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Le Vol du Papillon
ou
la Clé des Songes
de
Stéphane KNEUBUHLER
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
13 rue Madame de Vannoz 54000 Nancy Tél : 03.83.44.53.53 / 06.88.60.03.48
[email protected] / www.colporteurdereves.com
PERSONNAGES
MORPHÉE, un petit garçon qui n’aime rien tant que rêver
ENDYMION, un chevalier courageux hanté par le rêve d’une belle
HYPNOS, un magicien emplumé, gardien des rêves
NYX, une méchante sorcière, vieille empêcheuse de rêver en rond
SÉLÉNÉ, une princesse de rêve, éblouissante lune rousse
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
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PREMIER ACTE
Noir (ou rideau).
Musique, un air de flûte.
VOIX OFF : Il était une fois, au commencement du commencement des temps…
Les lumières s’allument créant une ambiance tamisée, permettant de découvrir le
décor.
Sur le côté gauche de la scène (du point de vue des spectateurs, donc à jardin) se
trouve un arbre feuillu étendant ses branches rayonnantes au-dessus d’un tronc
noueux. Dans la ramure, partiellement dissimulé, un gros soleil jaune sourit et éclaire
tout autour de lui.
A droite (à cour) une souche orpheline, tendant une unique branche horizontale
vers le centre de la scène, est encore plongée dans l’ombre.
Un petit garçon est adossé à l’arbre de gauche, en train de dormir.
VOIX OFF : …un garçon qui s’appelait Morphée.
Sur la tête de Morphée un papillon bat des ailes et s’envole. Il papillonne sur les
notes de musique avant de disparaître dans le noir.
La musique s’arrête ensuite, tandis que Morphée se réveille doucement et s’étire en
baillant.
Dans le ciel, le soleil traverse lentement la scène (de jardin à cour) et vient
illuminer (pleins feux) un gros hibou perché sur la branche de la souche.
Le volatile dodeline de sa tête dodue.
MORPHÉE : Aaaah ! Le soleil est déjà levé, il est l’heure de se réveiller. (En se
levant) C’est pourtant bien agréable de passer son temps à dormir. Et surtout à rêver !
Quand on dort, on oublie tout. On oublie le monde, et les soucis. Et on rêve. Ah, si
seulement la vie pouvait n’être qu’un long rêve. Enfin, puisqu’il est l’heure, levonsnous, pour notre malheur, mettons-nous debout.
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HYPNOS : Hou ! hou ! caillou ! chou !
Morphée, surpris, sursaute et aperçoit le hibou de l’autre côté de la scène. Il
s’avance vers lui.
MORPHÉE : Oh ! Ben, ça alors ! Qui êtes-vous ?
HYPNOS : Hou ! hou ! genou, joujou… hibou ! Bonjour Morphée.
MORPHÉE : Bonjour. Vous me connaissez ?
HYPNOS : Hou ! hou ! Bien sûr, je te connais. Je me nomme Hypnos, je suis le
gardien du sommeil. C’est moi qui veille quand tout le monde dort. Je te regardais
pendant que tu rêvais.
MORPHÉE : Ah, chouette !
HYPNOS : Hibou ! hibou ! hou ! hou ! Je suis un hibou, pas une chouette.
MORPHÉE : Oui, oui, d’accord. Excuse-moi, inutile de faire le grand-duc. Mais,
dis-moi, qu’est-ce qu’un vieil hibou comme toi vient faire par ici ?
HYPNOS : Les hiboux ne sont pas toujours ce que l’on pense, tu sais. Je suis un
peu magicien, en vérité.
MORPHÉE : Un magicien !
HYPNOS : Hou ! hou ! oui.
MORPHÉE : Ça alors ! Un hibou-magicien ! Si on m’avait dit qu’un jour je
rencontrerais un hibou-magicien…
HYPNOS : J’ai besoin de ton aide, Morphée. Et c’est pour cela que je suis venu te
trouver. Il faut que tu viennes à mon secours. Je te demande ça comme un service de
magicien à magicien.
MORPHÉE : Mais attends, tu fais erreur. Moi, je ne suis pas magicien.
HYPNOS : Oh ! tu es un rêveur, un grand rêveur même ! Tu es donc aussi
magicien, à ta manière. Il n’y a pas de plus grand rêveur que toi sur cette terre,
Morphée, et c’est pourquoi tu dois m’aider.
MORPHÉE : Je veux bien, mais qu’est-ce qu’il faut faire ?
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HYPNOS : Ecoute. Une grande catastrophe est en train de se produire, Morphée.
Partout dans le monde, les hommes tombent malades : ils n’arrivent plus à rêver.
Hommes ou femmes, garçons ou filles, personnes âgées ou petits enfants, tous ils
disent la même chose : ils n’arrivent plus à se rappeler de leurs rêves. Ils en est même
qui prétendent ne plus rêver du tout ! Hou ! hou ! Ou si par hasard, ils se souviennent
de leurs rêves, et bien ils se dépêchent de les oublier pour faire comme les autres, pour
ne pas être remarqués.
MORPHÉE : C’est vrai que j’entends souvent les gens dire ça, qu’ils oublient leurs
rêves. Mais, qu’est-ce que ça signifie ? C’est grave ?
HYPNOS : Oui, Morphée. Ça veut dire que les rêves sont en train de mourir… Il se
passe quelque chose de terrible au pays des rêves qui les fait tous disparaître.
MORPHÉE : Le pays des rêves ?
HYPNOS : Hou ! hou ! oui. Tu ne le connais pas ?
MORPHÉE : Non. Qu’est-ce que c’est ?
HYPNOS : Ne t’es-tu jamais demandé d’où viennent les rêves ? Hou ! ou bien où
ils vont quand on les a rêvés et qu’on ne dort plus ? Ils continuent d’exister dans un
pays merveilleux, un pays imaginaire…
MORPHÉE : Le pays des rêves !
