les ménages canadiens sont plus endettés que les
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les ménages canadiens sont plus endettés que les
COMMENTAIRE Services économiques TD 16 juillet 2013 LES MÉNAGES CANADIENS SONT PLUS ENDETTÉS QUE LES MÉNAGES AMÉRICAINS, MAIS UNIQUEMENT PAR SUITE DU RÉCENT DÉSENDETTEMENT AUX ÉTATS-UNIS Faits saillants • On utilise souvent les statistiques sur la dette et les revenus publiées au Canada et aux États-Unis pour calculer le ratio d’endettement des ménages par rapport au revenu disponible. Au Canada, le chiffre le plus fréquemment cité dans les médias s’établit à un niveau record de 162 %. Aux ÉtatsUnis, le ratio le plus couramment mentionné a atteint un plafond de 163 %, pour ensuite retomber à 140 % dans la foulée de l’effondrement du marché immobilier et du désendettement des consommateurs. • Cependant, les statistiques les plus fréquemment citées sur l’endettement au Canada et aux ÉtatsUnis ne sont pas directement comparables, car les méthodes utilisées pour calculer la dette et les revenus ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, quand on calcule le montant du revenu dont disposent les ménages pour rembourser leurs dettes, il faut également tenir compte des différences qui existent dans la façon dont les soins de santé sont financés au Canada et aux États-Unis. • Après ajustement pour rendre ces mesures plus comparables, le ratio d’endettement au Canada glisse à 156 %, en regard du pic de 177 % atteint aux États-Unis juste avant la récession et du niveau où il se situe actuellement, soit 152 %. Cela signifie que si les ménages canadiens sont toujours très endettés, quand on compare des pommes avec des pommes, ils le sont moins que ne l’étaient les ménages américains avant la crise financière et le ratio d’endettement est à peu près le même, compte tenu du récent désendettement aux États-Unis. Même si les ménages canadiens ont récemment réussi à ralentir leur taux d’emprunt, le niveau d’endettement continue d’être préoccupant. En effet, bien des analystes continuent de souligner à grands traits le fait que le ratio moyen d’endettement des ménages canadiens a dépassé le pic atteint TABLEAU 1 : RATIO DE LA DETTE DES MÉNAGES CANADIENS PAR RAPPORT aux États-Unis juste avant la crise financière de AU REVENU DISPONIBLE (%) Canada États-Unis 2008-2009. Si on sait qu’il ne faut pas trop se 2007 Chiffres actuels 2007 Chiffres actuels fier à une seule mesure, la même chose est vraie des comparaisons entre pays, car les méthodes Mesureclassique 138 163 162 140 utilisées pour compiler les données diffèrent de (présentéeparlesbureauxdestatistiques) Aprèsajustementautitredesdivergences part et d’autre de la frontière. entrelesméthodesdecalculauCanadaet 126 151 163 140 Nous allons nous pencher ici sur certaines auxÉtats-Unis des principales différences entre la façon dont (comparercequiestcomparable) le niveau d’endettement est calculé aux États- Exclusiondesdépensesdesoinsdesanté 131 156 177 152 Unis et au Canada et tenter d’apporter les payéesdirectementparlesménagesdu revenudisponible ajustements qui s’imposent pour pallier ces divergences méthodologiques. Ce processus Sources:StatistiqueCanada,Réservefédérale,BureauofEconomicAnalysis Diana Petramala, économiste, 416-982-6420 Services économiques TD | www.td.com/economics GRAPHIQUE 1 : ENDETTEMENT DES MÉNAGES Ratiodette-revenuavantimpôts,enpourcentage 160 140 120 100 80 60 40 États-Unis Canada 20 0 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources:StatistiqueCanada,Réservefédérale,BureauofEconomicAnalysis nous amènera à conclure, encore une fois, que les ménages canadiens sont plus endettés que ne le sont les ménages américains, mais seulement par suite du douloureux processus de désendettement auquel ces derniers ont été soumis. Autrement dit, le niveau moyen d’endettement des ménages canadiens après ajustement semble se maintenir nettement en deçà du sommet atteint avant la récession aux États-Unis. D’autres mesures – dont le caractère abordable du crédit – font également en sorte que les finances des ménages canadiens apparaissent sous un meilleur jour. La façon classique de mesurer l’endettement des ménages Au Canada, les statistiques sur la dette et le revenu sont calculées par Statistique Canada, tandis qu’aux États-Unis, les données sur le revenu sont fournies par le U.S. Bureau of Economic Analysis (BEA), et les statistiques sur la dette, par