Le Télégramme 2009 - goelette HERMINE

Transcription

Le Télégramme 2009 - goelette HERMINE
LeTélégramme.com
BRETAGNE
Port-Launay (29). Dix ans de vie pour un rêve de goélette
1 décembre 2009
Il lui a fallu plus de dix ans pour donner vie à son rêve. Dix ans au cours desquels Gérard Jézéquel a consacré le plus clair de son temps à la réalisation d'Hermine,
une goélette de près de quinze mètres. Le tout, seul et sans assistance, en plein Centre-Bretagne.
P
renez dix tonnes d'acier, une tonne de contreplaqué, quelques mètres cubes de bois (en billes) et une centaine de
litres de peinture. Ajoutez-y une bonne dose de patience, une polyvalence à toute épreuve et un indispensable grain de
folie. Prévoyez large, car le temps de préparation est long: «Entre 15.000 et 20.000heures», soit «une dizaine d'années
de travail à un régime très soutenu». Cette recette, c'est Gérard Jézéquel qui l'a concoctée. Elle lui a permis de donner
vie à Hermine, une goélette de 14,75mètres au pont (18 mètres hors tout) pour un déplacement de 25tonnes. Le tout,
seul et sans aucune aide extérieure (financière ou technique).
«Hemañ ?vo martolod!»
Près de quinze ans après s'être lancé dans cette aventure hors du commun, Gérard explique, tranquillement installé à
la barre de son bateau, «ne pas être du genre à douter.Quand je veux faire quelque chose, je me donne les moyens d'y
arriver». Hermine en est la preuve. Rien ne prédestinait pourtant ce natif de Berrien, petite commune du
Centre-Bretagne, à un tel ouvrage. Fils d'ouvriers et petit-fils d'agriculteurs, il ne découvre les côtes bretonnes que
«vers quatre ou cinq ans». «D'où me vient cette passion pour la mer? Je ne me l'explique pas. Mais tout petit déjà, à
me voir jouer avec mes bateaux, les gens du village disaient:?Hemañ ?vo martolod!?, ?Celui-ci sera marin! ?». Il
deviendra... sapeur-pompier, à Paris, où il servira pendant plus de trente ans. Mais sa passion pour la mer reste bien ancrée, et «(ses) quelques navigations estivalesne (lui)
suffisent pas».
Brest 92, le «déclic»
Tout part, en fait, d'une virée aux fêtes maritimes de Brest 92, et son armada de vieilles coques en bois. Là, il se dit que lui aussi, un jour, aura «ça». Mais comme il ne pourra
«jamais se l'offrir», il se met en tête «de le construire». Tout simplement. Dès lors, l'idée ne le quitte plus, le bouscule en pleine nuit. Il «potasse quelques bouquins» et sait, dès
1994, quel type d'embarcationil veut. Ce sera une goélette aurique. Il ébauche les premiers plans- «des dessins au 1/10eavec énormément de calculs à faire» -, jusqu'à obtenir
«le» plan original. En 1996, l'heure de la retraite venue, il se lance dans les travaux. Seul, au beau milieu des monts d'Arrée. Jocelyne, sa femme, n'est pas «convaincue,
convaincue...». Très vite, le terrain familial d'Huelgoat prend des allures de chantier naval (lire ci-dessous).
Sceptiques, ses amis le «prennent pour un fou». Quelques mois plus tard, ils se raviseront. Car s'il s'était «donné des points pour arrêter», il ira jusqu'au bout.
«Si je m'étais trompé dans les calculs»
Le 29avril 2008, posée sur une remorque et escortée par les gendarmes, Hermine quitte enfin son berceau d'Huelgoat pour rejoindre les eaux de Port-Launay. «La mise à l'eau,
ça a été l'instant de vérité». Le seul «moment d'angoissede toute cette aventure». L'argent investi, les heures sacrifiées, la possibilité d'un rêve englouti: les images défilent alors
qu'Hermine, suspendue au bout d'un bras de grue, se rapproche de la surface. «Si je m'étais trompé dans les calculs, le bateau aurait pu être sur le nez, sur le cul, gîter d'un côté
ou de l'autre, ou même couler...». Il n'en fera rien. «Bien dans ses lignes», Hermine se pose, majestueuse, sur l'Aulne. Les premiers essais au moteur, puis à la voile, confirmeront
la justesse des calculs de son concepteur. Dès lors, ce dernier ne couchera «jamais plus dans (sa) maison d'Huelgoat». Aujourd'hui libre comme le vent, celui que certaines
personnes prennent pour «un milliardaire» ou «unaffabulateur» rêve de grands et beaux voyages. Vers quelle destination? «Ce sera le Sud», se contente-t-il de répondre. Nul
doute qu'il ira loin...
Thierry Dilasser
Tags : Mer Plaisance hermine gerard jezequel port-launay berrien construction bateau goelette huelgoat
© Copyright Le Télégramme 2009