HYPNOS : Oui, Morphée. Le pays des rêves. Et je crains que ce pays ne soit sous le
coup d’un grand malheur.
MORPHÉE : Mais, dis-moi Hypnos, que va-t-il se passer si tous les rêves
disparaissent ?
HYPNOS : Alors ce sera terrible. Les hommes cesseront d’être heureux, pour
toujours.
MORPHÉE : Pourquoi ?
HYPNOS : Sais-tu à quoi ça sert les rêves ? Ça sert à vivre. A mieux vivre. Les
rêves sont comme des pierres précieuses que l’on a au fond du coeur et qui nous
éclairent de mille reflets, comme une petite lumière intérieure. Retire cette lumière aux
hommes, et ils deviendront des êtres sans âme et sans coeur, des lanternes vides et sans
objet, balancées par le vent dans la solitude et la folie (bruit de vent et grincements
sinistres). Hou ! hou ! Tu sais, Morphée, dans l’ancienne Egypte, au temps des
pharaons, à l’ombre des grandes pyramides, on disait que les rêves avaient été créés
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par les dieux pour indiquer la route aux hommes quand ils ne pouvaient pas voir
l’avenir. Les rêves, tout comme l’eau et la nourriture, sont indispensables à la vie. Sans
les rêves, les hommes ne peuvent pas vivre. Sans cette petite lumière intérieure, les
hommes eux aussi finiront par s’éteindre.
MORPHÉE : Brrr ! Tu me fais froid dans le dos avec tes histoires. Mais moi,
qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?
HYPNOS : Ce que tu sais faire mieux que personne : rêve, rêve Morphée, rêve !
Suis tes songes et trouve le pays des rêves. Et quand tu l’auras trouvé, tu chercheras
quelle est la cause de leur disparition.
MORPHÉE : Facile à dire, mais comment faire ? Comment trouver ce pays
merveilleux ? Où se cache-t-il ? Je n’ai ni boussole, ni carte !
HYPNOS : Pour le trouver, rien de plus simple : il te suffit de t’endormir. Et quand
un rêve viendra, eh bien, tu le suivras. Et ce rêve te mènera jusqu’à ce pays magique.
MORPHÉE : Suivre mon rêve ?
HYPNOS : Oui. Tu verras, c’est facile. Quand on sait comment les regarder, il est
possible de voir les rêves. C’est un secret que je te dévoile : les rêves sont comme des
petits papillons multicolores qui volent gaiement sur le souffle de la nuit.
MORPHÉE : Des papillons ?
HYPNOS : Oui. Les rêves sont des papillons, les rêves sont les papillons de l’âme.
Suis les papillons, Morphée. Suis les ! Ils te guideront.
MORPHÉE : D’accord. Je veux bien essayer. Il serait vraiment trop triste que les
hommes ne puissent plus rêver.
Morphée se dirige au pied de l’arbre qu’il vient de quitter, et s’installe pour
dormir.
Le soleil retraverse le ciel (de cour à jardin) pour s’installer à l’abri des branches,
au-dessus du petit garçon, comme au tout début.
Basculement de lumière (lumière tamisée).
Morphée se met à ronfler.
Noir (ou rideau).
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DEUXIEME ACTE
Musique, un air de flûte.
La lumière se rallume doucement (lumière tamisée).
Le décor est le même.
Morphée n’a pas bougé et dort toujours contre l’arbre, à jardin.
Un papillon (le même qu’au début du premier acte) apparaît, danse dans l’air sur
la mélodie, et vient finalement se poser sur la tête du garçon.
L’air de flûte se modifie et après quelques mesures une chanson vient accompagner
ce nouvel air que l’on appellera : “ l’air du chevalier ”. Le son se fait de plus en plus
fort comme si le chanteur se rapprochait. D’ailleurs, celui-ci ne tarde guère à
apparaître en fond de scène : c’est un preux chevalier tout d’armure revêtu.
La musique cesse avant la fin du chant.
ENDYMION (chantant) : J’étais perdu, l’âme égarée
Dans les champs de la solitude,
Mon coeur pleurait de trop saigner,
Il se mourait de lassitude.
Un vent soudain me l’a portée
Brûlante comme une flamme,
Sur mon coeur qu’elle a ranimé,
Sa voix qui berce mon âme.
J’avais croisé son chemin,
Mais le destin pour me punir
D’avoir respiré son parfum
Voulait mon esprit assombrir.
Elle m’a soigné de son amour,
C’était un baume de jusquiame
Qui dans mon coeur coule toujours,
Sa voix qui berce mon âme.
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Je prie pour cette belle étoile,
Qui de mes nuits est le soleil.
Pour elle je hisse la blanche voile
D’un avenir sans pareil.
Du malheur je veux la libérer,
C’est son bonheur que j’acclame,
Je ne veux pas l’entendre pleurer,
Sa voix qui berce mon âme.
Pendant la chanson, Morphée s’est réveillé et s’est assis pour écouter le chevalier.
Le papillon est resté sur la tête du garçon, comme endormi.
MORPHÉE : C’est la voix de qui ?
ENDYMION (surpris, tire son épée, zébrant l’air devant lui prêt à pourfendre
l’importun. Plongé dans sa rêverie, il n’a pas vu Morphée.) : Ah, qui a parlé ? Qui va
là ? Maraud, montre-toi que je te pourfende dans le sens de la longueur ! Sors de là,
démon cornu, que je t’embroche ! Troubler ma chanson ! Avance un peu, dragon
écailleux, cracheur de feu, monstre visqueux ! Viens te battre si t’es un homme !
MORPHÉE (se levant et s’avançant) : Bonjour, seigneur. Je m’appelle Morphée.
