La guerre d`Algérie 4

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La guerre d`Algérie 4
B- Le regroupement des villages
Le regroupement autoritaire des populations musulmanes pendant la guerre a été minimisé mais fut quelque
chose de très important.
On a confié les pleins pouvoirs aux militaires qui raisonnent en fonction de tactique militaire. Comme les
fellagahs sont soutenus par la population musulmane civile, il faut faire en sorte que ce soutien n’est plus
lieu. « Les fellagahs sont comme des poissons dans l’eau. Retirons l’eau, ils crèveront. »
On va rayer de la carte des villages et déplacer les populations dans d’autres villages ou dans des camps.
Ainsi, le FLN n’aura plus de bases pour se nourrir, plus de bases morales non plus pour revoir de temps à
autres leurs familles.
Ces opérations de regroupement de population commencent dès 1955 de manière ponctuelle
(thèse du socioogue Michel Cornaton).
Ces regroupements ont 2 aspects :
Le recasement : c’est le déplacement de la population d’un village dans un autre village.
Les regroupements qui sont le déplacement des populations dans des camps créés exprès.
Dans les 2 cas, la situation des populations est précaire surtout dans les
camps. Cela va concerner 1 million de personnes et à la fin de la guerre,
cela concernera 2 millions de personnes.
On explique aux gens que c’est du provisoire, que c’est pour les protéger des
fellaghas. Il est d’ailleurs arrivé que des villages demandent à l’armée
française de les protéger en les prenant pendant quelque temps dans un autre
village pour éviter la pression du FLN mais ce sont des cas relativement
rares que l’on a donné et grossi pour justifier ces regroupements. La plupart
du temps la population est arrachée malgré elle de ses villages.
Dans ces camps, la population végète dans la misère. Elle est nourrie par l’armée française mais elle ne peut
pas reconstituer ni élevage ni culture. Et il y a encore l’idée que l’on peut faire coexister les 2 populations !
ce qui est faux à partir du moment où l’on détruit les villages et arrache la population de ses maisons.
Désormais, à partir de 1956-1957 surtout il y a des zones
interdites en Algérie (en violet clair) : surtout dans les Aurès,
la presqu’île de Collo la Kabylie, l’Ouarsenis et les régions
frontalières… C’est le sens de ces regroupements.
Toute présence vivante (personnes et animaux) est interdite.
L’armée peut tirer à vue sur tout ce qui bouge.
En général, quand on vide un village, on le brûle pour éviter
que le FLN ne s’en serve d’abri.
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Le regroupement est confié au général Georges Parlange qui doit agir contre son gré. Il écrit :
« [La population a été acculée par son] exode à une ruine totale : Elle est maintenant uniquement
justiciable de nos services sociaux et médicaux. Il faudra aider plus d’un million d’Algériens à se refaire
une vie ou à retrouver leur ancien habitat abandonné »
On a totalement déstructuré l’Algérie par ces opérations. Cela, on l’a à peine su.
Les 2 principales dénonciations de ces regroupements sont venues :
La 1ère de Michel Rocard, jeune énarque envoyé en Algérier auprès de Paul Delouvrier, ministre
résident à partir de de Gaulle. Il envoie un rapport sur les camps (qui n’est pas publié à
l’époque !) Delouvrier s’en sert, mais les regroupements ne sont pas arrêtés.
L’autre dénonciation vient du journal Le Figaro, où un grand reporter, Pierre Macaigne publie le 22 juillet
1959 publie un article à la suite d’un grand reportage qu’il a fait dans le Constantinois dans un village qui
s’appelle Bessombourg et où existe un camp de regroupement.
En 1957, pour des raisons de stratégie militaire le village de Ziabra s’est retrouvé en Zone interdite : Résultat
de ce découpage, 2774 habitants de ce village vont être rassemblés à Bessombourg (Zitouna), dans la
presqu’île de Collo, un ancien centre d’exploitation forestière au milieu de la montagne dans le
Constantinois.
« 123 tentes étaient étroitement serrées sous les pins, 57 gourbis aux toits de chaume et 47 maisons solides.
Là, les familles vivent déjà depuis juin 1957 à 15 personnes par tente dans un mélange humain
indescriptible. Justement une chaleur fauve qui dépasse largement les 40° a régné. Ce qui signifie que la vie
dans une tente est si insupportable.
À Bessombourg vivent mille huit cent soixante enfants. Quelques-uns ne pouvaient se rendre à l’école.
Pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas de vêtements convenables. Je veux dire décents. Ils n’avaient pour
s’habiller qu’un semblant de chemise déchirée qui les couvre à peine ».
Ce fut une tactique militaire efficace mais , sur le plan humanitaire et à long terme, cefut une mesure
catastophique.
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C- La bataille des frontières
La ligne Morice le long du barrage électrifié
Le FLN, s’il a eu à combattre une armée beaucoup plus forte, a eu un avantage géopolitique : l’Algérie est
encadrée par 2 pays musulmans récemment indépendants et acquis à la cause indépendantiste algérienne, le
Maroc et la Tunisie. Et le FLN va utiliser ces 2 atouts.
Le FLN regroupe à la frontière des armes qui ont transité par l’Égypte à partir des pays de l’Est et des pays
amis, britaniques et américains.
Des troupes, des régiment entiers, des divisions sont aussi regroupés aux frontières. Ces troupes sont très
bien armées, portent un uniforme et peuvent s’entraîner. Cette armée des frontières est en attente de passer
sur le sol algérien ou en attente d’un dénouement où il y aurait un déferlement des arm ées sur l’Algérie.