la Réserve fédérale. La dette utilisée pour calculer le ratio d’endettement est liée au marché du crédit, ce qui comprend les prêts hypothécaires, les cartes de crédit, les marges de crédit personnelles et les programmes de prêt. Pour établir les revenus le dénominateur du ratio – on utilise parfois le total des revenus d’emploi et de placement immobilier (voir le graphique 1). Cette méthode de calcul laisse croire que les Canadiens sont beaucoup moins endettés que ne le sont ou ne l’ont été les ménages américains par le passé. Toutefois, la façon classique d’établir les données de référence consiste à utiliser le revenu après impôt, aussi appelé revenu disponible, parce que la capacité des ménages à rembourser leurs dettes est fonction du revenu dont ils disposent 16 juillet 2013 pour dépenser ou épargner, déduction faite des impôts et des autres dépenses inévitables. Le recours au revenu disponible permet aussi de mieux comparer les ménages canadiens et américains parce qu’en raison du régime fiscal différent des États-Unis, notamment le fait que l’impôt des particuliers est moins élevé et que les frais d’intérêt hypothécaires sont déductibles, les ménages américains peuvent détenir plus de dettes par rapport à leur revenu avant impôt que les ménages canadiens. Le graphique 2 montre l’évolution de la mesure la plus fréquemment utilisée par les différents bureaux de statistiques. Sur cette base, l’endettement des ménages canadiens aurait atteint le pic qu’ont connu les ménages américains avant la récession. Compte tenu du processus de désendettement, le ratio aux États-Unis est de 140 %, soit de 20 points de pourcentage inférieur à ce qu’il est au Canada. Rendre les mesures plus comparables Le graphique 2 peut sembler alarmant, car il laisse sousentendre que les ménages canadiens devront procéder à un désendettement majeur. Il serait cependant préférable de ne pas se fier uniquement aux chiffres publiés pour faire des comparaisons. D’une part, les événements qui se sont produits aux États-Unis depuis 2009 ne découlent pas uniquement d’un endettement excessif. En effet, le haut degré de risque sous-jacent lié aux pratiques de crédit aux États-Unis (qui n’étaient pas employées par les banques canadiennes) a aussi eu un rôle à jouer. D’autre part, d’autres facteurs économiques justifient ces ajustements, notamment la détérioration de la conjoncture financière mondiale. Plus important encore, les mesures habituelles du ratio GRAPHIQUE 2 : RATIO DETTE-REVENU DISPONIBLE DES MÉNAGES Enpourcentage,selonlesbureauxdestatistiquedesÉtats-UnisetduCanada 180 160 140 120 100 80 60 États-Unis 40 Canada 20 0 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources:StatistiqueCanada,Réservefédérale,BureauofEconomicAnalysis *AuxÉtats-Unis,leménages'entenddesménages,desentreprisesindividuellesetdesorganismessans butlucratif.AuCanada,leménagen'inclutpaslesorganismessansbutlucratif. 2 Services économiques TD | www.td.com/economics GRAPHIQUE 3 : ENDETTEMENT DES MÉNAGES Ratiodette-revenudisponibledesménages,enpourcentage 180 160 140 120 100 80 60 États-Unis 40 Canada 20 0 1990 1992 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2008 2010 2012 Sources:StatistiqueCanada,BanqueduCanada,FederalReserveBoard *Laméthodecanadienneestajustéepourcorrespondreàlaméthodeaméricaine d’endettement des ménages ne sont pas directement comparables. Statistique Canada propose une méthode de calcul du ratio de la dette par rapport au revenu disponible des ménages canadiens qui se compare mieux à la réalité américaine. Ce document peut être consulté à l’adresse : http://www. statcan.gc.ca/pub/13-605-x/2012005/article/11748-fra.htm. Dans son analyse, Statistique Canada apporte des ajustements importants au calcul de la dette et du revenu disponible dans chaque pays. Tout d’abord, on exclut du calcul les intérêts payés sur les prêts non hypothécaires des ménages canadiens pour la raison que ces ménages sont dans l’obligation d’effectuer leurs remboursements mensuels, ce qui réduit le montant du revenu disponible restant à la fin du mois. Étant donné qu’aux États-Unis, les intérêts non hypothécaires ne sont pas exclus du calcul, il faut donc les ajouter au revenu disponible des ménages canadiens, ce qui a pour effet d’abaisser leur taux d’endettement. Ensuite, le calcul du ratio de la dette par rapport au revenu disponible des ménages américains tient compte de la dette accumulée et du revenu gagné tant par les ménages que par les entreprises individuelles (non constituées en société) et les organismes sans but lucratif au service des ménages (c.