ENDYMION : Bonjour, mon garçon. Mon nom est Endymion. Dis-moi, je cherche
une horrible créature qui vient d’interrompre ma chanson. Tu l’as peut-être vue ? Elle
vient tout juste de fuir. Il doit s’agir d’un troll ou d’un ogre, peut-être même d’un
dragon !
MORPHÉE : Mais non, c’est juste moi qui ai posé une question.
ENDYMION : Mais tu n’es qu’un petit garçon ! (Après un temps, se rendant
compte qu’il n’y a finalement pas de monstre, Endymion remet son épée au fourreau.)
Que fais-tu là, je ne pensais pas rencontrer quelqu’un par ici.
MORPHÉE : Je ne faisais que me reposer un peu au pied de cet arbre, en attendant
de rêver. Quel beau chant vous avez pour cheminer sous le ciel étoilé. A qui l’avezvous dédié ?
ENDYMION : A celle que j’aime.
MORPHÉE : Elle doit être bien belle pour vous avoir ainsi inspiré.
ENDYMION : Plus belle encore que tu ne crois.
MORPHÉE : Et quel est son nom ?
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ENDYMION : Et bien, à vrai dire, je ne le connais pas.
MORPHÉE : Comment se fait-il ?
ENDYMION : Parce que je ne l’ai jamais vue que dans mes rêves.
MORPHÉE : Dans vos rêves ! Ainsi, vous aussi vous êtes rêveur, seigneur.
ENDYMION : Oui. Pour mon malheur, hélas. Chaque nuit que Dieu fait, vois-tu, je
fais le même rêve. Encore et toujours le même rêve. Nuit après nuit, une créature plus
belle que le jour, plus resplendissante que le soleil vient me visiter, et se penche sur
moi pour murmurer à mon oreille des mots qui coulent comme un ruisseau d’été. Et je
l’aime. Et depuis la première fois où je l’ai vue, depuis la première nuit, je ne cesse de
penser à elle. Je suis à la recherche de cette belle dame, pour la trouver. C’est une
longue quête…
MORPHÉE : Mais, comment comptez-vous faire ? Vous dites que c’est un rêve. Si
c’est un rêve, cette belle dame n’existe pas réellement ! Vous ne pourrez jamais la
trouver.
ENDYMION : C’est ce que j’avais tout d’abord cru, moi aussi. Qu’elle n’était
qu’un rêve sans consistance. Que j’étais tombé amoureux d’une chimère. Et qu’il me
valait mieux l’oublier. Mais un beau jour, vois-tu, j’ai réussi à obtenir une preuve de
son existence. Et c’est pourquoi maintenant je sais qu’elle existe, qu’elle existe
vraiment. Voilà pourquoi depuis je parcours le monde à sa recherche.
MORPHÉE : Une preuve de son existence ?
ENDYMION : Oui. Et une preuve bien réelle. C’est mon bien le plus précieux. Qui
vaut plus que tout l’or du monde. Je veux bien te le montrer, mais auparavant, il faut
que je te raconte mon rêve, si tu le veux ?
MORPHÉE : Oh, oui ! Il n’est rien que je n’aime plus que les rêves.
ENDYMION : Alors, installe-toi là, et écoute.
Morphée va s’asseoir au pied de l’arbre.
La lumière, déjà tamisée, décline d’avantage et c’est la nuit (la scène est plongée
dans la pénombre).
Musique, l’air du chevalier, en sourdine.
Pendant qu’Endymion raconte, il revit devant nos yeux le récit de cette nuit, dans la
pénombre, comme dans un rêve.
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ENDYMION : C’était par une sombre nuit d’hiver, une de ces nuits où le monde
entier semble un peu triste… Le ciel était pur et froid, et les étoiles brillaient au-dessus
de moi. J’avais ressenti l’envie d’être seul, et un peu plus tôt dans la journée, je
m’étais aventuré dans la forêt pour y chasser. Mais je m’y étais par mégarde un peu
trop avancé, et j’avais fini par m’y perdre. Je ne reconnaissais pas l’endroit où je me
trouvais. Alors que la nuit tombait j’avisai une grotte pour m’y abriter dans l’espoir
d’y trouver un peu de repos en attendant le jour. Je commençais à somnoler quand
soudain une lumière apparut dans le ciel.
Le ciel blanchit au-dessus d’Endymion, illuminé par une lumière argentée, dont la
source reste cachée.
ENDYMION : C’était comme si de l’argent fondu tombait des étoiles et coulait à
brillantes gouttes dans le creuset mélancolique de ma caverne. Alors je sortis de mon
refuge de pierre, et je la vis.
Dans le ciel, apparaît en guise de lune le visage d’une magnifique jeune femme, la
peau plus blanche que la neige, aux cheveux de feu retenus par un bandeau d’argent.
C’est le visage de Séléné.
ENDYMION : Elle était si belle qu’au début je n’osais même pas bouger. J’étais là,
à la regarder, comme pétrifié par tant de beauté et par l’élan que je ressentais au fond
de mon coeur et qui brusquement me submergeait. Je brûlais d’un amour fou, d’un
amour absolu et sans limites. Et puis, petit à petit, comme un animal sauvage qu’une
main amicale apprivoise, je réussis à dompter la fougue de mes sentiments et à calmer
l’émotion qui paralysait mon âme, et je pus enfin lui parler.
MORPHÉE : Et elle, elle t’a parlé aussi ?
ENDYMION : Elle, elle fredonnait cet air…
Séléné fredonne l’air du chevalier.
ENDYMION : Et par ces notes exquises, elle me disait que chaque nuit, elle aussi
rêvait de moi. Par cette musique d’ange, elle me disait qu’elle m’aimait…
MORPHÉE : Tu disais que ce n’était pas qu’un rêve, que tu avais eu une preuve de
son existence ?
