratique des patients sous méthotrexate
Les données publiées concernant les effets du MTX sur la fertilité masculine sont divergentes.
Certaines études font état d’une oligo ou azoospermie réversible à l’arrêt du traitement chez
des patients traités par MTX seul (psoriasis) ou associé à d’autres cytostatiques (cancers).
D’autres études ne confirment pas ces effets. La proposition de conservation de sperme avant
initiation d’un traitement par MTX nous paraît excessive et susceptible d’inquiéter le patient, voire
de conduire au refus de traitement.
Prescription chez la femme en âge de procréer
Avant de prescrire le MTX, il faut s’assurer qu’il n’y a pas de grossesse en cours, rappeler que
l’utilisation d’une contraception efficace est nécessaire, et informer la patiente des effets du MTX
en cas de grossesse.
Conduite à tenir en cas de souhait de parentalité
l Chez la femme
• Délai à respecter entre l’arrêt du méthotrexate et la conception
Les données anciennes en Rhumatologie faisaient état d’un délai de trois mois entre l’arrêt
du MTX et la conception, délai qui n’était pas solidement documenté.
La demi-vie d’élimination plasmatique du MTX est de 3 à 4 heures. Le MTX est donc éliminé
du compartiment plasmatique en 24 heures (7 demi-vies). Toutefois, il existe une
accumulation intracellulaire de complexes polyglutamates pouvant être responsable d’une
inhibition de la croissance cellulaire malgré l’élimination du MTX.
En théorie selon le Centre de Renseignements sur les Agents Tératogènes (CRAT), une
conception est donc possible environ une journée après la fin du traitement (1). Par
précaution, il est proposé de poursuivre la contraception jusqu’à la fin du cycle en cours.
Une étude a montré qu’il n’y avait pas de risque tératogène si le MTX est arrêté entre
12 semaines et 24 heures avant la conception (2). Cette étude européenne avait pour
objectif d’estimer les risques tératogènes d’une exposition au MTX en cas de maladie autoimmune. Elle a comparé les issues de grossesses survenues chez 4 groupes de femmes :
• ayant pris du MTX au moment de la conception (< 30 mg/semaine) ;
• ayant stoppé le MTX moins de 12 semaines avant la conception ;
• non traitées par MTX mais appariées sur le type de maladie auto-immune ;
• sans maladie auto-immune.
Les indications étaient une polyarthrite rhumatoïde (62 %), un psoriasis (11 %), un lupus (6 %),
une maladie inflammatoire digestive (5 %) ou une spondylarthrite ankylosante (4 %). Ainsi,
188 femmes ont débuté une grossesse pendant le traitement par MTX. La durée moyenne de
poursuite du MTX après la conception était de 4,3 semaines et plus de la moitié des femmes
ont été exposées au MTX au moins jusqu’à la 5ème semaine de grossesse.
Par ailleurs, 136 femmes ont débuté une grossesse dans les 12 semaines suivant l’arrêt du
traitement, dont la moitié avaient stoppé le MTX dans les 2 semaines précédant la
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Prise en charge pratique des patients sous méthotrexate
conception. La posologie moyenne était de 10 mg/semaine (2 à 30 mg) chez les femmes
ayant débuté une conception pendant le traitement et de 15 mg/semaine (2,5 à 30) chez
celles ayant débuté une conception après l’arrêt du traitement.
Par rapport aux femmes témoins porteuses d’une pathologie autoimmune et aux témoins
sans pathologie, l’incidence des avortements spontanés était statistiquement plus élevée
chez les femmes traitées par MTX après la conception (respectivement 42,5 % versus 22,5 et
17,3 %) soit un risque ajusté multiplié par 2,1 par rapport aux femmes témoins avec
pathologie et 2,5 par rapport aux femmes témoins sans pathologie auto-immune. Ceci
confirme donc les effets embr yotoxiques du MTX. Pour 4 (3,5 %) des 114 grossesses
exposées au MTX en pré-conception, il existait des malformations majeures et pour 5
(4,4 %) des malformations mineures. Chez les 106 femmes traitées par MTX après la
conception, 7 (6,6 %) malformations majeures et 2 malformations mineures (1,9 %) ont été
répertoriées. Ainsi, l’exposition au MTX après la conception multiplie par 3,1 (1,03-9,5) le
risque de malformation majeure. En revanche, si le MTX est stoppé dans les 12 semaines
précédant la conception, le risque malformatif n’est pas différent de celui des femmes non
exposées au MTX (OR=1,1 ; IC 95 % 0,3-4,2). Ainsi, le MTX per os à faible posologie,
administré en début de grossesse, multiplie par 3 le risque de malformation majeure
(6,6 % ; 2,6-13).
l Chez l’homme
• Délai à respecter entre l’arrêt du méthotrexate et la conception
En cas de conception au cours d’un traitement paternel mutagène, comme le MTX, le risque
théorique est celui d’un effet sur le matériel génétique du spermatozoïde fécondant.
Les données publiées concernant les enfants conçus par des hommes traités par MTX sont
peu nombreuses, mais aucun élément inquiétant n’est retenu à ce jour.
- Une étude prospective française du CRAT a analysé les conséquences d’une exposition
paternelle au MTX dans les 3 mois précédant la conception ou pendant la conception (3).
Cette étude a porté sur 42 grossesses pour lesquelles 40 hommes étaient traités par MTX
lors de la conception (23 pour maladies inflammatoires, 9 pour un psoriasis, et 8 pour une
pathologie maligne). La posologie hebdomadaire de MTX variait de 7,5 à 30 mg. Ces
grossesses ont conduit à 36 enfants vivants, 3 avortements spontanés et 3 interruptions
volontaires de grossesse, aucune anomalie congénitale n’étant observée.