Il y a donc 2 armées : l’armée de l’intérieur, des maquisards, des Moudjahidins mal armée et mal équipée et
l’armée des frontières, plus nombreuse et plus armée.
Il y a des incursions incessantes venant du Maroc et de la Tunisie. Puis les nationalistes repartent s’y
réfugier.
Les militaires français rendent les frontières étanches : c’est la ligne Morice (André Morice est ministre de
la Défense en 1957)
La largeur de ces barrages peut faire
plusieurs kilomètres en largeur. Ils sont
parcourus par un courant de 5 000 volts
À l’ouest stationnent surtout des katibas
(compagnies légères)
Les troupes sont beaucoup plus
nombreuses du côté tunisien : il y a des
bataillons et des compagnies.
Bouclage de la frontière algéro-tunisienne
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La construction assez rapide de ces barrages fut un coup majeur porté au FLN. Pour lui, il est vital de rompre
ces barrages. Des batailles très coûteuses en hommes surtout du côté du FLN car les moyens sont
disproportionnés.
Parmi elles la bataille de Souk-Ahras du 28 avril au 3 mai 1958 qui mit 639 hommes hors de combat du
côté du FLN.
Il y a disproportion dans le nombre d’hommes : le rapport est de 1 contre 10 et dans les
moyens : ces unités affrontent l'équivalent de cinq régiments parachutistes.
Les Français ont des hélicoptères (23), une artillerie que le FLN n’a pas.
la bataille de souk ahras.wmv - YouTube
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Les barrages existeront jusqu’en 1962 mais la bataille des frontières comprend un épisode capital qui a servi
de contexte à mai 58 et au retour de de Gaulle.
Le 8 février 1958, l’aviation militaire française pilonne le village
tunisien de Sakiet Sidi Youssef situé pas très loin de la frontière et où
l’on avait signalé un dépôt d’armes et la présence de militaires du
FLN.
Ce pilonnage fait 69 à 90 morts, presque uniquement des civils dont
des enfants. Il a un effet dévastateur sur le plan international car la
France a bombardé un pays étranger indépendant. La commission
internationale qui est venue enquêter n’a rien trouvé. L’affaire de Sakiet va faire le tour du monde, avec
enquêtes, journalistes étrangers…
Sur le plan intérieur : Félix Gaillard a rempacé Bourgès- Monoury en 1957.
Félix Gaillard , jeune radical-socialiste (38 ans), très brillant est très ennuyé par l’affaire de Sakiet
(l’armée aurait pris l’initiative sans en référer au gouvernement)
Le 17 février, Félix Gaillard est obligé d’accepter une médiation anglo-américaine. Il reçoit les
représentants de l’Angleterre et des États-Unis dans sa propriété de Barbezieux dans les
Charentes, ce qui est très humiliant pour les Français car cette médiation est une pression pour condamner
cette affaire de Sakiet et par là même la guerre d’Algérie et la façon dont la France la mène.
En acceptant cette médiation, Félix Gaillard suscite l’hostilité des militaires et des partisans de l’Algérie
Française.
Félix Gaillard est renversé le 15 avril.
Le président de la République, René Coty, ne peut pas réunir de gouvernement pendant un mois.
Le 14 mai, à 2 heures du matin, Pierre Pflimlin est investi comme président du Conseil. C’est
un conciliateur dans la guerre. Sa désignation est mal considérée en Algérie.
Déjà, quelques jours auparavant, on craint qu’il ne soit investi.
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Le 13 mai, en raison des bruits qui courent sur sa désignation, le général Massu accepte, sous la
pression de ces groupuscules qui se sont créés peu à peu, accepte de présider un Comité de Salut
Public. Aussitôt, il réclame qu’un gouvernement soit présidé par de Gaulle.
Le général Salan le lendemain est investi des pleins pouvoirs civils et militaires par le
gouvernement Pflimlin .
L’armée se tient prête à intervenir en métropole éventuellement car cette prise de pouvoir par Massu et Salan
est pleine d’ambiguité car elle est illégale mais on ne sait pas si c’est une action qui se prépare pour Alger,
pour l’Algérie ou pour l’ensemble de la France, Algérie et métropole. Dans leur entouragage, il y a des gens
qui pensent que le pouvoir doit être pris au niveau national.
Le 29 mai, le président Coty propose à de Gaulle la présidence du Conseil qu’il accepte. À partir de ce
moment-là, le versant illégal du coup du 13 mai va retrouver une légalité puisque de Gaulle est investi
comme Président du Conseil par l’Assemblée nationale par 323 voix sur 553.
Le 1er juin, de Gaulle devient Président du Conseil. Il félicite Massu, il confirme Salan et annonce
aux députés son désir de faire une nouvelle constitution et pour cela de faire un référendum.
Le référendum sur la nouvelle constitution aura lieu le 28 septembre 1958 est accepté
par 82% des Français.
Aussitôt après le référendum, de Gaulle demande aux militaires de quitter les Comités de Salut Public. Tous
les officiers ayant participé au 13 mai sont déplacés. Salan lui-même est rappelé fin 58, appelé à d’autres
fonctions.
De Gaulle décide de séparer très nettement le pouvoir civil représenté par Paul
Delouvrier, délégué général du Gouvernement, et le pouvoir militaire confié à
Maurice Challe, commandant en chef interarmées.
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