ENDYMION : J’y viens, j’y viens. J’étais tellement amoureux de cette belle
apparition que je ne voulais plus la quitter. Je ne désirais plus que rêver d’elle. Alors je
passais tout mon temps à dormir, puisque c’était le seul moyen que j’avais de la
retrouver. Ainsi, chaque nuit, chaque jour, elle venait me visiter. Je ne faisais plus rien
de mes journées que sommeiller, rends-toi compte ! Le temps a passé, j’étais devenu
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un grand dormeur, un grand rêveur. Mais malgré tout, il me manquait encore quelque
chose. Mon amour se retrouvait entravé par un manque indéfinissable et je me
languissais sans en connaître la raison. Je souffrais d’un mal mystérieux, comme une
pointe enfoncée dans mon coeur. Un jour, je compris ce qui me manquait : la belle
passait son temps à me regarder de là-haut, toujours accrochée dans les étoiles, se
promenant dans le ciel et je ne pouvais pas la prendre dans mes bras. Je me
désespérais. Un beau jour, j’eus une idée : je lui ai demandé, pour me faire plaisir, de
dénouer ses cheveux.
La jeune femme dans le ciel, dénoue ses cheveux, qui tombent en une cascade
mordorée jusqu’à la hauteur d’Endymion.
Pendant qu’il récite le poème, le chevalier tend une main prudente vers la
flamboyante chevelure, et arrache délicatement un fil d’or rouge. Séléné se penche un
peu vers lui, et il l’embrasse doucement.
ENDYMION :
L’or en ses cheveux c’est un rêve d’automne,
Promenade romantique dans un bois d’amaranthe,
Elle embaume l’air d’un parfum de cinnamome,
Je la ressens, je l’aime, je la désire, aimante.
L’or en son visage c’est Dieu qui sourit.
Les anges quand elle approche font mine de s’affairer,
Quand elle est là, ce n’est plus Dieu que l’on prie,
Mais le Tout-Puissant s’en fiche, il vient l’admirer.
L’or en sa peau c’est la neige des cimes,
Une mousse claire et profonde, un velours,
Un contact discret, tendre et léger, intime,
Le délicat pétale d’une belle-de-jour.
L’or en ses cheveux c’est le feu dont je brûle,
Elle hante mon sommeil, aimable fantôme,
C’est elle que j’attend quand arrive le crépuscule,
Sa chevelure corail, le rouge de son royaume.
SÉLÉNÉ : Chevalier, beau chevalier, viendras-tu un jour me retrouver ?
ENDYMION : Je ferai tout pour vous rejoindre, mais comment faire ?
La jeune femme s’éloigne peu à peu dans le ciel.
Endymion tend ses bras vers elle pour la retenir, en vain.
SÉLÉNÉ : Je suis prisonnière… captive d’une sorcière…
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ENDYMION : Je viendrai vous délivrer ! Mais où êtes-vous ?
Séléné a juste le temps de répondre avant de disparaître.
SÉLÉNÉ : Au pays des rêves…
Derrière elle, ne reste qu’une rémanence argenté dans le bleu-nuit du ciel.
Puis, la lumière argentée disparaît à son tour, c’est la fin du rêve d’Endymion.
La lumière se rallume, tamisée.
Morphée se lève et avance vers le chevalier qui tire quelque chose de son
pourpoint.
ENDYMION : Et voilà comment je cueillis un rayon de lune.
Il tend devant lui un cheveu cuivré, que Morphée vient admirer.
ENDYMION : Voici la preuve de son existence, Morphée. Son cheveu de feu que
depuis je garde sur mon coeur. Et depuis cette nuit, je sais qu’elle n’est pas une
illusion, mais que quelque part sur cette terre, au pays des rêves, dort et attend mon
tendre amour. Il me faut la délivrer. Ne me reste plus qu’à trouver le pays en question.
MORPHÉE : Ça alors ! moi aussi je suis à la recherche du pays des rêves.
ENDYMION : Curieuse coïncidence. Ce n’est peut-être pas un hasard si nous nous
rencontrons…
MORPHÉE : Oui, mais hélas, je ne sais pas trop comment faire pour trouver ce
mystérieux pays. Un vieux magicien emplumé m’a dit qu’il suffisait de suivre les
papillons, mais c’est plus facile à dire qu’à faire : il faudrait déjà qu’il y en ait, des
papillons, pour qu’on les suive !
ENDYMION : Et celui là, qui est sur ta tête ?
MORPHÉE : Sur ma tête ?
Morphée passe une main dans ses cheveux et en déloge le papillon qui déploie ses
ailes et s’envole, tournant autour des deux amis.
MORPHÉE : Oh ! D’où vient-il ? Je ne l’avais même pas senti.
ENDYMION : Eh bien, s’il faut le suivre, suivons-le. Il va nous montrer le chemin.
MORPHÉE : On y va ensemble ?
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ENDYMION : Pourquoi pas ? Puisqu’on cherche la même chose. On pourra se tenir
compagnie. Et j’aurai quelqu’un à qui chanter ma chanson !
MORPHÉE : D’accord. Alors, en route !
Morphée et Endymion suivent le papillon qui s’éloigne, alors que le chevalier
reprend sa chanson.
Noir progressif (ou rideau).
ENDYMION (chantant) : Je prie pour cette belle étoile,
Qui de mes nuits est le soleil.
Pour elle je hisse la blanche voile
D’un avenir sans pareil.
Du malheur je veux la libérer,
C’est son bonheur que j’acclame,
Je ne veux pas l’entendre pleurer,
Sa voix qui berce mon âme.
Elle est l’amour que j’attendais,
Mon espoir le plus secret.
Souvenir que je n’oublierai jamais,
Une émeraude dans un coffret,
Je l’emporterai dans la tombe.