-à-d. les écoles, les hôpitaux et les centres de loisirs communautaires qui ne sont pas financés par l’État). La statistique canadienne comprend, elle aussi, les entreprises individuelles, mais pas les organismes sans but lucratif, dont les dettes et les revenus sont présentés séparément. Comme on ne dispose pas des données nécessaires pour exclure ce secteur des calculs aux États-Unis, la solution consiste à ajouter les dettes et les revenus des organismes sans but lucratif aux données canadiennes. Ce n’est pas idéal, car 16 juillet 2013 le fait de les exclure donnerait une mesure plus juste de l’endettement des ménages. Comme les organismes sans but lucratif sont généralement moins endettés que les ménages et les entreprises individuelles, tant aux États-Unis qu’au Canada, le fait de les inclure dans les calculs réduit le ratio de la dette par rapport au revenu disponible de part et d’autre de la frontière. C’est particulièrement vrai aux États-Unis, où les organismes sans but lucratif sont généralement beaucoup plus importants et peuvent présenter une structure différente. La prise en compte de ces différences dans la manière dont on définit la dette et le revenu disponible abaisse le ratio canadien de 10 points de pourcentage (voir le graphique 3). Selon cette mesure ajustée, le ratio dette-revenu des ménages canadiens a dépassé celui des ménages américains, mais seulement par suite du processus de désendettement qu’a connu l’économie américaine. Le ratio de la dette par rapport au revenu disponible des ménages canadiens est encore inférieur de 10 points de pourcentage au sommet atteint par le ratio américain avant la crise de 2008-2009. Comptabilisation des dépenses de santé Même une fois qu’on a apporté les ajustements nécessaires pour corriger certains des principaux écarts méthodologiques, le débat subsiste quant à ce qu’on considère être le revenu disponible. En effet, on peut facilement soutenir que la plupart des dépenses de santé ne sont pas discrétionnaires et qu’elles devraient être en totalité incluses dans le ratio dette-revenu. Il ne fait pas de doute que les Canadiens paient plus d’impôts, ce qui leur laisse moins de revenus après impôt. Cependant, ces impôts plus élevés GRAPHIQUE 4 : ENDETTEMENT DES MÉNAGES 250 Enpourcentage,enexcluantdurevenudisponiblelesdépensesdesantédesménages 200 150 100 50 0 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources:StatistiqueCanada,Réservefédérale,BureauofEconomicAnalysis 3 Services économiques TD | www.td.com/economics GRAPHIQUE 5 : ENDETTEMENT DES MÉNAGES Ratiodette-revenudisponibledesménages,moinslessoinsdesantépayésdirectement parlesménages,enpourcentage 200 180 160 140 120 100 États-Unis 80 Canada 60 40 20 0 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources:StatistiqueCanada,Réservefédérale,BureauofEconomicAnalysis *PourlesÉtats-Unis,lestransfertsdeMedicaidetMedicareetlesprestationsd'assurance-maladieversées auxménagessontdéduitsdesdépensesdesanté. permettent au gouvernement de financer des programmes sociaux comme les soins de santé. Les ménages canadiens doivent aussi acquitter les frais de soins de santé, comme les examens annuels de la vue ou des traitements dispensés par des cliniques privées. Toutefois, les services de santé payés directement par les ménages ne représentent que 4 % de leurs revenus. Aux États-Unis, si les ménages paient moins d’impôts, ils doivent par contre payer davantage de leur propre poche pour les soins de santé. Pour ajuster la mesure du revenu disponible, certains analystes soustraient tout simplement le total des frais de soins de santé du ménage (une composante des dépenses de consommation personnelle). Le graphique 4 montre que, selon ce ratio, les ménages canadiens ont été, et sont actuellement, moins endettés que ne le sont les ménages américains. Le chiffre des dépenses de santé utilisé dans le graphique 4 pour calculer le ratio de la dette par rapport au revenu disponible surestime les coûts que les ménages américains payent réellement de leur poche. En effet, une partie des dépenses de santé présentées par le BEA comme faisant directement partie des dépenses des ménages est, en fait, financée par des programmes gouvernementaux comme Medicare et Medicaid. Si on veut mesurer correctement les coûts