Reportage - Pigeonneaux Turlo

Transcription

Reportage - Pigeonneaux Turlo
RELÈVE
Voler de
ses propres ailes
Rhéa Loranger et Nicolas Turcotte, deux jeunes éleveurs,
se sont donné comme mission de redonner ses lettres de
noblesse au pigeon de chair. Pas une mince tâche que de
redorer le blason de ce volatile, plutôt considéré comme
une nuisance publique!
JULIE MERCIER
PHOTO : J ULIE MERCIER/TCN.
Nicolas Turcotte et Rhéa Loranger, propriétaires de la ferme d’élevage
Pigeonneaux Turlo, sont particulièrement fiers de leur génétique, « la seule du
genre en Amérique du Nord », souligne Nicolas. Leurs pigeons sont des hybrides F3
importés directement de France. Là-bas, l’élevage de pigeon n’a rien d’exotique
comme au Québec. « C’est aussi reconnu que le porc ici », affirme Nicolas.
Vous voulez
du foin?
Renouvelez votre abonnement dès la réception du premier avis et vous serez
admissible à notre tirage du mois :
• 500 $ sera remis parmi les réabonnements de trois ans
• 100 $ sera remis parmi les réabonnements d’un an et deux ans
Surveillez votre courrier
Vous pourriez devenir l’abonné hâtif du mois!
* Règlements du concours disponibles à La Terre de chez nous et au www.laterre.ca
PAGE 12 - LA TERRE DE CHEZ NOUS, 12 AVRIL 2007
SAINT-GERVAIS – Avant de concrétiser leur projet, les deux
amoureux ont dû faire face aux sarcasmes. « J’ai fait rire de moi avec
mon
histoire
de
pigeons.
Aujourd’hui, beaucoup de gens
voudraient être à ma place », lance
Rhéa. Son histoire d’amour avec l’agriculture a débuté par une inscription sur un coup de tête en Gestion et
exploitation d’entreprise agricole au
cégep de Lévis-Lauzon. Pour sa part,
Nicolas a découvert l’agriculture sur
la ferme de son oncle où il a commencé à travailler dès l’âge de 12
ans.
Après avoir visionné un reportage
sur l’élevage du pigeon, Rhéa décide
d’en faire son métier. « Ça m’a pogné
au cœur ! » se rappelle-t-elle. Alors
étudiante, elle communique avec
Carol Lebel, propriétaire de la ferme
Pigeons de Bellechasse. La jeune
femme se paye aussi un stage de perfectionnement en France.
En novembre 2004, après une
longue bataille pour trouver du
financement et un diplôme tout
chaud en poche, Rhéa et son copain
rachètent les animaux et les
équipements de M. Lebel et s’installent en location à Frampton, en
Beauce. Depuis juin 2006, les deux
amoureux sont établis sur « une vraie
ferme », la leur. Leur pigeonnier
moderne de deux étages compte une
trentaine de volières. Chacune est
habitée par 25 mâles et 25 femelles. «
C’est comme un village. Les mâles et
les femelles vont se cruiser, former
un couple, puis se magasiner une
maison », illustre Rhéa. La maison en
question est en fait un jumelé, composé de deux nids de carton que les
parents pigeons tapissent de paille.
De 17 à 18 jours plus tard, c’est l’éclosion des œufs. À la sortie de l’œuf,
la taille des pigeonneaux dépasse à
peine celle de la dernière phalange
du pouce. Durant les premiers jours,
les parents se relaient dans le nid
pour couver leur petit et l’alimenter
avec le lait de jabot, une substance
riche en protéines que les parents
régurgitent dans le bec de leur
pigeonneau. Lorsque leur premier
rejeton atteint l’âge de 15 jours, la
pigeonne pond un deuxième œuf
dans le nid voisin. Le pigeon exige
une régie serrée. Deux fois par
semaine, Rhéa survole les parquets
et vérifie chacun des quelque 1400
nids. « Ça demande de la patience,
mais
ce
sont
des
animaux
attachants », avoue la jeune femme
de 22 ans. En plus de 700 couples de
pigeons, la ferme comprend 100 truies
naisseurs-finisseurs,
une
érablière de 1500 entailles et 49
hectares de terre. Rhéa s’occupe du
pigeonnier, tandis que Nicolas se
consacre à la porcherie.
Microsociété
Le comportement du pigeon
ressemble étrangement à celui de
l’homme. Chez les pigeons, les couples sont formés pour la vie. De plus,
les parents se séparent les tâches
ménagères. « Les deux travaillent. Le
matin, la femelle s’occupe des petits.
L’après-midi, c’est au tour du mâle.
Pendant ce temps, la femelle va se
promener, elle va faire son social »,
décrit Rhéa. Entre 28 et 35 jours, les
pigeonneaux atteignent le stade d’abattage. Ils présentent l’apparence
d’un adulte, mais ne volent pas
encore. « Ils volettent. Le muscle ne
se développe pas et la viande est
hypertendre. Ça se coupe à la
fourchette », témoigne l’éleveuse.
Cette chaire rouge est particulièrement prisée des grands chefs. « C’est
un produit de luxe. Tu ne vends pas
ça à l’épicerie », précise Nicolas.
De l’élevage jusque dans
la cuisine du chef
Tous les mercredis, environ 150
oiseaux partent pour l’abattoir
Pouliot de Saint-Henri. Rhéa prépare
elle-même ses boîtes puis prend la
route pour livrer sa précieuse cargaison chez ses clients de Québec et des
alentours. Le reste est livré par autobus. « On tripe à vendre notre viande,
à développer notre marché », soutient la jeune femme. Le pigeonneau
Turlo se retrouve sur les meilleures
tables de la province, du Laurie
Raphaël au Toqué!, en passant par
l’Institut de tourisme et d’hôtellerie
du Québec. « Pour les chefs, le lien
direct avec l’éleveur est important »,
confie Rhéa. Nicolas et elle apprécient également ce contact privilégié. « On se doit d’offrir un produit de qualité chaque semaine »,
insiste la jeune entrepreneure. La
ferme d’élevage des Pigeonneaux
Turlo met en marché environ 8000
pigeonneaux par année. Rhéa et
Nicolas souhaitent doubler leur production d’ici 2010.