Si l’heure dernière me réclame,
J’irai bercé par ma colombe,
Sa voix qui berce mon âme.
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Page 13
TROISIEME ACTE
Dans le ciel, le soleil décrit une longue courbe qui le mène d’un côté à l’autre de la
scène. Il est suivi par la lune.
Puis les deux astres retraversent dans l’autre sens, et ce plusieurs fois de suite,
marquant ainsi le passage des jours pendant la voix off.
VOIX OFF : Et le chevalier et le petit garçon parcoururent le monde à la recherche
du pays des rêves. Ils marchèrent longtemps sans s’arrêter, l’un chantant son amour,
l’autre racontant ses rêves. Ils étaient devenus bons amis, tous deux menés par le vol
d’un papillon qui les conduisait loin, plus loin, toujours plus loin. Les jours et les nuits
se relayèrent, se succédant sans fin… Jusqu’à ce qu’un beau jour…
Lumière tamisée.
Les hautes herbes d’une prairie verdoyante occupent maintenant la scène. Au
centre du paysage, une petite colline.
Le papillon multicolore que suivent Morphée et Endymion apparaît à jardin et vient
se poser dans l’herbe, battant des ailes. De l’autre côté de la colline survient un
deuxième papillon, virevoltant gaiement dans l’air.
Morphée et Endymion, quand ils l’aperçoivent par dessus le monticule herbeux,
s’arrêtent pour le regarder, se parlant à voix basse.
MORPHÉE : Oh, regarde, là-bas !
ENDYMION : Un autre papillon ! Est-ce que nous serions enfin arrivé à destination ?
MORPHÉE : Tu veux dire que… que nous sommes au pays des rêves ?
Derrière le papillon qui vient d’apparaître, surgit une vieille femme bossue, vêtue
de gris et de noir, aux longs cheveux corbeau, au nez crochu, qui approche sur la
pointe des pieds.
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Elle tient dans sa main une longue branche tordue au bout de laquelle pend un filet
de grosses mailles. A ses côtés pend en bandoulière une gibecière de cuir…
NYX : Eh, éh, éh… Doucement, prudemment, lentement. Viens un peu par ici, petit
chenapan. Viens voir grand-maman.
La vieille sorcière grimpe avec une prudente lenteur la colline et abat d’un coup
son filet sur le papillon qui se retrouve alors prisonnier.
MORPHÉE : Oh ! Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle l’a capturé ! C’est un filet à papillon !
ENDYMION : Attends, Morphée. Attends. Ne bouge pas encore. Si nous voulons
savoir ce qui se passe ici, regardons et observons. Ensuite seulement, nous agirons.
Nyx s’agenouille près du papillon prisonnier. Elle glisse une main sous le filet et en
retire l’insecte, puis elle cherche dans son sac une grande boîte plate, où sont déjà
épinglés une vingtaine de papillons.
Elle y accroche satisfaite, sa nouvelle prise.
NYX : Eh, éh, éh… Et un de plus pour ma collection. Bientôt, il ne restera plus un
seul rêve de libre, et je serai la reine de la nuit !
Endymion, à ces mots, se relève.
ENDYMION : Ne bouge pas Morphée. Je vais aller causer à cette mégère.
Il se précipite vers le haut de la colline, brandissant son épée.
ENDYMION : Ainsi, c’est toi maudite sorcière qui capture les papillons et empêche
les hommes de rêver ! Avec ton filet tu t’empares des rêves pour les épingler ! Et je
suppose aussi que c’est toi qui retient la belle je j’aime… Mais tu ne vas pas t’en tirer
ainsi ! Libère ma bien-aimée !
NYX : Qu’est-ce que c’est que ça ? Une boîte de conserve qui parle ?
ENDYMION : Je me nomme Endymion, et je suis chevalier. Rends les rêves à qui
ils appartiennent, et tu ne goutteras pas de mon épée. Mais si tu refuses, tu vas le
regretter.
NYX : Ah, ah, ah, ah ! Misérable avorton, tu ne sais pas à qui tu parles. On me
nomme Nyx, la terrible. Tu veux me provoquer, mais c’est toi qui va le regretter !
Nyx retire le filet de son bâton noueux et brandit celui-ci comme une épée de bois.
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NYX : Viens un peu tâter de mon bois, tu verras comme il chauffe !
ENDYMION : Par mon amour et ma foi, je te ferai rendre l’arme.
S’ensuit un duel épique entre Nyx la sorcière et Endymion le chevalier.
Les coups pleuvent et s’échangent dans un grand tumulte, suite de feintes, de
parades et de contre-attaques. Les deux combattants rivalisent d’astuces et de
dextérité, l’un aussi fort que l’autre.
Mais en fin de compte, c’est Nyx qui parvient à assommer d’un coup traître le
chevalier qui s’effondre dans un bruit de ferrailles.
Morphée, qui s’était tenu caché jusque là dans les herbes, se lève et se précipite
vers son ami inconscient.
Mais la vieille sorcière lui barre le chemin.
MORPHÉE : Endymion, non !
NYX : Ah, tiens, tiens ! Qu’est-ce que je vois ? La boîte de conserve fanfaronne
avait un compagnon.
MORPHÉE : Qu’est-ce que vous lui avez fait ?
NYX : Je l’ai renvoyé à ses études ce petit chevalier trop plein de certitudes. Et toi,
que vais-je faire de toi ? A quelle sauce vais-je t’accommoder ?
MORPHÉE : Je ne suis pas à manger, espèce de vilaine vieille bonne femme
détestable, puante et méchante ! Pourquoi faites-vous tout cela ? Pourquoi capturezvous ainsi les rêves avec votre filet à papillon ? Vieille empêcheuse de rêver en rond !
NYX : Après la violence viennent les insultes. Dis donc, petit malappris qui t’a
permis de me parler ainsi ?