payés de leur propre poche par les ménages, il faut éliminer Medicaid et Medicare des dépenses de santé. L’assurance-maladie privée est un autre coût qui doit être pris en compte dans le calcul du revenu disponible. Bien qu’on ne dispose pas de données sur les primes d’assurancemaladie payées par les ménages canadiens, on peut supposer qu’elles représentent une fraction relativement peu 16 juillet 2013 importante de l’ensemble des coûts des soins de santé au Canada et que ce facteur aurait une incidence négligeable sur le calcul du ratio d’endettement des ménages. À l’inverse, aux États-Unis, l’assurance-maladie privée constitue un coût important pour bien des ménages. Heureusement, les données sont disponibles et il est possible de déduire du revenu disponible le montant net des primes d’assurancemaladie, soit les primes payées par les ménages, moins les prestations reçues. Globalement, les frais de soins de santé payés par les ménages américains représentent 8 % de leur revenu disponible, soit deux fois la proportion établie pour les ménages canadiens. Le graphique 4 montre comment le niveau sensiblement plus élevé des dépenses de santé privées que les ménages américains payent de leur poche influe sur la comparaison des niveaux d’endettement, ce qui ressemble beaucoup à la situation décrite au graphique 2. Autres mesures La comparaison des niveaux d’endettement au Canada et aux États-Unis est certainement utile pour évaluer les risques liés à l’endettement des ménages. Cependant, comme nous l’avons dit dans des rapports précédents, le ratio d’endettement des ménages n’est pas un indicateur infaillible de la santé financière globale des ménages. Il faut tenir compte d’autres mesures, dont certaines indiquent que les ménages canadiens sont en meilleure posture. Par exemple, ceux-ci profitent de taux d’intérêt inférieurs à ceux qui étaient offerts aux ménages américains en 2007, ce qui a maintenu un coût d’emprunt beaucoup plus faible pour les ménages canadiens. Comme on le voit au graphique 6, les % GRAPHIQUE 6 : PAIEMENTS D'INTÉRÊTS HYPOTHÉCAIRES EN POURCENTAGE DU REVENU DISPONIBLE 8 7 6 5 4 3 Canada 2 États-Unis 1 0 1990 1996 2002 2008 Sources:StatistiqueCanada,FederalReserveBoard 4 Services économiques TD | www.td.com/economics GRAPHIQUE 7 : VALEUR NETTE IMMOBILIÈRE EN POURCENTAGE DU BIEN IMMOBILIER 80 % 70 60 En conclusion 50 40 Canada 30 États-Unis 20 10 0 1990 moins le montant de l’hypothèque) en pourcentage des biens immobiliers résidentiels. Comme l’indique le graphique 7, la valeur nette de la maison des ménages canadiens est ici encore nettement supérieure à celle des ménages américains, maintenant et avant la crise. 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources:StatistiqueCanada,Réservefédéraleaméricaine coûts liés aux prêts hypothécaires demeurent plus faibles au Canada, en dépit d’une dette plus élevée. Une autre statistique courante de l’endettement tient compte de la valeur nette immobilière (valeur de la maison Il n’est pas possible de faire une comparaison parfaitement juste entre l’endettement des ménages canadiens et américains. Cependant, après les ajustements nécessaires pour rendre ces ratios plus comparables, le ratio d’endettement des ménages au Canada demeure élevé et dépasse celui qui est actuellement observé aux États-Unis. Toutefois, les ménages canadiens semblent être beaucoup moins endettés que ne l’étaient les ménages américains avant que la situation se corse en 2008-2009. De plus, d’autres indicateurs de la situation financière des ménages comme le taux de remboursement de la dette et la valeur nette immobilière – laissent croire que les ménages canadiens se portent mieux que les ménages américains, surtout par rapport à leur situation avant la récession. Le présent rapport est fourni par les Services économiques TD. Il est produit à des fins informatives et éducatives seulement à la date de rédaction, et peut ne pas convenir à d’autres fins. Les points de vue et les opinions qui y sont exprimés peuvent changer en tout temps selon les conditions du marché ou autres, et les prévisions peuvent ne pas se réaliser. Ce rapport ne doit pas servir de source de conseils ou de recommandations de placement, ne constitue pas une sollicitation d’achat ou de vente de titres, et ne doit pas être considéré comme une source de conseils juridiques, fiscaux ou de placement précis. 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