- Une autre étude s’est intéressée à l’effet d’une exposition paternelle aux traitements de
fond, au cours des 3 mois précédant la conception, sur la survenue de malformations
sévères (4). Dans la cohorte norvégienne NOR-DMARD, il y avait une exposition paternelle
avant conception pour 110 naissances : 33 % d’anti-TNF en monothérapie, 19 % en
combinaison avec le MTX, 25 % de MTX en monothérapie ou en combinaison avec d’autres
traitements de fond synthétiques et 15 % d’autres traitements de fond synthétiques. La
dose de MTX était comprise entre 12,5 et 20 mg/semaine. La comparaison était effectuée
avec la population générale après ajustement sur l’âge maternel et paternel à la naissance
et sur l’année de naissance. Les données étaient rassurantes puisqu’aucune association
n’était retrouvée entre une exposition paternelle pré-conception au traitement de fond et
des malformations sévères.
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Prise en charge pratique des patients sous méthotrexate
- Une étude allemande, observationnelle prospective a analysé les données du TIS (Teratology
Information Service / équivalent allemand du CRAT) de 1995 à 2012 (5).
Il s’agissait de :
- pères de sexe masculin traités par MTX pour une maladie inflammatoire (dose médiane
15 mg/sem ±5 mg - durée médiane 10 semaines après les dernières règles de la femme)
- 113 grossesses (19 cas ou le père avait été exposé au MTX pendant les 3 mois précédant la
conception - 94 cas où le MTX avait été poursuivi jusqu’au moment de la conception)
- contrôles : 412 grossesses pour lesquelles le père n’était pas exposé au MTX.
Les résultats ne montraient pas de différence significative pour la totalité des paramètres
liés à la grossesse :
- avortements spontanés : 21,4 % sous MTX vs 22,4% sans traitement (HR=1,19 ; 0,65-2,17)
- naissances vivantes à terme : comparable - 65,2 % vs 69,1 %
- anomalies congénitales : toutes anomalies (OR=0,97 ; 0,4-2,4) / anomalies majeures
(OR=1,02 ; 0,16-6,57)
- âge gestationnel, poids ou taille à la naissance, périmètre crânien : aucune différence
significative.
D’une manière générale, il est préférable d’éviter une conception sous traitement mutagène.
Bien qu’aucune donnée fiable ne permette actuellement de se prononcer, il est préférable, en
théorie, d’attendre au moins 3 mois (un cycle de spermatogenèse) entre l’arrêt du MTX et
une conception.
• Poursuite du traitement paternel lors de la grossesse
On peut raisonnablement penser que la quantité de MTX qui pourrait être présente dans le
sperme, et donc éventuellement transmise à la mère lors de rapports non protégés, est
très faible (aucun dosage dans le sperme n’a été réalisé).
Cependant, dans la mesure où rien ne permet de définir une concentration maternelle
circulante en deçà de laquelle on peut écarter le risque malformatif du MTX, on pourra
proposer au couple, par précaution, d’utiliser des préservatifs dans les 24 heures qui
suivent la prise si le traitement paternel est poursuivi (ou repris) en cours de grossesse.
Conduite à tenir en cas de grossesse initiée sous méthotrexate
l Traitement maternel par MTX
Le traitement doit être arrêté le plus rapidement possible et il faut faire une déclaration au
Centre Régional de Pharmacovigilance. Il est préférable d’orienter la patiente vers un centre
prenant en charge les grossesses à risque pour une surveillance échographique renforcée et
un dépistage prénatal ciblé sur les malformations décrites. L’évaluation du risque doit être
effectuée au cas par cas, en tenant compte de la chronologie de la prise et de la posologie.
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Prise en charge pratique des patients sous méthotrexate
l Traitement paternel par MTX
Il faut rassurer le couple quant aux conséquences du traitement paternel par MTX sur la
grossesse et envisager une surveillance échographique de qualité.
l Allaitement
Deux observations font état d’un très faible passage du MTX dans le lait (l’enfant reçoit
jusqu’à 0,1% de la dose maternelle en mg/kg). Cependant, ces dosages ont été réalisés
après une prise unique de MTX et ne peuvent être extrapolés aux traitements répétés.
Il est donc préférable, par prudence, d’attendre 24 heures (7 demi-vies) après
l’administration du MTX pour allaiter un enfant.
Références
1. CRAT : Centre de Renseignements sur les Agents Tératogènes, Hôpital Armand Trousseau, Paris, AP-HP. Site
internet : http://lecrat.org
2. Weber-Schoendorfer C, Chambers C, Wacker E et al. Pregnancy outcome after methotrexate treatment for
rheumatic disease prior to or during early pregnancy: a prospective multicenter cohort study. Arthritis Rheumatol.
2014;66:1101-10.
3. Beghin D, Cournot MP, Vauzelle C, Elefant E. Paternal exposure to methotrexate and pregnancy outcomes.
Rheumatol. 2011;38:628-32.
4. Wallenius M, Lie E, Daltveit AK et al. No excess risks in offspring with paternal preconception exposure to
disease-modifying antirheumatic drugs. Arthritis Rheumatol. 2015;67:296-301.
5. Weber-Schoendorfer C, Hoeltzenbein M, Wacker E et al. No evidence for an increased risk of adverse pregnancy
outcome after paternal low-dose methotrexate: an observational cohort study. Rheumatology (Oxford).
2014;53:757-63.
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