MORPHÉE : Vous ne croyez tout de même pas qu’on va vous laisser détruire les
rêves sans rien faire, non !
NYX : Et qui va m’en empêcher ? Toi ? Lui ? Ah, ah, ah, laisse-moi rire…
MORPHÉE : Avez-vous pensé à ce qui risque d’arriver ? Que va devenir le monde
si vous empêchez les papillons de voler ?
NYX : Je m’en contrefiche. Il n’y a pas de raison que les autres rêvent quand moi je
ne puis que faire des cauchemars. Je ne sais par rêver, je n’ai jamais su. Et je ne pouvais
plus supporter le bonheur de ceux qui en étaient capables. Le bonheur me sortait par les
trous de nez. Voilà pourquoi j’ai décidé de mettre tout le monde à égalité ! L’égalité,
quelle plus noble aspiration !
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MORPHÉE : Oui, à la condition du respect de la liberté, et non de la prison. Vous
ne pouvez pas rêver, rien d’étonnant à ce que vous soyez si méchante alors.
NYX : Quand il n’y aura plus de rêve dans le monde, les hommes ne sauront plus
quoi faire de leurs nuits, alors moi, je deviendrai leur guide. Je régnerai sur eux grâce
aux cauchemars que je leur enverrai. Je serai le maître du monde, la reine de la nuit…
Ils tourneront et se retourneront dans leur sommeil en suppliant, en pleurant, en
gémissant, en pleurnichant, en appelant de toutes leurs forces l’heure du réveil. Mais il
sera trop tard.
MORPHÉE : Non ! Je vous en empêcherai !
NYX : Ah, oui ? et comment ?
Nyx glisse la main dans son sac de cuir et en tire une poudre magique qu’elle jette
sur Morphée. Celui-ci se met à éternuer un grand coup avant de s’effondrer tout
endormi.
NYX : Te voilà plongé dans le monde des cauchemars. Comment comptes-tu
m’arrêter maintenant ? Hi, hi, hi, hi, hi… Fais de mauvais rêves !
La vieille sorcière replonge la main dans sa sacoche à malice, en tire une brosse de
crin et transforme son bâton en balai.
Elle l’enfourche et s’envole dans le ciel avec un rire sinistre.
Noir (ou rideau).
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QUATRIEME ACTE
Sifflement du vent et grincements sinistres, craquements inquiétants et battements
d’ailes lugubres.
La lumière s’allume lentement.
Le décor a changé. Un écran translucide éclairé par l’arrière, où se projettent des
ombres, a maintenant remplacé la colline herbue.
Le pays des cauchemars est un théâtre d’ombres chinoises.
De part et d’autre de l’écran, des silhouettes griffues d’arbres ténébreux entourent
de leurs menaces la silhouette de Morphée toute tremblante.
Apparaissent une à une des formes effrayantes de monstres tordus qui volent avec
des bruits d’épouvante autour du garçon apeuré. Les créatures : des araignées, des
cafards, des guêpes, des vers et d’autres choses moins identifiables viennent danser
leur ronde macabre avant de s’assembler les unes sur les autres en un tas immonde et
grouillant, qui prend peu à peu la forme d’un énorme masque terrifiant.
Morphée a peur, mais les ombres sont partout.
MORPHÉE : Au secours ! A l’aide ! Ah ! j’ai peur ! Que va-t-il m’arriver ici ?
Comment faire pour m’en sortir ?
Arrive alors la silhouette d’un hibou, qui plane au-dessus de Morphée, avant de se
poser à ses côtés.
HYPNOS : Hou ! hou ! Bonjour Morphée.
MORPHÉE : Hypnos ! Vieille branche ! Que fais-tu ici ?
HYPNOS : J’ai entendu ton appel, et je viens t’aider. Tu as de la chance, je suis un
oiseau de nuit, et j’ai pu me glisser au royaume de Nyx sans que personne ne me voit.
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MORPHÉE : Cette affreuse sorcière m’a jeté une poudre magique et me voilà
transporté au pays des cauchemars. C’est effrayant toutes ces créatures qui grouillent,
rampent, volent et se rassemblent. J’ai peur, et je ne sais pas quoi faire…
HYPNOS : Il faut lutter contre ces cauchemars, Morphée. Hou ! hou ! Nyx a de
grands pouvoirs, c’est une puissante sorcière, mais elle n’est pas invincible.
MORPHÉE : Pourtant elle a fait plier Endymion, mon ami chevalier.
HYPNOS : C’est parce qu’il s’y était mal pris. La violence ne résout pas tout, hou !
hou ! et les mots sont souvent plus acérés que la plus pointue des épées. Il aurait dû
réfléchir avant d’agir.
Les créatures, pendant ce temps, continuent à se rassembler et la tête immense qui
se forme ouvre une bouche garnie de dents avides, prête à manger tout ce qui lui
tombera dans le gosier, prête à dévorer Morphée.
MORPHÉE (reculant devant le monstre affamé) : Si tu sais comment faire, dis-le
moi vite avant qu’il ne soit trop tard !
HYPNOS : Pour lutter contre la peur, le meilleur moyen est encore de chanter.
MORPHÉE : Chanter ?
HYPNOS : Hou ! hou ! oui, Morphée. Et si tu réussis à surmonter ta peur, tu te
rendras compte que tes cauchemars ne sont en fait pas si terribles que ça. La peur
t’empêche de voir clair et déforme ce que tu vois. Chante, chante pour faire reculer ta
peur, c’est la meilleure magie qui soit.
MORPHÉE : Mais chanter quoi ?
HYPNOS : Peu importe. Invente et tu verras.
Morphée se met à chanter, tout d’abord d’une voix hésitante, en reculant devant
l’horrible tête. Puis au fur et à mesure qu’il prend confiance, sa voix se raffermit, et il
chante avec plus d’aplomb.
Il marche alors sur le monstre.
Le visage terrifiant qui avait avancé vers une proie tout d’abord facile, recule
progressivement et se met à trembler de plus en plus fort. Le monstre se fissure enfin
avec un craquement sonore, libérant les formes abominables qui le composaient et qui
s’éloignent pour échapper au chant.
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MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
LES OMBRES
La nuit la peur nous guette
Les fantômes nous embêtent
Les monstres sous le lit
Se sont tous réunis
MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
LES OMBRES
Les vilaines sorcières
Toutes sales de poussières
Cachées dans les placards
Attendent le père fouettard
MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
LES OMBRES
Les araignées velues
Dans leurs toiles tendues
Et le croque-mitaine
Sifflent la même rengaine
MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
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LES OMBRES
Les ombres du plafond
Ressemblent à des dragons
Et le vent dans les branches
Annonce une nuit blanche
MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
Toutes les créatures ont disparu. Seuls demeurent Morphée et Hypnos.
MORPHÉE : Ça a marché ! Ça a marché ! Je n’ai plus peur et les cauchemars sont
partis !
HYPNOS : Je te l’avais bien dit que toi aussi, tu étais magicien.
MORPHÉE : C’est vrai. Merci de ton aide, Hypnos. Maintenant je sais comment
affronter mes peurs. Fini les cauchemars ! Mais il y a encore un petit problème,
Endymion est toujours prisonnier, il me faut sortir d’ici.
HYPNOS : Ce n’est pas bien difficile, je connais le chemin. Suis-moi.
Hypnos s’envole et vient se placer au-dessus de Morphée. Le garçon lui agrippe les
pattes et le hibou l’emporte dans le ciel.
Leurs deux ombres confondues en forment une nouvelle : la silhouette d’un grand
papillon.
MORPHÉE : Ouah ! Je vole, je vole ! Je suis un papillon !
HYPNOS : On est tous le papillon de quelqu’un, Morphée. Tous.
Les deux amis disparaissent dans le ciel.
Le vent se lève.
Noir (ou rideau).
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DERNIER ACTE
Le décor est de nouveau celui du pays des rêves.
Sur le haut de la colline, Endymion est épinglé dans une grosse boîte, comme un
papillon. Devant lui, en train de le contempler, Nyx se frotte les mains.
NYX : Eh, éh, éh… Alors mon beau chevalier, tout d’armure caparaçonné. Es-tu
prêt à devenir mon esclave ?
ENDYMION : Jamais. Plutôt mourir que de vous servir.
NYX : Les grands mots, toujours les grands mots… Mais je m’attendais à ce que tu
me dises cela, aussi ai-je préparé une petite surprise à ton intention, éh, éh, éh…
ENDYMION : Une surprise ?
NYX : Oui, tiens… regarde.
Nyx farfouille dans son grand sac, et en tire une boîte contenant un magnifique
papillon d’argent qui brille de l’éclat d’un pur diamant.
Elle tend la boîte pour la montrer au chevalier.
NYX : Alors, ça ne te rappelle rien ? Tu ne la reconnais pas ?
ENDYMION : Non ! Ce papillon…Vous voulez dire que… ce papillon, c’est elle !
C’est la femme que j’aime ! C’est la dame de mes rêves !
NYX : Oui, c’est elle. C’est Séléné, la belle et adorable Séléné.
ENDYMION : Séléné… Elle s’appelle Séléné…
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NYX : J’ai bien envie de tremper cet insecte dans un bain bouillonnant de bave de
larves de crapaud et de morve moisie de mouffiasse d’égout, rien que pour avoir le
plaisir de flétrir la soyeuse parure de ses ailes… Qu’en dis-tu ?
ENDYMION : Non !
NYX : Ou peut-être que je vais tout simplement lui arracher les ailes une à une…
ENDYMION : Non !
Nyx s’apprête à mettre ses menaces à exécution…
Un coup de vent hurlant, et Hypnos arrive en volant, portant Morphée dans ses
serres. Il se pose non loin de Nyx.
Morphée descend à terre et court vers la sorcière.
MORPHÉE : Arrête, vieille moche ! Je suis revenu pour t’empêcher de nuire.
NYX : Toi ! Ici ! Comment as-tu fait pour t’échapper du pays des cauchemars ?
HYPNOS : Je l’ai un peu aidé…
NYX : De quoi te mêles-tu, vieil emplumé.
MORPHÉE : C’est trop tard, Nyx. Tais-toi et libère les papillons. Détache aussi
Endymion.
NYX : Tu es bien présomptueux, jeune homme, pour me donner des ordres. Ce
n’est pas parce que tu as vaincu quelques petits cauchemars que tu peux me tenir tête !
Misérable avorton, microbe, je vais te dévorer sans plus tarder.
Nyx s’approche de Morphée avec un air menaçant, levant les bras vers le ciel, en
poussant des hurlements à glacer le sang, en une danse macabre.
MORPHÉE : Tu ne me fais plus peur, vilaine sorcière.
NYX : C’est ce qu’on va voir !
Elle s’avance en se dandinant, et Morphée recule devant l’épouvantable
épouvantail qui s’approche.
MORPHÉE : La chanson, il faut que je chante la chanson… (se tournant vers les
spectateurs) Mais j’ai besoin de votre aide, il faut que vous chantiez avec moi ! Tout
seul, je n’y arriverai pas !
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NYX
La nuit la peur nous guette
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Se sont tous réunis
MORPHÉE
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Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
NYX
Les vilaines sorcières
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Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
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NYX
Les ombres du plafond
Ressemblent à des dragons
Et le vent dans les branches
Annonce une nuit blanche
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MORPHÉE
Je chante dans le noir pour chasser mes cauchemars
Pour ne plus être froussard, pour crier ma victoire
Je chante dans le noir pour retrouver l’espoir
Je chante tous les soirs : je ne suis plus trouillard
Pendant la chanson, Morphée réussit à faire reculer Nyx qui chante de moins en
moins fort, et qui se met à trembler. Au dernier couplet, elle tombe à genoux, pleurant
la tête dans les mains.
NYX : Mes pouvoirs, mes pouvoirs ! J’ai perdu mes pouvoirs !
MORPHÉE : C’est fini. Plus personne n’aura peur de toi désormais. Tu n’effrayeras
plus ni les enfants ni les vieillards avec tes cauchemars. C’en est fini Nyx, retourne
dans ton pays. Tu n’as plus rien à faire ici.
Nyx, la tête basse, monte sur son balai, s’envole et disparaît.
NYX : Je reviendrai !
Morphée court détacher Endymion puis libère les papillons épinglés dans la grosse
boîte.
Les insectes s’envolent gaiement, dansant un féerique ballet tournoyant autour de
la colline avant de se disperser, sous le regard enchanté des trois amis.
Endymion s’empare alors de la boîte où se trouve le papillon d’argent, et lui rend
sa liberté.
Au moment où il s’envole, apparaît dans le ciel la belle femme du rêve du chevalier.
ENDYMION : Séléné !
Le papillon s’envole jusqu’à elle, et se pose dans ses cheveux.
SÉLÉNÉ : Mon amour, mon bel amour… Enfin tu es là, près de moi…
Endymion tend les bras, Séléné tend les siens et la magie de l’amour fait que les
deux amants se rejoignent et s’enlacent dans le ciel.
Après un temps, Endymion se retourne pour parler à Morphée.
ENDYMION : Mon ami, nos chemins qui se sont croisés doivent désormais se
séparer. Nos aventures sont finies, et je peux maintenant tenir dans mes bras celle que
j’aime. Et ce, grâce à toi… Mais il faut que je te quitte…
MORPHÉE : Bah ! ce n’est rien. Pars, mon ami. Je sais que tu es heureux,
maintenant que ton rêve s’est réalisé.
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ENDYMION : Adieu, Morphée.
SÉLÉNÉ : Au revoir, Morphée.
Séléné et Endymion disparaissent ensemble derrière la colline.
Morphée leur fait un signe de la main. Il semble songeur.
HYPNOS : Ne sois pas triste, Morphée. Tu reverras ton ami, ne t’inquiète pas. Il ne
sera jamais très loin… Chaque nuit, il sera là dans les bras de sa bien-aimée. Chaque
fois que tu regarderas la lune dans le ciel, tu pourras voir le visage d’Endymion s’y
dessiner. Ils sont tous les deux réunis pour l’éternité…
MORPHÉE : Ce n’est pas ce qui me préoccupe, Hypnos. Ce qui m’inquiète, ce sont
les paroles de Nyx, qui a dit qu’elle reviendrait.
HYPNOS : Tu as raison, cette vieille mégère est bien capable de tenir sa promesse.
Hypnos réfléchit un instant, puis sait comment remédier à ce problème.
HYPNOS : Dis-moi Morphée, tu m’as dit la première fois qu’on s’est rencontré que
rien ne te plaisait plus que de rêver.
MORPHÉE : Oui.
HYPNOS : Alors que dirais-tu de rester ici, au pays des rêves, et d’en devenir le
gardien. Comme ça, si jamais Nyx osait reparaître, tu pourrais l’empêcher de capturer
les rêves des autres. Hou ! hou ! Oui, que dirais-tu de devenir le gardien des songes ?
MORPHÉE : C’est vrai, je pourrais vraiment rester ici ?
HYPNOS : Parole de hibou.
MORPHÉE : Chouette alors !
HYPNOS : De temps en temps, je reviendrai te rendre visite, et je te raconterai des
histoires de la terre.
MORPHÉE : Merci, mon ami. Merci pour tout. A bientôt.
Hypnos déploie ses ailes et s’envole.
Morphée s’adosse à la colline, et baille aux corneilles.
MORPHÉE : Ce n’est pas tout, mais ces aventures m’ont un peu fatigué. Je crois
que j’ai du sommeil en retard, et des rêves en attente…
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Et Morphée s’endort doucement.
Un papillon apparaît, et danse gracieusement avant de finir par se poser sur la tête
de Morphée.
La lumière s’éteint progressivement pendant la voix off.
VOIX OFF : Et il en est ainsi depuis le commencement du commencement des
temps. La lutte entre la sorcière et le petit garçon dure depuis toujours, l’une envoyant
ses cauchemars, l’autre l’empêchant de voler les rêves. Ainsi va l’univers, entre rêves
et cauchemars. L’univers vaste, infini, qui abrite en son sein des galaxies, des étoiles et
des comètes vagabondes. L’univers infiniment grand, et infiniment petit. Cet univers
qui est la vie. Cet univers imprévisible… Les scientifiques et les savants parlent de
chaos pour exprimer ce qu’ils ne peuvent prévoir, ce qu’ils n’arrivent pas à mettre en
équations… Car l’univers n’est pas mathématique, et quand les savants sont dépassés,
qu’ils ne comprennent plus comment marche le monde, quand les calculs ne veulent
plus rien dire, et bien les savants deviennent poètes, par la force des choses, et ils se
mettent à rêver, ils regardent le ciel et ils admirent la lune. Parce qu’ils ne savent pas
de quoi demain sera fait, pas plus que toi, pas plus que moi. Ils appellent cela l’effet
papillon. L’univers a beau être vaste et infini, peuplé d’étoiles et de galaxies, il sera
toujours sujet à l’influence des papillons.
Noir (ou rideau).
VOIX OFF : Faites de beaux rêves.
FIN.
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